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jeudi 3 octobre 2024

La touchante simplicité d'Ernest et Célestine

Exposition et installation dans le fond de la Chapelle de Boondael.


Quatre échevins (*) présents à l'ouverture d'une petite exposition, cela sent un peu les élections. Mais bon, on leur pardonne car ils ont tous déclarés être fans d'Ernest et Célestine, le gros ours et la petite souris créés par Gabrielle Vincent en 1981 (Duculot d'abord, Casterman ensuite). Ce sont justement ces deux héros, toujours autant aimés des enfants 40 ans plus tard, qui sont à l'honneur à la Chapelle de Boondael (10 square du Vieux Tilleul, 1050 Ixelles), dans l'exposition "Ernest et Célestine: Harmonie des générations et mixité des genres". Grande joie de voir cette magnifique artiste à nouveau exposée à Bruxelles (lire ici).

Reproductions en fac-similé de dessins aux cimaises, mobilier, outils de travail et éléments de décoration ayant appartenu à Monique Martin, le vrai nom de celle qui a choisi le pseudo de Gabrielle Vincent pour s'adresser aux enfants, quelques originaux sous vitrine composent cette belle exposition. On y trouve sous différents thèmes ce qui a toujours été au centre de son œuvre.

(c) Ernest et Célestine.

Emeline Attout, petite-nièce de l'artiste disparue en 2000 et responsable de la Fondation Monique Martin - Gabrielle Vincent, explique les thèmes de l'exposition 2024: "L'intergénération à l'image d'Ernest et Célestine, l'un plus âgé et l'autre toute jeune, et des personnes âgées apparaissant souvent dans les albums, la mixité des genres présente évidemment dans l'amour entre un ours et une souris, la tolérance et l'ouverture d'esprit sur le monde, qui sont la base du travail artistique de Monique Martin."

A noter que c'est la troisième fois que la Chapelle de Boondael accueille une expo Ernest et Célestine. Les précédentes ont eu lieu en 2013 ("Une artiste, deux visages") et en 2021 ("Bienvenue chez Ernest et Célestine"), cette dernière ayant été torpillée par le covid et le confinement. "Revenir à Ixelles nous permet d'organiser les activités scolaires qui avaient été empêchées il y a trois ans, surtout qu'on est maintenant dans la quinzaine de la petite enfance", précise Emeline Attout. 



Les trois thèmes 2024.

L'accrochage est pensé en deux niveaux: des objets à hauteur d'enfant, ces derniers adorant les découvrir, des fac-similés un peu plus haut aux cimaises. Que d'émotions en contemplant les scènes présentant essentiellement Ernest, l'ours aux mains d'humain, et Célestine, si proche de ses jeunes lecteurs. Joie, complicité, simplicité, compréhension, amitié, solidarité émanent de ces dessins d'une vie quotidienne ponctuée de musique. Au centre, des espaces de lecture des albums et d'animation.

Installation d'objets ayant appartenu à Gabrielle Vincent.


Matériel de travail.

Meuble pour enfant.

 

On découvre aussi la série "Papouli et Federico" de Gabrielle Vincent (Casterman, les albums Duculot, 1993 et 1994), moins connue, qui raconte l'amitié entre un vieil homme et un enfant, déclinée en trois titres: "Dans la forêt", "A la mer" et "Le grand arbre".  

 

 

 

 


 

Ainsi que des originaux de deux des trois titres de la série en petit format autour du koala Pic-Nic et d'un humain (Duculot). Des dessins de "Pic-Nic et Nicolas" (1982) et "Pic-Nic et Rosalie" (1982) apparaissent dans une vitrine bien garnie. Pour info, le troisième titre est "Pic-Nic vend ses poupées" (1984).

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Questions originaux, on peut encore apercevoir derrière sa paroi de verre l'album "Kito et Kappi", signé Dominique, et près de l'entrée un tableau lumineux évidemment signé Monique Martin.


 






 

 

Infos pratiques
Entrée libre.
Où? Chapelle de Boondael (10 square du Vieux Tilleul, 1050 Ixelles)
Quand? Jusqu'au 20 octobre.
Quels jours? Mercredi, vendredi, samedi et dimanche, de 11 à 18 heures.

