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mardi 23 août 2016

DTPE 12: Michel Moutot prix des lecteurs Points


Créé en 2013, le prix du Meilleur Roman des lecteurs de Points vient de révéler le nom du lauréat de la quatrième édition.

La sélection
  • "Les Partisans", Aharon Appelfeld
  • "Retour à Little Wing", Nickolas Butler  
  • "Scipion", Pablo Casacuberta
  • "Academy Street", Marie Costello
  • "Le cœur du pélican , Cécile Coulon 
  • "Passent les heures", Justin Gakuto Go
  • "La route de Beit Zeira", Hubert Mingarelli
  • "Ciel d'acier", Michel Moutot
  • "Hérétiques", Leonardo Padura
  • "Métamorphoses", François Vallejo
  • "Les Réputations", Juan Gabriel Vásquez
  • "La vie amoureuse de Nathaniel P.", Adelle Waldman


Le lauréat est Michel Moutot, pour "Ciel d'acier" (Arléa, 2015, Points, 2016, 442 pages). Un très beau premier roman se déroulant autour des tours jumelles du World Trade Center à deux époques: leur déblaiement après les attentats du 11 septembre, dans l'espoir d'abord d'y retrouver des rescapés, et leur construction dans les années 1960. Le pont? Les Indiens Mohawks, ces géniaux "ironworkers" qui découpaient et rivetaient l'acier comme insensibles au vertige, et le narrateur, John LaLiberté qui est un de leurs descendants. Bien sûr, ceci n'est que l'ossature de ce roman fouillant le passé, le présent et les âmes. A noter que c'est la première fois qu'un livre écrit en français est récompensé.

Pour lire tout le premier chapitre de "Ciel d'acier", c'est ici.

Les lauréats précédents
  • 2013 David Grossman, "Une femme fuyant l'annonce"
  • 2014 Steve Tesich, "Karoo"
  • 2015 Joyce Carol Oates, "Mudwoman"

Michel Moutot.
"Ciel d'acier" est un très beau roman, une vaste fresque prenante,  mais ce n'était pas mon préféré, puisque, oui, j'étais cette année jurée du prix du Meilleur roman des lecteurs de Points  (40 lecteurs et 20 libraires). J'ai reçu les douze livres sélectionnés par l'éditeur et je les ai lus entre janvier et juin. Une expérience très intéressante.


Mon livre préféré de la sélection était "La route de Beit Zera", d'Hubert Mingarelli (Stock, 2015, Points, 2016, 157 pages), une exploration très originale du thème du conflit israélo-palestinien, qui montre les souffrances et les blessures des deux parties. Mais mon cœur a longuement balancé entre celui-ci et "Le cœur du pélican", de Cécile Coulon (Editions Viviane Hamy, 2015, Points, 2016), le destin brutal d'Anthime sur fond de course à pied et dans un ton sans concession. Sans oublier le remarquable "Retour à Little Wing" de Nickolas Butler (Autrement, 2015, Points, 2016). Voilààààààààà!

Le détail des 60 voix
  • "Ciel d'acier", Michel Moutot: 15 voix
  • "Hérétiques", Leonardo Padura: 12 voix
  • "Le cœur du pélican", Cécile Coulon: 7 voix
  • "Retour à Little Wing", Nickolas Butler: 6 voix
  • "Academy Street", Mary Costello: 6 voix
  • "Les Réputations", Juan Gabriel Vásquez: 4 voix
  • "Scipion", Pablo Casacuberta: 4 voix
  • "La route de Beit Zeira", Hubert Mingarelli: 3 voix
  • "Passent les heures", Justin Gakuto Go: 2 voix
  • "Métamorphoses", François Vallejo: 1 voix
  • "La vie amoureuse de Nathaniel P.", Adelle Waldman: 0 voix
  • "Les Partisans", Aharon Appelfeld: 0 voix

