Nombre total de pages vues
dimanche 31 juillet 2016
samedi 30 juillet 2016
DTPE 8: quand l'art exalte l'imagination (bis)
De tout pour l'été, DTPE.
L'été, le temps de lire, du lourd et du léger, du français et de l'étranger, des romans et des récits. L'été, le temps de relire aussi.
Hier et aujourd'hui, une salve d'albums pour enfants qui jouent avec l'art. De quoi s'ouvrir le regard, s'émerveiller et aussi s'amuser entre petits et grands.
Revoilà Hervé Tullet aujourd'hui avec le délicieux "On joue?" (Bayard Jeunesse, 64 pages). Un moyen format carré qui propose à l'enfant lecteur de jouer avec le livre (et avec l'auteur). C'est un point jaune posé sur une mince ligne noire qui s'adresse à lui: "Hé, te voilà! Je commençais à m'ennuyer... On joue?" Les présentations faites, on passe aux choses sérieuses: "Appuie sur le coin en haut à droite et je vais y aller." En double page suivante, le point jaune a effectivement changé de place. Les consignes se succèdent, toujours agrémentées de l'une ou l'autre considération personnelle et de jeux avec la fine ligne noire qui ondule et fait même les montagnes russes.
L'enfant fera changer les points jaunes de couleurs, participera à un jeu de cache-cache, explorera des lieux inquiétants, utilisera des formules magiques... Une séance de jeu totale, jubilatoire et magique, preuve que de simples points de couleur posés sur le papier créent une ambiance extraordinaire sans appel à l'électronique. Dès 2 ans.
Pas de ligne dans le livre animé d'Andy Mansfield, "Histoires de points" (traduit de l'anglais, Seuil Jeunesse, 24 pages), mais des points peints de toutes les couleurs, chaque couleur correspondant à une consigne; "prends" pour le mauve, "pousse" pour le vert, "tourne" pour l'orange... Mais il y a aussi 45 points à trouver dans les consignes présentées en animations de papier. La première est facile: "Trouve 1 point rouge"; il est caché sous des rabats à plier. Mais à chaque page, il faut en trouver davantage: 2 points orange (en effectuant des pliages dans le bon ordre), 3 points roses, 4 points verts....
Les casse-têtes variés utilisent des roues, des tirettes, des miroirs, des éléments qui se déploient. C'est beau et intelligent, faisant appel à la logique du lecteur tout en éveillant son sens artistique. A partir de 4 ans.
David A. Carter n'est plus à présenter tant il a créé de nombreux livres pop-up superbes ("Un point rouge", "Carré jaune", "2 bleu", "600 pastilles noires" chez Gallimard, "Cache-cache" et "Le livre à pois" chez Albin Michel, etc.). Le revoici avec un album qui n'est pas un pop-up mais une série de six "Puzzles 3D" de couleurs vives à assembler pour créer des géométries en relief ou des sculptures originales en mélangeant les pièces.
En face des pièces à détacher dont les découpes à assembler sont indiquées par des flèches, un petit texte sur les formes et les couleurs. Heureusement la quatrième de couverture donne la photo des puzzles assemblés. De quoi créer une sphère, un cube, une pyramide, un pavé, un cylindre, un cône, à l'aide de cercles, de triangles, de rectangles et de pavés. Ou tout ce qu'on veut en utilisant les découpes autrement. Fabuleux, non? Attention toutefois à bien replacer les pièces dans les encoches des pages pour ne pas les perdre. Dès 5 ans.
Dans les mêmes couleurs que le précédent, mais en lignes à suivre, "Mondrian" de Claire Zucchelli-Romer (Palette, 13 pages animées) est un pop-up en accordéon qui propose une approche originale car visuelle et tactile de l'œuvre de l'artiste néerlandais. Ce bel album est un pop-up puisque des éléments apparaissent en relief quand on tourne les pages. Mais c'est un pop-up accordéon car chaque double page animée est la suite de la précédente et annonce la suivante, jusqu'à l'apothéose finale, en 3D, en lignes et en couleurs. Dépliée, la fresque est plus qu'impressionnante et permet de jouer avec le travail de Mondrian, lignes droites et couleurs vives. Pour tous.
Autre maître de la couleur, mais dans un autre style, Henri Matisse bien entendu. Deux albums s'intéressent à la période où le peintre inventa les papiers découpés.
"Monsieur Matisse" de Anne-Marie van Haeringen (traduit du néerlandais par Gabrielle Bourlionne, Sarbacane, 32 pages) raconte dans un style graphique épuré comment Henri Matisse inventa les papiers découpés parce qu'il n'était plus physiquement capable de peindre et que la création le démangeait. Il découpe alors des papiers de couleurs et demande à son assistante de les fixer au mur, là où il le lui indique. Il le fait à l'hôpital où il a subi une opération, il le fait chez lui à son retour.
Il fixe ses souvenirs, fleurs, fruits, coraux, algues, pris d'urgence: "et si toutes ces belles images disparaissaient de ma tête?" Dans sa chambre qui est désormais son lieu de vie, il continue à faire entrer le monde et à l'habiller de ses couleurs. Tout lui sert, même le courant d'air qui fait s'envoler la femme qu'il était en train de créer de ses ciseaux et qui retombe sur le sol, telle une sirène. De son lit, Matisse dirige la manœuvre, sur son échelle, son assistante suit les consignes. Il est heureux, il sculpte la couleur. Et les murs de sa chambre deviennent la toile d'un tableau géant et magnifique, un jardin où lui, l'escargot géant, se promène inlassablement.
L'album est illustré du superbe dessin géant "La Perruche et la Sirène". Incarné, il retrace à la fois la réaction d'un vieil homme face à la maladie qui le handicape et celle du peintre dont les œuvres ultimes ont été de plus en plus grandes, de plus en plus ambitieuses, de plus en plus gaies, et finalement de plus en plus fortes. Dès 4 ans.
C'est le même sujet qu'aborde "Le jardin de Matisse" de Samantha Friedman, illustré par Cristina Amodeo (traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Françoise de Guibert, Albin Michel Jeunesse, 60 pages). Un album qui a pris le parti d'images découpées pour illustrer l'invention par Henri Matisse des papiers découpés, dans des feuilles de papier blanc dans un premier temps, coloré ensuite. Si l'ouvrage suit de plus près la démarche artistique du peintre que le précédent, il paraît toutefois moins vivant. La raison réside sans doute dans le choix de la technique d'illustration. N'est pas Matisse qui veut et le côté réaliste des images leur donne plutôt de la froideur et de la raideur. Par contre, le livre est illustré de plusieurs œuvres du peintre, et cela, c'est un véritable bonheur. Dès 6 ans.
Grand dessinateur, Serge Bloch invite les enfants à "muscler leur imagination" dans le manuel "3, 2, 1... dessin" (Bayard jeunesse, 80 pages). L'expression est peut-être un peu forte mais le propos est intéressant car il invite à regarder autrement les éléments quotidiens. Une aubergine devient une bestiole qui parle, une série d'asperges donne l'illusion d'une forêt, les cocottes-minute deviennent des "cocottes robotes", un bol permet de raconter l'histoire de ceux qui s'y installent... Et ce n'est qu'une partie des suggestions à propos de la cuisine. Les autres lieux de vie, salon, chambre à coucher, salle de bains, sans oublier la boîte à outils et le jardin, sont autant de tremplins pour l'imagination. En tout, ce sont 50 objets du quotidien qui sont photographiés et proposés au dessin de chacun, Serge Bloch en réalisant chaque fois un pour amorcer la pompe aux idées. Dès 5 ans.
"Haïti, une île sous le vent" de William Wilson (Gallimard Jeunesse/Giboulées, 48 pages).
L'histoire de cette île par un texte et surtout de surprenantes tentures en perles et paillettes. Dès 11 ans.
"Bonhomme d'art brut" de Lucienne Peiry (Editions Thierry Magnier, 28 pages).
Une invitation bilingue français-anglais à observer douze œuvres de Bill Traylor, Chaissac et Gaston Duf, et les techniques de l'art brut. Dès 4 ans.
"Sortie de joueur" de Sophie Daxhelet (A pas de loups, 48 pages).
Un homme biographique au Douanier Rousseau à New York par ses personnages et ses œuvres. Dès 8 ans.
... après tous ces tableaux, toutes ces couleurs, tout cet art, je recommande bien entendu le "Livre sans images" de B.J. Novak (traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Geneviève Brisac, l'école des loisirs, 52 pages). Un livre sans aucune illustration qui donne la réplique, et quelle réplique, aux "enfants qui trouvent que ce n'est pas drôle de se faire livre un livre sans images". Entre nous, ne parlons pas des adultes qui repoussent en général l'idée de lire aux enfants des livres sans textes...
Ici, le principe est simple, "tous les mots écrits dans le livre doivent être dits à haute voix par la personne qui fait la lecture", et jubilatoire puisque l'auteur glisse des mots bizarres ("Tchok"), des expressions curieuses ("Je suis un singe qui a appris à lire tout seul" ou "J'ai une tête remplie de pizza aux myrtilles") qui sont l'occasion d'autant d'interrogations et de commentaires. Les bizarreries sont en typographies variées et en couleurs vives, le texte "normal" en noir. C'est évidemment très rigolo vu l'engagement pris au début de tout lire, sans exception, et l'accumulation d'étrangetés. Un livre aussi dingo que rigolo. Dès 5 ans.
Pour le feuilleter, c'est ici.
DTPE 6: "L'enjoliveur", Robert Goolrick (Anne Carrière).
L'été, le temps de lire, du lourd et du léger, du français et de l'étranger, des romans et des récits. L'été, le temps de relire aussi.
Hier et aujourd'hui, une salve d'albums pour enfants qui jouent avec l'art. De quoi s'ouvrir le regard, s'émerveiller et aussi s'amuser entre petits et grands.
