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mardi 24 décembre 2024

Sous le sapin, un trio féminin


Trois romans de femmes, trois récits romancés, trois bonheurs de lecture.


Amélie Nothomb. (c) Charlotte Abramow.
Évoquer Amélie Nothomb, c'est illico penser champagne. Ou Japon, pays qui pulse dans les veines de la romancière belge qui y a passé sa petite enfance, dans le sillage de son père diplomate, et s'est longtemps considérée comme Japonaise. En raison de ses premiers succès littéraires sans doute et de son attrait pour Paris, elle y est finalement peu retournée. Une fois en 1987, jeune adulte de 21 ans, pour y travailler. Une expérience qui donnera deux romans, "Stupeur et Tremblements" (1999) et "Ni d'Ève ni d'Adam" (2007). Elle s'y rendra encore en 2012 pour un tournage avec une équipe de télévision, évoquée dans "La nostalgie heureuse" (2013,  lire ici). Elle reviendra sur son enfance en Asie dans "Psychopompe" (2023).
 
Le grand saut, elle le fait cette année avec "L'impossible retour" (Albin Michel, 162 pages), le récit romancé d'un voyage au Japon qu'elle a effectué du 20 au 31 mai 2023 avec son amie photographe Peb Beni, à la demande de celle-ci. Il s'agit de son trente-troisième livre publié (bibliographie en fin de note) même si elle a terminé d'écrire le cent-dixième - on sait qu'elle écrit trois romans par an mais n'en propose qu'un à son éditeur, Francis Esménard, celui qui a fait d'elle en 1992 une primo-romancière.
 
"L'impossible retour", dont la quatrième de couverture annonce crânement "Tout retour est impossible, l'amour le plus absolu n'en donne pas la clef". Alors? Alors, on fait un magnifique voyage-découverte du Japon en compagnie des deux amies dont les dialogues s'avèrent extrêmement savoureux. Qu'elles discutent, se disputent, se promènent, boivent, mangent, sortent. Surtout, on plonge dans le cerveau et le cœur de la narratrice dans ce texte touchant écrit à la première personne. Ce retour au pays, non pas natal, elle est née à Bruxelles, mais presque, et bien sûr idéalisé, vibre de toutes les émotions qu'il déclenche, ravive tant de souvenirs. La langue japonaise, les endroits visités en compagnie de son père, les usages des lieux... Il est aussi la source de mille questions auxquelles il est répondu. Il y a de la nostalgie bien entendu mais aussi une folle énergie dans ce prenant roman au ton enlevé et au vocabulaire choisi, comme toujours chez Amélie Nothomb.

Pour lire en ligne le début de "L'impossible retour", c'est ici


Le selfie de la cinquantaine.
Dès le titre, "Mes enfants sont partis" (Grasset, 162 pages), Julie Bonnie annonce la couleur. Son récit romancé débute toutefois quelques mois plus tôt, le soir de la fête de ses cinquante ans qui a réuni famille et amis. "Je me suis couchée soûle et heureuse, contre Nicolas, prête à en découdre avec la cinquantaine. (...) Puis je me suis réveillée." 
 
Et puis, celle qui a mené de front, et tambour battant, sa carrière de rockeuse et de jeune maman, de travailleuse en maternité et de chanteuse, plus récemment, de romancière - elle en est à son septième livre en littérature générale (lire ici), toujours épaulée par son amoureux Nicolas, doit affronter l'inimaginable pour elle, le départ du nid pour leurs études de ses deux enfants. Très vite l'un après l'autre. La même semaine. Emile en grande banlieue, Rose, 28 ans, à Bruxelles. "Depuis que je sais qu'ils doivent partir, je suis affolée. Je ne me reconnais plus. Les nuits sont blanches, emplies de cauchemars [ménagers]. Je n'ai pas eu le temps de me préparer à ce moment, je ne l'ai pas vu venir. Ou plutôt, je n'en avais pas du tout mesuré l'importance."

Avec une sincérité totale, l'auteure rapporte cette nouvelle situation, comment les détails pratiques, dont ce fameux paillasson, menacent de l'égarer, elle que sa gynécologue a déjà ébranlée par ses propos sur sa prochaine ménopause. C'est à la fois déchirant et drôle, dramatiquement drôle. Jamais pleurnichard ou mièvre. Au contraire, à l'occasion de cet événement majeur de la vie des femmes, des "vieilles", Julie Bonnie parcourt son chemin de vie personnel, entre la musique, le couple et la maternité. Elle détaille minutieusement ces premiers mois sans enfants à la maison. D'une écriture variée. Avec leurs hauts et leurs bas, mais toujours avec Nicolas. On s'y reconnaît bien entendu. Quel miroir empathique. Mais la romancière enlève le jeu et fait œuvre littéraire en parsemant son récit d'inattendus portraits de femmes du même âge.

Pour lire en ligne le début de "Mes enfants sont partis", c'est ici. 


Julia Deck. (c) Hélène Bamberger.
Avec son sixième roman,  le très prenant "Ann d'Angleterre" (Seuil, 252 pages), Julia Deck ose se lancer dans le roman autobiographique. A la première personne mais à sa manière. Percutante. Après s'être sûrement interrogée mille fois. En réussissant à faire une histoire universelle de la vie peu commune de sa mère. Une jeune Anglaise qui a bourlingué et s'est installée en France. Qui élèvera sa fille dans les deux langues. Qui n'en fera jamais qu'à sa tête, avec une incroyable exigence pour elle et pour les autres. Une force de la nature.

