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lundi 1 février 2016

Avec une certaine idée du rêve américain, le romancier Robert Goolrick arrive chez 10-18

Lors de la dernière édition du Festival America qui s'est tenue à Vincennes en septembre 2014 - la prochaine, la huitième, aura lieu dans six mois, du 8 au 11 septembre -, le public avait découvert avec enchantement l'écrivain américain Robert Goolrick. Quelle générosité et quel humour chez quelqu'un qui se dit bougon. Sa nouveauté d'alors, l'excellent roman "La chute des princes" ("The fall of princes", traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Marie de Prémonville) vient de passer en poche, chez 10-18 (240 pages).

Roman formidable et prenant de bout en bout, terriblement humain aussi, "La chute des princes" s'articule autour d'un trader des années 80 à qui tout réussit et qui parvient à tout perdre. Il débute ainsi:
"Quand vous craquez une allumette, la première nano-seconde elle s'enflamme avec une puissance qu'elle ne retrouvera jamais. Un éclat instantané, fulgurant. L'incandescence originelle.En 1980, j'ai été l'allumette et je me suis embrasé pour n'être plus qu'une flamme aveuglante."
Ecrit à la première personne, le roman raconte le milieu de l'argent, le travail sans fin, l'excitation du succès, la cocaïne, l'alcool, la drogue de vouloir  gagner toujours plus, les fêtes décadentes, le sexe, les femmes qui aiment et puis n'aiment plus. Toujours plus, toujours plus vite, toujours plus fort! Mais ce tableau a un revers, la dépression, le sida, les assuétudes, la solitude, le suicide… Au contraire d'un de ses potes, le narrateur va dégringoler jusqu'à ce qu'il transforme le dégoût qu'il a de lui-même. Et c'est la beauté de son chemin qui transparaît dans l'écriture de Robert Goolrick. Les livres ont toute leur place dans cette lutte contre les monstres, ceux de Keats, Shelley, Shakespeare et Proust pour celui qui se raconte avant qu'il ne se trouve une nouvelle vie sous leur protection.

Pour écrire "La chute des princes", le romancier américain a tout simplement transposé le monde de la publicité qu'il a connu de l'intérieur dans celui des traders. Incandescence, indécence, décadence et chute avant la renaissance.

Et comme un bonheur n'arrive pas toujours seul, ce roman a entraîné avec lui chez 10-18 trois de ses petits camarades, publiés précédemment chez Pocket.



Robert Goolrick est arrivé tard en littérature, dans les années 2000, la cinquantaine bien entamée. Il est né en 1948 en Virginie où il habite actuellement. Jeune, il voulait être acteur ou peintre! Il vécut alors plusieurs années en Europe, notamment dans l'île grecque de Paros et parle du coup grec. Il ne sera ni peintre, ni acteur, mais publicitaire à New York après avoir publié un livre qui lui vaut d'être déshérité par ses parents! Il y restera trente ans. Pas plus. A cinquante-trois ans, l'agence où il travaille le vire. Que faire du reste de sa vie? Il se souvient que jeune, il aimait raconter des histoires complexes de vie et de mort. Il se lance dans l'écriture d'un premier livre qui ne trouve pas d'éditeur. Son agent lui conseille d'écrire son autobiographie. Ce sera "Féroces" ("The End of the World as We Know It", 2007), son deuxième livre à être traduit en français par Marie de Prémonville, sa traductrice attitrée (2010).  Un premier roman autobiographique, lourds de secrets, qui raconte une famille idéale du sud des Etats-Unis dans les années 50. Idéale en apparence. Goolrick y dit son passé d'enfant violé par son père, terrible blessure tenue jusque-là secrète, sa tentative de suicide à 30 ans, ses séjours en hôpital psychiatrique.

Le premier livre de Robert Goolrick a avoir été publié en France chez Anne Carrière a été "Une femme simple et honnête" (2009, "A reliable Wife", 2009), l'histoire d'un veuf qui, dans le Wisconsin de 1907, attend la jeune épouse qui a répondu à son annonce, sauf qu'elle n'est pas la femme annoncée. Leur première rencontre se fait sur le quai d'une gare.

Ont suivi "Féroces" (2010) et "Arrive un vagabond" (2012), l'arrivée d'un boucher en Virginie au cours de l'été 1948 qui y découvrira la passion et l'interdit, un roman qui fut Grand Prix des Lectrices de "Elle" 2013. Charlie Beale débarque avec deux valises. Dans l'une, quelques affaires personnelles et sa collection de couteaux, dans l'autre, une grosse somme d'argent. Il y tombera deux fois amoureux. D'abord de la ville paisible de Brownsburg, ensuite de Sylvan Glass.


Depuis qu'il a décidé d'écrire, Robert Goolrick puise dans ses souvenirs pour livrer de remarquables romans, superbement empreints d'humanité. Il vit actuellement dans une ancienne ferme de Virginie, dans un petit village, en compagnie de son chien, qui, dit-il, "n'apprécie pas toujours ses histoires". Nous, on attend avec impatience la suivante.


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