La ligne à suivre
C'est en 1994 que Hervé Tullet est apparu en littérature jeunesse avec l'album à trous "Comment Papa a rencontré Maman" (Hachette Jeunesse) qui sera suivi l'année suivante de "Comment j'ai sauvé mon Papa" (Hachette Jeunesse); les deux titres seront ensuite repris au Seuil Jeunesse qui devient son éditeur principal pendant dix ans, avant qu'il ne passe logiquement chez Panama et se disperse un peu ensuite. L'artiste se fait immédiatement remarquer par son graphisme moderne et joyeux, déclinant les formes simples et les couleurs vives, et bien entendu le plaisir et l'humour.
Revoilà Hervé Tullet aujourd'hui avec le délicieux "On joue?" (Bayard Jeunesse, 64 pages). Un moyen format carré qui propose à l'enfant lecteur de jouer avec le livre (et avec l'auteur). C'est un point jaune posé sur une mince ligne noire qui s'adresse à lui: "Hé, te voilà! Je commençais à m'ennuyer... On joue?" Les présentations faites, on passe aux choses sérieuses: "Appuie sur le coin en haut à droite et je vais y aller." En double page suivante, le point jaune a effectivement changé de place. Les consignes se succèdent, toujours agrémentées de l'une ou l'autre considération personnelle et de jeux avec la fine ligne noire qui ondule et fait même les montagnes russes.
L'enfant fera changer les points jaunes de couleurs, participera à un jeu de cache-cache, explorera des lieux inquiétants, utilisera des formules magiques... Une séance de jeu totale, jubilatoire et magique, preuve que de simples points de couleur posés sur le papier créent une ambiance extraordinaire sans appel à l'électronique. Dès 2 ans.
45 points à trouver
Pas de ligne dans le livre animé d'Andy Mansfield, "Histoires de points" (traduit de l'anglais, Seuil Jeunesse, 24 pages), mais des points peints de toutes les couleurs, chaque couleur correspondant à une consigne; "prends" pour le mauve, "pousse" pour le vert, "tourne" pour l'orange... Mais il y a aussi 45 points à trouver dans les consignes présentées en animations de papier. La première est facile: "Trouve 1 point rouge"; il est caché sous des rabats à plier. Mais à chaque page, il faut en trouver davantage: 2 points orange (en effectuant des pliages dans le bon ordre), 3 points roses, 4 points verts....
Les casse-têtes variés utilisent des roues, des tirettes, des miroirs, des éléments qui se déploient. C'est beau et intelligent, faisant appel à la logique du lecteur tout en éveillant son sens artistique. A partir de 4 ans.
Créations en 3D
En face des pièces à détacher dont les découpes à assembler sont indiquées par des flèches, un petit texte sur les formes et les couleurs. Heureusement la quatrième de couverture donne la photo des puzzles assemblés. De quoi créer une sphère, un cube, une pyramide, un pavé, un cylindre, un cône, à l'aide de cercles, de triangles, de rectangles et de pavés. Ou tout ce qu'on veut en utilisant les découpes autrement. Fabuleux, non? Attention toutefois à bien replacer les pièces dans les encoches des pages pour ne pas les perdre. Dès 5 ans.
Découvrir Piet Mondrian
Matisse en stéréo
"Monsieur Matisse" de Anne-Marie van Haeringen (traduit du néerlandais par Gabrielle Bourlionne, Sarbacane, 32 pages) raconte dans un style graphique épuré comment Henri Matisse inventa les papiers découpés parce qu'il n'était plus physiquement capable de peindre et que la création le démangeait. Il découpe alors des papiers de couleurs et demande à son assistante de les fixer au mur, là où il le lui indique. Il le fait à l'hôpital où il a subi une opération, il le fait chez lui à son retour.
Il fixe ses souvenirs, fleurs, fruits, coraux, algues, pris d'urgence: "et si toutes ces belles images disparaissaient de ma tête?" Dans sa chambre qui est désormais son lieu de vie, il continue à faire entrer le monde et à l'habiller de ses couleurs. Tout lui sert, même le courant d'air qui fait s'envoler la femme qu'il était en train de créer de ses ciseaux et qui retombe sur le sol, telle une sirène. De son lit, Matisse dirige la manœuvre, sur son échelle, son assistante suit les consignes. Il est heureux, il sculpte la couleur. Et les murs de sa chambre deviennent la toile d'un tableau géant et magnifique, un jardin où lui, l'escargot géant, se promène inlassablement.
L'album est illustré du superbe dessin géant "La Perruche et la Sirène". Incarné, il retrace à la fois la réaction d'un vieil homme face à la maladie qui le handicape et celle du peintre dont les œuvres ultimes ont été de plus en plus grandes, de plus en plus ambitieuses, de plus en plus gaies, et finalement de plus en plus fortes. Dès 4 ans.
C'est le même sujet qu'aborde "Le jardin de Matisse" de Samantha Friedman, illustré par Cristina Amodeo (traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Françoise de Guibert, Albin Michel Jeunesse, 60 pages). Un album qui a pris le parti d'images découpées pour illustrer l'invention par Henri Matisse des papiers découpés, dans des feuilles de papier blanc dans un premier temps, coloré ensuite. Si l'ouvrage suit de plus près la démarche artistique du peintre que le précédent, il paraît toutefois moins vivant. La raison réside sans doute dans le choix de la technique d'illustration. N'est pas Matisse qui veut et le côté réaliste des images leur donne plutôt de la froideur et de la raideur. Par contre, le livre est illustré de plusieurs œuvres du peintre, et cela, c'est un véritable bonheur. Dès 6 ans.
Passage à l'acte
En bref
L'histoire de cette île par un texte et surtout de surprenantes tentures en perles et paillettes. Dès 11 ans.
"Bonhomme d'art brut" de Lucienne Peiry (Editions Thierry Magnier, 28 pages).
Une invitation bilingue français-anglais à observer douze œuvres de Bill Traylor, Chaissac et Gaston Duf, et les techniques de l'art brut. Dès 4 ans.
"Sortie de joueur" de Sophie Daxhelet (A pas de loups, 48 pages).
Un homme biographique au Douanier Rousseau à New York par ses personnages et ses œuvres. Dès 8 ans.
Et pour se reposer les yeux....
... après tous ces tableaux, toutes ces couleurs, tout cet art, je recommande bien entendu le "Livre sans images" de B.J. Novak (traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Geneviève Brisac, l'école des loisirs, 52 pages). Un livre sans aucune illustration qui donne la réplique, et quelle réplique, aux "enfants qui trouvent que ce n'est pas drôle de se faire livre un livre sans images". Entre nous, ne parlons pas des adultes qui repoussent en général l'idée de lire aux enfants des livres sans textes...
Ici, le principe est simple, "tous les mots écrits dans le livre doivent être dits à haute voix par la personne qui fait la lecture", et jubilatoire puisque l'auteur glisse des mots bizarres ("Tchok"), des expressions curieuses ("Je suis un singe qui a appris à lire tout seul" ou "J'ai une tête remplie de pizza aux myrtilles") qui sont l'occasion d'autant d'interrogations et de commentaires. Les bizarreries sont en typographies variées et en couleurs vives, le texte "normal" en noir. C'est évidemment très rigolo vu l'engagement pris au début de tout lire, sans exception, et l'accumulation d'étrangetés. Un livre aussi dingo que rigolo. Dès 5 ans.
Pour le feuilleter, c'est ici.
Rappel
DTPE 1: "Le Roi René", René Urtreger par Agnès Desarthe (Odile Jacob).
DTPE 2: "Cœur Croisé", Pilar Pujadas (Mercure de France).
DTPE 3: "Sens dessus dessous", Milena Agus (Liana Levi).
DTPE 4: "La reine du tango", Akli Tadjer (JC Lattès).
DTPE 5: le lapin à toutes les sauces.DTPE 1: "Le Roi René", René Urtreger par Agnès Desarthe (Odile Jacob).
DTPE 2: "Cœur Croisé", Pilar Pujadas (Mercure de France).
DTPE 3: "Sens dessus dessous", Milena Agus (Liana Levi).
DTPE 4: "La reine du tango", Akli Tadjer (JC Lattès).
DTPE 6: "L'enjoliveur", Robert Goolrick (Anne Carrière).
Libellés :
A pas de loups,
Albin Michel Jeunesse,
Album,
Art,
Bayard,
Documentaire,
Editions Thierry Magnier,
Gallimard Jeunesse,
Jeunesse,
L'école des loisirs,
Palette...,
pop-up,
Sarbacane,
Seuil Jeunesse
vendredi 29 juillet 2016
DTPE 7: quand l'art exalte l'imagination
De tout pour l'été, DTPE.
L'été, le temps de lire, du lourd et du léger, du français et de l'étranger, des romans et des récits. L'été, le temps de relire aussi.
Aujourd'hui et demain une salve d'albums pour enfants qui jouent avec l'art. De quoi s'ouvrir le regard, s'émerveiller et aussi s'amuser entre petits et grands.
Depuis plusieurs années, les éditeurs tentent de surfer sur le numérique. Bonne idée, s'ils évitent l'écueil du livre papier transposé en version numérique - ce qui est assez rare. Le numérique est-il nécessaire, sauf dans le domaine du documentaire où il apporte ses atouts? La question mérite d'être posée quand on parcourt "Eurêk'Art!, le livre-jeu du regard" que vient de publier le Belge Philippe Brasseur (Palette..., 64 pages). Un "décapsuleur créatif", en dit l'auteur. A raison! Et sans application pour tablette ou téléphone...
Que comporte ce grand format à reliure spirale dont toutes les pages sont coupées horizontalement et qui n'est pas un livre d'art comme les autres? Le haut des pages propose une sélection de trente tableaux célèbres et leur légende (peintre, titre, année, lieu de conservation) en regard. Le bas réunit trente consignes à appliquer, mais des consignes qui n'ont rien de scolaire. Comme les pages sont coupées en deux, cela permet 900 combinaisons. Exemples: j'ouvre le livre sur la "Naissance de Vénus" de Botticelli et sur la consigne "Vous avez le choix. Quelle partie de l'image préférez-vous?" Mais j'aurais très bien pu avoir "Golconde" de Magritte et "Les goûts et les couleurs: à votre avis, pourquoi l'artiste a-t-il choisi ces couleurs?" ou "L'Atelier rouge" de Matisse et "Cadeau! On vous offre cette œuvre, où allez-vous l'accrocher?"
