En une génération, l'enfant de parents divorcés ou séparés est passé de l'exception à la règle générale.
Bon, y a rien à faire, c'est devenu un phénomène de société.
La vie avançant pour tout le monde, l'enfant de parents divorcés ou séparés doit ensuite très souvent partager son papa, sa maman, ou les deux, avec un autre adulte, avec qui son papa ou sa maman a formé un nouveau couple. Couple qui parfois fait de nouveaux enfants.
La généalogie se complique et le remarquable album d'Eva Janikovszky et Laszlo Reber,
"Incroyable mais vrai", que rééditent aujourd'hui les éditions suisses La joie de lire y perdrait rapidement son hongrois.
Il y est en effet question de généalogie amusante et amusée, l'auteur partant de l'idée que les enfants n'imaginent pas facilement que les grands qui les entourent ont aussi été petits.
Une réédition bienvenue pouvant en cacher une autre, signalons illico la sortie chez le même éditeur d'une autre réussite du même duo, encore plus impertinente:
"Moi, si j'étais grand", soit les permissions différentes selon que l'on est adulte ou enfant, ainsi que les obligations et les interdictions. Mais vues du point de vue des enfants...
Avec leurs dessins aux crayons de couleurs, proches des dessins d'enfants, sans que les jeunes lecteurs toujours prêts à s'insurger devant une prétendue moquerie y trouvent à redire, ces deux albums sont délicieux et aimablement politiquement incorrects. On s'y amuse beaucoup. On y sourit, on y rit, et on y réfléchit un peu.
Auraient-ils été édités aujourd'hui? Pas sûr. Heureusement Flammarion s'était chargé de les faire passer en français, en 1966 pour l'un, un an plus tard pour l'autre.
Mais cela nous éloigne de nos
"Papapas" (Albin Michel Jeunesse), album tout frais sorti, écrit par Joseph Jacquet et dessiné par Dupuy-Berberian.Un album tendre qui montre avec délicatesse les états d’âme d’un beau-père qui assume ses choix.
Là, dans le monde Lala, il y a des "mamas", des "papas", des "pamamas" et des "papapas".
Autrement dit des mamans, des papas, des belles-mères et des beaux-pères. Mais plus joliment dit.
Dans ce bel album dont il signe le texte, Joseph Jacquet ne les raconte pas tous, ces hommes qui ont choisi de vivre avec une femme qui avait déjà un ou des enfants, des "pitis" comme il les appelle.
Non, il en raconte un, qu’il connaît bien. Même que ce Papapa-là pourrait bien lui ressembler.
Dupuy-Berberian s'occupe des illustrations, plaisantes dans leur fausse simplicité, croquant plus vrai que vrai cette famille recomposée.
Pour la première fois en littérature de jeunesse, quelqu’un se penche sur la condition de "papapa", et la raconte de son point de vue d’adulte.
On avait bien sûr déjà eu des tas d’ouvrages réussis, albums et romans, qui rapportaient le quotidien d’enfants à côté de beaux-pères ou de belles-mères plus ou moins sympathiques.
Il est donc d'autant plus intéressant de suivre le point de vue d'un "papapa", doté lui aussi d'émotions et de sentiments.
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(c) Dupuy-Berberian. |
Evidemment, pour qu’il y ait une "mama" et deux "pitis", il faut qu’il y ait eu un "papa" avant. Mais les histoires des grands font parfois que les couples se séparent, et que les enfants en souffrent.
Les histoires des grands font aussi qu’une "mama" peut un jour rencontrer un "bonga", comprenez un bonhomme, et qu’ils tombent amoureux. Le "bonga" devient alors un "papapa", ce qui ne plaît pas nécessairement aux "pitis".
Pour mieux les faire connaître, Joseph Jacquet les décrit : ils font des listes (pour tout), ils jouent, ils font des blagues, ils dansent, ils vont chercher les "pitis" à l’école (à l’heure), ils doivent parfois expliquer qu’ils ne sont pas les "papas" mais les "papapas".
L’auteur indique également que les rencontres entre "papas" et "papapas" se déroulent rarement bien, même si c’est difficile pour les "pitis".
Quoique du côté cadeaux et câlins, cela puisse être intéressant pour les "pitis".
De toute façon, rassure l’auteur, le "papapa" sait depuis le début que celle qu’il aime est une "mama" avec "pitis" et pas juste une nana.
Ce qui n’empêche pas le "papapa" de devenir aussi un "papa". Un autre "piti" arrive alors, pas toujours content d’être le dernier.
Mais c'est une autre histoire, n'est-ce pas Antonia?