 

(*) Ken Ndiaye (culture), Yves Rouyet (patrimoine), Anaïs Camus (petite enfance), Romain de Reusme (instruction publique).




vendredi 20 septembre 2024

La paréidolie selon Bobi+Bobi et François David

La puissance évocatrice de nuages bleus. (c) Le Voyageur assis.


Bleu, la couleur du ciel.
Bleu, la couleur qu'a choisie l'artiste Bobi+Bobi pour représenter des nuages. A l'aquarelle, à la gouache.
Dans ces formes mystérieuses, elle a distingué un animal, un visage, un objet...
Elle en a dessiné le contour au crayon bleu.
Elle a transmis ces nuages étiquetés à François David.
Il les a regardés, les a laissé infuser en lui.
Sous la puissance évocatrice de ces nuages bleus, ses mots ont surgi.
Et voilà couchées sur le papier ces phrases surprenantes, ondulantes, pénétrantes.
Posées chaque fois en vis-à-vis de "leur" nuage.
 
Poésie, philosophie, humour, actualité, vocabulaire sont autant de perles qu'égrènent l'album "Que du bleu" de François David et Bobi+Bobi (Le Voyageur Assis, 100 pages).
On passe de l'une à l'autre, avide de découvrir la prochaine réjouissance littéraire.
On sourit, on savoure, on découvre, on se laisse porter par ce bleu en formes et en lettres.

PS: la paréidolie consiste donc à identifier des formes familières dans des éléments naturels ou aléatoires.
 
 
Leçon souriante de vocabulaire. (c) Le Voyageur Assis.

 

vendredi 13 septembre 2024

Les grands travaux inutiles italiens

"Incompiuto" de Roberto Giangrande. (c) Light Motiv.

 

Curieux livre au premier abord que le moyen format broché bilingue "Incompiuto" de Roberto Giangrande (Light Motiv/emuse, traduction française par l'auteur et David Galati, 136 pages). Une jaquette en carton mat orange potiron dans laquelle sont découpées des fenêtres en forme de gros saucissons (la simulation des filets de balisage orange des chantiers en réalité). Y apparaissent en tons largement passés la photo de constructions abandonnées. Un titre en italien, incompréhensible pour celui ou celle dont la connaissance de l'italien se limite aux cartes de restaurant.

On pourrait facilement passer à côté de ce livre photographique documentaire et esthétique. Ce serait une grave erreur car il est formidable! Et sa conception originale sobrement mise en pages révèle toute sa raison d'être.

La photo de couverture. (c) Light Motiv.

Le photographe s'explique dès le début en introduction: "Le terme "Incompiuto" est utilisé en Italie pour désigner les bâtiments et ouvrages d'art qui n'ont pas été achevés et sont donc inutilisables." On comprend déjà mieux le titre de ce texte, "Le pays volé". Tout au long des pages balisées de couleur orange (couverture, fil de couture du dos, légende des photos et parure typographique), on va découvrir des aéroports, des ponts, des barrages, des routes, des écoles, des hôpitaux, des installations sportives qui ont été construits et n'ont jamais été utilisés pour différentes raisons, chantier trop long, projet devenu obsolète, manque d'autorisation, coût de fonctionnement trop élevés. Très présents dans la moitié sud de l'Italie, ils ont évidemment des liens avec les mafias. Laissés à l'abandon, ils ont été vandalisés. C'est sidérant.

Un pont construit à 30% en Toscane (2009). (c) Light Motiv.

Roberto Giangrande a parcouru son pays de long en large et a photographié en lumière blanche ces lieux abandonnés, pays invisible absent des guides, "signe concret et symbole d'une aberration, à la fois esthétique et sociale". Selon un registre officiel, il existerait un millier de travaux publics inachevés en Italie. Entamé pour pointer le gaspillage économique et les dommages environnementaux, le voyage du photographe a glissé vers le témoignage social au fil des rencontres qu'il a faites. Et l'a fait grandement s'interroger sur le futur de ces "verrues dans le paysage".

Centre pluridisciplinaire en pages 68 et 69. (c) Light Motiv.

