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jeudi 5 décembre 2024

La littérature jeunesse de retour sous la Coupole

La littérature de jeunesse revient à l'Académie française.

L'Académie française
vient d'annoncer la création d'un nouveau prix littéraire, le prix Marie Volle, destiné à un ouvrage de fiction ou à un ouvrage documentaire pour la jeunesse. Il sera opérationnel dès 2025. Doté de 1.000 euros, il est créé grâce au couple Christian et Nathalie Volle, mécènes notoires dans le domaine des beaux-arts, afin d'honorer la mémoire de leur fille Marie, décédée en 2005. Il sera annuel.
 
Le prix Marie Volle couronnera "l'auteur d'un ouvrage littéraire pour la jeunesse, susceptible de développer l'imagination ou les connaissances d'enfants ou de jeunes adolescents et d'éveiller leur goût pour la lecture".

Attention, le délai est assez court pour présenter des candidatures à la première édition du prix: avant le 20 janvier 2025. Pour entrer en compte, les ouvrages soumis doivent être écrits en langue française et publiés à compte d'éditeur en version papier. Ils doivent être parus au cours de l'année civile précédente (au cours de l'année 2024 pour le prix 2025). Tant l'auteur que l'éditeur peuvent présenter une candidature. Celle-ci doit comporter une lettre de candidature et deux exemplaires du livre, le tout étant adressé au Secrétariat des Commissions littéraires de l'Académie française, 23 quai de Conti, 75 006 Paris.

Il est intéressant de voir que l'Académie française reprend l'idée de distinguer un ouvrage jeunesse, complétant ainsi sa palette de prix littéraires, "à une époque où le secteur de la littérature pour la jeunesse est foisonnant", note-t-elle. En effet elle a déjà couronné par le passé des œuvres pour la jeunesse, aussi bien dans le domaine de la fiction que dans celui du documentaire.
 
Prix précédents

On a un peu oublié, et c'est normal, que l'auteur-illustrateur Philippe Dumas (lire ici) reçut le prix Biguet 1988 pour l'ensemble de ses albums. Ce prix annuel, créé en 1976, est destiné à l'auteur d'un ouvrage de philosophie ou de sociologie.
 
Quelques titres emblématiques de Philippe Dumas.
 
Précédemment existait jusqu'en 1984 le prix Sobrier-Arnould. Il fut créé en 1891 grâce à un legs dont le revenu devait être "distribué chaque année par moitié à deux auteurs des meilleurs ouvrages en littérature morale et instructive pour la jeunesse". Selon l'Académie, ce prix fut le premier prix institutionnel spécifiquement destiné à la littérature pour la jeunesse et il fut considéré comme le premier acte de légitimation littéraire de ce type d'ouvrages. Il a couronné de nombreux contes et histoires pour enfants.
 
Ses derniers lauréats sont:
  • 1984: André Bérélowitch et Ilios Yannakakis pour "Histoire du monde, des dates, des hommes et des faits" (Hatier).
  • 1983: Michel Grimaud, pseudonyme du couple Marcelle Perriod et Jean-Louis Fraysse, pour "Les contes de la ficelle" (Bibliothèque de l'amitié)
  • 1982:  Chantal de Marolles pour "Le Paysan, la Paysanne et les trois Souris" (Grasset Jeunesse).
En 1980, le poète Yves Pinguilly décédé il y a quelques jours le recevait pour "L'été des confidences et des confitures" (Rageot).

Remis pour la première fois en 1782 à "l'ouvrage littéraire le plus utile aux mœurs", le prix Montyon récompense s'intéresse  dès la seconde moitié du XIXe siècle à la littérature jeunesse dont on fait traditionnellement commencer le développement éditorial au cours des années 1830. Quelques titres.
  • 1872: Jules Verne pour la première série des "Voyages extraordinaires", comprenant "Cinq Semaines en ballon", "Voyage au centre de la Terre", "Vingt-mille lieues sous les mers", "De la Terre à la Lune" et "Autour de la Lune".
  • La lettre de candidature d'Hector Malot
    pour "Sans famille".
    (c) Académie française.
    1879: Hector Malot pour "Sans famille".
  • 1882: Anatole France pour "Le Crime de Sylvestre Bonnard".
  • 1894: Hector Malot pour "En famille".
  • 1925:  Léopold Chauveau pour "Le roman de Renard".
  • 1940: Germaine Acremont pour "La route mouvante", et non pour son roman le plus connu, "Ces dames aux chapeaux verts"; elle reçut en 1943 le prix Alice-Louis Barthou de l'Académie française pour son œuvre.
  • 1947: André Joubert pour "La grotte des demoiselles".
  • 1950: Berthe Bernage pour "Le Roman d’Élisabeth".
  • 1962: Maguelonne Toussaint-Samat pour l'ensemble de son œuvre.
  • 1974: Jacques Duquesne pour "Les 13 - 16 ans".
 