Rappel
DTPE 1: "Le Roi René", René Urtreger par Agnès Desarthe (Odile Jacob).
DTPE 2: "Cœur Croisé", Pilar Pujadas (Mercure de France).
DTPE 3: "Sens dessus dessous", Milena Agus (Liana Levi).
DTPE 4: "La reine du tango", Akli Tadjer (JC Lattès).
DTPE 5: le lapin à toutes les sauces.
DTPE 6: "L'enjoliveur", Robert Goolrick (Anne Carrière).
DTPE 7: "Eurêk'art!", Philippe Brasseur (Palette...).
DTPE 8: livres d'art pour enfants.
DTPE 9: "Elvis Cadillac", Nadine Monfils (Fleuve) et "Agatha Raisin", (M.C. Beaton, Albin Michel).
DTPE 10: "Blood Family", Anne Fine (l'école des loisirs) et "Sauveur & Fils saison 1" de Marie-Aude Murail (l'école des loisirs).
DTPE 11: "Mariages de saison", Jean-Philippe Blondel (Buchet-Chastel) et "Bel-Ordure", d'Elise Fontenaille (Calmann-Lévy).





mercredi 17 août 2016

DTPE 11: amour, passion, mariage, rupture

De tout pour l'été, DTPE.
L'été, le temps de lire, du lourd et du léger, du français et de l'étranger, des romans et des récits. L'été, le temps de relire aussi.

Jean-Philippe Blondel et Elise Fontenaille.


L'été, le temps de l'amour, la saison des mariages comme le rappelle Jean-Philippe Blondel dans son dernier roman en date, le bien nommé "Mariages de saison" (Buchet-Chastel, 184 pages). Un livre sorti en début d'hiver - comme le précédent, en meilleure adéquation chronologique, "Un hiver à Paris", lire ici - mais qui se déroule en été,  le bon moment pour les unions, l'été 2013 précisément. Un joli roman à la Blondel, doux-amer, provincial comme on aime, léger et évidemment bien plus profond qu'il n'y paraît.

On y suit Corentin, 27 ans, qui reprend comme chaque été son emploi de vidéaste de mariage, en duo avec son parrain Yvan, photographe professionnel. Le temps de cinq week-ends, de cinq cérémonies, on va suivre ces deux hommes que vingt-cinq ans séparent (ou réunissent) et le petit monde des noces qu'ils accompagnent par leur présence et leur travail. En contre-point, des témoignages de proches de Corentin. L'écriture est toujours prenante, et les personnages qui apparaissent intéressants pour leur part d'humanité. Cette année-là, les questions des futures mariées semblent plus troubler Corentin, qui n'est pas très loin dans son cheminement personnel. Amours, boulot, famille, tout semble en attente chez ce gros bébé qui va ici saisir la chance de se poser les bonnes questions et d'y répondre. Bien sûr, Yvan fera partie des questions et des réponses.

"Mariages de saison" est finement construit entre descriptions et récits à la première personne, tendant des ponts entre passé, présent et futur, tant auprès du duo principal que des protagonistes croisés le temps d'un vin d'honneur, d'une messe ou d'une danse endiablée. Jean-Philippe Blondel nous amuse par sa manière de décrire les cérémonies nuptiales autant qu'il nous remue en allant au fond de ses personnages. Au scalpel mais avec empathie. Il est et restera un fin scrutateur de l'humain, qu'il soit côté Corentin ou côté Yvan, doublé d'un narrateur doué. Un treizième roman composé au son d'une musique dont, pour la première fois, l'auteur a oublié le titre.


Avec un titre tel que "Bel-Ordure", on sait qu'Elise Fontenaille ne nous raconte pas une histoire d'amour mais une séparation tragique car encore teintée de passion. Une histoire qu'elle a vécue, qui est presque finie; "Ce livre est de l'autofiction", me disait-elle. "Une histoire récente, où je suis encore." On perçoit l'urgence qu'elle a eue à la poser sur le papier: "L'écrire était pour moi une évidence, une nécessité vitale." Cet homme, surnommé Adama, a été une aventure amoureuse humaine et littéraire. Son livre "le plus abouti", en dit-elle à raison.

Il est grand, elle est petite. Il est mince et musclé, elle a plutôt des formes. Il est Noir, elle est Blanche. Il aime la chaleur, elle n'allume jamais le chauffage. Ils vont se croiser et cela va faire boum. Un grand boum. Une passion longue de neuf mois qu'on va suivre chronologiquement dans ces pages enlevées. Jusqu'à la chute et aux lendemains qui déchantent. "J'ai écrit le livre de manière chronologique", poursuit Elise Fontenaille. "Cela s'est fait naturellement, c'était une évidence, tout jaillissait, les mots, les titres des chapitres, tout coulait de source. J'ai connu un grand bonheur d’écrivain. J'espère qu'à mon plaisir d’écrire correspond le plaisir de lire."

