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mercredi 31 décembre 2014

Beaux moments 2014 de littérature française

Cinq très beaux romans français parus en cette rentrée. Et selon la formule, j'aimerais presque ne pas les avoir encore lus, pour pouvoir encore les découvrir.


Jean-Marie Chevrier
"Madame"
Albin Michel, 200 pages

Madame est veuve, Madame est solitaire, Madame est extravagante, Madame ressemble à un épouvantail, Madame habite un château dans la Creuse, Madame a jeté son dévolu sur Guillaume, le fils unique de ses fermiers. Madame a tout pour qu'on se détourne d'elle. Pourtant, on ne le fait pas car on perçoit immédiatement dans ce magnifique roman de Jean-Marie Chevrier que la façade cache de profondes blessures. Que le cœur de Madame bat. Qu'il a encore l'espoir d'aimer malgré tous les chagrins déjà endurés. De sa superbe écriture, toute en élégance, le romancier nous donne à connaître la relation entre Madame de la Villonière et celui qu'elle a rebaptisé Willy, bientôt 14 ans. L'ado est fasciné par la vieille excentrique. La "châtelaine" a trouvé en lui quelque chose qu'elle n'avouera que bien plus tard.

Roman passionnant et hors du temps que "Madame". "Aujourd'hui", me dit Jean-Marie Chevrier, "le roman est en relation directe avec le fait de société. Je voulais me démarquer de cela, installer dans un espace décalé et hors du temps une histoire romanesque foisonnante".

Madame donne cours à Willy les journées du mercredi et du dimanche. Grammaire, langue française, lecture, algèbre, mais aussi chasse aux ragondins et réfection des clôtures. Leurs rendez-vous nous les font mieux connaître. Madame avec sa longue robe noire d'un autre temps, mais aussi sa Renault Frégate Grand Pavois 1956, ses Gauloises, son carnet de moleskine, son couteau laguiole et ses nombreux verres de vins fins. Willy qui a l'âge de devenir un rebelle mais qui accepte que sa mère le lave, que Madame le convoque. Sans doute parce que cette dernière l'intéresse au-delà de ses bizarreries, notamment dans les relations qu'elle a nouées avec son personnel ou dans son passé. A sa façon, il mène son enquête sur sa propriétaire.

Jean-Marie Chevrier.
"J'ai voulu aborder le rapport dominant-dominé à une époque où c'est censé ne plus avoir cours", précise le romancier, "mais il y a ici une ambiguïté. L'âge et la naissance ne donnent pas tous les droits. Un enfant de 14 ans peut dire non. Cette tranche d’âge m'intéressait. Le livre répond surtout à une envie de parler d'une forme d'extravagance. Ma fascination ne va pas à la normalité. Madame est un peu folasse. Le nœud du roman est la perte de son enfant, Corentin. Il y a un potentiel d'amour en elle. Il est là et doit forcément trouver un moyen de sortir. A portée de main, elle a ce garçon."

Petit à petit, on va découvrir Madame et son histoire pleine de deuils qui lui barrent la route. Madame hurle en silence tout au long du livre. Jean-Marie Chevrier conte cela fantastiquement comme il détaille les mondes parallèles des propriétaires et des fermiers. En même temps, il célèbre "Tintin":  "J'ai découvert le plaisir de la lecture vers 7-8 ans chez mes grands-parents qui m'ont élevé. J'avais "Tintin au pays de l'or noir". Je me souviens du plaisir que peut donner un livre. Je me suis alors dit qu'un jour j'écrirais peut-être quelque chose." Et il fait l'éloge de la poésie: "Madame aime la poésie. Moi, je cherche toujours à la réhabiliter. Quand j'ai l’occasion de glisser de la poésie, je n'hésite pas. C'est une référence essentielle." Des textes de Baudelaire apparaissent dans le roman. "Madame vient de Baudelaire, du poème "A une passante" dans "Les fleurs du mal" où il voit passer une femme", ajoute le romancier qui habite la Creuse, dentiste désormais à la retraite.

Pour lire le début de "Madame", c'est ici.

À une passante

Charles Baudelaire

La rue assourdissante autour de moi hurlait.
Longue, mince, en grand deuil, douleur majestueuse,
Une femme passa, d’une main fastueuse
Soulevant, balançant le feston et l’ourlet;

Agile et noble, avec sa jambe de statue.
Moi, je buvais, crispé comme un extravagant,
Dans son oeil, ciel livide où germe l’ouragan,
La douceur qui fascine et le plaisir qui tue.