Oui, un Matisse à mes cimaises serait bien pour me plaire.
On le voit, il est plus question de s'amuser, de réfléchir, de s'affirmer que d'apprendre l'histoire de l'art pure et dure. Mais pour participer au jeu, il faut prendre le temps de regarder les images et de les décoder. Et il peut être très intéressant de confronter les réponses de plusieurs joueurs à la même question. De discuter, d'écouter l'autre et de s'affirmer soi sur ce beau terreau qu'est l'imagination quand elle s'appuie sur des œuvres d'art.
Les tableaux choisis parcourent tous les styles et toutes les époques: Picasso, Bosch, Dubuffet, Lucas Cranach, Miró, Friedrich, Klee... Les consignes dérouillent les sens mais aussi les émotions. Et en plus, on joue pour le plaisir sans qu'il n'y ait de perdant. Pour tous, à partir de 8 ans, y compris ados et adultes.
Pour mieux comprendre le principe de "Eurêk'art!", cette vidéo (ou cliquer ici).
A suivre demain
Rappel
DTPE 1: "Le Roi René", René Urtreger par Agnès Desarthe (Odile Jacob).
DTPE 2: "Cœur Croisé", Pilar Pujadas (Mercure de France).
DTPE 3: "Sens dessus dessous", Milena Agus (Liana Levi).
DTPE 4: "La reine du tango", Akli Tadjer (JC Lattès).
DTPE 5: le lapin à toutes les sauces.L'été, le temps de lire, du lourd et du léger, du français et de l'étranger, des romans et des récits. L'été, le temps de relire aussi.
Aujourd'hui et demain une salve d'albums pour enfants qui jouent avec l'art. De quoi s'ouvrir le regard, s'émerveiller et aussi s'amuser entre petits et grands.
Un décapsuleur créatif
Que comporte ce grand format à reliure spirale dont toutes les pages sont coupées horizontalement et qui n'est pas un livre d'art comme les autres? Le haut des pages propose une sélection de trente tableaux célèbres et leur légende (peintre, titre, année, lieu de conservation) en regard. Le bas réunit trente consignes à appliquer, mais des consignes qui n'ont rien de scolaire. Comme les pages sont coupées en deux, cela permet 900 combinaisons. Exemples: j'ouvre le livre sur la "Naissance de Vénus" de Botticelli et sur la consigne "Vous avez le choix. Quelle partie de l'image préférez-vous?" Mais j'aurais très bien pu avoir "Golconde" de Magritte et "Les goûts et les couleurs: à votre avis, pourquoi l'artiste a-t-il choisi ces couleurs?" ou "L'Atelier rouge" de Matisse et "Cadeau! On vous offre cette œuvre, où allez-vous l'accrocher?"
Chaque page est coupée en deux. (c) Palette. |
Oui, un Matisse à mes cimaises serait bien pour me plaire.
On le voit, il est plus question de s'amuser, de réfléchir, de s'affirmer que d'apprendre l'histoire de l'art pure et dure. Mais pour participer au jeu, il faut prendre le temps de regarder les images et de les décoder. Et il peut être très intéressant de confronter les réponses de plusieurs joueurs à la même question. De discuter, d'écouter l'autre et de s'affirmer soi sur ce beau terreau qu'est l'imagination quand elle s'appuie sur des œuvres d'art.
Les tableaux choisis parcourent tous les styles et toutes les époques: Picasso, Bosch, Dubuffet, Lucas Cranach, Miró, Friedrich, Klee... Les consignes dérouillent les sens mais aussi les émotions. Et en plus, on joue pour le plaisir sans qu'il n'y ait de perdant. Pour tous, à partir de 8 ans, y compris ados et adultes.
Pour mieux comprendre le principe de "Eurêk'art!", cette vidéo (ou cliquer ici).
A suivre demain
Rappel
DTPE 1: "Le Roi René", René Urtreger par Agnès Desarthe (Odile Jacob).
DTPE 2: "Cœur Croisé", Pilar Pujadas (Mercure de France).
DTPE 3: "Sens dessus dessous", Milena Agus (Liana Levi).
DTPE 4: "La reine du tango", Akli Tadjer (JC Lattès).
DTPE 6: "L'enjoliveur", Robert Goolrick (Anne Carrière).
jeudi 28 juillet 2016
DTPE 6: Robert Goolrick concentré et illustré
De tout pour l'été, DTPE.
L'été, le temps de lire, du lourd et du léger, du français et de l'étranger, des romans et des récits. L'été, le temps de relire aussi.
Préparer le prochain festival America (du 8 au 11 septembre à Vincennes), c'est se souvenir du précédent, il y a deux ans. J'avais eu le plaisir d'y animer entre autres un débat dont l'un des intervenants était Robert Goolrick à propos de son roman "La chute des princes" (lire ici et ici). Cette rencontre ne m'avait donné qu'une idée, vite lire les romans précédents de l'Américain.
C'est dire si découvrir un nouveau roman de lui m'a enchantée. "L'enjoliveur" ("Hubcaps", traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Marie de Prémonville (sa traductrice attitrée), illustré par Jean-François Martin, Editions Anne Carrière, 68 pages) est un plaisant petit format sur beau papier qui tient dans la poche et se lit le temps d'un voyage en transports en commun ou d'une pause en salle d'attente. Bref mais concentré. Du Goolrick pur jus. Rafraîchissant de surcroît car il se déroule en plein hiver, un "matin givré de février", bribe d'enfance d'un auteur né en 1948.
L'été, le temps de lire, du lourd et du léger, du français et de l'étranger, des romans et des récits. L'été, le temps de relire aussi.
Robert Goolrick. |
Préparer le prochain festival America (du 8 au 11 septembre à Vincennes), c'est se souvenir du précédent, il y a deux ans. J'avais eu le plaisir d'y animer entre autres un débat dont l'un des intervenants était Robert Goolrick à propos de son roman "La chute des princes" (lire ici et ici). Cette rencontre ne m'avait donné qu'une idée, vite lire les romans précédents de l'Américain.
C'est dire si découvrir un nouveau roman de lui m'a enchantée. "L'enjoliveur" ("Hubcaps", traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Marie de Prémonville (sa traductrice attitrée), illustré par Jean-François Martin, Editions Anne Carrière, 68 pages) est un plaisant petit format sur beau papier qui tient dans la poche et se lit le temps d'un voyage en transports en commun ou d'une pause en salle d'attente. Bref mais concentré. Du Goolrick pur jus. Rafraîchissant de surcroît car il se déroule en plein hiver, un "matin givré de février", bribe d'enfance d'un auteur né en 1948.
"Robert Goolrick a développé un lien si fort avec ses lecteurs français", explique la maison d'édition Anne Carrière qui l'a révélé au public francophone en 2009, "qu'il a décidé d'écrire une nouvelle pour eux, rien que pour eux. Comme tout ce qu'écrit Goolrick, elle nous dit quelque chose de l’enfance. Et comme tout ce qu'il écrit, elle touchera chacun de vous au cœur.
Nous l'avons trouvé si belle que nous avons décidé de lui offrir un écrin et d'en confier la couverture et les illustrations à l'artiste Jean-François Martin. La voici, grâce à lui, enjolivée."
Une allusion discrète au titre du roman de Goolrick qui, lui, fait référence à l'accessoire automobile d'hier. Il n'y a plus que le cinéma pour évoquer les séances hebdomadaires d'astiquage des roues des voitures. Et Robert Goolrick. S'il donne d'entrée de jeu autant de précisions, c'est que l'enjoliveur, qui ne se pratique gère plus, du moins dans sa version chromée étincelante, est au centre de ce récit plein de suspense et de surprises. Il expose comment les enfants d'hier avaient trouvé mille finalités aux enjoliveurs qu'ils récupéraient dans les fossés le long des routes. Un luxe de détails qui ferre le lecteur jusqu'à la phrase "Mais toutes ces aventures d'enjoliveurs, aussi exaltantes fussent-elles, prirent fin le jour où l'un d'eux tenta de me tuer." Le narrateur avait cinq ans, la Buick de 107 chevaux de sa grand-mère le double.
Le moins qu'on puisse dire, c'est que Robert Goolrick a l'art de raconter et manie le teasing à la perfection. Il nous embarque dans son histoire, faisant des annonces qu'il noie dans d'exquis portraits de famille, dont principalement celui de sa grand-mère adorée. On le suit avec plaisir dans cette aventure familiale émaillée d'anecdotes savoureuses et complètement hors sujet ("Mais je m'égare", lit-on; "Permettez-moi une autre digression", un peu plus loin) que les illustrations de Jean-François Martin servent avec art.
L'écrivain finira bien entendu par aller au cœur de ce qu'il avait annoncé, comment un enjoliveur avait failli le tuer un matin tôt d'un jour d'hiver frisquet. Un accident qui ébranla chez lui des certitudes concernant sa mère qui ne trouveront confirmation que de très nombreuses années plus tard. Quel beau texte sur l'enfance et les vies d'adultes que cet "Enjoliveur", teinté d'amertume et d'humour, mené de main de maître!
