Pour les grands et pour les petits. Trois cabinets de curiosités pour commencer,
d'autres recueils ensuite.
Les morts vivent plus longtemps qu'avant
François David
Le Vistemboir, 80 pages
Sont-ils tous morts, les animaux photographiés par
François David dans
son nouveau recueil illustré de poésie? Le titre semblerait pencher pour,
"Les morts vivent plus longtemps qu'avant". Mais les textes nés selon le principe déjà appliqué à "Et c'est moi que
je vois" publié il y a deux ans (lire
ici) le contredisent parfois.
Rappelons la genèse des textes de François David. Ce dernier prend des
photos sur son téléphone. Beaucoup de photos. Beaucoup de très belles
photos. Ensuite, il sélectionne, trie, jusqu'à souvent n'en conserver
qu'une. Cette photo-là déclenchera un texte qui n'aurait pu naître
sans elle, mais qui vagabonde en toute liberté.
Dans un format identique au précédent volume auquel il fait écho, soit carré
et moyen,
"Les morts vivent plus longtemps qu'avant"
tient davantage du cabinet de curiosités que du portrait mosaïque qu'était
"Et c'est moi que je vois". Mais si
François David
dessine au fil de ses petits textes prenants un portrait de ses semblables,
le couple, les terreurs, l'amour, les rêves, la pseudo-sagesse, en creux,
c'est évidement lui qui se raconte à nouveau. Ses mots bien choisis
composent des phrases vibrantes qui nous conduisent à la pharmacie, chez le
coiffeur ou sur les sentiers, et en divers autres lieux qu'on ne considérera jamais plus comme avant
après cette exaltante lecture.
Susie Morgenstern
illustrations de
Serge Bloch
L'Iconoclaste, collection "L'iconopop", 80 pages
Chaque matin,
Susie Morgenstern
écrit un poème qu'elle envoie à ses amis. Une vieille habitude qui n'avait
pas donné lieu à publication. Ici Susie Morgenstern écrit un livre de poèmes
qui se range aisément dans la catégorie "cabinet de curiosités". Elle y
convoque en effet tous les génies à ses yeux, Bach, Hannah Arendt, Einstein,
Jeanne d'Arc et d'autres en une rythmée alternance masculin-féminin. Surgit
immédiatement la question, partagée entre auteure et lecteur/trice:
"Et moi?" Pas question de se faire du mal. Les mêmes génies sont
rappelés pour nous aider. Voilà reparti sur les chapeaux de roue, en plusieurs chapitres thématiques, cet irrésistible texte
poético-humoristique, élégamment soutenu par les dessins de
Serge Bloch. On le
déguste, on s'y sent bien, on s'y sent grand. Quel génie, cette Susie!
Aussi les gens
Jean-Louis Massot
Editions du Centre de créations pour l'enfance
collection "PetitVa!", 40 pages
Pas d'image en couverture de ce petit format à l'italienne à reliure
spirale. On ne perd rien pour attendre. Dès la première page tournée, on
tombe sur de curieux dessins en noir où l'on peut beaucoup imaginer, des
silhouettes, des lieux... A moins que ce ne soit la poésie elle-même qui
soit représentée,
Jean-Louis Massot
dédiant tout le recueil à la recherche de cette dernière. A lire ses textes
pétillant d'amour pour la vie dans les instants quotidiens, célébrant les
choses simples dans lesquelles se cache la beauté pour peu qu'on pense à la
regarder, vibrant avec la nature qui nous nourrit et nous protège, on se dit
qu'il a bien raison: c'est dans ce cabinet de curiosités que se trouve la poésie. Ouvrons les yeux, le
nez, les oreilles, la bouche... Derrière les mots du poète, on retrouve si
bien l'homme.
Carl Norac
choix anthologique et postface de Jean-Luc Outers et Gérald Purnelle
Poète national en Belgique de mars 2020 à mars 2022, années de confinement
et de mort qui lui ont fait créer les "fleurs de funérailles" auxquelles ont
participé plus de 70 poètes belges (lire
ici),
Carl Norac écrit
de la poésie depuis toujours, mettant ses pas dans ceux de son père,
l'instituteur et poète Pierre Coran, et ceux de Norge, son
"bon génie".
"(...)Un poème à la fois, ce n'est pas grand-chose
et c'est tout l'univers."
La phrase vaut pour son auteur et pour ses lecteurs.
C'est dire si on n'aurait pas aimé être à la place de ceux qui ont composé
cette anthologie, couvrant
"l'ensemble de le production poétique de l'auteur à ce jour". On
devine les choix cornéliens pour que l'ouvrage ait de la classe graphiquement parlant. Les pages accueillent les textes, laissent de la
place au blanc, cette parure typographique, cette respiration pour le
lecteur. "Piéton du monde" invite à suivre le poète dans ses voyages,
extérieurs et intérieurs, sans oublier ses poèmes pour la jeunesse.
Extrait.
"Pierre Coran"
"(...) Marchant sur une drève,
il y a cet homme libre,
jamais sans la part des autres,
et cet homme est mon père."
