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dimanche 25 mars 2012

L7 régalée avec "A table!"

Imaginez la scène. D'un côté, un enfant qui dessine par terre.De l'autre, l'adulte qui l'invite à venir manger.
Assurément, la Britannique Rebecca Cobb qui signe "A table!" (traduction par Elisabeth Duval, Kaléidoscope) a choisi un sujet qui fâche: les repas. Mais elle le traite avec tellement de justesse et d'humour qu'on ne peut qu'être séduit.



Reprenons.
A l'ouverture de l'album, l'héroïne est installée par terre. Elle dessine avec beaucoup d'enthousiasme. La couverture nous a laissé entrevoir qu'elle a une forte personnalité.
La preuve. A sa mère qui l'appelle pour manger, elle répond : "Non, merci, je suis trop occupée."
Bien essayé! Mais raté.
Sa maman lui ordonne de s'asseoir à table. Une table d'ailleurs très joliment dressée où l'attendent un bol de soupe, des tartines et une pomme.
La petite ne peut qu'obtempérer. Mais elle ne cède pas.
Elle s'assied sur la chaise et contemple son repas sans y toucher.
Scène connue. Elle boude.
Quatre images sur une double page saisissent ses attitudes.
Presque rien n'est écrit, mais tout est dit. On comprend tout et on sourit.

Comment sortir de l'impasse?
Grâce à l'imagination et à l'humour.
Justement, un crocodile sous la table, celui que la fillette dessinait précédemment, la questionne : "Vas-tu terminer ton assiette?"

(c) Kaléidoscope.

Un ours, de même origine, lui demande ensuite s'il peut goûter son repas, comprenez le potage.
A ce moment le crocodile s'occupe déjà de la tartine.
Un loup hirsute apparaît enfin et engloutit la pomme dont il se dit grand amateur.

La fillette discute avec ses invités-surprises : "Vous ne préférez pas manger les petits enfants?"
Non, ils préfèrent son repas à elle, qu'ils avalent jusqu'à la dernière miette.
L'affaire est donc officiellement réglée.
 L'héroïne retourne jouer.

"Grouic Grouic" : son ventre vide émet des gargouillis tout l'après-midi.
L'annonce du dîner la fera se précipiter à table.
Une assiette joliment garnie l'attend.
Les trois gourmands que l'on connaît ont aussi des visées dessus. Mais ni le croco, ni l'ours, ni le loup n'auront la chance dont ils ont bénéficié au repas précédent !
Quoique, la quatrième de couverture montre que ce repas donne d'autres idées de jeu à la demoiselle.

Par le biais de son imagination, une sacrée petite bonne femme se montre capable d'accepter les instructions maternelles. "A table!" est un album à hauteur d'enfant, facétieux, complice, imaginatif, respectant le désir d'autonomie de l'enfant et soutenant le devoir d'éducation des parents.


mardi 20 mars 2012

LE ravie du choix des jurés du prix Lindgren

Guus Kuijer (c) Querido.
L'écrivain néerlandais Guus Kuijer a reçu ce mardi 20 mars le dixième prix Astrid Lindgren, décerné par la fondation de la créatrice de Fifi Brindacier. Quelle belle idée. Ce romancier est aussi mal connu en français que talentueux.
Traduit d'abord par Bordas, et repris en collection Pocket, il est depuis une dizaine d'années le poulain de L'école des loisirs. Et il s'inscrit parfaitement dans la collection Neuf, à la frontière entre l'enfance et l'adolescence.
Superbement traduit par Maurice Lomré, il nous réjouit et nous dit la vie.
Ceci est le résumé du jour, qui sera étoffé demain.

Rappelons que les précédents lauréats du prix sont l'Australien Shaun Tan en 2011 et notre Kitty Crowther en 2010.