C'est cette femme forte que la narratrice retrouvera à terre dans son appartement parisien en avril 2022, victime d'un accident cérébral. Premiers remords: pourquoi l'a-t-elle quittée si vite la veille? Le premier miracle est qu'Ann, 85 ans, soit toujours vivante, le deuxième qu'elle survive dans les conditions qui lui sont imposées par la médecine d'urgence française. Par la médecine d'urgence pour les personnes âgées, devrait-on dire. Le troisième que la patiente déjoue petit à petit tous les diagnostics. Non, elle ne mourra pas là. Même si elle l'exige, elle ne pourra toutefois plus vivre seule. Et sa fille unique d'entamer un long slalom entre divers établissements de soins. Avec la lumière en bout de piste.

Ce pourrait être un récit glauque, ce ne l'est pas du tout même si on est ébranlé par ce qu'on lit. Mais Julia Deck manie habilement l'humour british à propos de ses inquiétudes, de ses questionnements et de ses colères légitimes. Elle fait le choix de la vérité, de la sincérité. Elle ne cache rien de ses regrets ou de ses interrogations. Elle se montre à nu, ennuyée parfois, fort dévouée et très lucide. L'air de rien, elle témoigne de l'état inquiétant de la santé publique hexagonale. En filigrane constant se glisse son amour pour sa mère, son admiration pour celle qui lui a donné la vie. 
 
Les étapes du parcours médical d'Ann sont ponctuées d'éléments de son histoire, petite fille née dans une famille ouvrière anglaise. Jeune femme passionnée de littérature qui s'est élevée socialement, à la joie de sa propre mère, et est venue habiter en France. Une femme volontaire qui n'a peut-être jamais tout dit d'elle-même. Quand Julia décèle une étrangeté dans les rapports qu'Ann entretient avec sa famille d'Angleterre, elle comprend qu'elle a toujours vécu à côté d'un secret. Un énorme secret peut-être, au sujet duquel sa mère grandement atteinte par son AVC lui glisse cependant certains indices. Quel destin et quelle force dans cette "Ann d'Angleterre" que Julia Deck nous présente dans un texte splendidement construit qui suscite l'admiration et ravit.

Pour lire en ligne un extrait de "Ann d'Angleterre", c'est ici.




La bibliographie d'Amélie Nothomb 

  • 1992 "Hygiène de l'assassin", Prix René Fallet
  • 1993 "Le Sabotage amoureux", Prix de la Vocation / Prix Alain-Fournier / Prix Chardonne
  • 1994 "Les Combustibles"
  • 1995 "Les Catilinaires", Prix du Jury Jean Giono
  • 1996 "Péplum"
  • 1997 "Attentat"
  • 1998 "Mercure"
  • 1999 "Stupeur et tremblements", Grand Prix du roman de l'Académie française
  • 2000 "Métaphysique des tubes"
  • 2001 "Cosmétique de l'ennemi"
  • 2002 "Robert des noms propres"
  • 2003" Antéchrista"
  • 2004 "Biographie de la faim" 
  • 2005 "Acide sulfurique"
  • 2006 "Journal d'Hirondelle"
  • 2007 "Ni d'Ève ni d'Adam", Prix de Flore
  • 2008  "Le Fait du prince", Grand Prix Jean Giono pour l'ensemble de son œuvre
  • 2009 "Le Voyage d'hiver"
  • 2010 "Une forme de vie"
  • 2011 "Tuer le père"
  • 2012 "Barbe Bleue"
  • 2013 "La nostalgie heureuse" (lire ici)
  • 2014 "Pétronille" (lire ici)
  • 2015 "Le crime du Comte Neville" (lire ici)
  • 2016 "Riquet à la houppe"
  • 2017 "Frappe-toi le cœur" (lire ici)
  • 2018 "Les prénoms épicènes" (lire ici)
  • 2019 "Soif"
  • 2020 "Les aérostats" (lire ici)
  • 2021 "Premier sang", prix Renaudot (lire ici)
  • 2022 "Le livre des sœurs" (lire ici)
  • 2023 "Psychopompe"

lundi 23 décembre 2024

Quand une petite fille et un lutin sauvent Noël

Les lois de Noël dans l'album "Perce-Neige". (c) l'école des loisirs.

Que reste-t-il de la fête de Noël,
s'interrogent les médias ces jours-ci? La question peut aussi être posée à propos des albums pour enfants sur le thème de Noël. Tout aurait-il été dit précédemment (lire ici) tant s'appauvrit le cru annuel. C'est encore le cas cette année, à une exception près. Et quelle exception! Le splendide album "Perce-Neige, un conte de Noël" de Grégoire Solotareff, Emmanuel Lecaye et Emma McCann (l'école des loisirs, 80 pages), classique et plein d'imagination.
 
De bon format, épais, toilé de rouge et doré au fer. Déroulant une passionnante histoire fort bien illustrée qu'on aura plaisir à lire et relire tant elle est riche. On y rencontre une petite fille qui fuit dans la neige, paniquée. La glace craque sous elle et elle glisse dans une crevasse. Une longue longue chute qui aboutit dans un monde inconnu, une ville multicolore et lumineuse. La fuyarde n'aura pas le temps de s'interroger longtemps car la valise dans laquelle elle a atterri et qui s'est refermée sur elle est emportée par Nils, un lutin.
 
Images sur double page. (c) l'école des loisirs.
 
A ce stade, le lecteur connaît déjà plusieurs éléments de l'histoire, les lois de Noël (voir l'illustration en début de note), l'histoire de Dorian, le lutin puni jadis par le Père Noël, l'horloge magique de Noëlbourg qui empêche ses habitants de vieillir, le fait que la fillette est muette et menacée par une sorte de sorcier. Il comprend intuitivement que la présence de Perce-Neige va chambouler ce monde enchanté qui s'active à préparer les cadeaux que le Père Noël apportera aux enfants sur terre.
 
Un texte éclairé d'illustrations. (c) l'école des loisirs.

