"Une bouteille à la mer", c'est le titre du film qu'a tiré Thierry Bénisti du superbe roman pour adolescents de Valérie Zenatti,
"Une bouteille dans la mer de Gaza" (Médium de l'école des loisirs).
Paru en 2005, le livre a conservé toute sa force et toute l'actualité de son propos, rendre humaine la réalité du Palestinien comme celle de l'Israélienne, avec ce souhait idéaliste mais combien nécessaire d'une meilleure entente entre les peuples.
Mails il se basait sur des événements antérieurs, qui ont aujourd’hui près de dix ans.
Qu'à cela ne tienne,
Valérie Zenatti et
Thierry Bénisti se sont attelés à scénariser un film qui ait son autonomie par rapport au livre qui l'inspire.
Tal et Naïm sont bien sûr là, magnifiques dans leur questionnement sur eux-mêmes et dans leur quête de liberté.
Mais l'actualité de la guerre de Gaza, l'opération "Plomb durci", trouve aussi sa place dans le scénario, le rendant d'autant plus proche du spectateur actuel.
Apparaît aussi dans le film l'usage du français comme langue de conversation entre les deux grands adolescents dans les emails qu'ils échangent - le livre présentait leurs courriers respectifs.
Nouvel invité également, le Centre culturel français de Gaza.
Tout cela s'emboîte remarquablement.
Bien sûr, on peut dire qu'il s'agit d'une fable mais c'est ce type de construction artistique qui permet en général de réfléchir le plus profondément.
Pas de parti pris ici pour l'une ou l'autre communauté, mais l'étalage de leurs souffrances.
Pour se faire une idée du film, la bande-annonce, en gardant à l'esprit que ce n'est qu'une bande-annonce:
http://goo.gl/CU9q0
Ce beau film à voir aussi en famille peut aussi se prolonger dans la lecture du roman original.
"Une bouteille dans la mer de Gaza" est disponible avec une nouvelle couverture renvoyant au film.
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Couverture originale. |
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Couverture 2012. |
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(c) Patrice Lenormand. |
Et en
complément, ce que nous avions écrit en janvier 2005, au moment de la sortie du livre de Valérie Zenatti et un entretien avec celle qui a fait depuis un beau chemin entre littérature de jeunesse, littérature adulte et traductions.
La Toile de l'espoir
Un attentat dans un café de Jérusalem, six morts. Un de plus, un de trop ? Celui du 9 septembre 2003 bouleverse la vie de Valérie Zenatti. Il deviendra un livre. Pas un document, mais un roman épistolaire moderne né de choses lues. Sensible, touchant, prenant, sans guimauve. Via le Net, Tal, une Israélienne, et Naïm, un Palestinien de Gaza, se cognent, se racontent, se découvrent, s'apprécient. Nés dans des pays de passions et de mort, ils résistent, chacun à leur façon, et infléchissent la voie tracée. Griffes rentrées, ils font même le projet de se rencontrer. L'auteur glisse en filigrane l'espoir d'une entente plurielle. Comme une bouteille à la mer.
Valérie Zenatti: "Il faut avoir la paix avant de la faire"
Née à Nice en 1970, elle a passé sa jeunesse en Israël - son excellent roman "Quand j'étais soldate" (L'école des loisirs, 2002) raconte ses deux ans sous les drapeaux -, avant de revenir à Paris où elle exerce, depuis 1999, le métier d'écrivain.
Petite, j'avais besoin d'écrire comme beaucoup d'enfants et d'adolescents qui ne comprennent pas ce qui se passe en eux. En France, j'étais fascinée par la "belle langue", mais c'est en Israël, où je suis arrivée à l'âge de 13 ans, que j'ai eu un choc linguistique énorme. Là, j'ai compris que le langage n'était pas les beaux mots, mais les mots justes.
Le désir de fiction est venu vers l'adolescence.
Après une quinzaine de tentatives avortées, j'ai rencontré Geneviève Brisac (NDLR : la responsable des collections de romans à L'école des loisirs) qui m'a fait découvrir la littérature de jeunesse, un formidable espace de liberté. Une vraie secousse ! Je n'avais lu que la comtesse de Ségur, le Club des Cinq et Alexandre Dumas, avant la littérature générale ! Mon premier texte publié a été "Une addition, des complications", en 1999, l'histoire d'un gamin dont les parents séparés se remettent ensemble. Les enfants font preuve de fantaisie jusqu'à l'âge de raison, après c'est fini ; j'aime bien alors les secouer un peu.
J'ai besoin d'être en état d'écriture permanent, c'est-à-dire d'avoir un nouveau livre dans la tête avant d'achever le précédent. Comme si j'étais dans un château où il y a des pièces avec des malles. Dans ces malles se trouvent des souvenirs, des rêves, des visions du monde. Ce sont autant de points de départ possibles.
Exception qui confirme la règle, le point de départ d' "Une bouteille dans la mer de Gaza".
C'est l'attentat du 9 septembre 2003. Six morts seulement - sept par la suite. Semblable aux autres, sauf que parmi les tués se trouvaient une jeune fille qui devait se marier le lendemain (elle effectuait son service civil dans un service d'oncologie pédiatrique) et son père, un médecin urgentiste. Le fait que les 600 invités au mariage soient allés à deux enterrements m'a bouleversée. Ce soir-là, j'ai senti que, si je n'écrivais pas, je ne supporterais plus d'ouvrir la radio et de vivre avec cette terrible actualité.
Je veux, dans mon livre, aller du pluriel, les Palestiniens, vers le singulier, Naïm. Lors de rencontres, quand on me demande ce que je pense des Palestiniens, je réponds : "Je ne pense rien des Palestiniens, mais je pense quelque chose de la situation là-bas". Avec ce livre, je me suis posé un triple défi : faire une histoire garçon - fille, mêler Israël et Palestine, être à Gaza et à Jérusalem.
Avec ce roman exceptionnel, Valérie Zenatti conjure également sa peur que la génération d'aujourd'hui née d'un côté ne connaisse pas celle née de l'autre côté.
J'ai écrit certains passages dans un état second. J'étais à la fois Tal et Naïm. Peut-être un peu plus Naïm, peut-être parce qu'il est étranger à moi. J'ai éprouvé son besoin de respirer : Israël est un pays duquel on ne sort qu'en avion...
La fin est un happy end différé.
La littérature de jeunesse est faite pour ne pas désespérer le lecteur, conclut l'auteur. Mes héros se fixent un rendez-vous. Je pense qu'ils y seront. J'ai l'espoir que les choses auront changé pour le retour de Naïm. Il faut avoir la paix avant de faire la paix.