Le week-end prochain, du
8 au 11 septembre précisément, se tiendra en divers lieux de
Vincennes (Paris) la huitième édition du formidable
Festival America, conviant tous les deux ans le public à rencontrer une fameuse brochette d'écrivains américains. On y a croisé les plus grands, de Toni Morrison à Russell Banks en passant par Margaret Atwood et Richard Ford, et ceux qui font que les titres qui nous parviennent de la littérature américaine sont des découvertes ou des enchantements (ou les deux). Mais aussi ceux et celles qui sont en train de devenir les plus grands de demain.
En effet, l'équipe du festival fondé en 2002 par
Francis Geffard, également libraire et éditeur de littérature étrangère, a à cœur de braquer les feux des projecteurs sur les auteurs dont les textes, même les premiers, sont excellents et donc à découvrir grâce aux mots de leurs traducteurs (souvent) attitrés. Chaque édition suit un thème (lire
ici, ici, ici et
ici). Cette fois-ci, ce sera
"L'Amérique dans tous ses états": commémoration du 240
e anniversaire de l'indépendance des Etats-Unis, fin du deuxième mandat de Barack Obama, préparation des nouvelles élections présidentielles, quinzième anniversaire des attentats du 11 septembre. De la politique, mais surtout de la littérature car les écrivains présents reflètent à merveille l'état de leur société, l'interrogent, la bousculent ou la recréent. Ce qui enchante chaque fois le public présent en nombre à Vincennes (plus de 36.000 personnes en 2014).
Si une cinquantaine d'écrivains américains se retrouveront pour quatre jours de débats, de rencontres et de tables rondes avec le public français, cinq d'entre eux seront à
Bruxelles ce
mercredi 7 septembre (20h15) en prélude au week-end à Vincennes. Et pas des moindres! James Ellroy, Rachel Kuschner, Kevin Powers, Jane Smiley et David Treuer. Cela se passera, en anglais, à Flagey, à l'initiative de
Passa Porta, de Flagey et du Festival (infos
ici).
La soirée se déroulera en deux parties. D'abord un débat, modéré par Frank Albers, entre Rachel Kushner, Kevin Powers, Jane Smiley et David Treuer qui se penchent tous sur l'histoire de leur pays dans leurs livres. Ensuite, ce sera la figure mythique du roman noir américain qui répondra aux questions de Jérôme Colin.
Après cela, retour à
Paris pour la tenue du
festival America lui-même. Une cinquantaine d'écrivains donc, dont Marlon James, Laura Kasischke, Greil Marcus, Colum McCann, Stewart O'Nan, Don Winslow, Joseph Boyden, Laird Hunt, Hector Tobar... Cela commencera dès jeudi soir avec la soirée James Ellroy. Soirée d'hommage à Jim Harrison le lendemain. Puis deux jours débordant de rencontres, débats, tables rondes, dédicaces, expositions, joutes de traduction, prix littéraires... Le catalogue complet se trouve
ici, les infos pratiques
ici.
Dans cet énorme programme, j'aurai le plaisir d'animer quatre rencontres.
- "L'Amérique des humbles" avec David Joy, Alice McDermott et Willy Vlautin (samedi à 15 heures)
- "Destins de femmes" avec Cynthia Bond, Molly Prentiss et Andria Williams (samedi à 17 heures)
- "Les jeunes années" avec Derf Backderf, Christopher Bollen et Cynthia Bond (samedi à 19 heures)
- "Les drames de la vie" avec Karen Joy Fowler, Forrest Gander et Bret Anthony Johnston (dimanche à 16 heures).
En guise d'apéritif à cette extraordinaire littérature américaine, je vous propose l'épais recueil
"20 + 1 short stories/nouvelles" (Albin Michel, "Terres d'Amérique", 648 pages) qui fête les vingt ans de la collection "Terres d'Amérique", créée par
Francis Geffard en 1996. Oui, celui de la librairie Millepages à Vincennes, oui, celui du Festival America, oui, celui du Grand prix de littérature américaine (lire
ici). De "Bonnes nouvelles d'Amérique" comme dit à juste titre le bandeau qu'on déguste comme autant de saveurs différentes.