Quel plaisir de découvrir les multiples rebondissements de ce conte de Noël, écrit avec une gourmandise de mots qui devient rare. La rencontre de Nils et Perce-Neige, la découverte en détail de Noëlbourg, de ses menus sucrés, des activités des habitants, des dix frères Noël, le rappel des lois des lutins imposant la fuite à la jeune humaine, le secours d'un renne... Le récit s'intensifie quand Nils décide d'aider Perce-Neige après avoir vu sa situation sur terre et occasionne involontairement un désastre chez lui. Le lutin Dorian est de retour, ivre de vengeance et très déterminé. Va-t-il gagner? Il semble près de la victoire. Le suspense est intense. Les lutins découvriront, ébahis, à cette occasion, que "les petites filles sont vraiment les créatures les plus courageuses qui existent". Après tant de peur et d'émotions arrive la finale toute en douceur et en perspectives d'avenir. On s'apaise. "Perce-Neige" est un vrai conte de Noël, abondamment illustré en des styles divers, Emma McCann pour les doubles pages retravaillées en couleurs numériques, les Solotareff-Lecaye pour les autres, où les bons triomphent du méchant, un zeste de féminisme en plus.
 
Sur une double page, un moment décisif. (c) l'école des loisirs.

 
 
 






jeudi 19 décembre 2024

Un petit format dans chaque petite main

"Le gros livre" de Delphine Perret commence. (c) Les fourmis rouges.

Les libraires et les bibliothécaires ne les aiment pas beaucoup: trop difficile à retrouver dans un rayonnage. Les collectionneurs guère plus: ils prennent la place d'un livre "normal" sur une étagère et ils s'égarent dans les boîtes à livres. Et pourtant! Quel plaisir que les albums jeunesse de toute petite taille, qui tiennent bien dans la main. En voici deux, dans des genres diamétralement opposés, fiction et documentaire.

Dans "Le gros livre" (Les fourmis rouges, 9 x 12 cm, 184 pages), en rose, rouge et blanc, Delphine Perret renoue avec l'esprit de sa série en trois volumes "Björn" (lire ici). Un trait minimaliste d'une formidable expressivité, des histoires pleines d'imagination bien entendu mais d'une imagination plus que débridée, des personnages incroyables, un ton qui va de l'humour à la tendresse en passant par le questionnement, un rapport texte-images jubilatoire et une mise en pages et en couleurs attrayante. Tout ça dans un petit mais gros livre!
 
Le "bonjour" initial cligne discrètement de l’œil aux lecteurs portraiturés par Timothée de Fombelle et Benjamin Chaud (lire ici). Un sommaire présente alors le menu, soit dix-sept histoires de longueur variable dont les attachants héros sont soit des humains, soit des animaux, soit le mélange des deux, soit des formes humanisées. Autant de caractères qui apparaissent dans de fins dessins particulièrement expressifs. Ils sont récurrents comme Super-Content ou Gilbert & Jean-Sive. Ou pas quand arrivent Henri le canard, Christophe le cochon, Mi le poussin maladroit, Kaï le pêcheur et le poisson Flub et tous ceux qui n'ont pas de nom. Leurs aventures sont à hauteur d'enfant. Parfois absurdes, parfois philosophiques. Touchantes ou rigolotes. Surtout, terriblement addictives. Une fois qu'on commence "Le gros livre", on ne le lâche plus et on en sort content et séduit. Idéal pour les enfants qui débutent dans la lecture et pour le plaisir ensuite.





L'histoire d'Henri sans la finale où le canard explique qu'il "préfère
vivre simplement avec les siens"
. (c) Les fourmis rouges.



A peine plus grand (12 x 15 cm) et en orange flashy, l'album humoristico-documentaire "Poux, Manuel de survie en territoire humain" de l'auteure-illustratrice espagnole Berta Páramo (traduit de l'espagnol par Coralie Artus-Jolly, Helvetiq, 204 pages) enchante par son propos et son ton - on lui doit en français l'excellent album également documentaire "Fluidothèque" (La Partie). Qui aurait pensé qu'il y avait autant de choses à dire sur le pou humain? Car si les autres sont listés, ils n'ont pas droit à un opus. 

Le sommaire a l'air "normal": public-cible, connais-toi toi-même, fais comme chez toi, à table!, but ultime, dangers et sous la loupe. La première phrase le fait totalement reconsidérer: "Ce livre s'adresse uniquement aux poux de tête humaine." Pour les identifier, un grand dessin. Le choix de l'interlocuteur rend la lecture extrêmement drôle même si elle est scientifiquement exacte. Un manuel permettant aux poux "d'infester le plus de têtes possibles" et de "mener une vie longue et heureuse", ce n'est pas commun. Et c'est totalement réussi, le texte étant porté par des illustrations jubilatoires.

Un interlocuteur original. (c) Helvetiq.

Des infos fiables. (c) Helvetiq.

Si on prend "Poux" à l'envers, du point de vue des humains, on en apprend beaucoup sur ce qu'il faut faire ou ne pas faire pour les éviter ou les dissuader. Le manuel est clair à ce sujet: "Les humains sont des créatures hostiles. Ils n'aiment pas se faire envahir par des poux et essayeront par tous le smoyens de se débarrasser de toi, même si tu ne transmets aucune maladie! Des vrais paranos!"

Annonces classées et conseils multiples alternent dans ce documentaire aussi instructif que ludique et humoristique, illustré en pantone fluo avec pertinence et humour. De quoi dédramatiser une situation bien connue à chaque rentrée scolaire. On y apprend aussi pourquoi les enfants sont plus appréciés des poux que les adultes. Sa lecture n'occasionne aucun grattage physique et "aucun pou n'a été blessé durant la rédaction de ce livre".