Avec lui, on parcourt la péninsule en des paysages aux ciels gris ou d'un bleu éteint où se dessinent ces constructions de teinte claire. Des tons qui font penser à ceux des anciennes photos Polaroid qui vieillissaient si mal. Un choix tellement symbolique en opposition avec l'Italie des cartes postales. Chaque photo est accompagnée d'une légende en donnant le lieu, la localisation GPS, l'année de début et le pourcentage d'achèvement. Des ponts qui ne mènent à rien, des routes qui s'arrêtent sur le vide, les squelettes d'une gare, d'un planétarium, de bâtiments administratifs, une vertigineuse tour vide, la structure d'un parking, une piscine jamais remplie... Les édifices sont souvent gigantesques, ravageant d'autant plus les paysages ou les environnements citadins. Les sites se suivent, suscitant l'étonnement et l'incompréhension. Chaque page appelle la suivante. Une lecture hautement addictive qui s'achève avec un splendide texte d'analyse et de réflexion de l'écrivain et chroniqueur Roberto Ferrucci alors qu'une carte pointe les lieux photographiés. Quel travail utile, à la fois artistique et journalistique que ce livre! Il offre des heures de lecture riche menant à autant de réflexion et d'interrogation. D'empathie aussi.

Piscine terminée à 75 %. (c) Light Motiv.


"Incompiuto" rappellera évidemment à tout Belge d'un certain âge l'émission de télévision de Jean-Claude Defossé "Les grands travaux inutiles" (RTBF, voir ici et ici). Une quarantaine de reportages réalisés dans le royaume entre 1986 et 2012.




jeudi 12 septembre 2024

Qui aura le prix Vendredi 2024?


Créé en 2016 par le groupe des éditeurs jeunesse du Syndicat national de l'édition (SNE) et désigné pour la première fois en 2017 (lire ici), le prix Vendredi récompense chaque année un ouvrage francophone destiné aux plus de 13 ans, et publié entre le 1er octobre de l'année précédente et le 30 septembre de l'édition en cours à compte d'éditeur. Depuis l'an dernier existe une collaboration entre le Prix Vendredi et le pass Culture qui a donné lieu à la création du prix Vendredi - Jury des jeunes pass Culture. Ce Prix est remis par un jury composé de sept jeunes lecteurs et lectrices issus de différentes régions et bénéficiaires du pass Culture. La Fondation d'entreprise La Poste, partenaire historique du Prix, dote cette année le Prix Vendredi d'une enveloppe globale de 3000 euros.

Malgré quelques divergences, le jury 2024 du prix Vendredi, composé des journalistes Raphaële Botte ("Mon Quotidien", "Lire" et "Télérama"), Philippe-Jean Catinchi ("Le Monde"), Françoise Dargent ("Le Figaro"), Cécile Ribault-Caillol, des autrices Claudine Desmarteau, lauréate 2023, ​Marie Desplechin, de l'auteur Tom Levêque, de la critique Nathalie Riché, et du libraire Simon Roguet, a su, nous dit-on,  trouver un terrain d'entente, pour livrer une sélection "qui reflète la diversité du lectorat", avec des titres "de qualité, audacieux et originaux".
 

Les dix titres sélectionnés

  • "Charbon bleu" d'Anne Loyer (Éditions D'eux)
  • "Des Jours comme des nuits" de Sébastien Joanniez (Rouergue)
  • "Deux mois chez Andréa" de Julien Dufresne-Lamy (Nathan)
  • "Infiltré" de Laurent Petitmangin (Actes Sud Jeunesse)
  • "La Cabane" de Ludovic Lecomte (l'école des loisirs)
  • "La Chasse" de Maureen Desmailles (Editions Thierry Magnier)
  • "La Louve" d’Antonin Sabot (Talents Hauts)
  • "Les Coquillages ne s’ouvrent qu'en été" de Clara Héraut (Hachette)
  • "Reine de l'Ouest" de H. Lenoir (Sarbacane)
  • "Vindicte" de Gildas Guyot (Faction)

 
Les prix Vendredi 2024 seront remis à Paris le 5 novembre.