Un éclair… puis la nuit! — Fugitive beauté
Dont le regard m’a fait soudainement renaître,
Ne te verrai-je plus que dans l’éternité?

Ailleurs, bien loin d’ici! trop tard! jamais peut-être!
Car j’ignore où tu fuis, tu ne sais où je vais,
Ô toi que j’eusse aimée, ô toi qui le savais!


Clara Dupont-Monod
"Le roi disait que j'étais diable"
Grasset, 237 pages

Clara Dupont-Monod aime écrire sur le passé ("Eova Luciole", Grasset, son premier roman en 1998) et encore plus sur le Moyen Age ("La folie du roi Marc", Grasset, 2000, "La passion selon Juette", Grasset, 2007). L'y revoici avec un beau roman, très agréable à lire, "Le roi disait que j'étais diable", son sixième livre. "J'ai fait ce livre par amour du Moyen Age", me dit la romancière. "Aliénor est la grande sœur de Juette. Il m'a demandé presque dix ans: cinq pour le penser, trois pour me documenter, deux pour l'écrire." La formule reprise en titre est due à l'évêque de Tournai et s'applique à Aliénor d'Aquitaine, au XIIe siècle. Aliénor qu'on connaît surtout comme épouse d'Henri Plantagenet, roi d'Angleterre, mais qui fut dans la première partie de sa vie l'épouse de Louis VII, roi de France oublié et fils de Philippe-Auguste. Aliénor qui, lit-on, "née fille, porte mille ans de servitude."

Clara Dupont-Monod. (c) JF Paga/Grasset.
"Les oubliés de l'Histoire sont mon sujet", rigole l'auteure qui a choisi une façon très moderne pour nous présenter son héroïne et le mari de celle-ci. On va suivre l'impétueuse et colérique Aliénor d'Aquitaine de ses noces royales en 1137 (elle a treize ans) à la deuxième Croisade en Terre Sainte et l'annulation en 1152 de son mariage, par le biais de deux voix alternées, la sienne, à la première personne, et celle de Louis VII qui s'adresse à elle à la deuxième personne. "J'ai choisi une écriture moderne", me précise Clara Dupont-Monod, "afin d'éviter l'écueil du registre universitaire en ancien français. Qu'apporte celui-ci?  Il faut réagir par rapport au roman. Les dialogues sont actuels. Mais j'ai utilisé le terme de "heaume" pour un casque parce qu'il ne faut pas être simpliste."

Surprise, le roman s'achève avec l'intervention en "je" de Raymond de Poitiers, seigneur d’Antioche, l'oncle d'Aliénor qu'il présente ainsi: "La fille la plus jolie et la moins docile de France. Elle était avec son mari, le roi, l'homme le plus dangereux d'Europe". "Les chroniqueurs de la croisade ont tout écrit sauf la semaine à Antioche", se réjouit la romancière. "Il y avait là un blanc de sept jours! Je me suis dit: chic, je peux y aller." 

"Le roi disait que j'étais diable" raconte l'itinéraire d'une femme peu commune au XIIe siècle. "Aliénor a toujours enflammé mon imagination. Elle est intransigeante mais elle vit aussi une histoire d'amour avec Louis VII pour qui la séparation a été un drame personnel. J'en ai fait quelqu'un d'anti-religieux plutôt qu'anti-foi. C'est un anachronisme. Mais son grand-père est contre l'église et le pape. Elle n'est pas la plus docile, j'ai monté cela en épingle. Aliénor est une femme de la terre. Elle a ce versant païen de la terrienne, auquel ont été sensibles mes origines cévenoles. Aliénor est dans un système très féodal. Elle n'est pas moderne, au contraire de son mari qui apparaît comme un visionnaire. Elle fait notamment interdire Bernard de Clairvaux qui a déclaré "Votre monde est en train de disparaître". Elle a un côté frondeur indocile mais elle n'est pas en avance. Elle ne comprend pas que le Moyen Age est en train de faire sa mue, ce que Louis VII a compris. Elle veut le pouvoir mais a sans arrêt des obstacles à franchir. Après ces quinze années où elle s'ennuie avec Louis VII, elle épouse Henri Plantagenet. Elle sera alors flamboyante." 

Une suite? "Je ne sais pas. Je dois voir si Aliénor la conquérante est aussi intéressante qu'Aliénor la trépignante."