"Bel-Ordure" est un livre magnifique, prenant, émouvant, où on ne se demande jamais pourquoi Eva s'est laissé piéger. On la comprend, on la suit, on admire ses choix, dont celui de vivre cette passion. Mais on sait que si elle est honnête dans ses sentiments, Adama ne l'est pas tout le temps. Eva le savait aussi: "J'ai toujours su ce que j'allais dire. Ce livre est la chair de ma chair. Adama est dans une spirale sans fin entre alcool, bars, fête qui ne finit jamais. Une spirale avec des faces cachées aussi. J'ai été fascinée par lui. Un amour pur, incontrôlable. Une passion. C'est infernal, on est dépossédé de soi-même, il me fallait donc faire ce livre. Mais un beau roman d'amour n'est-il pas forcément tragique?"

Le récit ne laisse pas indifférent tant il scrute avec finesse les sentiments et les émotions "C'est la première fois que j'ai de la tendresse pour mes lecteurs adultes comme j’en ai pour mes lecteurs jeunesse", ajoute la romancière qui se partage entre public jeunesse et public adulte. "Je ressentais la nécessité du don, du partage. Je voulais que les lecteurs ressentent cet amour-là. Le livre peut être l’écho d’histoires personnelles. Tout le monde a une passion dramatique enfouie..."

Pour feuilleter le début de "Bel-Ordure", c'est ici.


Rappel
DTPE 1: "Le Roi René", René Urtreger par Agnès Desarthe (Odile Jacob).
DTPE 2: "Cœur Croisé", Pilar Pujadas (Mercure de France).
DTPE 3: "Sens dessus dessous", Milena Agus (Liana Levi).
DTPE 4: "La reine du tango", Akli Tadjer (JC Lattès).
DTPE 5: le lapin à toutes les sauces.
DTPE 6: "L'enjoliveur", Robert Goolrick (Anne Carrière).
DTPE 7: "Eurêk'art!", Philippe Brasseur (Palette...).
DTPE 8: livres d'art pour enfants.
DTPE 9: "Elvis Cadillac", Nadine Monfils (Fleuve) et "Agatha Raisin", (M.C. Beaton, Albin Michel).
DTPE 10: "Blood Family", Anne Fine (l'école des loisirs) et "Sauveur & Fils saison 1" de Marie-Aude Murail (l'école des loisirs).









mardi 9 août 2016

DTPE 10: la Manche entre 2 auteures pour ados

De tout pour l'été, DTPE.
L'été, le temps de lire, du lourd et du léger, du français et de l'étranger, des romans et des récits. L'été, le temps de relire aussi.


Anne Fine et Marie-Aude Murail.

J'aime assez le principe de répétition à variable. Le post précédent présentait deux auteures de romans policiers, pour adultes, demeurant de part et d'autre de la Manche. Aujourd'hui, encore la Manche en trait d'union mais entre deux excellentes auteures de romans pour ados, la Britannique Anne Fine et la Française Marie-Aude Murail. Sortis à six mois d'intervalle, leurs derniers romans en date sont de pures merveilles, lumineux, chacun dans leur genre. Ils ont en commun le fait qu'on les dévore, cloué à leurs pages intenses, et qu'on se sent infiniment plus riche après les avoir lus. Les deux abordent l'enfance en souffrance.


C'est début novembre 2015 que j'ai lu "Blood Family", le nouveau roman d'Anne Fine (traduit de l'anglais (Royaume-Uni) par Dominique Kugler, l'école des loisirs, 2015, 341 pages). Il m'avait complètement épatée par sa construction et bouleversée. J'avais immédiatement écrit un mail à son auteure pour lui dire toute mon admiration et la remercier pour ce texte admirable. Et puis, l'actualité avait pris toute la place pendant plusieurs semaines...

J'avais toujours en tête l'histoire d'Edward, ce gamin de sept ans que les services sociaux britanniques libèrent de la prison quart monde où il vivait depuis toujours avec sa mère, dominée par un homme alcoolique et violent, brutalisée au point d'en devenir folle. Une histoire comme les faits divers des journaux en rapportent régulièrement dans leurs petites lignes et qui prend ici toute sa réalité humaine.