Le principe du livre est tout simple: composer une anthologie des meilleures nouvelles parues dans la collection "Terres d'Amérique" qui a, au fil de ses 20 ans pour le moment, fait connaître au public français un nombre incroyable de fabuleux écrivains américains. Avec le choix éditorial fort de la nouvelle, genre boudé par le public français, souvent à tort, par méconnaissance en général de ce genre que l'autre côté de l'Atlantique transforme en bijoux de textes.
Voilà 21 textes courts donc, à lire ou redécouvrir. Vingt d'entre eux proviennent de recueils déjà publiés dans la collection au cours des vingt années écoulées. On y retrouve avec joie les noms de ces auteurs aussi aimés que différents: Sherman Alexie, Joseph Boyden, Dan Chaon, Michael Christie, Charles D'Ambrosio, Craig Davidson, Anthony Doerr, Louise Erdrich, Ben Fountain, Holly Goddard Jones, Richard Lange, Benjamin Percy, David James Poissant, Eric Puchner, Jon Raymond, Elwood Reid, Karen Russell, Wells Tower, Brady Udall et Scott Wolven. Ainsi qu'un inédit, dû à Callan Wink, dont le livre paraîtra au printemps prochain. Un festival d'écritures, un foisonnement de littérature.
Pour feuilleter le recueil
"20 + 1 short stories", c'est
ici.
Pour écouter
Francis Geffard parler de sa collection, c'est
ici.
Parcours d'un éditeur hors du commun
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Francis Geffard.
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Lecteur, libraire, éditeur de la collection "Terres d'Amérique", directeur littéraire du département étranger d'Albin Michel, organisateur du festival America,... Francis Geffard a publié près de 200 livres en vingt-cinq ans, dont les trois quarts sont de la littérature. Un parcours où différents éléments du destin semblent s'être donné la main.
Lecture.
"Petit, je lisais. J'ai toujours adoré les livres, pour ce qu'ils renvoient d'évasion, de distraction et apportent de connaissances. La richesse de la littérature, c'est de donner la possibilité d'être dans la peau de tas de gens, d'époques, de cultures et de pays différents, de parvenir à une expérience collective alors qu'on est un individu."
Littérature nord-américaine.
"Dès l’adolescence, j’ai trouvé chez les auteurs américains quelque chose de particulier, un dynamisme, une modernité. J’ai lu des auteurs qui n’étaient pas forcément des contemporains: Hemingway, Dos Passos, Fitzgerald, Faulkner, etc. A 20 ans, je suis allé pour la première fois en Amérique du nord. J’ai découvert le pays et sa littérature en anglais."
Librairie.
"La même année, j'ai ouvert une librairie, contre l'avis de mes parents. J'ai beaucoup soutenu la littérature américaine dont on découvrait la diversité. Longtemps, les seuls auteurs traduits étaient ceux qui étaient connus chez eux. Depuis les années 80 s'est mis en place un travail pointu sur la littérature étrangère. La France s'ouvrait sur le reste du monde."
Edition.
"Les Indiens ont joué dans le fait que je devienne éditeur. De par le caractère récent de leur rencontre avec les Européens et le reste du monde, les Indiens ont dans leur histoire les grands mécanismes qui ont été à l'œuvre sur terre et ont prévalu à ce qu'on impose notre mode de vie et nos façons de penser au reste de la planète. Le monde indien était l'occasion de porter un regard décalé sur l'Amérique. Les écrivains indiens n'étaient presque pas traduits! Il y avait quelque chose à faire. En les publiant, j'ai mis les doigts dans la prise."
Direction littéraire.
"Tous les ans, je reçois 500 manuscrits et j'en choisis huit ou neuf. Ce sont des parcours avec des gens chez qui on perçoit quelque chose de particulier ou de différent, une petite musique un peu singulière. Quand j’ouvre un livre, je ne cherche rien, si ce n'est que quelqu'un m'emmène quelque part et me fasse ressentir des émotions, éprouver des sentiments, naître des réactions. Je suis persuadé que ce sont les écrivains qui font les éditeurs, et non l'inverse. Nous sommes des chiens truffiers un peu particuliers."