Pour lire le début du roman, c'est ici.



Franck Pavloff 
"L'enfant des marges"
Albin Michel, 231 pages

Le dernier roman en date de Franck Pavloff, le magnifique et très subtil "L'enfant des marges", est à lire en écoutant la chanson de Nick Cave "Repose ici, petit Henry Lee". "J'ai écouté Nick Cave l'an dernier à Lyon", me dit l'auteur qui a vu son "Matin brun" ressortir en version illustrée (à lire ici). Dans le public se côtoyaient trois générations. En écrivant ce livre, je me suis rappelé que Nick Cave avait fait la musique des "Ailes du désir" qui se passe à Berlin avec l'ange doré à la porte de Brandebourg. Ce roman est un road-movie générationnel.  Un homme quitte sa carapace de père ayant perdu son fils dix ans plus tôt pour s'ouvrir aux autres. Il saute des murets, ceux des Cévennes où il s'est réfugié, pour aller enfin vers les autres. Pour retrouver aussi à la fin le corps de chair d'une femme."

Ioan, "un prénom du centre de l'Europe", photographe renommé, voit sa retraite volontaire dans les Cévennes interrompue par un appel téléphonique de sa belle-fille, l'épouse de son fils Simon, disparu accidentellement en mer dix ans plus tôt: Valentin, son petit-fils, s'est évanoui dans Barcelone où il s'est installé six mois plus tôt. Elle s'inquiète beaucoup et aimerait que Ioan aille y voir.

Franck Pavloff. (c) Samuel Kirszenbaum.
Le grand-père va se rendre dans la folle ville espagnole, tenter d'y pister son petit-fils. Mais les rencontres qu'il y fera vont surtout le mettre dans l'obligation de se confronter enfin à son passé et à celui de son père. Quatre générations d'hommes évoluent dans ce superbe roman. Franck Pavloff a toujours été un écrivain remarquable mais son nouveau texte frappe par sa fluidité, l'absence de virgules, sa musicalité aussi. "La fluidité du texte correspond à l'histoire", avance-t-il. "La quête de Ioan ne s'arrête pas là. Le chemin vers la quête est important. La vérité procure l'apaisement. A la fin du livre, le grand-père retrouve son petit-fils en ange doré. Ils vont se voir mais pas se parler.  Ioan lui dit de manière muette: tu es magnifique, tu es l'espoir. J'étais la désespérance. On s'est reconnus. Ioan se réinscrit dans la généalogie pour assumer son deuil. Il s'était coupé du monde."

"L'enfant des marges" est un livre sur les hommes et sur la mémoire. "Il y a beaucoup de livres de femmes sur les mères. Beaucoup moins de livres d'hommes sur les pères. Qu'est-ce qui se transmet entre les hommes?", interroge Franck Pavloff. "Ioan a manqué du regard du père, ce qui lui a occasionné des fractures. Il l'a considéré comme un traître. Ioan a choisi comme métier une activité sans êtres vivants car il a peur de regarder le monde en face. Il fait des photos de ruines, traces sur le sol, fondations en briques ou en pierres, pour permettre des relevés afin de reconstruire les villes dévastées soit par des guerres, soit par des tsunamis."

Enquêtant sur son petit-fils, Ioan parcourt la Barcelone interlope. Avec les squats de jeunes, "il me plaisait de montrer que les jeunes générations indignées, des gens brouillons, bruyants parfois, font un travail avec les quartiers", et les vieilles activistes qui n'ont pas arrêté de résister. Le romancier nous entraîne dans des lieux incroyables, où son héros trouvera des occasions de rendez-vous avec son passé et celui de son père. A la fin, le photographe rencontre un vieux brocanteur, la mémoire de Barcelone et de la guerre civile. Vasques est le sage de la ville, comme Ioan pourrait être celui des Cévennes."Lors de la guerre de 36, les staliniens ont fait des ravages. Ils étaient des anarchistes. Le père de Ioan était là-dedans. A partir de quand? La mémoire est un placard ouvert avec un tiroir caché abritant une boîte qui contient une autre boîte qui contient... Où arrêter? L'oubli est une échappée de soi."

Le grand-père de Simon se rend compte qu'il a été injuste avec son fils pour masquer son chagrin. "A Barcelone, il va effacer ce chagrin en parlant à son petit-fils. Il vit aussi une renaissance grâce à différentes femmes, Laïa et Paquita, qui polissent ses angles rugueux d'homme et de père."