Performances. (c) Helvetiq.

Déménagement. (c) Helvetiq.









mardi 17 décembre 2024

Nadine Monfils arrête sans doute sa série de polars "Magritte et Georgette"

Ouvrir Facebook et tomber sur cette belle lettre signée Nadine Monfils:

Cher René Magritte
J'ai passé des années à vos côtés, à lire tout ce qui vous concerne, à écouter toutes vos interviews, à retrouver des gens qui vous ont connu, à visiter tous les endroits où vous avez vécu… Je me suis même rendue sur votre tombe, toute simple, où vous reposez avec Georgette. J'ai aussi passé des heures au musée devant vos peintures qui me bouleversent et m'intriguent depuis mon adolescence. Mon regretté ami Michel Blanc (passionné par vos tableaux) et moi sommes allés visiter ensemble le musée Magritte. Moment inoubliable 💙. J'ai eu la grande chance d'avoir connu Georgette et d'avoir pu me rendre dans votre maison de la rue des Mimosas. Je m'en souviens comme si c'était hier et pourtant c'était il y a plus de trente ans. Vous étiez déjà parti là-haut dans vos nuages que vous n'aimiez pas peindre. Je vous remercie pour le bonheur que j'ai pu partager avec mes lecteurs. Et si mon chemin est parsemé d'embûches, je pense que de l'autre côté du miroir, vous me protégez. 💙🙏

 

Nadine Monfils. (c) Melania Avanzato.

Ne pas vouloir comprendre ce qui est dit à demi-mots. Nadine Monfils arrêterait-elle sa merveilleuse série historico-culturello-policière "Les folles enquêtes de Magritte et Georgette" (Robert Laffont). Sept tomes sont parus depuis la sortie du premier, "Nom d'une pipe!", en mai 2021. La romancière belge y campe le couple Magritte, le peintre et son épouse, en différents lieux de Belgique (Bruxelles, Knokke-le-Zoute, Bruges, Liège, Leffe, Charleroi) pour les six premiers tomes, et d'ailleurs pour les deux suivants, à savoir Montmartre pour le dernier en date et Cadaquès pour celui qui sortira en mars 2025 ("Pataquès à Cadaquès"). Chaque fois que le couple arrive quelque part, un crime est commis sur lequel le duo va enquêter en parallèle aux polices officielles. Et bien sûr, faire éclater la vérité au grand jour. Les intrigues sont agréablement ficelées, même spectaculaires parfois. Mais ce qui donne tout son cachet à la série, c'est que Nadine Monfils utilise le vrai Magritte, le peintre surréaliste, et sa vraie épouse Georgette, pour en faire ses détectives. Ce qui crée des romans pleins d'éléments historiques exacts dans des contextes fictionnels. On est chez les Magritte, couple qui n'a pu avoir d'enfant mais a un petit chien chéri. On voit les tableaux se peindre, on entend leurs conversations ou avec d'autres personnes réelles ou non. On voyage avec eux quand ils tentent de prendre des vacances. On mange avec eux, beaucoup, on se promène avec eux dans des lieux qu'on peut identifier sur une carte et, bien sûr, on met nos pas d'enquêteurs dans les leurs. Des polars qui ont du corps et du cœur, qui se visualisent et se vivent. En filigrane se dessine l'univers peu conventionnel de la romancière. "J'ai toujours adoré Magritte", me dit Nadine Monfils. "J'ai écrit ces livres pour que les gens qui ne le connaissent pas le découvrent et pour que les gens qui le connaissent en apprennent encore plus sur lui, sur son quotidien. Comment il appelle Georgette par exemple. J'ai tout lu sur lui."


Se demander si cette quasi-décision est en lien avec l'affaire qui vient d'éclater en Belgique. Le site Actualitté l'a très bien expliquée le 28 novembre (ici). En résumé, la branche flamande de RTL Belgium tourne la série "This Is Not a Murder Mystery" dans laquelle un certain René Magritte mène l'enquête. Nadine Monfils en a été très remuée et ne décolère pas: "Si Magritte est à tout le monde, le personnage de Magritte détective est à moi. Il est né de mon esprit. Il est devenu un personnage qui me parle. Je le connais tellement bien, j'ai lu tous ses livres, j'ai interviewé des gens qui l'ont connu, j'ai rencontré Georgette, j'ai été dans sa maison. Ma crainte est que cette soudaine série n'abîme mon personnage." L'autre problème pour Nadine Monfils est que le projet de série télé à partir de ses romans à elle, qui était en cours depuis plusieurs années, est sans doute enterré.

Personne ne croit bien entendu à une ressemblance fortuite entre le Magritte de Nadine Monfils et celui de RTL Belgium. Pour la romancière, il s'agit de la reprise de son personnage et de ses caractéristiques. Ce qui la pousserait à ne plus poursuivre les aventures littéraires de ses détectives hauts en couleur au-delà du volume terminé qui paraîtra l'an prochain. René et Georgette s'arrêteront-ils à Cadaquès?








samedi 14 décembre 2024

Un piano vert olive tombé du ciel

Une première page prometteuse. (c) Dargaud.
 