En 1976, le prix Montyon a été modifié tout en restant annuel. Il a regroupé une vingtaine de fondations mais continue de récompenser "des auteurs français d'ouvrages les plus utiles aux mœurs, et recommandables par un caractère d'élévation et d'utilité morales." La littérature de jeunesse en a disparu.


 



dimanche 1 décembre 2024

Le bonheur en couple, le couple du bonheur

LU & approuvé
 
Interrogations. (c) Esperluète.
 
On avait rencontré Madame dans "Bientôt l'été" (Esperluète, 2007, 178 pages). Elle s'inquiétait de son apparence physique. On a fait la connaissance de Monsieur, le "mari" de Madame, dans "Déjà Noël" (Esperluète, 2010, 178 pages). Il s'essayait au libéralisme. Frédérique Bertrand les réunit dans un nouveau roman graphique, "Encore heureux" (Esperluète, 192 pages), dans le même format que les précédents mais en polychromie alors que les précédents étaient respectivement en rouge et en noir. A nouveau un titre qui titille le lecteur selon la syllabe ou le mot qu'il accentue. 

En page de titre. (c) Esperluète.
Il y sera question de couple bien entendu, dès la page de titre, avec des interrogations, se laisser le temps, faire autrement, pour un mieux ou pas, quel présent, quel futur... Des questions, pas de jugement. Une quête, le bonheur. Dans tout le roman graphique, Frédérique Bertrand pose des éléments de la vie d'un couple. Elle nous les dépose. En long, en large et en travers. Une très longue vie en commun avec ce que cela suppose de complications, d'hésitations, de réflexions. Elle nous les propose. A nous de nous les approprier.
 
On parcourt avec un intérêt qui s'aiguise de page en page ce "Encore heureux" qui ne suit jamais le chemin de la facilité. On y retrouve la façon de l'auteure, son exigence. Ses jeux sur les mots et leurs sens. Ses séries visuelles ou écrites. On découvre chez elle de nouvelles variations graphiques, des jeux sur le plein et le vide, entre le noir et la couleur. En filigrane, l'éternelle question du couple et de sa durée heureuse. Mais sans drame. Avec des rires souvent, des sourires encore plus souvent. De l'imagination et de la légèreté. De l'humour quand cet homme-table inaugural galope, des surprises dans les expressions, "depuis des lustres et des lampadaires", des variations sur ses thèmes préférés, la maison, sa table et sa chaise... Comme on s'y reconnaît.

Les pages sont le miroir des existences des deux personnages entre sentiments et tâches domestiques. Le porte-voix d'espoirs de vie réussie, heureuse, que viennent parfois chambouler les objets ou les sentiments. Avoir l'espoir d'aimer et d'être aimé est une entreprise qui fait parfois perdre des plumes. Mais aimer et être aimé est aussi une base précieuse. On oscille, on vacille, on se rattrape, on continue. L'auteure-illustratrice nous partage les hésitations, les fulgurances, les doutes, les joies de ce couple dans son style graphique si personnel. Elle serpente entre le noir des fusains et la couleur des portraits, entre les textes manuscrits et les calligrammes, entre les croquis séquencés d'une même scène et des images carrément abstraites, entre Madame et Monsieur qu'on voit ensemble ou séparément. Tout son art est de ne jamais tout dire, de laisser le lecteur choisir entre la farce, le drame ou la comédie. Une façon aussi de pointer l'absurdité de la vie par moments. 
 
"Comme si", répété, charcutant la pensée. (c) Esperluète.
 
Eminemment graphique, allant jusqu'à utiliser les textes écrits tellement petits qu'ils sont illisibles et en deviennent image eux-mêmes, cet épais moyen format dissèque la relation d'un couple longue durée à la recherche du bonheur avec humanité et humour, réalisme aussi quand planent des nuages et s'achève avec une image finale, définitive.