La magie de ce livre tient dans la force de résistance qu'on découvre chez le jeune Eddie - il ne reprendra son prénom que plus tard - et son intelligence. Ce petit bonhomme s'est éduqué grâce aux émissions de télévision pour enfants de Mr Perkins, qu'il regardait en cachette avec sa mère: l'animateur télé est devenu un repère pour ce pauvre gamin ignoré de tous. Quand les services sociaux mettent un terme à son calvaire, ils découvrent un enfant terriblement abîmé mais pas éteint. Mr Perkins l'a en partie sauvé, pas physiquement puisque Eddie a subi de nombreux sévices corporels, mais mentalement en lui faisant utiliser son cerveau, sa raison, petite fenêtre vers ailleurs dans son isolement total. En lui chantant notamment une chanson disant que "quand on serait grands, on pourrait faire ce qu'on voudrait; à une condition: qu'on ait la volonté d'y arriver".

Ce qui est véritablement superbe dans "Blood Family", c'est qu'Anne Fine a choisi d'écrire un roman à plusieurs voix, évitant ainsi les descriptions tragiques. Les différents intervenants donnent leur part de l'histoire et le lecteur assemble les pièces du puzzle, réalisant combien une chose peut être vue différemment. Pas besoin d'en rajouter. Les témoignages des uns et des autres suffisent. Tout au long des chapitres, le nom du narrateur précède son texte: Eddie puis Edward, Betty, la voisine qui a déclenché l'intervention policière, Martin Tallentine, agent de police, Dr Ruth Matchett, Robert Reed, le travailleur social qui va suivre Edward de bout en bout, Linda Radlett, l'assistante familiale en charge du dossier, etc., jusqu'aux différentes familles d'accueil où Edward va séjourner avec plus ou moins de bonheur. Ces différentes interventions servent excellemment le propos du livre.

La romancière suit son personnage de bout en bout. Elle  recompose petit à petit le passé qu'il ne maîtrise pas vraiment, son présent de résilient et son futur d'enfant ignorant qui est son père et forcé de vivre avec l'idée que sa mère n'a pas su le protéger, une "Blood Family" qui se transformera en bombe. On va passer plusieurs années en compagnie d'Edward, jusqu'au-delà de son adolescence, terriblement difficile, où les démons du passé se montrent insistants, où les liens du sang refont surface. Le roman prend évidemment aux tripes par son sujet mais c'est surtout l'écriture d'Anne Fine, juste, précise, sans esquive, qui donne toute leur qualité à ces pages magnifiques. En nous racontant Edward, elle ne choisit pas une voie facile, mais elle réussit totalement son entreprise. Pour ados et adultes.


L'autre roman pour ados qui m'a vraiment séduite ces derniers temps, c'était vers le printemps, au moment d'autres actualités funestes, est "Sauveur & Fils" de Marie-Aude Murail (l'école des loisirs, 329 pages) avec un cobaye tellement mignon en couverture que sa cousine germaine baguenaude maintenant dans mon jardin. Il faut vite lire cette formidable "saison 1" car la "saison 2" arrive et la "3" est en phase finale: "Marie-Aude a attaqué la saison 3", me disait il y a quelques mois un de ses proches, "et je ne l'ai jamais vue dans une telle urgence d'écrire. La saison 2 devrait paraître à la rentrée et la saison 3 sans doute au printemps 2017."

Cette nouvelle saga met en scène Sauveur Saint-Yves, un bien prénommé psychologue clinicien. Il habite et travaille à Orléans mais est originaire de la Martinique, ce qui occasionne quelques surprises lors de premiers rendez-vous pris par téléphone. L'Antillais passe sa vie à sauver celles de ses patients, surtout des adolescents, mais ne voit pas que son propre fils aurait aussi besoin d'être aidé. Car Lazare, huit ans et métis, a entre autres plein de questions sur son passé, du temps où sa maman était encore de ce monde. Pas de chance, Sauveur est muet à ce sujet... Alors que l'individu bizarre qui rôde autour de lui et de son père pourrait bien être en lien avec les années-là là-bas.

La "saison 1" court de janvier 2015 à mars 2015. De longs chapitres découpent le texte très agréablement dialogué en semaines. Longs car il s'en passe des choses chez Sauveur et son fils. Il y a d'abord les patients du psychologue, une série d'adolescents en mal de vivre qui se scarifient, font de la phobie scolaire, des scènes, des fugues, souffrent du divorce de leurs parents ou de leur remariage... et se racontent à Saint-Yves dont on découvre la formidable écoute et le sens relationnel, la diplomatie ainsi que la finesse de jugement. Est-ce sa stature, il mesure 1,90 m et pèse 80 kilos, sa neutralité, il ouvre ses oreilles et ses yeux, est-ce un un don? Il déstresse ses patients les plus rétifs, les débloque, les retourne, leur fait même adopter des bébés hamsters. On suit leurs démêlés avec ardeur et on voit que la lumière est souvent au bout d'un chemin fait de mots à prononcer et à entendre.