"Dans mes livres, il y a toujours une partie autobiographique", reconnaît Franck Pavloff. "Ici, c'était un coup de fil de la mère de mon petit-fils: ton petit-fils a disparu à Barcelone. Mon propre père était dans les Brigades internationales en 1936. Ce livre me tend des liens avec ma propre vie. Son écriture est plus poétique, oui. Mais Ioan ressemble aux hommes de mes autres livres, il est en recherche de quelqu'un. J'ai eu plaisir à découvrir l'histoire au fur et à mesure de l'écriture. Tant que le livre n'est pas fini, il n'existe pas. Il m'a surpris sans arrêt. Nick Cave, le père, etc. Il y a eu plein de coïncidences, de surprises, d'émotions. Dans de vieilles photos de mon père qu'on croyait disparues, j'ai retrouvé des vues de Rabasa, ce vieil hôtel de luxe que je cite. Un peu plus tard, je retrouvais une photo de mon père en brigadiste. J'écrivais et mon père était là. L'écriture est la plongée dans un monde qui dépasse la mise en scène."

Et cette question que le romancier se pose en finale, et nous pose:
"Est-ce dans la marge qu'on est heureux et non en pleine page?"


Pour lire le début de "L'enfant des marges", c'est ici:



Paul Couturiau
"Allegra"
Genèse Editions, 206 pages

C'est un joli pas de deux entre présent et passé que règle Paul Couturiau dans son nouveau roman, l'excellent "Allegra", plein de vie. On y virevolte entre juillet 2014, été où Michael Drapper, professeur londonien de littérature spécialiste de Shelley et Byron, se fait larguer par sa femme Barbara qu'il néglige et priver de leur fille Alexandra, six ans, et l'été 1878 à Florence où Claire Clairmont, demi-sœur de Mary Shelley, passa ses derniers mois, consignant sa vie à destination d'Allegra, la fille décédée qu'elle avait eue avec Lord Byron, dans des carnets dont personne ne connaissait l'existence jusque-là. Rupture ou pas, le chercheur en littérature va filer en Italie, répondant positivement à l'invitation de Caroline Darcy, sa copine de bac à sable puis de fac devenue bouquiniste spécialisée en éditions rares si pas rarissimes. Ce sera pour lui aussi l'occasion de faire le point sur ses choix de vie et d'en devenir l'acteur, de cette foutue vie, quelques jours plus tard. Journées florentines et londoniennes alternent avec lecture des pages vécues plus de cent ans auparavant, croisant ces deux destins.

Paul Couturiau.
Pour qui connaît un peu l'auteur, fiction et itinéraire personnel semblent aussi faire un duo. "Pour moi, l'histoire et la fiction se sont mêlées de cette manière", me dit-il. "En 1988, les éditions du Rocher m'ont demandé de faire une nouvelle traduction de "Frankenstein", de Mary Shelley. Au départ, je n'étais pas très chaud. Y avait-il de la place pour une nouvelle traduction? Il en existait une très bonne chez Garnier. Finalement, j'ai fait cette traduction qui est aujourd'hui conseillée par l’Education nationale en France. En plus, j'ai traduit "Le dernier homme" de Mary Shelley (Folio). Je me suis véritablement pris d'affection pour cette personne et les autres femmes autour d'elle, sa mère, Marie W., féministe, sa demi-sœur, Claire Clairmont, qui n'a rien écrit sauf un journal et des lettres. Elle a une liaison avec Lord Byron, un enfant, Allegra, que Byron a voulu récupérer. Mais Claire est un être indépendant, elle deviendra gouvernante en Russie pour subvenir à ses besoins. Etre une femme libérée au XIXe siècle, ce n'est pas simple. Elle a eu une vie totalement indépendante et a inspiré le plus beau roman de Henry James, "Les papiers de Jeffrey Aspern". Je me suis passionné pour elle. Depuis longtemps, j'avais l'idée d'écrire sur Claire Clairmont. Genèse Editions a cru au projet, un livre sur un personnage inconnu qui a existé. Je dois à la vérité historique de dire que le  journal de Claire Clairmont n'est pas totalement vrai. Elle n'a jamais écrit pour sa fille mais elle a tenu son journal au jour le jour. Les citations que je lui attribue sont donc vraisemblables."