Jean-François Martin a illustré le texte doux-amer de Goolrick. (c) A. Carrière. |
Imprimé en France
Une dernière précision de l'éditeur, Stephen Carrière, sur le prix de ce livre: "L'objet et le prix: un certain nombre de libraires nous ont fait le reproche d'un prix trop élevé (12 euros) pour "L'Enjoliveur". Et ils ont par définition raison puisqu'ils soutiennent depuis longtemps l'auteur et que leur frustration est de ne pas mieux vendre l'objet. Le propos de ce message n'est donc pas débattre du prix mais juste de l'expliquer. "L'Enjoliveur" est une nouvelle originale réservée à la France, illustrée par un grand artiste français et surtout, imprimée en France. Je ne parlerai pas ici du coût d'un à-valoir, ni de la rémunération d'une traductrice et d'un illustrateur de grand talent. Ces investissements-là sont faciles à comprendre. Je voudrais insister sur autre chose. Parfois, nos livres seront un peu plus chers, d'un ou deux euros (en comparaison à d'autres de même format). Et toujours, toujours, nous choisirons d'imprimer en France. Parce que nous estimons que dans la chaîne du livre, les imprimeurs sont un maillon clé. Toute personne qui a visité une imprimerie, une fois dans sa vie, est repartie émerveillée comme un enfant après avoir vu les machines, mais surtout, avec un immense respect pour les artisans qui les conduisent. Peu savent à quel point l’imprimerie française est depuis de nombreuses années sous la pression de la concurrence internationale. S'il y a un travail qui mérite l'épithète "qualifié", c'est bien celui d'un homme ou d'une femme devant une roto, une cameron ou des polymères. "L'Enjoliveur" est donc, à notre plus grande fierté, comme tous nos livres, un objet "imprimé en France". De l'imagination de Robert Goolrick aux machines de l'imprimerie Clerc, c'est un objet qui a été élaboré avec beaucoup de soin. Son prix est d'un euro de moins que deux paquets de cigarettes, et même si Robert est un grand fumeur, il ne m'en voudra pas d'affirmer que son "Enjoliveur" est bien meilleur pour la santé."Rappel
DTPE 1: "Le Roi René", René Urtreger par Agnès Desarthe (Odile Jacob).
DTPE 2: "Cœur Croisé", Pilar Pujadas (Mercure de France).
DTPE 3: "Sens dessus dessous", Milena Agus (Liana Levi).
DTPE 4: "La reine du tango", Akli Tadjer (JC Lattès).
DTPE 5: le lapin à toutes les sauces.
lundi 25 juillet 2016
DTPE 5: le lapin mis à toutes les sauces
De tout pour l'été, DTPE.
L'été, le temps de lire, du lourd et du léger, du français et de l'étranger, des romans et des récits. L'été, le temps de relire aussi.
Si l'ours et le loup sont des figures-phares de la littérature de jeunesse, le lapin en est également un élément-clé - comme la souris mais c'est une autre histoire. On pense tout de suite au Lapin blanc d'"Alice au pays des merveilles" que Lewis Carroll faisait toujours courir parce qu'il était en retard - on sait aussi l'image qu'en a donné récemment Gilles Bachelet dans "Madame le lapin blanc" (lire ici).
On pense évidemment aussi à "Pierre Lapin" ("Peter Rabbit") de la délicieuse Beatrix Potter (1866-1943), inventé en 1893 et publié en 1902 - la Royal Mint (Monnaie royale) britannique le met à 'honneur avec une pièce de 50 pence qui lui est dédiée, créée cette année par la graphiste Emma Noble pour les 150 ans de la naissance de sa créatrice.L'été, le temps de lire, du lourd et du léger, du français et de l'étranger, des romans et des récits. L'été, le temps de relire aussi.
Si l'ours et le loup sont des figures-phares de la littérature de jeunesse, le lapin en est également un élément-clé - comme la souris mais c'est une autre histoire. On pense tout de suite au Lapin blanc d'"Alice au pays des merveilles" que Lewis Carroll faisait toujours courir parce qu'il était en retard - on sait aussi l'image qu'en a donné récemment Gilles Bachelet dans "Madame le lapin blanc" (lire ici).
Sans faire de recherches, plein de longues oreilles me reviennent encore en mémoire: les "Petit Lapin" de Marie Wabbes, "Max" de Rosemary Wells, les lapins d'Olga Lecaye et de son fils Grégoire Solotareff, le "Petit Lapin" de Harry Horse, "Miffy" de Dick Bruna, ceux de Richard Scarry, de Claude Boujon, "Lulu" d'Alex Sanders, sans oublier ceux de Malika Doray (lire ici), Audrey Poussier, Komako Sakai (lire ici) et bien sûr le "Simon" de Stephanie Blake.
Sans oublier évidemment les albums "L'île aux lapins" de Jorg Steiner (illustré par Jorg Müller, Duculot, 1978) et "Devine combien je t'aime" de Sam McBratney (illustré par Anita Jeram, traduit par Claude Lager, L'école des loisirs/Pastel,1994).
A noter que ressortira le 15 septembre le célébrissime roman de Richard Adams, "Les garennes de Watership Down" ("Watership Down", traduction de Pierre Clinquart, Monsieur Toussaint Louverture, 544 pages), qui a régalé des millions de lecteurs depuis sa sortie en 1972 et sa première traduction française en 1976.
Une belle série de nouveautés
A tous ces titres s'en ajoutent d'autres, sortis en 2016.
Le plus étonnant, le plus flashy aussi, est le numéro 8 de la revue grand format Billebaude, intitulé "Le lapin" (travail collectif coordonné par Anne de Malleray, Glénat, 96 pages, diffusion en librairies et sur abonnement). En couverture, une tête de lapin noir à œil marron vous regarde depuis son fond rose vif. A savoir, Billebaude sort deux fois par an; la revue transdisciplinaire éditée par la Maison de la Chasse et de la Nature et Glénat interroge le rapport de l'homme à la nature et à l'animalité.
Fort bien mis en pages, illustré avec recherche de documents anciens, de citations et d'œuvres d'art contemporain, ce numéro aborde le lapin, et un peu le lièvre son cousin, sous toutes ses coutures. Il évoque plusieurs situations où hommes et lapins vivent au même endroit, avec leurs conséquences, positives ou négatives, domestication, élevage, gestion des écosystèmes. Le lapin qu'on moque souvent pour ses capacités de reproduction nous montre surtout la limite humaine à la maîtrise du vivant. De la peluche au gibier à cuisiner, de l'animal de laboratoire à celui de compagnie, le lapin a plus d'une histoire à nous raconter, la sienne d'abord, la nôtre ensuite, et plein d'anecdotes qu'il est passionnant de découvrir dans cet ouvrage passionnant bien fait, réalisé par des intellectuels, des philosophes et des artistes. Pour les ados et les adultes.
Combien de lapins Grégoire Solotareff a-t-il déjà mis en scène? On se rappelle bien sûr des anciens albums "Loulou", "Ne m'appelez plus jamais mon petit lapin", "Mon petit lapin est amoureux", "Toute seule", "Le lapin à roulettes" (l'école des loisirs) et de ceux dont il a écrit le texte et que sa mère, Olga Lecaye, a illustrés (dont "Mimi l'oreille", "Pas de souci, Jérémie", l'école des loisirs). Le voici de retour avec "Jeanne et Jean" (l'école des loisirs, 44 pages), un beau grand format aux couleurs franches.
Le style de l'auteur-illustrateur s'identifie tout de suite, et dans l'image, privilégiant le noir comme une couleur à part entière, et dans le ton. C'est l'histoire d'un frère et d'une sœur qui aiment jouer et qui aiment encore plus jouer à se faire peur. Un soir, la tombée du jour les surprend et ils sont obligés de passer la nuit dehors, dans le creux d'un rocher qu'ils connaissent. Quand ils se réveillent dans le noir, ils entendent des loups. C'est aussi le moment que choisit Jean pour raconter à Jeanne l'histoire du terrible sorcier Abraham!
Pas facile de se rendormir le ventre creux... Jeanne décide de rendre visite au potager du voisin. La voilà partie sous la lune, "sur la pointe des pieds". Elle récolte des carottes et se fait surprendre par... OUIIIIII. Vous avez deviné, Abraham. Jean lui vient en aide et rencontre aussi un incongru. Frère et sœur s'en sortiront toutefois brillamment et resteront persuadés qu'ils ont croisé le magicien cette nuit-là. Un album hautement graphique qui joue sur le plaisir d'avoir peur et de tourner la page pour se rassurer. Dès 4 ans.
Pourquoi les lapins ont-ils une toute petite queue? Réponse dans ce joli conte chinois, illustré de peintures sur papier de riz et à tenir reliure vers le haut de manière à avoir des pages presque carrées. "Les lapins et la tortue" de Guillaume Olive, illustré par He Zhihong (Editions des Elephants, 32 pages) commence par une compétition entre deux mères à propos de leur progéniture. A noter qu'en ce temps-là, les lapins avaient des queues qui ressemblaient à celles des écureuils! Bien pratique pour servir d'éventail en été et de couverture en hiver.
Papa et Maman Lapin rusent avec Dame Tortue pour traverser facilement la rivière. Ils l'invitent à faire le compte de leurs enfants respectifs. Ils profitent surtout du pont flottant que leur offrent tous les bébés tortues alignés. Mais leurs moqueries leur coûteront cher: alors qu'ils font leurs derniers bonds sur les carapaces, les tortues mordent leurs longues queues et les leur arrachent. "C'est depuis ce jour que les lapins n'ont plus, en guise de queue, qu'une petite boule touffue, pour avoir voulu duper madame Tortue", conclut l'album dont les douces illustrations tempèrent l'efficacité du texte. Dès 3 ans.
Des mêmes auteurs, un autre album très réussi, "Le Plouf" (Editions des Eléphants, 32 pages), un petit conte de randonnée jouant sur la peur, la bêtise et la rumeur et qui illustre savoureusement l'adage "réfléchir avant d'agir".
Kazuo Iwamura n'est pas que l'auteur des excellentes histoires de la Famille Souris. Il s'intéresse aussi aux lapins, la preuve dans l'album "Fû, Hana et les pissenlits" (traduit du japonais par Corinne Atlan, l'école des loisirs, 40 pages), en format à l'italienne. Les deux jeunes lapins vont jouer dans le pré, munis des instructions de leur maman, se cacher et ne plus bouger si quelqu'un vient.
Ils adorent le pré et ses fleurs jaune d'or. Il faut toutefois voir leur tête quand une voix leur explique que ce sont des pissenlits (= tampopo). La coccinelle parlante sera vite rejointe par d'autres insectes qui vont expliquer à Fû (= le vent) et Hana (= la fleur) le cycle de la vie en se basant sur leurs prénoms. Une initiation teintée de poésie, illustrée de dessins aux crayons de couleur particulièrement expressifs. Dès 4 ans.