 
Pour leur première bande dessinée, Céline Pieters et Celia Ducaju se sont librement inspirées d'une histoire vraie qui s'est déroulée pendant la Seconde Guerre mondiale. A savoir que les forces américaines envoyaient des pianos Steinway spécialement fabriqués pour cet usage à leurs troupes. Par les airs! En parachute. 2436 "Victory Verticals" seront délivrés de par le monde. La musique adoucit les mœurs et surtout remonte le moral quand on est coincé dans la neige à quelque distance des ennemis
 
"Interlude" (Dargaud, 104 pages) se déroule en Belgique, à La Roche en Ardenne précisément. Un groupe de soldats américains attend dans le froid. Les Allemands ne partent pas aussi vite qu'imaginé. Divine surprise pour eux quand l'instrument de musique arrive chez eux. De petite taille et de la couleur verte olive militaire réglementaire. Chacun y va de son essai sur le clavier ou pousse la chansonnette. C'est la joie toute la soirée et toute la nuit. Mais le lendemain, une offensive surprise des Allemands les contraint à sauter dans les jeeps et les camions et à partir illico. Pour le soldat John, pas question d'abandonner l'instrument. Il obtiendra du sergent Brown l'autorisation de s'en occuper à condition de rejoindre à pied la troupe endéans les 48 heures. Commence pour lui et deux de ses potes une dangereuse marche forcée pour transporter le piano à l'aide de cordes. L'occasion de rencontres dont celle de femmes qui se sont regroupées dans une maison secrète parce qu'elles avaient été violentées par des soldats US.
 
L'arrivée du "VV". (c) Dargaud.

La ligne claire du dessin donne de la douceur à cet épisode tragique inspiré d'une lettre véritable de GI. Des scène oniriques bousculent la ligne initiale. La documentation sur ces pianos est impeccable et les chansons de l'époque nombreuses. Malgré un début prometteur, on reste un peu sur sa faim avec cet album jouant sur les deux sens du mot "interlude" car, malgré leurs dialogues, les personnages ne gagnent pas de véritable consistance au fil des pages. Les viols dénoncés à raison ne s'intègrent pas vraiment dans le récit. 



jeudi 12 décembre 2024

Découvrir le brutalisme belge

Le signal de Zellik. (c) Prisme Editions.

Le mot sonne un peu bizarrement
aux oreilles des non-initiés, "brutalisme". Il s'agit tout simplement de l'appellation d'un courant architectural récent, 1950-1980, donné à des constructions réalisées entièrement en béton brut, structure et enveloppe. Elles sont plus nombreuses qu'on ne le croit dans notre petit royaume. On les connaît sans nécessairement les cataloguer de cette manière. Parmi les plus célèbres, l'immeuble Intégrale et la tour Kennedy à Liège, le musée de Mariemont, l'ancienne banque Lambert avenue Marnix, le Crédit communal et le Passage 44, l'immeuble CBR chaussée de la Hulpe, le buiding CGER rue du Marais ainsi que le signal de Zellik à l'entrée de l'autoroute de la mer à Bruxelles, le Singel à Anvers, le magasin C & A à Namur, le musée des Sciences à Louvain-la-Neuve...
 
Pendant deux ans, ou plutôt pendant tous ses week-ends entre décembre 2022 et octobre 2024,  Pierrick de Stexhe, "architecte de formation, photographe par passion", a promené sa chambre technique aux quatre coins de la Belgique. Il en a ramené une formidable série de clichés en noir et blanc déclinant ce courant brutaliste. Quatre cents en tout dont cent cinquante apparaissent dans l'excellent beau livre "Brutalism in Belgium" (Pierrick de Stexhe, Aurélien Jacob, Jacinthe Gigou, Jean-Marc Basyn, Marc Dubois, Prisme Editions, bilingue français-anglais, 266 pages).
 
Rien à voir avec un traité d'architecture classique. C'est un épais grand format qui initie à une forme de construction par la photo, qui est magnifiquement imprimé en un noir et blanc riche et superbement mis en pages. Il présente un intéressant contraste entre les photos argentiques sur fond blanc et les textes sur fond noir, avec la surprise de photos en négatif, dont un autoportrait du photographe en reflet dans une vitre, témoignant encore davantage de la pureté des lignes. De brefs textes rédigés par Aurélien Jacob et Pierrick de Stexhe disent brièvement l'histoire de ces cinquante et quelques constructions: immeubles de logement, banques, lieux culturels, universités, hôpitaux, magasins,  piscines, églises, sculpture... Elles sont situées à Bruxelles, Liège, Namur, Anvers, Gand, Louvain-la-Neuve, Louvain, Turnhout, Charleroi, Mons, Hasselt, Dilbeek, Harelbeke et Ostende.
 
La surprise de photos en négatif. (c) Prisme Editions.

"J'ai choisi les bâtiments selon trois critères", nous explique Pierrick de Stexhe, "l'attrait personnel, le fait qu'ils ne soient pas mitoyens pour avoir du ciel gris et qu'ils aient été construits entre 1950 et 1980, durant tout le temps du brutalisme. Le brutalisme est un courant auquel je me suis intéressé après avoir visité le centre Barbican à Londres. J'ai été frappé par la puissance de cette architecture. Je me suis demandé si elle existait en Belgique aussi. La réponse est oui. J'ai voulu rendre hommage au patrimoine belge brutaliste à un moment crucial de son destin. Faut-il rénover ces bâtiments qui vieillissent, les démolir?"
 
Parc de vacances au Coq. (c) Prisme Editions.

La chambre technique.
Pourquoi des bâtiments à quatre façades? Le photographe nous répond: "Je voulais qu'il y ait des nuages gris autour des constructions. Afin de faire ressortir leurs détails dans les photos en noir et blanc et pour donner une ligne graphique au livre." Si la météo est un élément incontrôlable en Belgique, elle a été très coopérante pour le projet, personne n'a oublié ce qu'elle nous a servi depuis deux ans. "Avant de faire les photos, je fais le tour du bâtiment en repérage. Puis je fais un premier point de vue et ensuite les autres. Je fais six scènes par bâtiment, une frontale, d'autres en angle afin de pouvoir faire une sélection. J'utilise une chambre technique, dispositif qui permet de supprimer le point de chute supérieur et j'évite ainsi les contre-plongées. Je développe la pellicule chez moi dans une chambre noire. Puis je scanne le négatif pour le travailler en vue de l'impression." Travail artisanal que la photo argentique, écho à l'artisanat que nécessite le béton.
 
