Mais comment fait-il, cet
Henri Galeron pour nous émerveiller et nous enchanter à chaque nouvel album?
En voilà deux qui sont sortis cet automne de ces pinceaux, dont le célèbre pinceau à un poil, lui permettant de représenter au plus fin ce qui l'inspire.
Ils rejoignent une longue cohorte de trésors, entamée en 1968 chez Nathan et poursuivie de travaux pour l'éditeur Harlin Quist ou la superbe et défunte collection "Enfantimages" de Gallimard. Sans compter tout le reste.
On peut s'en faire une idée en visitant son site:
http://www.henri-galeron.com
Voyons le plus étonnant d'abord,
"Le chacheur" (texte de Bernard Azimuth, Editions Les grandes personnes).
Etonnant par son format, tout en longueur. Latte en main, il fait 46 cm de large pour 11 de haut. C'est-à-dire qu'il est très très large et pas bien haut.
Du genre à faire se dresser les cheveux sur la tête des libraires ou des bibliothécaires. Où et comment le ranger?
On ne saurait trop leur conseiller de le laisser sur une table, bien en vue, prêt à être dégusté. Et déplié.
Car évidemment les images sont sur doubles pages, ce qui ne laisse pas le mètre tellement loin.
Et dire que mises bout à bout, elles constituent une seule et longue fresque!
"Le chacheur"..., déjà le titre sent la patate chaude en bouche.
Et c'est bien de cela qu'il s'agit.
De variations langagières sur la célèbre comptine
"un chasseur sachant chasser...", posées sur des bocages et ces espaces verts de toute beauté, peints façon XVII
e siècle !
Dans ces forêts et sur ces étendues herbeuses évoluent différents personnages nés du texte de Bernard Azimuth, cousin de Pierre Desproges et de Raymond Devos et cultivateur d'absurdie.
Le
« chasseur sachant chasser sans son chien », on le connaît bien grâce à la comptine, mais le
« chien chasseur sachant chasser »? D'où sort-il?
Et l'auteur de s’interroger :
« Est-ce qu’on peut dire qu’un chasseur qui chasse avec son chien ne sait pas chasser ? »
La réponse pourrait venir d’un lapin. Quoique.
Henri Galeron reconnaît avoir dû parfois s'y reprendre à plusieurs coups pour se retrouver dans le texte.
Bref, très vite, on se perd entre les
« chasseurs qui ne savent pas chasser et qui chassent avec des chiens qui, eux chavent chacher » et le
« chien chasseur qui chasse sans son chasseur », posant la question
« Est-ce un chien chasseur sachant chacher tout cheul ou un chien perdu ? ».
Mais c'est joyeux, rigolo, plein de sourires et de rires.
Un vrai exercice de prononciation.
Et surtout un comique contagieux, dû aux personnages et aux situations, qui s’intègre parfaitement dans les paysages.
Trop bien!
L'autre album se situe dans un registre différent.
"Les bêtes curieuses" (Motus), réunit pour la sixième fois les compères François David et Henri Galeron, auteurs notamment des précédents et excellents "Une petite flamme dans la nuit", "Poèmes sans queue ni tête" ou "Bouche cousue"
.
De facture apparemment plus classique avec sa série d’animaux définis de façon insolite autant par le texte que par l’image, l'album ne s’en révèle toutefois pas moins drôle ou moins inventif. Et il se situe peut-être davantage dans le style Galeron qu'on connaît le mieux, ou que la mémoire a le plus fixé.
Exemples.
L’inaugural singe est un
"petit mâle cherchant des puces à ses congénères", selon le texte prolongé par un dessin de chimpanzé sur le crâne duquel boxent une puce et un autre singe.
Plus loin, le canard est présenté comme un
"palmipède au plumage sucré, trempé autrefois dans le café" et apparaît, tout blanc, dans une tasse de café noir.
L’idée de l’oie est, elle aussi, splendide. L’un à côté de l’autre près du Capitole, deux animaux composés chacun d’une demi-oie et d’un demi-chien. Explication :
"Demi-chien de garde paresseux. Aboie “Oie !” au lieu de “Oie ! Oie !” Et précision :
"Malgré toutou, les oies du Capitole jadis ont repoussé les assaillants."
Il faut parfois bien faire tourner ses méninges pour savourer les manières étranges, inventives et inédites, texte comme images, de considérer ces vingt-huit animaux auxquels s’ajoute l’homme.
C'est évidemment ce qui est réjouissant.