Parce que Marie Nimier vit en Normandie et voit régulièrement le persil de son potager ratiboisé par un lapin gourmand, elle a fait de cette histoire un album, "Au bonheur des lapins", illustré par Béatrice Rodriguez (Albin Michel Jeunesse, 64 pages). La particularité de ce livre est qu'il se lit par les deux côtés. D'un côté, on a l'histoire de Lapin Toucour, de l'autre celle de Pablo, un peintre qui n'entend pas se laisser voler son persil.
Tous les moyens lui seront bons même les plus grands, les plus démesurés. Les deux récits donnent les visions différentes des protagonistes. Au centre, le lecteur appréciera les quiproquos, les mauvaises compréhensions, les allers et les retours, jusqu'à la pirouette finale qui réconciliera les anciens ennemis. C'est parfois un peu compliqué mais riche et attachant. Dès 6 ans.
Voilà un album très graphique aussi plaisant qu'original, imaginatif et poétique de surcroît. "Lapin cherche Lapin", de Maranke Rinck, illustré par Martijn van der Linden ("Memorykonijn", traduit du néerlandais par Camille Fort, De La Martinière Jeunesse, 58 pages). Il se base sur le principe du Memory: il faut chercher son double dans des cartes dont on ne voit que le dos.
Les erreurs de cartes deviennent le fil d'une histoire drôle et poétique. Quand Lapin cherche l'autre lapin, il découvre un avion rouge. Parti à son bord, il interroge les oiseaux, "Où est l'autre lapin?", mais il rencontre un autre groupe d'oiseaux qui tous vont ailleurs. Lapin atterrit en urgence sur une île où il découvre un autre avion rouge en panne. Là il fait la connaissance d'un roi qui voit arriver non l'autre lapin mais l'autre roi. L'histoire se poursuit de loufoqueries en étrangetés avec toujours le fil rouge du Memory, jusqu'à ce que chaque paire soit reconstituée. En fin d'ouvrage, un vrai jeu de Memory. C'est aussi charmant que déconcertant, innovant dans le bon sens du terme en tout cas. Dès 4 ans.
Rappel
DTPE 1: "Le Roi René", René Urtreger par Agnès Desarthe (Odile Jacob).
DTPE 2: "Cœur Croisé", Pilar Pujadas (Mercure de France).
DTPE 3: "Sens dessus dessous", Milena Agus (Liana Levi).
DTPE 4: "La reine du tango", Akli Tadjer (JC Lattès).
Libellés :
Albin Michel Jeunesse,
Album,
Billebaude,
De La Martinière Jeunesse,
Documentaire,
Editions des Eléphants,
Glénat,
Grégoire Solotareff,
Jeunesse,
Kazuo Iwamura,
L'école des loisirs,
lapin,
roman
mardi 19 juillet 2016
DTPE 4: fameux tanguero que cet Akli Tadjer!
De tout pour l'été, DTPE.
L'été, le temps de lire, du lourd et du léger, du français et de l'étranger, des romans et des récits. L'été, le temps de relire aussi.
La bonne chaleur des derniers jours réveille la peau, la sensualité, comme certaines musiques, comme certaines danses. C'est une occasion idéale pour découvrir le dernier roman d'Akli Tadjer, "La Reine du tango" (JC Lattès, 305 pages), plein de désirs avoués ou non. Un beau portrait de femme, celle du titre, que compose Suzanne, sa fille, la narratrice dans la peau de laquelle l'écrivain s'est glissé avec facilité. Très différent de son roman précédent, "Les Thermes du paradis" (lire ici).
On a coutume de dire qu'au tango, c'est l'homme qui guide. C'est pareil ici: Akli Tadjer guide son lecteur en danseur imaginatif mais ferme. Son roman tourne autour des échecs de Suzanne, une jeune femme professeur de tango: pourquoi ne s'en sort-elle pas mieux dans sa vie? Bien sûr, elle a des excuses. Elle a perdu sa mère, la Reine du tango, quand elle était enfant, dans des circonstances dramatiques. Elle avait déjà hérité de son don pour cette danse sophistiquée. De son don et de sa passion pour le tango.
Aujourd'hui, Suzanne ne peut plus prendre de tangente. Elle doit remonter dans son passé, rassembler ses souvenirs magnifiques et les compléter pour repousser les zones d'ombres et apprendre l'histoire véritable de sa mère. Ce n'est qu'au terme de ce chemin initiatique qu'elle pourra mettre un peu d'ordre dans la sienne. Et peut-être danser elle-même, son rêve le plus fort.
Voilà pour l'ossature du roman. Ce sont les pas de base sur lesquels notre tanguero des mots brode sans fin, nous faisant découvrir l'entourage de Suzanne, une copine un peu dingue, un vieil homme qui connaît son passé, un voleur dont elle tombe amoureuse, un policier qui veut apprendre à danser, un élève homo, d'autres stagiaires aussi. Sans oublier ceux qui fréquentent le bar dansant où elle a ses habitudes.
C'est tout un petit monde qu'Akli Tadjer entraîne dans cette folle de séance de tango, passant de la drôlerie à la mélancolie, de la sensualité aux coups de théâtre, sans oublier l'humour et, bien entendu, l'amour. Suzanne a le parler franc et évocateur. On la suit avec attention dans tous ses moments avec l'espoir qu'elle va s'en sortir tant son créateur nous la rend attachante. Et on comprend combien le tango a un haut pouvoir addictif.
Pour lire le début de "La Reine du tango", c'est ici.
Rappel
DTPE 1: "Le Roi René", René Urtreger par Agnès Desarthe (Odile Jacob).
DTPE 2: "Cœur Croisé", Pilar Pujadas (Mercure de France).
DTPE 3: "Sens dessus dessous", Milena Agus (Liana Levi).
L'été, le temps de lire, du lourd et du léger, du français et de l'étranger, des romans et des récits. L'été, le temps de relire aussi.
Akli Tadjer. (c) Charles Nemes. |
La bonne chaleur des derniers jours réveille la peau, la sensualité, comme certaines musiques, comme certaines danses. C'est une occasion idéale pour découvrir le dernier roman d'Akli Tadjer, "La Reine du tango" (JC Lattès, 305 pages), plein de désirs avoués ou non. Un beau portrait de femme, celle du titre, que compose Suzanne, sa fille, la narratrice dans la peau de laquelle l'écrivain s'est glissé avec facilité. Très différent de son roman précédent, "Les Thermes du paradis" (lire ici).
On a coutume de dire qu'au tango, c'est l'homme qui guide. C'est pareil ici: Akli Tadjer guide son lecteur en danseur imaginatif mais ferme. Son roman tourne autour des échecs de Suzanne, une jeune femme professeur de tango: pourquoi ne s'en sort-elle pas mieux dans sa vie? Bien sûr, elle a des excuses. Elle a perdu sa mère, la Reine du tango, quand elle était enfant, dans des circonstances dramatiques. Elle avait déjà hérité de son don pour cette danse sophistiquée. De son don et de sa passion pour le tango.
Aujourd'hui, Suzanne ne peut plus prendre de tangente. Elle doit remonter dans son passé, rassembler ses souvenirs magnifiques et les compléter pour repousser les zones d'ombres et apprendre l'histoire véritable de sa mère. Ce n'est qu'au terme de ce chemin initiatique qu'elle pourra mettre un peu d'ordre dans la sienne. Et peut-être danser elle-même, son rêve le plus fort.
Voilà pour l'ossature du roman. Ce sont les pas de base sur lesquels notre tanguero des mots brode sans fin, nous faisant découvrir l'entourage de Suzanne, une copine un peu dingue, un vieil homme qui connaît son passé, un voleur dont elle tombe amoureuse, un policier qui veut apprendre à danser, un élève homo, d'autres stagiaires aussi. Sans oublier ceux qui fréquentent le bar dansant où elle a ses habitudes.
C'est tout un petit monde qu'Akli Tadjer entraîne dans cette folle de séance de tango, passant de la drôlerie à la mélancolie, de la sensualité aux coups de théâtre, sans oublier l'humour et, bien entendu, l'amour. Suzanne a le parler franc et évocateur. On la suit avec attention dans tous ses moments avec l'espoir qu'elle va s'en sortir tant son créateur nous la rend attachante. Et on comprend combien le tango a un haut pouvoir addictif.
Pour lire le début de "La Reine du tango", c'est ici.
Rappel
DTPE 1: "Le Roi René", René Urtreger par Agnès Desarthe (Odile Jacob).
DTPE 2: "Cœur Croisé", Pilar Pujadas (Mercure de France).
DTPE 3: "Sens dessus dessous", Milena Agus (Liana Levi).
mardi 12 juillet 2016
DTPE 3: la fantaisie lumineuse de Milena Agus
De tout pour l'été, DTPE.
L'été, le temps de lire, du lourd et du léger, du français et de l'étranger, des romans et des récits. L'été, le temps de relire aussi.
Milena Agus a ce talent fou de raconter ses histoires de femmes et d'hommes de tous âges, de maisons et de lieux de Sardaigne, parfois du continent, d'une manière très personnelle qui crée une attraction imédiate. Les sujets de ses romans, tout en tours et détours, enchantent mais c'est surtout son regard posé sur les événements et la manière dont elle les consigne, en toute liberté, avec un brin de folie, un zeste d'inattendu et beaucoup d'amour qui rendent ses livres si émouvants et attachants. A peine les premières phrases lues, le lecteur est pris. Il ne pourra que savourer jusqu'au bout son bonheur de lecture, freinant parfois sur la fin pour en prolonger la sensation.
On a découvert l'écrivaine sarde en 2007 avec la traduction française de "Mal de pierres", son deuxième roman. Enthousiasme immédiat, succès critique et public. Depuis les traductions se sont succédé, rendant accessible toute la bibliographie romanesque actuelle de Milena Agus (lire plus bas).
Vient de sortir en français "Sens dessus dessous" ("Sottosopra", traduit de l'italien par Marianne Faurobert, Liana Levi, 154 pages), publié en Italie il y a cinq ans. Milena Agus tresse dans ce cinquième roman la délicieuse histoire d'un immeuble et de ses habitant(e)s, dignes représentant(e)s de la Sardaigne et de ses classes sociales côté cour mais côté jardin, êtres humains en soif d'amour qu'il soit compliqué et/ou secret, d'amitié et de musique, débordant de désirs inassouvis et en proie à des jalousies extrêmes. La vie est parfois plus turbulente que la mer toute proche.