Avec ce roman, Paul Couturiau croise deux histoires, celle de Michael Drapper qui est un peu la sienne, et celle de Claire Clairmont. "Je me suis projeté dans Michael", concède-t-il. "J'avais diverses idées qui m'étaient chères, l'amour de la littérature, l'importance de réaliser ses rêves quand on les a identifiés. C'était aussi une manière de rendre plus accessible Claire Clairmont."

Mais les pères en prennent pour leur grade: "Michael a bâti sa vie en fonction de l'image de son père. Il est passé à côté de son rêve à cause de lui. Les femmes à ses côtés en seront le révélateur. Mais le roman n'est pas du tout autobiographique. Ma relation avec ma mère n'est pas idéale mais mon père est un personnage positif."

"Mary Shelley a été un précurseur. C'est une femme libre. Elle a été une journaliste très en avance sur le travail des journalistes. Les femmes se réalisent en dépit des difficultés me fascinent. Peut-être que je cherche ailleurs une image positive de la femme que je n’avais pas eue. "Allegra" n'est pas seulement un roman sur la sœur de Mary Shelley. C'est aussi un roman qui se passe à l'heure actuelle à travers un homme qui réalise qu'il a fait les mauvais choix." Il y a un parallèle entre Allegra et Alexandra. Dans un cas comme dans l’autre, l'enfant apprend à l'adulte. Allegra est à l'origine de tout. Alexandra ouvre la porte pour Michel. Et Paul Couturiau se présente comme un père célibataire élevant seul ses deux derniers fils.



Julie Gouazé 
"Louise"
Editions Léo Scheer, 161 pages

Un beau livre grave que le premier roman de Julie Gouazé, sur la famille et la résilience. Dans la trentaine, l'historienne de formation a quitté le journalisme culturel et politique pour devenir lectrice pour deux maisons d'édition parisiennes avant de se lancer elle-même dans l'écriture d'un roman.

"Louise" est la sœur cadette d'Alice, égarée dans l'alcoolisme, la tante de Jean. Elle est l'axe, le pilier, de cette famille excessive, trop d'amour, trop de nourriture, trop de silences... Elle est comme un tournesol qui toujours cherche le soleil et elle le fera briller pour les siens après avoir exploré au scalpel leurs relations et donné quelques coups de bistouri nécessaires.

Julie Gouazé. (c) Thierry Rateau.
Autobiographique, ce premier roman, comme souvent? "Oui, parce que j'ai puisé dans l'histoire de ma famille", me répond Julie Gouazé. "On est un peu cannibale quand on écrit. Mais après il y a le travail de l'imagination. Il est difficile de partir de rien pour un premier roman. Il faut un socle, une base. Les mots de Louise tourbillonnaient en moi depuis un moment déjà. Un jour, il a fallu qu'ils sortent."

Pour la première fois, celle qui avait toujours écrit des textes, pour des catalogues de peinture notamment, et fait du journalisme, avait l'occasion de tout choisir du début à la fin. "J'avais le début du livre, l'alcoolisme au féminin, mais pas totalement tragique, ce qui explique la fin heureuse, ainsi que les personnages. Jean a été là tout de suite. Peut-être cette famille repliée sur elle-même avait-elle besoin d'un enfant? Il est une porte ouverte. Après, j'ai rempli par le milieu, en fonction des personnages. L'histoire s'est construite au fur et à mesure. Je voulais aussi traiter du côté protecteur de la famille, de son côté asphyxiant. Comment transformer cela en expérience qui fait grandir. Cela donne envie d'y croire. Il y a des épisodes difficiles, violents, mais la vie et la lumière sont toujours là."

"Louise" nous ramène en 1995, il y a vingt ans."Moi-même, j'avais vingt ans alors. Je me suis servie de mes souvenirs pour écrire l'histoire de Louise et Alice. La musique, les sons, les voyages. Cela donne l'ambiance, les tissus, pour voir et sentir." Les sens sont en effet très présents dans cet ensoleillé récit d'apprentissage qui a été vite publié: "Trouver un éditeur a été assez rapide parce que j'ai la chance de travailler dans le milieu de l'édition. J'ai envoyé à certains mon manuscrit, je l'ai aussi donné à Léo Scheer qui l'a aimé tout de suite. Du coup, cela s'est fait très vite. La sortie d'un livre, c'est comme un post-partum. Avant sa parution, il m'appartenait encore. Maintenant, je dois le partager. Mais je suis très contente de le lâcher. Mes personnages vont pouvoir vivre leur propre vie."








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