Une seule petite grimace: que le prix Bernard Versele qui était présenté n'ait pas été choisi.Les 543.000 euros du prix Astrid Lindgren auraient assuré la survie de ce jury unique au monde composé de plusieurs dizaines de milliers d'enfants. Peut-être l'année prochaine?

lundi 19 mars 2012

LC qui a reçu les prix Andersen 2012


Les prix Hans Christian Andersen 2012,
c'était cet après-midi à la Foire du livre pour enfants de Bologne.








C'est Peter Sis, Tchèque né à Brno en 1949 et vivant  à New York avec sa famille depuis 1984, qui le remporte pour l'illustration.
Pas un nouveau dans le domaine, mais la consécration d'un très beau talent, assez peu connu en français finalement.

Il est publié depuis 1995 chez Grasset-Jeunesse.
"Un rhinocéros arc-en-ciel" ouvre la voie à une œuvre qui va s'avérer superbe, intelligente, mystérieuse.







Des titres qui ont été remarqués et aussi aimés des enfants.
"Madlenka" a eu le prix Versele en Belgique.

Pour se rafraîchir la mémoire ou pour découvrir cet artiste magnifique, quelques titres, en commençant par les plus récents.

Le plus fort thématiquement parlant car le plus personnel, aussi superbe et bien pensé que les autres sur le plan du graphisme, et le dernier en date à ce jour, "Le mur" (traduit par Alice Marchand, sa traductrice habituelle, 2007): chronique de l'enfance heureuse d'une génération pendant la guerre froide jusqu'au moment où a été construit le rideau de fer.









Trois albums aux sujets difficiles mais rendus accessibles par la poésie et l'émotion de l'auteur-illustrateur.

"L'arbre de la vie" (2004) raconte la vie du naturaliste Charles Darwin.
"Les trois clés d'or de Prague" (2003) la ville de son enfance.
"Tibet, les secrets d’une boîte rouge" (1998) est le journal du voyage au Tibet de son propre père.





 Plus amusants, mais tout aussi surprenants, "Madlenka" (2000) et "Le chien de Madlenka" (2002), les aventures entre rêves et réalité d'une petite New-Yorkaise.














Enfin, dernier volet de son œuvre, l'illustration des poèmes de Jack Prelutski.
Ce sont "Les animélos" (2006), "Gargouilles et Vampires" (2001) et "Les Sorcières du lundi" (1997).





Et c'est l'Argentine Maria Teresa Andruetto qui est la lauréate en catégorie romans. Pas de chance, aucun de ses romans n'est traduit en français.

dimanche 18 mars 2012

LA vu le film "38 témoins" de Lucas Belvaux



La très belle affiche, avec un dessin de Miles Hyman.

Elle a même été héroïque en n'allant pas secouer le ronfleur quatre rangs devant elle et quatre sièges plus à droite.
Heureusement, un autre spectateur est allé secouer le cinéphile.

Le film "38 témoins" est pas mal du tout, Yvan Attal y est excellent.
La bande-annonce est ici: http://www.dailymotion.com/video/xof1t1_38-temoins-bande-annonce_shortfilms

On le sait. Il est inspiré d'un fait divers véridique, survenu aux Etats-Unis.
Mais l'action est transposée de New York au Havre et des années 1960 à l'époque contemporaine.
Pourquoi pas, mais on n'apprend rien sur l'assassin de la pauvre fille, dont le tort principal a été de croiser la mauvaise personne au mauvais moment.

Pour cela, il faut se reporter à l'excellent roman de Didier Decoin, dont le film est inspiré. "Est-ce ainsi que les femmes meurent?" a été publié il y a trois ans chez Grasset et a été repris l'année suivante au Livre de poche.





















C'était la première participation du secrétaire de l'Académie Goncourt à la collection "Ceci n'est pas un fait divers" de la maison d'édition.

Un roman magnifique basé sur un fait divers atroce, interrogeant chacun sur ses responsabilités dans la société. Sa lecture fait se dresser les cheveux sur la tête, donne la chair de poule et renvoie à chaun la question "Et toi, qu'aurais-tu fait?"