Des bâtiments d'une extrême puissance visuelle dont l'avenir est en effet incertain: abandonnés, transformés ou simplement démolis comme la piscine d'Ostende. Comment les isoler éventuellement en respectant le purisme de leur architecture?
 
Les trois séries chronologiques de photographies de Pierrick de Stexhe sont entrecoupées de textes abordant les principales caractéristiques architecturales et urbaines des constructions.
- "Images et magie du béton", par Jacinthe Gigou
- "Généalogie du brutalisme international" et "Ligne du temps du brutalisme", par Jean-Marc Basyn
- "Matérialité", par Marc Dubois
Une abondante bibliographie termine ce splendide travail collectif.





lundi 9 décembre 2024

Sur l'"île" du procès des attentats de Bruxelles

Un dessin d'audience de Palix.
 
Le 22 mars 2016, la Belgique était ébranlée. Les attentats de Zaventem et du métro Maelbeek endeuillaient cruellement le pays en ce matin de printemps. Traumatisaient non seulement les victimes directes, leurs proches, les personnes qui les ont secourues mais toutes celles qui en ont moralement souffert. Les différents temps de la justice passés, le procès de ces attentats a débuté en décembre 2022 et a duré jusqu'à la fin de l'été 2023. L'ensemble des médias a évidemment suivi de près les audiences qui se déroulaient dans le nouveau bâtiment du Justitia. Ils ont fait entendre la présidente de la Cour d'Assises, les procureurs, les témoins, les accusés et bien entendu les avocats.

Mère de Léonor, sa deuxième fille gravement blessée lors de l'attentat du métro, Sophie Pirson donne dans "Quatre saisons plus une, carnet de bord du procès des attentats de Bruxelles" (L'arbre à paroles, collection "If", 200 pages) un contrepied à cette voix "officielle". "Tendre l'oreille au silence pour écouter ce qui ne se dit pas." Elle a régulièrement suivi le procès en tant que mère de victime. Une fois par semaine, quasiment toujours le jeudi. Elle y a tenu un carnet de bord dont elle nous partage de nombreuses pages. Les faits lors des audiences principalement mais aussi ses commentaires dont cette surprise de ne pas avoir anticipé "l'indécence de certains défenseurs". Mais en tant que mère de victime, son récit commence naturellement avant l'ouverture du procès. Quand elle a rencontré une mère de djihadiste. Quand elle a participé aux réunions des groupes de victimes. Quand elle a commencé à réfléchir sur la question du pardon. Elle nous le partage.
"Je lui explique que j'écris un journal de bord des coulisses du procès où se dessinera en lame de fond la question du pardon."
Sophie Pirson.
Pendant le procès, Sophie Pirson promène son regard sur ceux et celles à qui on pense, les victimes et leurs proches, et à qui on ne pense pas nécessairement, le public, le dessinateur, le personnel en poste au Justitia, assistants de justice, secouristes, policiers. Elle converse avec toutes ces personnes aux cordons de couleur différente selon leur statut, dans le bâtiment, dans l'"Annexe" réservée aux victimes ou ailleurs. Des échanges qui font naître chez le lecteur beaucoup d'émotions et beaucoup de questions, dont celles de la haine et du pardon, de la prévention et de la reconstruction, du témoignage et de la vérité. "Il faut retenir le nom des victimes, pas celui du tueur." Témoignant aussi de ce qui se passe en dehors de la salle d'audience, cette "île", par exemple ce SDF bien organisé croisé quasi chaque semaine près de la gare du Luxembourg depuis le bus qui l'y mène, Sophie Pirson place son récit dans un champ plus vaste que celui de la justice, celui de nos sociétés. Ses compte-rendus sont entrecoupés d'interludes, formes plus littéraires d'éléments factuels comme les mots des victimes ou associations d'idées à l'occasion de rencontres et d'échanges. Elle assemble ainsi un patchwork d'humanités diverses.

Ces "Quatre saisons plus une" se terminent avec l'achèvement du procès et la lecture par la présidente Laurence Massart des réponses du jury d'assises aux 287 questions qui lui avaient été posées. Le livre est complété des mots de Sophie Pirson, écrits à sa fille blessée lors de l'attentat, et d'un bref exposé des accusés présents au procès à Bruxelles.



dimanche 8 décembre 2024

Les différents talents de Kitty Crowther

VU & approuvé
 
Kitty Crowther à la galerie Le Serpent Vert.

Depuis plusieurs années, Kitty Crowther développe en marge de ses albums pour enfants et de ses projets d'illustration  une recherche graphique personnelle. Des visages par dizaines, des petits et des très grands, des papillons, des chouettes, des variations sur le thème des fleurs aquatiques et d'autres sujets. Une exposition réunit une belle série de ces illustrations,  monotypes et peintures récentes dans l'agréable espace de la galerie parisienne itinérante Le Serpent Vert. Sont également proposées une dizaine d'images provenant de ses albums jeunesse, "Le petit homme et Dieu" (Pastel/l'école des loisirs) et " Dans moi" (MeMo).
 
Papillons verts.
(c) K. Cr.
Il est très intéressant de voir comment l'artiste belge, prix Astrid Lindgren 2010, diversifie son art tout en gardant son identité. On peut ainsi voir 80 petits visages en crayons de couleurs de la série Face the day, réalisée durant sa résidence à Fotokino (Marseille) au printemps de l'an dernier. Des monotypes de grands visages sont aussi présents aux cimaises, ainsi qu'une série de papillons verts et une attirante chouette. Sans oublier les études de plantes aquatiques. On y retrouve la sensibilité que l'on connaît dans son travail d'auteure-illustratrice pour la jeunesse où elle fait des merveilles depuis trente ans déjà. En témoignent les originaux des deux albums exposés. 