Paroles en calligrammes. (c) Esperluète.



Ce que j'avais écrit à l'époque dans "Le Soir" à propos des deux premiers titres.


Une saison avec Carbelle

"Bientôt l'été" est une chronique illustrée attachante du temps qui passe et des lendemains qui chantent.

Une couverture sombre, mate. Une silhouette esquissée s'y avance. Bientôt l'été, annonce le titre. Avant de compléter: "25 décembre déjà Noël… bientôt l'été". Et de dérouler, de flûtes en bûches, le calendrier ombreux de la fin décembre. Opus délicieux que ce roman graphique que signe chez l'éditeur belge Esperluète la Française Frédérique Bertrand. La Frede dit avoir fait un "livre de filles". Plein de dessins et de mots. De rires et d'émotions. De grandes choses et de petites, mélangées, liées, imbriquées. Plein de vie, en résumé. Un livre de filles, mais garçons admis.

Il commence ainsi:  "Comme chaque année au premier jour, elle s'éveille ankylosée et nausée, enkilosée comme toujours…" Verdict de la balance, route jusqu'à l'été (bronzage, lecture), bonnes résolutions. "Réagissez tant qu'il est temps d'agir", est-il glissé à Carbelle. Et l'auteure de lâcher une immense tirade sur ce qui est bon pour les fesses: des exercices de gym dont on ne voit pas la fin mais qui, dans leur insolence, acquièrent la poésie d'un Prévert ou d'un Queneau. Les dessins s'emparent du sujet, le triturent, s'en détachent avant de laisser l'héroïne conclure, "non, entamer un régime n'est pas insurmontable".

Au fil des pages, on suit tout le maillage de la petite vie de Carbelle. Les bonnes résolutions, les matins heureux, les jours plus sombres, les pensées légères, les frustrations et les idées noires, les habitudes ou les surprises…

Tout l'art de Frédérique Bertrand est d'emporter la lectrice réjouie dans ses variations pleines de surprises. Un jeu de cadavres exquis ici, une idée (écrite ou dessinée) en appelant une autre. Là, une étude poussée d'une réalité féminine, telle une séance d'épilation. Essayages, repassage, brossage de cheveux, c'est avec une infinie douceur que l'auteure appelle les femmes à parfois lâcher prise, se faire plaisir. A lire sans attendre l'été.

"Bientôt l'été", Frédérique Bertrand, Esperluète éditions, 178 pages.
8 janvier 2008


Après Madame, voici Monsieur !

 
On avait rencontré et apprécié Carbelle il y a trois ans, dans "Bientôt l'été", beau et délicat roman graphique de la Française Frédérique Bertrand – mais publié en Belgique, chez Esperluète. On découvre aujourd'hui le "mari" de la dame dans "Déjà Noël", nouveau roman graphique de l'auteure, dont le titre apparaissait en annonce dans le précédent. Aussi masculin que l'autre était féminin. Aussi rouge que l'autre était noir, même si quelques notes foncées ponctuent à intervalles réguliers la teinte festive. Mais toujours réalisé selon ce très beau et délicat procédé du papier carbone qui donne un superbe aspect velouté aux dessins.

"Déjà Noël" est donc l'histoire d'un homme qui a le bonheur pour idéal mais vit terriblement sous pression. Il est plein de bonnes intentions mais semble souvent dépassé par les événements. Dès le début: la cravate qu'il est en train de s'attacher au cou lui échappe… Mon beau sapin? Une course folle plutôt, entre tout ce qu'il y a à faire. Car Monsieur vit en couple et travaille.

Autant de sujets d'interrogations que Frédérique Bertrand arrange avec humour et tendresse. Ses dessins savoureux semblent également se jouer du personnage. Ses textes en lettres imprimées, quelques mots ou de grandes pages, traduisent magnifiquement le temps qui passe et nous file entre les doigts, haché par les us de la société. Un anti-héros très attachant, un roman graphique percutant.
17 décembre 2010



samedi 30 novembre 2024

Tortues, caïmans et fondant au chocolat

LU & approuvé
 
Deux reliures extérieures permettent de déplier les pages
et de créer de nouvelles images. (c) Les Grandes Personnes.
 