Nous avions rencontré Didier Decoin à l'époque.

Kitty Genovese.

Son roman " Est-ce ainsi que les femmes meurent?" se base sur une histoire réelle.
Kitty Genovese, 28 ans a été assassinée par un psychopathe, aux petites heures glacées du
13 mars 1964, à Kew Gardens (Queens, New York).
Aucun des trente-huit voisins qui ont assisté depuis leurs fenêtres aux trente-cinq minutes de son calvaire, n'est intervenu ni n'a prévenu la police.

Didier Decoin se fait enquêteur, journaliste, dans ce livre, tout en gardant son âme de romancier.

Il a longuement recherché chansons, livres et films d'alors pour que le lecteur puisse se construire mentalement le New York d’il y a  près de cinquante ans. Il a rassemblé une masse de documents, mais n'a pas utilisé tout ce qu’il savait, pour ménager son public.
On se dit qu’un livre, du papier et de l’encre, ce n’est pas dangereux. Mais Kitty Genovese est une vraie fille. Elle a vraiment existé, elle est vraiment morte. Elle a vraiment souffert pendant trente-cinq minutes. Son assassin est un vrai assassin qui l’a vraiment tuée. C’est une autre démarche que celle du simple roman.
Chaque matin des deux ans passés à composer cette histoire, une photo de Kitty agrafée au mur devant lui, l’écrivain a été hanté par le fait qu’il écrivait sur du vrai. Au point de s’écrier aujourd’hui qu'il n'aimerait pas recommencer.

Pourquoi a-t-il choisi ce fait divers trouvé de l’autre côté de l’Atlantique?
J'ai été interpellé par sa résonance moderne. Je me suis tout de suite demandé ce que j’aurais fait, moi. C’est ça qui est intéressant, pas de cracher à la figure des trente-huit personnes mais de se dire : “Eux n’ont pas bougé, mais moi?”  La question me tracasse aussi à propos de la guerre 40-45. Je suis né après celle-ci, mais je n’ai cessé de me demander quel genre de Français j’aurais été pendant la guerre.
Titré en retournant la phrase d’Aragon, "Est-ce ainsi que les hommes vivent?", ce roman habilement construit sur les interventions d’un couple de voisins, absents lors des faits, et des scènes véritables extraites du procès rend aussi hommage à Martin Gansberg, le journaliste qui a révélé à la une du New York Times ce qui s’était passé dans l’indifférence générale.
Son article est formidable. Il a oublié qu’il travaillait pour un rédacteur en chef, pour une ligne éditoriale, pour un journal new-yorkais. Il s’est mis à crier en tant qu’homme. Il réveille une société léthargique. Il hurle à ses contemporains qu’on ne peut pas continuer à vivre comme cela.
L'article commence ainsi:  "Durant plus d'une demi-heure, 38 citoyens honnêtes et respectables du Queens, ont regardé un tueur suivre et poignarder une femme, au cours de 3 attaques distinctes, dans Kew Gardens".




A la parution du livre, on sentait Didier Decoin toujours remué par son sujet.
J'espère que cette histoire fera prendre conscience du fait que ce n’est pas le voisin qui sauve la personne en détresse. Je voudrais qu’on se dise “Si moi je n’interviens pas, personne n’interviendra”. Alors qu’on pense toujours l’inverse. En filigrane, je me demande si la personnalité de Kitty, homosexuelle, italo-américaine, indépendante, rentrant tard puisque manager de bar, n’a pas joué dans ce quartier de retraités riches, bien-pensants. Kitty est une très jolie fleur mais elle dépasse.