"Face the day". (c) Kitty Crowther.

Chouette. (c) Kitty Crowther.



Illustrations provenant d'albums jeunesse. (c) Kitty Crowther.

 
Pratique
  • Où? Galerie Le Serpent Vert, 4 rue des Guillemites Paris 75004.
  • Quand? Du mardi au dimanche de 14 à 19 heures jusqu'au 15 décembre.

 

samedi 7 décembre 2024

"L'illustration, quelle histoire!"

Expo des 20 ans.

Pfff, comme le temps passe! A Paris, la galerie Robillard fête déjà ses vingt ans. Combien d'artistes en littérature de jeunesse n'a-t-elle pas exposés? Impossible à dire. Pour fêter cet anniversaire, la galerie a d'une part organisé une journée professionnelle le vendredi 29 novembre autour du joli thème "L'illustration, c'est tout un art!". D'autre part, elle propose une exposition collective au titre identique depuis la même date (voir ici). Uniquement des œuvres inédites, la galerie ayant invité les illustrateurs et illustratrices qu'elle représente à créer un hommage à l'histoire de l'illustration, à un artiste ou à un de ses personnages (en vente également en ligne). Il est très intéressant de se plonger dans le catalogue qui a été réalisé pour cette exposition, réunissant les différentes œuvres et les raisons des choix des artistes. Des témoignages extrêmement touchants.

Les quarante-deux artistes qui ont répondu à l'invitation.
 
Géraldine Alibeu - Marion Arbona - Julien Arnal - Thomas Baas
Irène Bonacina - Rozenn Brécard - Benjamin Chaud
Julia Chausson - Carll Cneut - Joanna Concejo - Didier Cornille
Laurent Corvaisier - Rébecca Dautremer - Camille de Cussac
Federica Del Proposto - Olivier Desvaux - Marie Détrée
Manon Diemer - Hélène Druvert - Raphaële Enjary & Olivier Philipponneau
Tom Haugomat - Vanessa Hié - Victor Hussenot - Icinori
Delphine Jacquot - Martin Jarrie - Véronique Joffre
Florence Koenig - Charlotte Gastaut - Ilya Green - Cécile Jacoud
Magali Le Huche - Mona Leu-Leu - Chloé Malard
Fleur Oury - Aurore Petit - Clémence Pollet
Marjorie Pourchet - Éric Puybaret - Seng Soun Ratanavanh
Julia Spiers - Gaya Wisniewski

Quel plaisir de découvrir leur participation! C'est toute l'histoire de la littérature de jeunesse qui défile dans ces hommages. Des contes bien entendu mais aussi ceux qui sont devenus des "classiques". Quelques exemples de choix. L'album "Préférerais-tu?" de John Burningham pour Thomas Baas, "Fifi Brindacier" d'Astrid Lindgren pour Rozenn Brécard et Clémence Pollet, "Frédéric" de Leo Lionni pour Benjamin Chaud et Florence Koenig, Claude Ponti pour Joanna Concejo, "Caroline" de Pierre Probst pour Camille de Cussac, Corentin pour Rebecca Dautremer, Susie Morgenstern, Grande Ourse 2024, pour Hélène Druvert, "Fantômette" de Georges Chaulet pour Ilya Green, "Chien bleu" de Nadja pour Tom Haugomat, "Babar" pour Delphine Jacquot et Éric Puybaret, Tomi Ungerer pour Martin Jarrie, Richard Scarry pour Gaya Wisniewski. Sans oublier celui, sincère mais rattrapé par l'actualité, de Géraldine Alibeu à "Tom-Tom et Nana" de Bernadette Després.

Quelques-uns des hommages. (c) Galerie Robillard.
 
Galerie Robillard, exposition "L'illustration, quelle histoire!", jusqu'au 8 décembre de 11 à 19 heures, 38 rue de Malte (Paris 11).


vendredi 6 décembre 2024

Des mots et des rires pour un anniversaire



On avait fêté dans la joie les vingt ans des soirées "Portées-Portraits" de la Compagnie Albertine il y a cinq ans (lire ici). Cinq ans déjà! Le "speed-dating littéraire" avait dépassé tous les espoirs (lire ici). Lundi prochain, soit le 9 décembre, dès 19 heures, c'est la Compagnie Albertine fondée par Geneviève Damas qui fêtera ses 25 ans. Des noces d'argent, annonce-t-elle. Qui sont les époux? Elle bien sûr avec tout ce qu'elle a imaginé, créé, organisé durant ce quart de siècle, et le public qui l'a suivie, a reçu, s'est repu. De mots, de musiques, de rencontres...
 
Que se passera-t-il dans le superbe décor de la Maison Autrique? Serpentins et cotillons sont annoncés, pour une soirée pleine d'émotions. La littérature y sera abordée de façon originale. bien entendu partagée avec le public. Au programme, des surprises, dont on peut dévoiler l'organisation d'un grand jeu concours littéraire. Il aura comme maître de cérémonie et juge impitoyable Sébastien Ministru - une soirée "Portées-Portraits" lui fut consacrée (lire ici). Le journaliste, chroniqueur et auteur ne sera pas seul. Dans son équipe d'artistes plus incroyables les uns que les autres, on trouve les noms du comédien Itsik Elbaz et du percussionniste Laurent Delchambre. Ils inviteront le public à devenir les acteurs et les actrices d'une soirée festive et cultivée: quiz littéraire, tableau vivant, rires en pagaille et surprises en tous genres. Plus que tentant.