 
Pattes griffues ou palmées, becs aiguisés ou trompes baladeuses, corps lisses ou velus, ailés ou à crête dorsale, les monstres multicolores, plus surprenants les uns que les autres, s'activent dans "Animonstres", la nouvelle création d'Henri Galeron (Les Grandes Personnes, 14 pages carton découpées). Création à tout point de vue. Graphique évidemment, mais on connaît l'imagination de l'homme aux si fins pinceaux. Langagière aussi car l'auteur-illustrateur poursuit ici les jeux sur les mots et leur sonorité découverts dans son précédent opus, "L'arche que Noé a bâtie" (lire ici). Technique enfin car sa galerie de huit monstres permet, grâce à la facture de l'album carré, d'en créer soixante-quatre! Comment? C'est simple. Enfin plus simple à comprendre qu'à réaliser car tout trait allant dans le pli central doit fonctionner dans tous les autres dessins. Explication: le livre comporte deux reliures en extérieur et est donc composé de demi-pages qu'on manipule à sa guise, excepté la dernière qui tient le tout ensemble. Deux livres siamois en quelque sorte.

De part et d'autre de la césure centrale, deux livres à déplier à sa guise.
(c) Les Grandes Personnes.
 
Qui sont les "Animonstres"? Un Goulu-Globu, un Becu-Bohu, un Pelu-Palmu, un Kipu-Glandu et quatre autres du même tonneau, chaque demi-nom pouvant s'apparier avec un autre demi-nom. Que font-ils? Le grigou compte son or, un autre casse tout, un autre encore s'empiffre. Entre ces monstres aux caractéristiques nombreuses et colorées, quelques fils rouges. Des tortues, des caïmans et des fondants au chocolat! De quoi composer des centaines de scènes à imaginer à partir des textes et des apparences extrêmement détaillées des créatures. Des monstres animaux qui font frémir mais surtout rire. Et proposent de véritables exercices de logopédie.
 
Le Bécu-Pattu. (c) Les Grandes Personnes.











vendredi 29 novembre 2024

S'immerger dans l'œuvre de Gabrielle Vincent

Une scène d'"Ernest et Célestine et nous" dans "Patchwork".
(c) Éditions Daniel Maghen.

Quelle belle fin d'année pour les enfants! Et pour leurs parents! Et pour toute personne qui s'intéresse à l'œuvre de Gabrielle Vincent, le pseudonyme qu'avait choisi l'artiste peintre Monique Martin pour s'aventurer en littérature de jeunesse. D'abord plusieurs de ses albums pour enfants sont réédités chez Casterman, comme d'habitude pourrait-on dire tant on salue le travail de mémoire continu de l'éditeur. En album simple ou en recueil. Ensuite, un autre titre chéri revient chez Grasset Jeunesse.
 
Et enfin, merveille des merveilles, paraît le beau livre bien épais "Patchwork" signé Gabrielle Vincent (textes de Fanny Husson-Ollagnier, conception et réalisation Emmanuel Leroy & Vincent Odin, Éditions Daniel Maghen, 304 pages) dont le sous-titre, "Une biographie en images de la créatrice d'Ernest et Célestine", se montre particulièrement approprié. C'est en effet par ses images et ses dessins légendés de sa belle écriture ronde que l'artiste s'est toujours racontée. Cette autobiographie de grand format et au beau papier crème en témoigne. Une mine de beauté et de sincérité.

Une planche d'"Ernest et Célestine au jour le jour"
dans "Patchwork" (c) Éditions Daniel Maghen.
 
L'ouvrage commence par une évocation de la personne qu'était la discrète Monique Martin. Un puzzle composé au départ de témoignages de plusieurs de ses proches et de notes extraites de ses carnets. Il se structure ensuite en plusieurs chapitres brièvement introduits: L'Atelier, Les Gens, Bruxelles, Les Voyages, Les Animaux et Ernest et Célestine, cette dernière partie étant la plus fournie avec 130 pages. Imaginez, 130 pages de planches originales en couleur ou à l'encre sépia issues des 26 albums que compte la série. C'est un ravissement de vagabonder dans tant de beauté, tant de sensibilité. Ernest et Célestine sont si délicatement humains. Voir leurs attitudes, leur complicité, leur amour se décliner en de si belles pages qui laissent les traits respirer est un enchantement. Croquis au crayon et commentaires de l'auteur sur son travail ou ses personnages font percevoir l'artiste inquiète qu'elle a été et comment elle a transcendé ces craintes en des scènes de paix et de joie. Elle mariait bic, crayon, fusain, aquarelle et tout ce qui lui semblait idéal pour parvenir à représenter ce qu'elle avait en tête. A ce propos, l'index en fin d'ouvrage donne l'origine et la technique utilisée pour chacune des illustrations.
 