On assiste avec attention aux consultations du Dr Saint-Yves. Marie-Aude Murail a une telle humanité dans sa façon de raconter, une telle humilité aussi. Ses personnages prennent toute la place, effaçant quasiment l'auteure. Tout le champ de la souffrance (pré-)adolescente s'entend dans le cabinet de la rue des Murlins. On découvre en même temps que Sauveur ses patients, leur détresse mais aussi celle de leurs parents, ou leur aveuglement. Le livre serait déjà intéressant par cette seule analyse courageuse de l'adolescence en souffrance, mais il acquiert toute sa dimension romanesque quand le lecteur s'aperçoit qu'il en sait plus sur Lazare que son propre père! Car le fiston métis nous est conté, à nous, lecteurs, en parallèle aux séances psy. Il a de nombreuses questions sur tout et trouve son propre chemin pour obtenir des réponses. Pas le meilleur sans doute, mais celui qui est à sa portée. Sans que son père aussi disert avec ses patients qu'il est muet sur leur passé commun ne s'en doute. Le titre prend toute sa valeur: "Sauveur & FILS"... C'est bien l'histoire de deux personnes. Sacré petit Lazare, partagé entre sa fibre altruiste et ses propres anxiétés! Entre les deux générations, un patient hébergé provisoirement mettra aussi du piment dans le quotidien. Bien entendu, l'élément féminin n'est pas oublié mais il serait dommage de limiter cet excellent roman à son résumé. Il est bien plus que cela, un récit touchant et prenant, plein de rebondissements et de mystères, de secrets et d'humour, d'humanité et d'amour, habilement construit et écrit pour qu'on ne le lâche pas - sans que se voient les coutures. A la fin, on est enchanté par ce qu'on a expérimenté et découvert et, bien sûr, prêt pour les deux tomes suivants annoncés. Pour ados et adultes.


Rappel
DTPE 1: "Le Roi René", René Urtreger par Agnès Desarthe (Odile Jacob).
DTPE 2: "Cœur Croisé", Pilar Pujadas (Mercure de France).
DTPE 3: "Sens dessus dessous", Milena Agus (Liana Levi).
DTPE 4: "La reine du tango", Akli Tadjer (JC Lattès).
DTPE 5: le lapin à toutes les sauces.
DTPE 6: "L'enjoliveur", Robert Goolrick (Anne Carrière).
DTPE 7: "Eurêk'art!", Philippe Brasseur (Palette...).
DTPE 8: livres d'art pour enfants.
DTPE 9: "Elvis Cadillac", Nadine Monfils (Fleuve) et "Agatha Raisin", (M.C. Beaton, Albin Michel).






jeudi 4 août 2016

DTPE 9: la Manche entre 2 sagas policières

De tout pour l'été, DTPE.
L'été, le temps de lire, du lourd et du léger, du français et de l'étranger, des romans et des récits. L'été, le temps de relire aussi.

Bon, il n'est pas vraiment besoin de présenter Nadine Monfils, auteure notamment  de polars et même de polars belges comme le rappelle son dernier livre, le décoiffant (rapport à la banane) "Elvis Cadillac", sous-titré "King from Charleroi" (Fleuve éditions, 240 pages). Sera-t-il le successeur de Mémé Cornemuse, autre héroïne récurrente? En tout cas, il ne passe pas inaperçu, le nouveau héros de la mère Monfils, promis lui aussi à d'autres aventures! Tout chez lui est inspiré par Elvis, dont il se veut le sosie. De la bagnole à la chienne dénommée Priscilla...

Mais le rapport avec le polar? J'y viens! Notre Elvis, né à Charleroi mais vivant à Bruxelles, doit chanter au cours de la fête d'anniversaire des 80 ans d'une vieille châtelaine, un peu à l'écart de la capitale, à Tourinnes-Saint-Lambert précisément, en plein Brabant wallon. Et c'est là que les choses vont se corser car un crime y sera commis. Qui est le coupable? Quel est le motif? Qui sont tous ces invités? N'ont-ils pas tous quelque chose à cacher? Nadine Monfils nous promène dans son intrigue avec sa verve incroyablement belge, son sens de l'observation et de l'intrigue, ses leçons de vocabulaire local et ses jeux de mots à trois balles. Mais tout se tient dans ces pages bien remplies,  parfois proches d'une conversation, truffées d'anecdotes contées moult détails en patois local (des notes de traduction figurent à la fin de chaque chapitre).