Infos pratiques et réservations 
  • Quand? Le lundi 9 décembre, dès 19 heures.
  • Où? Maison Autrique, chaussée de Haecht, 266 à 1030 Bruxelles.
  • Combien? 9 euros prix plein (6 euros étudiant, 1,25 euros article 27)
  • Réservations? Envoyez un mail à reservations.compagniealbertine@gmail.com. Précisez dans votre mail votre nom et prénom ainsi que le nombre de places que vous souhaitez réserver. Versez l.es entrée.s sur le compte BE94 2100 9673 4314 en indiquant votre nom et le nombre de places.
Une soirée similaire aura lieu le 16 décembre à 20 heures au Théâtre Wolubilis.


jeudi 5 décembre 2024

La littérature jeunesse de retour sous la Coupole

La littérature de jeunesse revient à l'Académie française.

L'Académie française
vient d'annoncer la création d'un nouveau prix littéraire, le prix Marie Volle, destiné à un ouvrage de fiction ou à un ouvrage documentaire pour la jeunesse. Il sera opérationnel dès 2025. Doté de 1.000 euros, il est créé grâce au couple Christian et Nathalie Volle, mécènes notoires dans le domaine des beaux-arts, afin d'honorer la mémoire de leur fille Marie, décédée en 2005. Il sera annuel.
 
Le prix Marie Volle couronnera "l'auteur d'un ouvrage littéraire pour la jeunesse, susceptible de développer l'imagination ou les connaissances d'enfants ou de jeunes adolescents et d'éveiller leur goût pour la lecture".

Attention, le délai est assez court pour présenter des candidatures à la première édition du prix: avant le 20 janvier 2025. Pour entrer en compte, les ouvrages soumis doivent être écrits en langue française et publiés à compte d'éditeur en version papier. Ils doivent être parus au cours de l'année civile précédente (au cours de l'année 2024 pour le prix 2025). Tant l'auteur que l'éditeur peuvent présenter une candidature. Celle-ci doit comporter une lettre de candidature et deux exemplaires du livre, le tout étant adressé au Secrétariat des Commissions littéraires de l'Académie française, 23 quai de Conti, 75 006 Paris.

Il est intéressant de voir que l'Académie française reprend l'idée de distinguer un ouvrage jeunesse, complétant ainsi sa palette de prix littéraires, "à une époque où le secteur de la littérature pour la jeunesse est foisonnant", note-t-elle. En effet elle a déjà couronné par le passé des œuvres pour la jeunesse, aussi bien dans le domaine de la fiction que dans celui du documentaire.
 
Prix précédents

On a un peu oublié, et c'est normal, que l'auteur-illustrateur Philippe Dumas (lire ici) reçut le prix Biguet 1988 pour l'ensemble de ses albums. Ce prix annuel, créé en 1976, est destiné à l'auteur d'un ouvrage de philosophie ou de sociologie.
 
Quelques titres emblématiques de Philippe Dumas.
 
Précédemment existait jusqu'en 1984 le prix Sobrier-Arnould. Il fut créé en 1891 grâce à un legs dont le revenu devait être "distribué chaque année par moitié à deux auteurs des meilleurs ouvrages en littérature morale et instructive pour la jeunesse". Selon l'Académie, ce prix fut le premier prix institutionnel spécifiquement destiné à la littérature pour la jeunesse et il fut considéré comme le premier acte de légitimation littéraire de ce type d'ouvrages. Il a couronné de nombreux contes et histoires pour enfants.
 
Ses derniers lauréats sont:
  • 1984: André Bérélowitch et Ilios Yannakakis pour "Histoire du monde, des dates, des hommes et des faits" (Hatier).
  • 1983: Michel Grimaud, pseudonyme du couple Marcelle Perriod et Jean-Louis Fraysse, pour "Les contes de la ficelle" (Bibliothèque de l'amitié)
  • 1982:  Chantal de Marolles pour "Le Paysan, la Paysanne et les trois Souris" (Grasset Jeunesse).
En 1980, le poète Yves Pinguilly décédé il y a quelques jours le recevait pour "L'été des confidences et des confitures" (Rageot).

Remis pour la première fois en 1782 à "l'ouvrage littéraire le plus utile aux mœurs", le prix Montyon récompense s'intéresse  dès la seconde moitié du XIXe siècle à la littérature jeunesse dont on fait traditionnellement commencer le développement éditorial au cours des années 1830. Quelques titres.
  • 1872: Jules Verne pour la première série des "Voyages extraordinaires", comprenant "Cinq Semaines en ballon", "Voyage au centre de la Terre", "Vingt-mille lieues sous les mers", "De la Terre à la Lune" et "Autour de la Lune".
  • La lettre de candidature d'Hector Malot
    pour "Sans famille".
    (c) Académie française.
    1879: Hector Malot pour "Sans famille".
  • 1882: Anatole France pour "Le Crime de Sylvestre Bonnard".
  • 1894: Hector Malot pour "En famille".
  • 1925:  Léopold Chauveau pour "Le roman de Renard".
  • 1940: Germaine Acremont pour "La route mouvante", et non pour son roman le plus connu, "Ces dames aux chapeaux verts"; elle reçut en 1943 le prix Alice-Louis Barthou de l'Académie française pour son œuvre.
  • 1947: André Joubert pour "La grotte des demoiselles".
  • 1950: Berthe Bernage pour "Le Roman d’Élisabeth".
  • 1962: Maguelonne Toussaint-Samat pour l'ensemble de son œuvre.
  • 1974: Jacques Duquesne pour "Les 13 - 16 ans".
 
En 1976, le prix Montyon a été modifié tout en restant annuel. Il a regroupé une vingtaine de fondations mais continue de récompenser "des auteurs français d'ouvrages les plus utiles aux mœurs, et recommandables par un caractère d'élévation et d'utilité morales." La littérature de jeunesse en a disparu.