Certaines images paraîtront peut-être un peu étranges à qui connaît bien les livres de Gabrielle Vincent ou qui a visité ses expositions. Rappelons que deux ventes de ses dessins ont été organisées récemment par la galerie Daniel Maghen à Paris et qu'il était aussi possible de les voir en ligne. C'est tout simplement parce qu'elles figurent à bords perdus dans certaines pages. Leur recadrage peut étonner quand on isole une page mais il passe mieux quand on feuillette le livre. Et il faut bien avouer que la plupart des dessins apparaissent dans leur forme originelle. Pour le reste, il convient de saluer la mise en page qui entraîne le lecteur dans ce vibrant parcours en déclinant thèmes, genres et couleurs en une belle harmonie qui rend grâce au talent de l'artiste.
 
Double page de la partie Voyages de "Patchwork",
extraite de "Au désert". (c) Éditions Daniel Maghen.
 
Les chapitres précédents évoquent des aspects moins connus de l'art de Monique Martin. Les scènes d'atelier sont splendides et loin d'être académiques. Les portraits d'hommes, de femmes et d'enfants transpirent d'humanité, qu'ils soient au fusain, à l'encre ou à l'aquarelle. Les vues bruxelloises nous promènent en divers lieux de la capitale belge et bien entendu au Palais de justice où elle allait souvent écouter les procès. Ses voyages au Maroc, en Tunisie et en Égypte montrent une autre facette de son talent: croqueuse d'instants divinement aquarellés, qu'ils saisissent les hommes du désert ou des paysages de ville, de désert ou de mer. Quant à la partie sur les animaux, elle oscille entre le cirque et le merveilleux album qu'est "Un chien" (1982).
 
Carnet de voyage en Tunisie. (c) Éditions Daniel Maghen.
 
Il s'agit en effet d'un somptueux patchwork que ce beau livre composé à partir de quelques-uns des 10.000 dessins que Gabrielle Vincent a laissés, sans oublier ses peintures, ses carnets de travail et certaines de ses correspondances. Combien de lettres n'a-t-elle pas écrites? Allusion à la couverture cousue dans Ernest et Célestine, "Patchwork" est un formidable travail qui a su choisir de ne pas faire écrire un expert mais de laisser l'artiste se raconter à nous par ses illustrations et ses mots.

Études de femmes et vue de l'atelier dans "Patchwork". (c) Éditions Daniel Maghen.




Rééditions 2024

Mon petit Père Noël
Gabrielle Vincent
Grasset Jeunesse, 32 pages

Quelle belle idée de rééditer dans un format cartonné toilé cette fois, avec une image de couverture plus dynamique, un conte de Noël publié pour la première fois par l'éditeur en 1994. L'histoire n'a pas pris une ride. La touchante rencontre un 24 décembre de la jeune Magali et du Père Noël. Un tout petit Père Noël qui est descendu du ciel en parachute, les mains vides. La fillette qu'il croise par hasard n'en croit pas ses oreilles. Elle décide de lui venir en aide. N'écoutant que son grand cœur, elle court vers sa maison, fonce dans sa chambre et revient à l'homme en rouge avec sa poupée en cadeau. De quoi meubler la solitude du visiteur. Tendresse, humour et sensibilité sourdent de cet album magnifique.
 
1994.
Un texte dialogué et des dessins entourés d'un filet peint composent une magnifique histoire dans des tons de neige et d'hiver, faisant ressortir les couleurs des deux personnages. Les plus attentifs remarqueront que la poupée Caroline est devenue Lila dans cette nouvelle édition, "le nom d'une amie épistolaire de Gabrielle Vincent à qui elle confiait apparemment beaucoup de ses secrets de "fabrication"", nous dit l'éditrice actuelle.
 


Ce 24 décembre, Lila a reconnu le Père Noël. (c) Grasset-Jeunesse.