"Elvis Cadillac" se lit avec beaucoup de plaisir si on s'y laisse embarquer, la romancière ayant de nombreux tours dans son sac pour ferrer ses lecteurs et ne les lâcher que passée la ligne d'arrivée. On aura fait un chouette bout de chemin dans le quartier des Marolles de Bruxelles, mieux connu sous le nom de Marché aux puces, et de ses habitants particulièrement bien croqués. On s'amuse bien avec ce King, en mal de mère évidemment et qui va non seulement dénouer l'intrigue de l'histoire mais la sienne propre. Un bon moment de détente.


Venues de l'autre côté de la Manche, deux enquêtes d'Agatha Raisin, l'héroïne détective qu'a créée M.C. Beaton, "La quiche fatale" et "Remède de cheval" ("The Quiche of Death" et "The Vicious Net", traduit de l'anglais pas Esther Ménévis, Albin Michel, 320 et 268 pages). A noter qu'ils ont été publiés en 1992 et 1993 et nous parviennent aujourd'hui sans doute parce que France 3 en a acheté l'adaptation télévisée.

Néanmoins, ces deux livres s'avèrent extrêmement plaisants à lire pour peu qu'on soit fan d'Agatha Christie plutôt que de polars noir de noir. Agatha Raisin se révèle extrêmement attachante en self-made woman quinquagénaire qui a vendu sa florissante entreprise de communication londonienne pour s'acheter le cottage dans les Cotswolds dont elle rêvait depuis toujours et s'y reposer. S'y reposer?

Mais voilà, la vie de village n'est pas celle de Londres et Agatha Raisin vit assez difficilement cette confrontation entre l'accomplissement de son rêve et sa réalité pratique. Est-elle sortie du milieu du travail pour participer aux réunions du comité des femmes local? A-t-elle troqué ses responsabilités pour ne plus commander que sa femme de ménage? Va-t-elle abandonner ses plats surgelés pour le lancer en cuisine? Si les expériences d'Agatha Raisin sont déjà plaisantes à découvrir et on s'amuse de ce qu'elles aient déjà vingt ans, elles se pimentent par le fait que l'héroïne a un cœur d'artichaut et se verrait bien vivre une aventure sentimentale dans son nouveau lieu de vie. L'autre piquant de ses aventures étant évidemment l'apparition d'un cadavre par livre. Dans "La quiche fatale", le premier de la série, il s'agit d'une mort mystérieuse qu'Agatha Raisin ne peut considérer comme naturelle. Elle va se lancer dans une grande enquête envers et contre tous, et surtout contre la police locale qui n'aime guère la voir fouiller partout. Dans "Remède de cheval", il est clair que le vétérinaire a été assassiné, mais par qui? That's the question! Voilà de nouveau du boulot pour la nouvelle villageoise qui a aussi un nouveau voisin qui l'intéresse beaucoup.

Les deux livres sont agréables et distrayants. Quelle quinqua que cette Agatha soucieuse de son apparence, qui fume comme un pompier et a le coude léger. Elle a une forme d'honnêteté qui la rend touchante et brosse un portrait peu convenu de la vie de village. M.C. Beaton soigne ses intrigues en les ancrant dans la société, avec intelligence et humour, tout à fait dans la ligne d'Agatha Christie. Les enquêtes sont celles de détectives amateurs, car Agatha se fait chaque fois aider, mais combien volontaires et courageux. Une belle découverte.


Rappel
DTPE 1: "Le Roi René", René Urtreger par Agnès Desarthe (Odile Jacob).
DTPE 2: "Cœur Croisé", Pilar Pujadas (Mercure de France).
DTPE 3: "Sens dessus dessous", Milena Agus (Liana Levi).
DTPE 4: "La reine du tango", Akli Tadjer (JC Lattès).
DTPE 5: le lapin à toutes les sauces.
DTPE 6: "L'enjoliveur", Robert Goolrick (Anne Carrière).
DTPE 7: "Eurêk'art!", Philippe Brasseur (Palette...).
DTPE 8: livres d'art pour enfants.