Extrait de "Une valse pour Billie" (2013)
Un abécédaire en poèmes
Pierre Coran
Iris Fossier
Casterman, 64 pages
à partir de 5 ans
L'alphabet a déjà donné lieu à divers poèmes animaliers. Mais cet album
grand format se distingue par la fantaisie de ses textes et la créativité de
ses dessins gravés. La preuve que les enfants méritent mieux que des
niaiseries. "Cet album est une commande que m'a faite Anne-Sophie Congar,
éditrice chez Casterman", explique Pierre Coran. "Elle souhaitait que
j'invente des rêves d'animaux. J'ai répondu oui pour deux raisons, parce
qu'il s'agit d'animaux (j'ai 155 fables éditées) et parce que c'est mon
retour chez Casterman." C'est l'ancien instituteur qui a souhaité en faire
un abécédaire afin que les enfants puissent aussi apprendre les lettres.
"La particularité de cet album", poursuit le poète, "est que les textes sont
venus après les dessins." Pierre Coran s'est donc trouvé face à une abeille
et des fleurs pour le "A", à un bonobo et un robot pour le "B", à un chien
et un chat pour le "C". Il s'en est divinement bien sorti, évidemment, comme
en témoigne le "G" de la girafe (et les autres) reproduit ici.
Les plus attentifs auront remarqué la présence d'une abeille virevoltant sur
les pages. "Celle-ci est arrivée en toute fin de mise en page", nous dit-il, "quand les pages étaient déjà montées."
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Il y a du monde à la lettre "G". (c) Casterman.
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Pierre Coran & Carl Norac
Cécile Gambini
Rue du monde
collection "Une petite poignée de poèmes", 36 pages
pour tous à partir de 7 ans
Pierre Coran avait
choisi d'écrire sous pseudonyme, son fils
Carl a fait pareil,
avec le même nom de famille mais en ordonnant ses lettres autrement:
Norac. L'histoire est
tellement ancienne qu'on s'en souvient à peine. Dans ce mini-livre, père et
fils ont composé ensemble une quarantaine de brefs poèmes sur des thèmes qui
leur sont chers, la poésie, l'enfance, le rêve. Les images de
Cécile Gambini les
accompagnent à la façon de doux papillons.
Poèmes cueillis dans la forêt de vos yeux
Françoise Lison-Leroy
Nathalie Novi
Rue du monde
collection "Une petite poignée de poèmes", 36 pages
pour tous à partir de 7 ans
De ses innombrables rencontres avec des enfants,
Françoise Lison-Leroy
a ramené quarante poèmes chaque fois introduits par le prénom d'un enfant.
Des mini-portraits en quelques lignes, mais quelques lignes qui disent
tant de ces garçons et de ces filles d'aujourd'hui: d'ici ou d'ailleurs,
tristes ou joyeux, chanteurs ou observateurs, portant souvent de si lourds
poids déjà. Défenseuse des enfants, notamment de Syrie (lire
ici et
ici),
Nathalie Novi
illumine de six merveilleux portraits ces enfants de notre monde.
De la terre dans mes poches
Françoise Lison-Leroy
Matild Gros
CotCotCot éditions, 20 pages
collection "Matière vivante"
pour tous à partir de 4 ans
D'avant-garde quand il parut en 2005 sous le titre "Jean jardinier" dans le
recueil "Dites trente-deux" (Editions Luce Wilquin), le poème de Françoise
Lison-Leroy a acquis une actualité brûlante, une nécessité urgente. Avec des
mots tout simples, il dit la terre, le petit garçon qui découvre le
jardinage, sa maman qui l'encourage et lui révèle combien la terre peut être
nourricière. Les splendides illustrations de Matild Gros, ici épurées, là
plus baroques, se posent magnifiquement sur ce texte qui ouvre la collection
"Matière première", terrain de recherche poétique permettant de relier les
êtres vivants à la nature, à l'écologie. Dans une démarche logique,
l'éditrice a choisi d'imprimer le livre en Belgique avec des encres à base
végétale sur un papier recyclé écologique et a demandé à un atelier protégé
bruxellois de procéder à la reliure.
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Mère et fils les mains dans la terre. (c) CotCotCot éditions.
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Anne Herbauts
Casterman
11 pages tout carton avec des rabats
pour les plus jeunes
Tout le monde connaît les matriochkas, ces poupées de plus en plus petites
qui s'emboîtent les unes dans les autres. Anne Herbauts en reprend à sa
façon le principe pour cet album "méli-mélo" qui s'articule verticalement et est dédié aux mamans. Un rabat à tourner en haut, un rabat à tourner en
bas, ensemble ou séparément pour faire surgir le texte, les images et leurs
surprises: une matriochka bien entendu, sous diverses apparences, mais aussi
un chat qui sourit, une souris, un noyau d'abricot, un biscuit, un nuage et
bien d'autres trouvailles poétiques qui s'apparient comme on veut.
Agnès Domergue
Valérie Linder
CotCotCot éditions, 58 pages
pour tous à partir de 6 ans
Un paysage idyllique saisi à l'aquarelle pour une idylle entre une oiselle
et un poisson que réunit la lune. Un amour improbable qui se construit
d'étape en étape devant le lecteur enchanté. Ciel et eau, soleil et pluie,
elle et il, saisons, surgissent en des jeux constants sur les sons et les mots. La
formule "IL a une île./ ELLE a deux ailes" introduit cet album
virevoltant mais sobre où Agnès Domergue tricote les mots à l'endroit et à
l'envers, multipliant les réjouissantes trouvailles, où Valérie Linder
complète et détaille cet amour peu commun en de très plaisantes
illustrations. Musical, espiègle, pastoral, cet album au si joli titre
réjouit autant le cœur que les yeux et les oreilles.
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"Idylle". (c) CotCotCot éditions.
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