Dans ce bel immeuble de Cagliari, il y a les beaux appartements résidentiels avec vue sur le port et il y a les logements modestes donnant sur la rue. Les relient plusieurs volées d'escaliers que montent et descendent les différents occupants des lieux. M. Johnson, le riche violoniste du dernier étage, et Anna, qui habite tout en bas et fait des ménages. Il y a aussi Alice, la narratrice de ces pages superbes, qui tente de démêler sa propre histoire familiale tout en observant ses voisins et ses voisines, et Natasha, la fille d'Anna. D'autres noms feront leur entrée en cours de récit, le conduisant dans de tout autres chemins que ceux imaginés. Des grains de sel pour que la vie ne manque pas de folie.
Chacun des personnages de ce roman extrêmement plaisant a son histoire, ses rêves, ses secrets, ses espoirs et sa façon de les mettre en place. Sa sexualité aussi. Chacun a enfin son petit grain de folie qui le rend fort ou faible, définitivement attachant. Milena Agus met le petit monde de l'immeuble en place avec art, s'attache à de minuscules détails qui font les habitants bien vivants, multiplie les rencontres, fortuites ou préparées, les coups de foudre et les sentiments plus lents. Les générations se croisent et se mélangent sur fond de Sardaigne. Les destins se modifient ou se laissent enfin découvrir. "Parfois, la vie est trop grande pour nous", dit une des protagonistes de ce superbe texte doux-amer où l'on retrouve avec bonheur le talent singulier de la romancière. Même si on connaît son style, original, libre, lumineux, plein d'amour pour les siens, depuis neuf ans qu'elle est apparue en terres francophones, on est une nouvelle fois enchanté d'avpir découvert ce nouveau roman.
Pour lire le début de "Sens dessus dessous", c'est ici.
Bibliographie
Pour ceux qui ont la chance d'encore pouvoir découvrir l'œuvre romanesque de Milena Agus.
Remarquée par la critique italienne pour son premier livre, c'est avec la traduction du deuxième que la romancière sarde Milena Agus déboule en 2007 en terres francophones. Un bonheur de lecture que ce "Mal de pierres" (traduit de l'italien par Dominique Vittoz, Liana Levi, 124 pages, Le Livre de poche, 2009, 160 pages), vif, libre, sensible, poétique, mystérieux, surprenant et d'une finesse constante.
Dans ce récit de passion, au milieu du siècle dernier, une femme aspire à aimer, à exister, malgré sa folie, au-delà de sa souffrance. Sa vie nous arrive par la voix de sa petite-fille, son âme-sœur, sa confidente, dans une langue adroite et limpide. Tout au long de ce bref roman, on est happé par le destin de "Grand-mère", une jeune fille singulière, née sans doute au mauvais moment, au mauvais endroit. Ailleurs que dans une île où tout le monde s'épie, à une époque autre que celle des soubresauts de la guerre, elle aurait vécu autre chose. "Grand-mère connut le Rescapé à l'automne 1950": dès la première phrase, Milena Agus pose l'essentiel de son livre. Une ligne plus bas: "Elle approchait des quarante ans sans enfants, car son «mali de is perdas», le mal de pierres, avait interrompu toutes ses grossesses."
L'écrivaine complète à petites touches le portrait d'une jeune fille qui ne rêve que d'amour mais terrifie ses prétendants par les poèmes enflammés qu'elle leur adresse; "avec des allusions cochonnes", prétend sa famille qui maudit "le jour où ils l'avaient envoyée à l'école apprendre à écrire". Grand-mère finira par trouver un époux, en juin 1943, quand débarque au village un veuf, survivant des bombardements de Cagliari. Un mariage sans amour où les époux dorment comme frère et sœur, dans un lit à une place et demie dont ils tombent souvent à force de s'éviter. Grand-père continue à fréquenter la maison close où il a ses habitudes jusqu'au jour où Grand-mère, attentive à ce qu'il ait davantage d'argent pour son tabac, lui déclare: "Expliquez-moi ce qui se passe avec ces femmes, et je ferai exactement pareil".
L'amour allait-il enfin venir? Non, c'est le "mal de pierres" qui se montre. Les médecins prescrivent alors à Grand-mère une cure thermale sur le continent, terre inconnue d'elle. Elle y rencontrera le Rescapé, venu soigner ses plaies au corps et au cœur. Il sera son révélateur. Elle découvre l'amour, la passion, se laisse apprivoiser, écrit plus que jamais. Son unique enfant naîtra après ce séjour, le père de la narratrice. Cette dernière poursuit la chronique familiale avec âpreté et tendresse, mêlant petits et les grands événements, débusquant, comme son aïeule transformée, les petits bonheurs, sans éviter les déconvenues. Le fils, la belle-fille, la petite-fille complice qui ne juge pas, consigne et révèle la femme d'hier... Principaux comme secondaires, les personnages se suivent. En miniaturiste experte, Milena Agus les dépeint avec sensibilité. Quand elle ramène le récit à notre époque, c'est pour encore surprendre le lecteur, les ultimes pages donnant la clé de ce superbe roman.
Pour lire le début de "Mal de pierres", c'est ici.
Un peu de magie est nécessaire pour passer de "vivre bien" à "vivre heureux". Mozart le pensait et Milena Agus se réfère à lui pour ouvrir son roman intitulé "Battement d'ailes" (traduit de l'italien par Dominique Vittoz, Liana Levi, 2008, 160 pages, Le livre de poche, 2010, 160 pages). Ce deuxième roman traduit est une autre perle, sauvage, irisée, comme celles que pourrait abriter la mer qui jouxte la propriété de Madame, au cœur du texte. Un livre comme une bulle de savon, léger, chatoyant, fantasque. Aussi fin, surprenant et réjouissant que "Mal de pierres". Un peu plus difficile à l'abord peut-être parce que Milena Agus n'y déroule pas son histoire de façon linéaire. Mais aussi enchantant et qui mérite la seconde lecture qui en révélera la quintessence.
De magnifiques personnages se meuvent dans "Battement d'ailes". On les découvre grâce à une narratrice de quatorze ans. Son grand-père est ami de Madame. Cette dernière, dont on n'apprendra le prénom qu'à la toute fin, clé de voûte du livre, est une personnalité excentrique qui vit à sa mode sans se soucier de personne. Attentive au bonheur, acquise à la magie, férue de nombres. Dérangée, disent de tristes sires.
Madame habite un lieu de rêve, en Sardaigne (position : 39o 9'nord, 9o 34'est). Elle n'entend céder son terrain en bord de mer à aucun promoteur. A peine a-t-elle accepté d'ouvrir une maison d'hôtes "pour huit personnes, pas plus". A ses conditions, rustiques. Madame "suit une idée fixe, sauver à elle seule la Sardaigne du béton, ne pas vendre, rester pauvre". Elle aime sa maison et sa terre qui lui offre de merveilleux produits. Elle se coud des robes bizarres et se cherche un amoureux. Madame a bien des hommes dans sa vie, l'amant premier, l'amant second, des hôtes de passage. Mais elle cherche l'Amour, avec un grand A et une certaine naïveté.
Autour de la narratrice, son grand-père, sa maman malade, son père parti, envolé, qui signale sa présence par des battements d'ailes, sa tante folle de Leibniz, des voisins super-catholiques qui ont, malgré tout, engendré un petit-fils jazzman à Paris et le jeune Pietrino, et aussi le docteur Giovanni. Un petit monde qui va et vient au fil de l'imagination de Milena Agus. Cette dernière orchestre des scènes sublimes ou touchantes, qui se répondent parfois d'un bout à l'autre du livre. La magie a sa place chez elle, comme la liberté, comme l'amour. Et c'est bien ce qui nous séduit.
Pour lire le début de "Battement d'ailes", c'est ici.
"Mon voisin" (traduit de l'italien par Françoise Brun, Liana Levi, "Piccolo", 2009, 64 pages) est une longue nouvelle où Milena Agus met à nu le désarroi d'une femme qui rêve de mourir et que tente le suicide. Elle en rêve, l'imagine parfait. Elle en sera toutefois détournée par l'irruption dans sa vie d'un voisin avec lequel elle se lie vaguement. Tout en demi-teintes, le récit chemine au fil d'émotions finement transmises. Milena Agus ausculte son personnage avec compassion, l'accompagne sur le fil du rasoir. Jusqu'à un dénouement coup de théâtre, qui fracasse un peu le charme des pages précédentes.
Cinq ans après sa sortie en Italie est paru en français "Quand le requin dort" (traduit de l'italien par Françoise Brun, Liana Levi, 2010, 160 pages, Le livre de poche, 2012, 168 pages), la traduction française du premier roman de la plus Sarde des romancières - son quatrième livre en français -, précédé de sa première phrase imparable: "En réalité, nous ne sommes pas la famille Sevilla-Mendoza. Nous sommes sardes, j'en suis sûre, depuis le Paléolithique supérieur". Impossible du coup d'aborder ce premier livre comme on le fait
habituellement, l'esprit dégagé de toute autre considération que le texte à
lire. D'autant plus compliqué à tenter que tout dans "Quand le requin
dort" recèle les germes des deux romans ultérieurs, sans pour
autant que ces derniers n'en soient des redites.
Ce premier livre original suit une famille sarde par la voix d'une adolescente de dix-huit ans, en quête d'elle-même et d'amour, maîtresse secrète d'un homme marié. Le père ne rêve que de voyages lointains, en Amérique du Sud de préférence. La mère, en proie à un mal-être profond, finira par "s'enfuir de la vie". Le frère ne vit que pour le piano. La grand-mère a un avis sur tout. La tante est passionnée d'histoire et cherche désespérément un fiancé. C'est par elle qu'arrivent souvent de nouvelles têtes, hommes qui passent là quelques heures ou quelques mois. Car Dieu, convoqué plus souvent qu'à son tour, semble ne pas vouloir la marier tout de suite. Sans doute a-t-il d'autres intentions en tête.
