Tomi Ungerer au travail chez lui (c) D. R. |
Tomi Ungerer a 80 ans.
Bravo!
L'occasion pour nous de saluer un tout grand monsieur de la littérature de jeunesse.
Tendre, grinçant, irrévérencieux.
Et demeuré un sale gamin.
Né en Alsace, il a travaillé aux Etats-Unis, au Canada, en Irlande et aussi à Strasbourg, sa ville natale.
Il a signé pas moins de 140 albums.
En français, ils sont dans leur toute grande majorité publiés par l'école des loisirs.
Comment choisir dans cette épatante bibliographie?
Il y a les albums "Les trois brigands" et "Le géant de Zeralda" bien entendu.
Ce n'est pas pour rien que le bel album toilé qui reprend quatre de ses histoires s'intitule "Ogres, brigands et compagnie". Quand cela est dit, tout s'explique.
Il réunit "Les trois brigands" (1961, 1968 en français), "Jean de la Lune" (1966, 1969 en français), "Le géant de Zeralda" (1967, 1971 en français) et "Zloty" (2009).
Les trois brigands. |
Jean de la Lune. |
Le géant de Zeralda. |
Mais Tomi Ungerer est aussi l'auteur des impeccables "Crictor", "Adélaïde", "La grosse bête de Monsieur Racine", "Pas de baiser pour Maman", les "Mellops", "Otto", "Le chapeau volant"...
Que de bons souvenirs.
Et des livres qui existent toujours en formats divers et qui sont en cours de réédition en grand format original.
Nous avions rencontré l'artiste en 1995, à la Foire du livre pour enfants de Bologne dont il était l'invité d'honneur.
Cheveux argentés et vêtements sombres, Jean-Thomas - dit Tomi - Ungerer appuyait sa main sur le pommeau d'une canne noire. Il avait un bras en écharpe. Le dessinateur Strasbourgeois était sorti de sa maison dans le noir, oubliant qu'il avait balancé par la fenêtre la glace du congélateur fraîchement dégivré. Il avait glissé et s'était déchiré un tendon ! Un de ses quatre derniers accidents idiots, nous confiait-il.
J'ai foi dans l'absurde, ma vie est absurde, mes accidents sont absurdes... Je cultive mon jardin d'absurdie.
En 1995, il récriminait déjà contre l'essor de la littérature de jeunesse. Une croissance trop forte qui le mettait hors de lui. Il se disait écœuré par l'étourdissante augmentation de la production littéraire destinée aux enfants. Un mot revenait sans cesse dans sa bouche :
Assez !
A la question "les enfants ont-ils besoin de livres ?", l'Alsacien nous répondait:
Oui, il faut des livres, mais des vrais. Au Canada, on donne de vrais livres de botanique aux enfants; ceux qui sont intéressés savent reconnaître les orchidées les plus rares. Il faut apprendre aux enfants à nommer les choses, il faut leur donner l'amour des mots : on n'a pas le droit de dire un arbre mais un chêne, on n'a pas le droit de dire un oiseau quand on voit un corbeau.
Chaque vache est un livre d'enfant, chaque outil est un livre d'enfant, ajoutant que ses 600 moutons apportent davantage que la production actuelle.