Palmarès

2023 Claudine Desmarteau pour "Au nom de Chris" (Gallimard Jeunesse)
et Arnaud Cathrine, prix Vendredi - Jury des jeunes Pass Culture pour "Octave" (Robert Laffont)
2022 Claire Castillon pour "Les Longueurs" (Gallimard Jeunesse, lire ici)
2021 Sylvain Pattieu pour "Amour chrome" (l'école des loisirs, lire ici)
2020 Vincent Mondiot, pour "Les Derniers des Branleurs" (Actes Sud junior, lire ici)
2019 Flore Vesco, pour "L'Estrange Malaventure de Mirella" (l'école des loisirs, lire ici)
2018 Nicolas de Crécy, pour "Les amours d'un fantôme en temps de guerre " (Albin Michel, lire ici)
2017 Anne-Laure Bondoux, pour "L'Aube sera grandiose" (Gallimard, lire ici)
 
 

mercredi 11 septembre 2024

Fêtons en jouant les 50 ans de la librairie bicéphale A livre ouvert - Le rat conteur

Cinquante ans, ce n'est rien, dit-on habituellement. Mais pour une librairie belge, a fortiori francophone? Et tenue en famille? C'est un fameux exploit. Car une librairie qui fête ses cinquante ans, cela ne court pas les rues. C'est pourtant le cas de la librairie bicéphale A Livre ouvert + Le rat conteur. Chapeau!

Créée par Chantal Limauge, A Livre Ouvert a ouvert ses portes à La Hulpe en septembre 1974. En 1986, la librairie s'installe à Woluwé-Saint-Lambert en compagnie de la librairie Le Rat Conteur, spécialisée en littérature jeunesse, née dans une autre rue de la commune à la fin des années 70. Deux enseignes indépendantes dans le même espace qui s'entendirent bien et fusionnèrent en 2000.
 

Cinquante ans de ventes de livres, cela fait beaucoup de volumes. "Environ dix millions, soit une hauteur de 150 km", estime Yves Limauge, le responsable de la librairie. Cela représente surtout un nombre inouï de lectures partagées en littérature, en jeunesse et en sciences humaines. Plus de 2000 événements, rencontres, dédicaces, lectures, ou ateliers organisés.
 
"Nous, libraires, en sommes très fiers", poursuit Limauge. "Nos clients y sont pour beaucoup. Nous les remercions pour leur enthousiasme et leur confiance."
 
Pour fêter ces 50 ans, une grande fête est prévue le lundi 14 octobre à 19h30 à Wolubilis.
 
Un jeu littéraire s'intitulant "Bagarre dans la librairie" dont l'animatrice sera l'écrivaine Geneviève Damas. Face à elle prendront place quatre concurrents, Safia Kessas, Myriam Leroy, Thomas Gunzig et Philippe Marczewski, qui devront argumenter suite aux questions cocasses de Geneviève. Une joute prestigieuse dont le public déterminera le/la gagnant/e.
Un extrait des livres gagnants sera lu par un.e comédien.ne et le tempo musical sera donné par DJ Voodoo Mama.
 
Inscription à la soirée sur le site de Wolubulis (ici) ou au 02/761.60.30. P.A.F.: 10 euros (dont un bon d'achat de 5 euros).



Classement olympique
Cinquante ans c'est formidable. D'autres librairies belges y arrivent-elles? Infos difficiles à trouver car peu disponibles sur la grande toile. Néanmoins, voici quelques éléments à propos d'officines toujours en activité, même si elles ont pu changer de propriétaire et/ou de lieu.
  • La médaille d'or va à l'UOPC (Bruxelles) qui affiche ses100 ans (et quelques déménagements) en 2024.
  • La médaille d'argent à la librairie Corman (Ostende), fondée en 1926 et installée au 1 de la place Léopold depuis décembre 1996. 
  • La médaille de bronze à la librairie Pax (Liège), existant depuis 1928.
Dans le peloton, on trouve ensuite
- La licorne (Bruxelles, 197?)
- Graffiti (Waterloo, 1977)
- Am Stram Gram (Bruxelles, 1978)
- André Leto (Mons, 1978)
- Libraire Candide (Bruxelles, 198?) 
- Molière (Charleroi, 1983)
- Librairie jaune 2 (Wavre, 1984)
- L'écrivain public (La Louvière, 1985)
- Florilège (Mons, 1986)
- L'oiseau-lire (Visé, 1986)
- Au p'tit prince (Nivelles, 1990)
- Papyrus (Namur, 1990)
- Chantelivre (Tournai, 1991) 
- Long-courrier (Tilff, 1991)
- Antigone (Gembloux, 1994)
- Molière (Charleroi, 1995)
- Librairie de la reine (Binche, 1996)
 
Quelle merveille que tous ces rayonnages débordant de livres! Ce qui n'enlève aucune qualité aux librairies plus récentes.