Didier Decoin s’avoue toutefois heureux d’avoir fait ce livre. Mais les deux années passées avec Kitty l’ont marqué :
Romancier, j’ai tué plein de mes personnages et ça me faisait rigoler. Ils n’existent pas, ce sont des marionnettes. Là, c’est un personnage vrai, elle a sa vraie tombe, avec son vrai cercueil dedans. Elle a vraiment rêvé d’ouvrir un restaurant avec son papa. Ça me fait mal qu’elle n’ait pas pu le faire. Je ne la connais pas, je ne la connaîtrai jamais. Mais quand Kitty Genovese est entrée dans ma vie, elle s’est mise à exister et cela, je ne veux pas le recommencer. Je rêve d'écrire un thriller avec des personnages inventés. Surtout, que rien ne soit vrai !
L'affaire Kitty Genovese a conduit les autorités de la ville de New York à créer un numéro de téléphone commun pour les urgences.


vendredi 16 mars 2012

LM décidément le pyjamarama

Après le bleu de la nuit, l'orange de la fête.
Et une mise en bouche pour le deuxième volume de la série créée par Michaël Leblond, Frédérique Bertrand et Frédéric Rey aux éditions du Rouergue: "Lunaparc en pyjamarama".

C'est à voir sur
 http://vimeo.com/37982875

L'album est en librairie, avec toute sa magie de papier et de rhodoïd.




Nous avions expliqué cette technique déjà ancienne ici
http://lu-cieandco.blogspot.com/2011/07/lm-lombro-cinema-et-le-pyjamarama.html

mercredi 14 mars 2012

LF ière pour Bart Moeyaert


La semaine prochaine, la littérature de jeunesse remet ses prix.

Le prix Hans Christian Andersen, l'aîné, attribué depuis 1956 aux auteurs et depuis 1966 aux illustrateurs, et le prix Astrid Lindgren, le petit jeune qui fait bien son chemin, remis depuis 2003, à un, deux ou trois lauréats appartenant aux catégories auteurs, illustrateurs, organismes de promotion de la littérature de jeunesse.

Et si vous étiez juré, vous, qui choisiriez-vous?





L'Ibby a communiqué sa sélection finale en vue de l'attribution des prix Andersen, remis tous les deux ans et qui seront annoncés le lundi 19 mars à la Foire de Bologne.


Du côté des auteurs, on trouve, par ordre l'alphabétique:

- María Teresa Andruetto (Argentine)
- Paul Fleischman (USA)
- Bart Moeyaert (Belgique)
- Jean-Claude Mourlevat (France)
- Bianca Pitzorno (Italie)

Du côté des illustrateurs, ont été choisis, toujours selon l'ordre alphabétique

- Mohammad Ali Beniasadi (Iran)
- John Burningham (Grande-Bretagne)
- Roger Mello (Brésil)
-.Peter Sís (Tchécoslovaquie)
- Javier Zabala (Espagne)


Et le lendemain,
le mardi 20 mars, ce sera la remise du dixième (déjà) prix Astrid Lindgren.
184 candidats ont été comptabilisés, en provenance de 66 pays.
On les trouve ici: http://www.alma.se/en/Nominations/Candidates/2012/

A suivre mardi à 13 heures en direct sur www.alma.se




Les lauréats précédents sont

2011 Shaun Tan (Australie)
2010 Kitty Crowther (Belgique)
2009 Institut Tamer (Palestine)
2008 Sonya Hartnett (Australie)
2007 Banco del Libro (Vénézuéla)
2006 Katherine Paterson (USA)
2005 Philip Pullman (Grande-Bretagne)
2004 Lygia Bojunga Nunes (Brésil)
2003 Maurice Sendak (USA) et Christine Nöstlinger (Autriche)


vendredi 9 mars 2012

LS oulagée, Ricochet est sauvé








Regardez bien ces deux logos, dus à la patte d'Etienne Delessert, le papa de Yok-Yok, aisément reconnaissable.
Il n'y en a qu'un en réalité.
Celui du site Ricochet, menacé de disparaître depuis près de deux ans.
www.ricochet-jeunes.org
La seconde version présente le même logo, posé sur une carte de Suisse.
Tout simplement,  parce que depuis le 9 mars 2012, le site Ricochet est sauvé.

