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vendredi 13 mars 2015

Le destin d'Hannah Arendt en bande dessinée

Hannah Arendt.
Hannah Arendt.








Hannah Arendt (1906-1975) est surtout connue, pour peu qu'on connaisse la philosophe - même si elle répétait "Je ne suis pas philosophe. Mon métier, c'est la théorie politique" - allemande naturalisée américaine en 1951, par sa couverture du procès d'Adolf Eichmann à Jérusalem en 1961 et son rapport sur la "banalité du mal". Elle était alors l'envoyée spéciale du "New Yorker" et publia des articles et des livres qui suscitèrent de nombreuses polémiques.

On ne saurait toutefois réduire à cet épisode celle qui, dans la foulée de Heidegger, a boosté la pensée contemporaine. Qu'a vécu cette femme rebelle et libre? Une fort intéressante BD dans la collection "Grands destins de femmes" des éditions Naïve en donne une bonne idée. Ecrite avec dynamisme par Béatrice Fontanel et agréablement illustrée par Lindsay Grime, "Hannah Arendt" (96 pages) donne  à connaître son itinéraire plutôt qu'à vulgariser sa pensée.
L'ouvrage s'ouvre sur une scène de 1933 quand Hitler prend le pouvoir et envoie ses SS traquer les non-aryens. Elle marquera un tournant dans la vie de la jeune femme qui, alors âgée de 27 ans, travaille à la bibliothèque de Berlin et se verra arrêtée par la police, ainsi que sa mère, quelques jours plus tard. Mais l'interrogatoire qui s'en suit donne une idée de la force de caractère d'Hannah Arendt. C'est alors la fuite vers Paris.

Le lycée. (c) Naïve.
Allant et venant sur la ligne du temps, la BD est construite sur des conversations entre Hannah Arendt et sa grande amie Mary McCarthy - cette dernière prendra la parole en solo à la fin du livre. On découvre ainsi son enfance, pendant la Première Guerre mondiale, sa jeunesse de lycéenne rebelle, ses études à Berlin, sa liaison avec Heidegger, de dix-sept ans son aîné, la rencontre de son premier mari... Surtout on voit une jeune femme avide d'apprendre, de réfléchir, de discuter et sûre de ce qu'elle affirme. Gourmande, fumeuse, portée sur la poésie, découvrant le judaïsme. Hannah Arendt fréquente alors les groupes sionistes et vient en aide aux communistes en fuite.

Le livre met l'accent sur des événements plus que sur la pensée de sa protagoniste. L’autodafé à Berlin par exemple où 25.000 livres ont été brûlés. Mais on comprend combien ces faits ont eu d'effet sur la jeune femme.

Au Louvre. (c) Naïve.
On la retrouve ensuite à Paris, en Palestine où sa connaissance de l'hébreu est appréciée, à Paris de nouveau avec son nouvel homme, cet Heinrich qui l'entraîne au Musée du Louvre et participe aux discussions animées qu'elle tient. En filigrane, l'actualité défile, comme les procès de Moscou qui s'achèvent en 1938. Ensuite c'est le mariage, bref à cause de l'internement au camp de Gurs dans les Basses-Pyrénées où Hannah montrera une fois encore comment résister. Puis une nouvelle fuite, Montauban, Marseille, Lisbonne et enfin l'arrivée aux Etats-Unis avec 25 dollars en poche.

A New York, le couple travaille. Hannah écrit des articles, Heinrich est en usine avant de trouver meilleure chaussure à son pied. En Europe, la guerre se montre de plus en plus terrible avant de s'arrêter le 8 mai 1945. Hannah a un nouveau travail, récupérer les biens culturels juifs dérobés par les nazis. Elle comprend alors l'organisation de Hitler et l'écrit dans son livre "Les origines du totalitarisme".

Commence alors une série de voyages entre les Etats-Unis, l'Europe, Israël. Hannah Arendt écrit toujours autant. En tant qu'éditrice, elle publie aussi désormais des écrivains et des poètes. Assoiffée de travail, elle donne des conférences, participe à des colloques, enseigne, adulée par les étudiants, détestée par la plupart des professeurs, publie d'autres livres.

Les suites du procès Eichmann. (c) Naïve.
Après le procès Eichmann, et toutes les polémiques qui l'ont suivi, Hannah Arendt ne retrouve un brin de répit qu'à cause de l'assassinat de John Kennedy et grâce aux prix qu'elle reçoit. Mais les coups durs vont s'enchaîner, la mort de proches, la détérioration de sa santé. A ce moment, c'est Mary McCarthy qui devient la narratrice de la vie d'Hannah Arendt, la racontant jusqu'à sa mort le 4 décembre 1975.

Cet album est rudement intéressant parce qu'il s'attache à reconstituer la vie d'Hannah Arendt, faisant d'elle un être de chair et non seulement de pensée. Bon point que les notices biographiques dans les dernières pages de la vingtaine de personnes qui l'ont accompagnée. Les dates principales de sa vie de travailleuse infatigable auraient été utiles pour mieux se repérer dans le texte. Et si découvrir sa vie donne envie d'en savoir plus sur sa pensée et ses œuvres, ce qui n'est pas l'objet de cette BD, il est bien entendu loisible de consulter ses livres...


Hannah Arendt: travail incessant, machine à écrire et cigarette. (c) Naïve.





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