 
Ernest et Célestine
Le sapin de Noël
Gabrielle Vincent
Casterman, 40 pages

Publié en 1995, cet album qui paraît dans une nouvelle édition cartonnée posait déjà la question des habitudes de Noël. Couper un sapin pour le décorer chez soi? Peut-être pas si on suit l'idée de Célestine qui a repéré, dans le grand parc enneigé, un petit sapin solitaire un peu tordu, et qui souhaite passer son réveillon avec Ernest, dehors, dans la neige, près de ce petit sapin.
 
"Le sapin de Noël". (c) Casterman.


Ernest et Célestine
Les plus belles histoires
Gabrielle Vincent
Casterman, 144 pages
 
Une nouvelle édition cartonnée d'un recueil conçu en 2019. On y trouve cinq histoires fondamentales du gros ours et de la petite souris, le B A BA d'Ernest et Célestine.
 
 
  • Ernest et Célestine ont perdu Siméon, la première (1981)
  • Ernest et Célestine - La cabane (1999)
  • Ernest et Célestine au musée (1985)
  • Ernest et Célestine - Un caprice de Célestine (1999)
  • Ernest et Célestine musiciens des rues (1981)
 
 
Ernest et Célestine
Bienvenue les enfants!
Gabrielle Vincent
Casterman, 40 pages

La réédition sous un autre titre de "Ernest et Célestine... et nous", paru en 1990, le seul titre où le duo est confronté à de vrais enfants. Un album que Gabrielle Vincent a imaginé à la suite d'une correspondance qu'elle a entretenue avec les enfants d'un ami. Les lettres y ont toute leur place! Célestine a déjà reçu trois missives  d'Antoine et elle voudrait le voir comme lui voudrait la voir. Le hic, c'est Ernest qui n'invite que ses amis et ne sort guère. Il en faut plus pour décourager la petite souris qui saisit papier et crayon pour envoyer un courrier à Antoine. L'histoire se développe de façon inattendue entre les rebuffades de l'ours et les surprises qu'amène Antoine, qui n'est pas seul dans sa fratrie.
 
"Bienvenue les enfants!". (c) Casterman.

 

Plus tôt dans l'année avaient reparu en grand format cartonné "La chambre de Joséphine", "La naissance de Célestine", "La tante d'Amérique" et "Le labyrinthe" de Gabrielle Vincent, toujours chez Casterman, éditeur que l'on bénit pour cela.
 

Créations 2024

Notre enthousiasme n'est pas le même pour ces albums qui charcutent l'œuvre originale. A-t-elle besoin d'être réinterprétée? Non, bien entendu. Les albums, que ce soient ceux d'Ernest et Célestine ou les autres se suffisent à eux-mêmes. Ils enchantent et élèvent leurs lecteurs.
 

Quel est l'intérêt d'un livre comme "Ernest et Célestine - L'album photo des jours heureux" (Casterman, 40 pages) où Fanny Husson-Ollagnier écrit un texte sur des images de Gabrielle Vincent, utilisées comme autant de photos? Où est la sincérité des histoires originales, qui disaient les jours heureux mais aussi les difficultés, qui disaient la vie tout simplement.

"L'album photo des jours heureux". (c) Casterman.

Pire encore est "Le calendrier de l'Avent - Ernest et Célestine" (texte de Fanny Husson-Ollagnier d'après l'univers de Gabrielle Vincent, Casterman). Un grand format cartonné en diptyque où 24 petits livres souples de 24 pages illustrées en quadri sont glissés dans des pochettes. Une histoire par jour pour attendre Noël.
 
L'idée était bonne. Sauf que les mini-histoires sont terriblement fabriquées, à mille lieues du ton de Gabrielle Vincent même si elles utilisent les éléments scénaristiques de ses albums. Au mieux, elles peuvent servir à un quiz pour qui connaît bien l'œuvre. Il faudrait identifier les albums qui ont servi à composer ces histoires sans saveur, émotion ou sentiment.


jeudi 28 novembre 2024

La galerie Martel ouvre un espace à Bruxelles

La galerie Martel côté rue...
 
Simone Mattotti, fils de Lorenzo Mattoti, le dessinateur bien connu, et de Rina Zavagli-Mattotti, ouvre l'antenne belge de la galerie d'art de sa mère, la célèbre galerie Martel, née à Paris en 2008. Elle a la même ambition, défendre l'illustration, la peinture, la bande dessinée, l'animation.
 