A cette date, il passe officiellement chez les Suisses de l’Institut Suisse Jeunesse et Médias (ISJM).
Une organisation sans but lucratif qui s'en occupe déjà depuis janvier 2011, quand les misères judiciaires ont commencé.
Tout cela, Etienne Delessert qui était le président de Ricochet depuis juin 2008, l'explique dans un éditorial:
 http://www.ricochet-jeunes.org/magazine-propos/article/272-un-peu-d-air-frais...-ricochet-se-porte-bien-!

Et comme une bonne nouvelle ne vient jamais seule, le Fonds Despinette est également sauvé.
Il s'en va, dans son intégralité, à Lausanne.
Soixante mille ouvrages retraçant cinquante années d'histoire de la création en littérature de jeunesse, complétés d'archives personnelles d'exception!
Le tout sera mis à disposition du public et des chercheurs, donnera lieu à des animations, à des conférences, etc.

Elle est pas belle la vie, parfois?



lundi 5 mars 2012

L10 super, le texte des libraires!










Voici le texte que le Syndicat des Libraires Francophones de Belgique (SLFB) a écrit, en réponse à des propos tenus par Ana Garcia, commissaire générale de la Foire du livre de Bruxelles, dans "Le Soir" du 27 février.
Propos qu'Ana Garcia a depuis démentis, jugeant qu'on les avait déformés.


En tout cas, chapeau au SLFB pour ce texte aussi ferme que positif et créatif!
 
Dans le Soir de lundi, la Commissaire Générale de la Foire du Livre s’est réjouie du nombre impressionnant de livres (250.560, quelle précision !) et d’éditeurs présents à Tour et Taxis, estimant que « quand le lecteur se rend chez le libraire, le choix est limité » et qu’il  « doit choisir ce que ce dernier propose en fonction de l'actualité. » Nous voulons croire que la Commissaire Générale s’est laissé emporter par l’excitation du moment. Ana Garcia fréquente pourtant des librairies indépendantes, où elle ne manque pas de puiser des idées pour la Foire, et devrait donc savoir qu’un stock de librairie se répartit entre livres de fond et nouveautés. Les libraires mobilisent de l’argent et du temps pour que soient en permanence présents dans leurs rayons des ouvrages sortis de l’actualité depuis des mois, des années, des siècles et pour certains, deux ou trois millénaires. Bien sûr le libraire aime aussi présenter de belles tables chargées de nouveautés, de livres innovants, divertissants, ou intrigants, pour montrer la richesse de la création contemporaine, mais en aucun cas, il ne limite son offre à l’actualité et ne restreint le choix du lecteur. Quel plaisir, au contraire, de lier, dans une même discussion avec ses clients, tel auteur à la mode à tel auteur oublié, et de faire avec eux cet incessant voyage d’hier à aujourd’hui ! Et, magie du monde moderne, il accède facilement à des millions de livres qu’il peut commander très rapidement. La Fédération Wallonie-Bruxelles ne s’y est pas trompée qui a créé un label de qualité destiné aux librairies dont un des critères principaux est la présence et la richesse d’un fond permanent. Plus de soixante librairies francophones ont à ce jour reçu ce label.
La Commissaire Générale devrait aussi être plus attentive au sort réservé aux petits éditeurs dans les librairies. « La Foire du livre est l'occasion pour le public d'aller à la rencontre des petites maisons d'édition qui n'ont pas la visibilité qu'elles méritent », nous dit-elle. C’est pourtant là une autre caractéristique du travail quotidien en librairie: offrir une vitrine à des éditeurs dont le travail nous passionne et qui ne bénéficient pas souvent d’une couverture médiatique. Cette présence en librairie n’est pas toujours rentable mais jamais les libraires ne s’en plaignent. Contrairement à la Foire, aucune librairie ne fait payer à un éditeur l’espace qu’elle lui consacre. Lorsque la Foire du Livre annonce 1400 éditeurs, il conviendrait de préciser que beaucoup ne sont pas là en leur nom mais parce que leur distributeur les représente, et que ce qui en est montré est très souvent une portion congrue. De nombreux petits éditeurs ne peuvent accéder à la Foire en raison du coût important de la location d’un stand et des coûts annexes, pour un retour sur investissement très hasardeux. Faire connaître ces éditeurs, les lire, les conseiller : ce travail dépend au quotidien d’un maillage de librairies.
Les libraires, dans leur grande majorité, aiment la Foire du Livre parce qu’elle donne un coup de projecteur sur l’édition et qu’elle cristallise, le temps d’une semaine, les passions, les envies et le plaisir de la lecture. Beaucoup y sont impliqués et espèrent son succès. Mais ils pensent que la Foire devrait aussi aider à la reconnaissance de leur travail, car tous, auteurs, éditeurs et lecteurs ont à y gagner. La Commissaire Générale elle-même ne dit-elle pas que «produire un livre est une chaîne où chaque maillon est nécessaire » ? Le maillon libraire aimerait que la Foire du Livre n’utilise pas le dénigrement de son difficile mais joyeux travail pour faire valoir le sien.