L'aînée, Noemi, paraît la plus sérieuse. Elle vit dans un décor d'hier et le cache pour le protéger. Mais la juge s'amourache du peintre collectionneur de vaisselle ancienne qui la soutient dans son idée de racheter les biens perdus. Maddalena, elle, n'a qu'une envie, avoir un enfant, et s'adonne le plus souvent possible aux plaisirs de la chair avec son mari Salvatore. La cadette, dite de Ricotta tellement elle est maladroite, est aussi la plus fragile. Elle vit dans ses rêves, à côté de la réalité, mais a un fils, l'étrange Carlino.
Milena Agus ajoute un voisin, marié ou non selon les jours, attentif aux plus faibles, et la nounou d'hier, revenue vivre avec celles qu'elle a gardées petites et aimées au décès prématuré de leur mère. Cette saga familiale prenante et subtilement construite nous offre le meilleur.
Calendrier de parution
en italien
traduit par Françoise Brun, Liana Levi, 2010)
traduit par Dominique Vittoz, Liana Levi, 2007)
traduit par Françoise Brun, Liana Levi, 2009)
"Ali di babbo" (Nottetempo, "Battement d'ailes",
traduit par Dominique Vittoz, Liana Levi, 2008)
L'été, le temps de lire, du lourd et du léger, du français et de l'étranger, des romans et des récits. L'été, le temps de relire aussi.
Milena Agus. |
Milena Agus a ce talent fou de raconter ses histoires de femmes et d'hommes de tous âges, de maisons et de lieux de Sardaigne, parfois du continent, d'une manière très personnelle qui crée une attraction imédiate. Les sujets de ses romans, tout en tours et détours, enchantent mais c'est surtout son regard posé sur les événements et la manière dont elle les consigne, en toute liberté, avec un brin de folie, un zeste d'inattendu et beaucoup d'amour qui rendent ses livres si émouvants et attachants. A peine les premières phrases lues, le lecteur est pris. Il ne pourra que savourer jusqu'au bout son bonheur de lecture, freinant parfois sur la fin pour en prolonger la sensation.
On a découvert l'écrivaine sarde en 2007 avec la traduction française de "Mal de pierres", son deuxième roman. Enthousiasme immédiat, succès critique et public. Depuis les traductions se sont succédé, rendant accessible toute la bibliographie romanesque actuelle de Milena Agus (lire plus bas).
Vient de sortir en français "Sens dessus dessous" ("Sottosopra", traduit de l'italien par Marianne Faurobert, Liana Levi, 154 pages), publié en Italie il y a cinq ans. Milena Agus tresse dans ce cinquième roman la délicieuse histoire d'un immeuble et de ses habitant(e)s, dignes représentant(e)s de la Sardaigne et de ses classes sociales côté cour mais côté jardin, êtres humains en soif d'amour qu'il soit compliqué et/ou secret, d'amitié et de musique, débordant de désirs inassouvis et en proie à des jalousies extrêmes. La vie est parfois plus turbulente que la mer toute proche.
Dans ce bel immeuble de Cagliari, il y a les beaux appartements résidentiels avec vue sur le port et il y a les logements modestes donnant sur la rue. Les relient plusieurs volées d'escaliers que montent et descendent les différents occupants des lieux. M. Johnson, le riche violoniste du dernier étage, et Anna, qui habite tout en bas et fait des ménages. Il y a aussi Alice, la narratrice de ces pages superbes, qui tente de démêler sa propre histoire familiale tout en observant ses voisins et ses voisines, et Natasha, la fille d'Anna. D'autres noms feront leur entrée en cours de récit, le conduisant dans de tout autres chemins que ceux imaginés. Des grains de sel pour que la vie ne manque pas de folie.
Chacun des personnages de ce roman extrêmement plaisant a son histoire, ses rêves, ses secrets, ses espoirs et sa façon de les mettre en place. Sa sexualité aussi. Chacun a enfin son petit grain de folie qui le rend fort ou faible, définitivement attachant. Milena Agus met le petit monde de l'immeuble en place avec art, s'attache à de minuscules détails qui font les habitants bien vivants, multiplie les rencontres, fortuites ou préparées, les coups de foudre et les sentiments plus lents. Les générations se croisent et se mélangent sur fond de Sardaigne. Les destins se modifient ou se laissent enfin découvrir. "Parfois, la vie est trop grande pour nous", dit une des protagonistes de ce superbe texte doux-amer où l'on retrouve avec bonheur le talent singulier de la romancière. Même si on connaît son style, original, libre, lumineux, plein d'amour pour les siens, depuis neuf ans qu'elle est apparue en terres francophones, on est une nouvelle fois enchanté d'avpir découvert ce nouveau roman.
Pour lire le début de "Sens dessus dessous", c'est ici.
Bibliographie
Pour ceux qui ont la chance d'encore pouvoir découvrir l'œuvre romanesque de Milena Agus.
Le rêve d'amour d'une grand-mère
Remarquée par la critique italienne pour son premier livre, c'est avec la traduction du deuxième que la romancière sarde Milena Agus déboule en 2007 en terres francophones. Un bonheur de lecture que ce "Mal de pierres" (traduit de l'italien par Dominique Vittoz, Liana Levi, 124 pages, Le Livre de poche, 2009, 160 pages), vif, libre, sensible, poétique, mystérieux, surprenant et d'une finesse constante.
Dans ce récit de passion, au milieu du siècle dernier, une femme aspire à aimer, à exister, malgré sa folie, au-delà de sa souffrance. Sa vie nous arrive par la voix de sa petite-fille, son âme-sœur, sa confidente, dans une langue adroite et limpide. Tout au long de ce bref roman, on est happé par le destin de "Grand-mère", une jeune fille singulière, née sans doute au mauvais moment, au mauvais endroit. Ailleurs que dans une île où tout le monde s'épie, à une époque autre que celle des soubresauts de la guerre, elle aurait vécu autre chose. "Grand-mère connut le Rescapé à l'automne 1950": dès la première phrase, Milena Agus pose l'essentiel de son livre. Une ligne plus bas: "Elle approchait des quarante ans sans enfants, car son «mali de is perdas», le mal de pierres, avait interrompu toutes ses grossesses."
L'écrivaine complète à petites touches le portrait d'une jeune fille qui ne rêve que d'amour mais terrifie ses prétendants par les poèmes enflammés qu'elle leur adresse; "avec des allusions cochonnes", prétend sa famille qui maudit "le jour où ils l'avaient envoyée à l'école apprendre à écrire". Grand-mère finira par trouver un époux, en juin 1943, quand débarque au village un veuf, survivant des bombardements de Cagliari. Un mariage sans amour où les époux dorment comme frère et sœur, dans un lit à une place et demie dont ils tombent souvent à force de s'éviter. Grand-père continue à fréquenter la maison close où il a ses habitudes jusqu'au jour où Grand-mère, attentive à ce qu'il ait davantage d'argent pour son tabac, lui déclare: "Expliquez-moi ce qui se passe avec ces femmes, et je ferai exactement pareil".
L'amour allait-il enfin venir? Non, c'est le "mal de pierres" qui se montre. Les médecins prescrivent alors à Grand-mère une cure thermale sur le continent, terre inconnue d'elle. Elle y rencontrera le Rescapé, venu soigner ses plaies au corps et au cœur. Il sera son révélateur. Elle découvre l'amour, la passion, se laisse apprivoiser, écrit plus que jamais. Son unique enfant naîtra après ce séjour, le père de la narratrice. Cette dernière poursuit la chronique familiale avec âpreté et tendresse, mêlant petits et les grands événements, débusquant, comme son aïeule transformée, les petits bonheurs, sans éviter les déconvenues. Le fils, la belle-fille, la petite-fille complice qui ne juge pas, consigne et révèle la femme d'hier... Principaux comme secondaires, les personnages se suivent. En miniaturiste experte, Milena Agus les dépeint avec sensibilité. Quand elle ramène le récit à notre époque, c'est pour encore surprendre le lecteur, les ultimes pages donnant la clé de ce superbe roman.
Pour lire le début de "Mal de pierres", c'est ici.
Un bijou d'une finesse infinie autour de "Madame"
De magnifiques personnages se meuvent dans "Battement d'ailes". On les découvre grâce à une narratrice de quatorze ans. Son grand-père est ami de Madame. Cette dernière, dont on n'apprendra le prénom qu'à la toute fin, clé de voûte du livre, est une personnalité excentrique qui vit à sa mode sans se soucier de personne. Attentive au bonheur, acquise à la magie, férue de nombres. Dérangée, disent de tristes sires.
Madame habite un lieu de rêve, en Sardaigne (position : 39o 9'nord, 9o 34'est). Elle n'entend céder son terrain en bord de mer à aucun promoteur. A peine a-t-elle accepté d'ouvrir une maison d'hôtes "pour huit personnes, pas plus". A ses conditions, rustiques. Madame "suit une idée fixe, sauver à elle seule la Sardaigne du béton, ne pas vendre, rester pauvre". Elle aime sa maison et sa terre qui lui offre de merveilleux produits. Elle se coud des robes bizarres et se cherche un amoureux. Madame a bien des hommes dans sa vie, l'amant premier, l'amant second, des hôtes de passage. Mais elle cherche l'Amour, avec un grand A et une certaine naïveté.
Autour de la narratrice, son grand-père, sa maman malade, son père parti, envolé, qui signale sa présence par des battements d'ailes, sa tante folle de Leibniz, des voisins super-catholiques qui ont, malgré tout, engendré un petit-fils jazzman à Paris et le jeune Pietrino, et aussi le docteur Giovanni. Un petit monde qui va et vient au fil de l'imagination de Milena Agus. Cette dernière orchestre des scènes sublimes ou touchantes, qui se répondent parfois d'un bout à l'autre du livre. La magie a sa place chez elle, comme la liberté, comme l'amour. Et c'est bien ce qui nous séduit.
Pour lire le début de "Battement d'ailes", c'est ici.