... côté jardin.
Le lieu se trouve à deux pas de la place Flagey à Ixelles, dans le bas de la chaussée d'Ixelles, juste en face d'une antenne des Petits riens. La galerie bénéficie d'un très bel espace en enfilade, d'une large et sobre vitrine toute en verre et de deux petits jardins à l'arrière. Visiblement, on n'a pas lésiné sur l'huile de coude pour aménager les lieux. Le résultat en vaut la peine.




 
 
Pour l'ouverture, l'exposition est collective. Elle présente jusqu'au 7 décembre les œuvres de 41 artistes. Des grands noms de la bande dessinée et de la galerie, Lorenzo Mattoti bien entendu et Richard McGuire, Chris Ware, Crepax, Florence Cestac pour ne citer qu'eux, mais encore des artistes arrivés plus récemment, se partageant entre bande dessinée et littérature de jeunesse, Icinori  ou Manuele Fior par exemple. Et bien sûr, localisation oblige, des Belges. Six artistes, Brecht Evens, Dominique Goblet, Herr Seele, Brecht Vandenbroucke,Thierry Van Hasselt et Eric Lambé. Ce dernier aura les honneurs de la première exposition bruxelloise en solo, "19M2-Antipodes", autour de ses deux dernières parution (Sigaretten Edizioni et Casterman), du 14 décembre au 1er février 2025.

On nous signale que pour la plupart des artistes présents à cette exposition collective inaugurale, une de leurs œuvres est proposée aux cimaises mais que deux attendent dans l'ombre de la cave. On les trouvera toutes ici.

Artistes exposés
(par ordre alphabétique)
 
Pablo Auladell (Espagne) | Alex Barbier (France) | Enzo Borgini (Italie)
Nina Bunjevac (Canada) | Charles Burns (États-Unis) | Florence Cestac (France)
Daniel Clowes (États-Unis) | Guido Crepax (Italie) | Ludovic Debeurme (France)
Brecht Evens (Belgique) | Emil Ferris (États-Unis)
 Anke Feuchtenberger (Allemagne)
Manuele Fior (Italie) | Fred (France) | Gabriella Giandelli (Italie)
Dominique Goblet (Belgique) | Simon Hanselmann (Australie
Miles Hyman (États-Unis) | Icinori (France) | Yann Kebbi (France
Éric Lambé (Belgique) | Javier Mariscal (Espagne) | Franco Matticchio (Italie)
Lorenzo Mattotti (Italie) | Richard McGuire (États-Unis) | Hugues Micol (France)
José Muñoz (Argentine) | Giacomo Nanni (Italie) | Thomas Ott (Suisse)
Gary Panter (États-Unis) | Stefano Ricci (Italie) | Herr Seele (Belgique)
Miroslav Sekulić-Struja (Croatie) | Anna Sommer (Suisse)
Art Spiegelman (États-Unis)
Joost Swarte (Pays-Bas) | Tomi Ungerer (France)
Brecht Vandenbroucke (Belgique) | Thierry Van Hasselt (Belgique)
Chris Ware (États-Unis) | Zéphir (France)

De saison en Belgique, l'histoire de Saint Nicolas selon Thierry Van Hasselt.

Lors du vernissage, les œuvres apparaissaient sans cartel pour les identifier. Question d'esthétique, nous a-t-on dit. Il est vrai qu'un listing papier, réalisé selon l'ordre d'accrochage, est disponible. OK, suivons les murs. Evidemment, il y a les artistes qu'on reconnaît immédiatement. Mais il y a aussi ceux dont on doute du nom et ceux qu'on découvre. Une exploration ludique en quelque sorte. A ce petit jeu, j'ai eu la joie de tomber nez à nez avec une œuvre de Thomas Ott, le roi de la carte à gratter, d'autres de Franco Matticchio, la satisfaction d'identifier un dessin de Tomi Ungerer et le plaisir de découvrir le travail de Giacomo Nanni.

Carte à gratter de Thomas Ott. (c) Galerie Martel.

Encre et aquarelle sur papier et carte noire de Tomi Ungerer. (c) Gal. Martel.

Peinture acrylique sur feuilles de rhodoïd de Giacomo Nanni. (c) Galerie Martel.



Infos pratiques
Galerie Martel Bruxelles
Chaussée d'Ixelles, 337, 1050 Bruxelles
Du mardi au samedi de 14h30 à 19 heures
+32 2 721 79 57
contact@galeriemartel.com