Complétons le dossier par les propos d'Ana Garcia, tels que parus dans le journal.

La Foire du livre de Bruxelles s'ouvre ce jeudi, à suivre chaque jour dans votre journal. « Sex, books and rock'n roll » : un thème provocant pour un secteur plein de vitalité, malgré les nombreux défis. Débats, concerts et signatures au programme.

Vingt mille mètres carrés d'exposition, mille trois cents éditeurs et un millier d'auteurs attendus. Des chiffres qui donnent le tournis. Les champions de la file d'attente pour les signatures ? Toujours les deux mêmes : Eric-Emmanuel Schmitt et Amélie Nothomb, toutefois dépassés l'an dernier par l'énorme succès de Charles Aznavour venu dédicacer ses mémoires.
Outre ces amusantes statistiques, la « Foire » comme l'appellent familièrement les professionnels de l'édition, c'est avant tout l'occasion de prendre le pouls d'une profession en pleine mutation, mais aussi une rencontre entre professionnels du métier et lecteurs réunis autour d'une offre exceptionnelle, mise en place autour d'un thème 2012 volontiers provocant : sex, books and rock'n'roll. « Quand le lecteur se rend chez le libraire, le choix est limité, constate Ana Garcia, la commissaire générale de la Foire. Il doit choisir ce que ce dernier propose en fonction de l'actualité. La Foire du livre est l'occasion pour le public d'aller à la rencontre des petites maisons d'édition qui n'ont pas la visibilité qu'elles méritent. Produire un livre est une chaîne où chaque maillon est nécessaire. Grâce à la Foire, on met, une fois l'an, tous ces métiers sous les projecteurs. »
La commissaire ajoute que le livre a un énorme pouvoir dans nos sociétés modernes : il peut y faire figure de simple loisir, mais aussi devenir un instrument subversif d'une importance énorme, capable de renverser l'ordre établi et de déchaîner les foules par la transmission des idées. « Le livre fixe, à un moment donné, l'esprit humain et permet de le transmettre. Il est facile d'accès. C'est un instrument traditionnel, pas besoin d'électricité pour le savourer, sauf si vous décidez de lire la nuit… et il est en même temps moderne, car transmetteur d'idées nouvelles. »
Même si l'image et le numérique deviennent prépondérants, le papier garde une place importante dans nos vies… Le journal que vous tenez en main est fait de papier… Cela étant, les avancées numériques seront également au menu cette année, et nous en reparlerons abondamment tout au long de la semaine. Dans une société où l'image est reine, le livre est, selon Ana Garcia, « la possibilité pour le lecteur de lutter pour son droit à l'imagination ». Un droit que les 72.000 visiteurs (chiffre de l'an dernier) peuvent exercer avec volupté dès ce jeudi matin à Tour & Taxis.