Un pseudo-suicide parfait
Le premier roman de Milena Agus
Ce premier livre original suit une famille sarde par la voix d'une adolescente de dix-huit ans, en quête d'elle-même et d'amour, maîtresse secrète d'un homme marié. Le père ne rêve que de voyages lointains, en Amérique du Sud de préférence. La mère, en proie à un mal-être profond, finira par "s'enfuir de la vie". Le frère ne vit que pour le piano. La grand-mère a un avis sur tout. La tante est passionnée d'histoire et cherche désespérément un fiancé. C'est par elle qu'arrivent souvent de nouvelles têtes, hommes qui passent là quelques heures ou quelques mois. Car Dieu, convoqué plus souvent qu'à son tour, semble ne pas vouloir la marier tout de suite. Sans doute a-t-il d'autres intentions en tête.
Une famille fameusement déconcertante que celle des
Sevilla-Mendoza, abonnée aux départs et aussi aux secrets que Milena Agus
excelle à ourdir avant de les lever avec panache. Son écriture particulière, un
peu rauque, associe les mots et les images de façon réjouissante autant qu'elle
recourt à la superstition pour avancer dans l'existence. Accepterait-on qu'un
requin vous empêche de vivre et d'aimer? Non. Mais il faut bien le surveiller
pour remarquer qu'il est endormi et tenter de lui échapper.
Pour lire le début de "Quand le requin dort", c'est ici.
Les trois sœurs de Milena Agus
Dès les premières lignes de "La comtesse de Ricotta" (traduit de l'italien par Françoise Brun, Liana Levi, 2012, 128 pages, Piccolo, 2013, 128 pages), titre un peu étrange du quatrième roman traduit de Milena Agus, on retrouve l'attachante musique des mots de la romancière sarde, son ton pour raconter joies et chagrins, son goût pour la fantaisie qui illumine le réel.
On est sur les hauteurs de Cagliari, dans un palais familial ancien qui connut des temps meilleurs. Comme la fortune de ses propriétaires. Les revers ont été nombreux et cinq des huit appartements du palazzo ont dû être vendus. Les trois sœurs que Milena Agus nous présente ont chacune le leur (le 1, le 3 et le 8), plus ou moins décrépit. Trois comtesses que l'auteur confronte à la vie, à l'amour, au sexe et à la propriété dans ce roman enchanteur.L'aînée, Noemi, paraît la plus sérieuse. Elle vit dans un décor d'hier et le cache pour le protéger. Mais la juge s'amourache du peintre collectionneur de vaisselle ancienne qui la soutient dans son idée de racheter les biens perdus. Maddalena, elle, n'a qu'une envie, avoir un enfant, et s'adonne le plus souvent possible aux plaisirs de la chair avec son mari Salvatore. La cadette, dite de Ricotta tellement elle est maladroite, est aussi la plus fragile. Elle vit dans ses rêves, à côté de la réalité, mais a un fils, l'étrange Carlino.
Milena Agus ajoute un voisin, marié ou non selon les jours, attentif aux plus faibles, et la nounou d'hier, revenue vivre avec celles qu'elle a gardées petites et aimées au décès prématuré de leur mère. Cette saga familiale prenante et subtilement construite nous offre le meilleur.
Pour lire le début de "La comtesse de Ricotta", c'est ici.
Calendrier de parution
en italien
en français
2005
"Mentre dorme il pescecane" (Nottetempo, "Quand le requin dort",traduit par Françoise Brun, Liana Levi, 2010)
2006
"Mal di pietre" (Nottetempo, "Mal de pierres",traduit par Dominique Vittoz, Liana Levi, 2007)
2007
"Perché scrivere" (Nottetempo)
"Mal de pierres",
traduit par Dominique Vittoz, Liana Levi
traduit par Dominique Vittoz, Liana Levi
2008
"Il vicino" (Tiligu, "Mon voisin",traduit par Françoise Brun, Liana Levi, 2009)
"Ali di babbo" (Nottetempo, "Battement d'ailes",
traduit par Dominique Vittoz, Liana Levi, 2008)
"Battement d'ailes",
traduit par Dominique Vittoz, Liana Levi
traduit par Dominique Vittoz, Liana Levi
2009
"La contessa di ricotta" (Nottetempo, "La Comtesse de Ricotta",
traduit par Françoise Brun, Liana Levi, 2012)
"Mon voisin",
traduit par Françoise Brun, Liana Levi
traduit par Françoise Brun, Liana Levi
2010
"Quand le requin dort",
traduit par Françoise Brun, Liana Levi
traduit par Françoise Brun, Liana Levi
2011
"Sottosopra"(Nottetempo, "Sens dessus dessous",
traduit par Marianne Faurobert, Liana Levi, 2016)
2012
"La comtesse de Ricotta",
traduit par Françoise Brun, Liana Levi
traduit par Françoise Brun, Liana Levi
2014
"Guardati dalla mia fame", con Luciana Castellina
(Nottetempo, "Prends garde", avec Luciana Castellina,
traduit par Marianne Faurobert et Marguerite Pozzoli, Liana Levi, 2015)
2015
"Prends garde", avec Luciana Castellina,
traduit par Marianne Faurobert et Marguerite Pozzoli, Liana Levi
traduit par Marianne Faurobert et Marguerite Pozzoli, Liana Levi
2016
"Sens dessus dessous",
traduit par Marianne Faurobert, Liana Levi
traduit par Marianne Faurobert, Liana Levi
Rappel
DTPE 1: "Le Roi René", René Urtreger par Agnès Desarthe (Odile Jacob).
DTPE 2: "Cœur Croisé", Pilar Pujadas (Mercure de France).
vendredi 1 juillet 2016
DTPE 2: cinq femmes et un soutien-gorge
De tout pour l'été, DTPE.
L'été, le temps de lire, du lourd et du léger, du français et de l'étranger, des romans et des récits. L'été, le temps de relire aussi.
"Cœur Croisé"... Pas étonnant que j'aie l'impression d'avoir toujours connu ce mot: le célèbre soutien-gorge à élastiques croisés a été créé il y a plus de soixante ans... Il donne aujourd'hui son nom à un beau petit roman de Pilar Pujadas (Mercure de France, 135 pages), née à Barcelone en 1960 mais résidant à Bruxelles depuis de nombreuses années. Ce premier roman est son second livre, après l'abécédaire illustré par Mélanie Rutten "J'aime trop l'amour" dans la collection "Soit dit entre nous..." des Escales des lettres du Castor Astral (2014).
Statique, abandonné sur la table de nuit de la chambre à coucher, le "Cœur Croisé" rouge est néanmoins au centre de l'intrique. Cinq femmes vont successivement l'y voir, s'en étonner ou pas, et raconter leur histoire. Au début, on pourrait croire qu'il s'agit de cinq nouvelles car la romancière n'en dit pas trop. Mais le livre achevé, le lecteur réalise qu'il s'agit bien d'un roman unique qu'il aura pris plaisir à reconstituer. Il aura alors asssemblé l'histoire de ces femmes autour de Laurent et entendu ce dernier terminer le récit.
On rencontre donc successivement Déborah la femme de ménage, Marie-France la mère, Muriel la voisine, Eve l'ex et Béatrice la nouvelle. Elles se connaissent de près ou de loin. Chacune se rend dans l'appartement qui devrait être inoccupé pour une bonne ou une mauvaise raison. Chacune raconte un bout de son passé en relation avec le soutien-gorge écarlate, en lien ou non avec Laurent. Chacune incite le lecteur à aller dans une voie alors que la suivante lui fait revoir son jugement. Pilar Pujadas raconte des petits bouts de vies de femmes, croise leurs histoires d'amour, tresse leurs rêves et leurs espoirs avec la réalité. C'est joliment assemblé, bien écrit et plein de surprises à découvrir. Un beau petit roman qui donne du glamour à ces soutiens-gorges forcément datés.
Rappel
DTPE 1: "Le Roi René", René Urtreger par Agnès Desarthe (Odile Jacob).
L'été, le temps de lire, du lourd et du léger, du français et de l'étranger, des romans et des récits. L'été, le temps de relire aussi.
Pilar Pujadas. |
"Cœur Croisé"... Pas étonnant que j'aie l'impression d'avoir toujours connu ce mot: le célèbre soutien-gorge à élastiques croisés a été créé il y a plus de soixante ans... Il donne aujourd'hui son nom à un beau petit roman de Pilar Pujadas (Mercure de France, 135 pages), née à Barcelone en 1960 mais résidant à Bruxelles depuis de nombreuses années. Ce premier roman est son second livre, après l'abécédaire illustré par Mélanie Rutten "J'aime trop l'amour" dans la collection "Soit dit entre nous..." des Escales des lettres du Castor Astral (2014).
Statique, abandonné sur la table de nuit de la chambre à coucher, le "Cœur Croisé" rouge est néanmoins au centre de l'intrique. Cinq femmes vont successivement l'y voir, s'en étonner ou pas, et raconter leur histoire. Au début, on pourrait croire qu'il s'agit de cinq nouvelles car la romancière n'en dit pas trop. Mais le livre achevé, le lecteur réalise qu'il s'agit bien d'un roman unique qu'il aura pris plaisir à reconstituer. Il aura alors asssemblé l'histoire de ces femmes autour de Laurent et entendu ce dernier terminer le récit.
On rencontre donc successivement Déborah la femme de ménage, Marie-France la mère, Muriel la voisine, Eve l'ex et Béatrice la nouvelle. Elles se connaissent de près ou de loin. Chacune se rend dans l'appartement qui devrait être inoccupé pour une bonne ou une mauvaise raison. Chacune raconte un bout de son passé en relation avec le soutien-gorge écarlate, en lien ou non avec Laurent. Chacune incite le lecteur à aller dans une voie alors que la suivante lui fait revoir son jugement. Pilar Pujadas raconte des petits bouts de vies de femmes, croise leurs histoires d'amour, tresse leurs rêves et leurs espoirs avec la réalité. C'est joliment assemblé, bien écrit et plein de surprises à découvrir. Un beau petit roman qui donne du glamour à ces soutiens-gorges forcément datés.
Rappel
DTPE 1: "Le Roi René", René Urtreger par Agnès Desarthe (Odile Jacob).
Inscription à :
Articles (Atom)