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jeudi 24 juin 2021

La philosophe belge Vinciane Despret parmi les 65 distinctions 2021 de l'Académie française

Vinciane Despret, honorée pour l'ensemble de son œuvre.

Si le terme "Académie française" laisse souvent présupposer mille choses, pas toujours à la gloire de l'assemblée qui se tient au Quai Conti, il est un événement pour lequel on ne peut que la louer. Il s'agit de la publication de son palmarès annuel. Ce jeudi 24 juin, jour de la Saint-Jean, l'Académie française a communiqué son palmarès pour l'année 2021. Un palmarès fort de 65 distinctions, sachant que le Grand Prix du Roman sera, comme de coutume, décerné à l'automne.

Un palmarès dans lequel on relève avec un immense plaisir les noms des écrivains  Frankétienne, Abdourahman Waberi, Patrick Deville,  Camille de Toledo, Diane Meur, Pierre Ducrozet. Mais aussi ceux du chanteur Etienne Daho et du cinéaste Albert Dupontel. Et bien entendu celui de la philosophe belge Vinciane Despret, dont le dernier ouvrage, "Autobiographie d'un poulpe. Et autres récits d'anticipation" (Actes Sud) fait énormément parler de lui.




PALMARÈS DE L'ANNÉE 2021


complété des maisons d'édition par nos soins. 

GRANDS PRIX

Grand Prix de la Francophonie
Frankétienne (Haïti)
Grande Médaille de la Francophonie
M. Abdourahman Waberi (Djibouti)
Grand Prix de Littérature
M. Patrick Deville, pour l'ensemble de son œuvre
Grand Prix de Littérature Henri Gal
Prix de l' Institut de France
M. Claude Arnaud, pour l'ensemble de son œuvre
Prix Jacques de Fouchier
M. Alain Schnapp, pour "Une histoire universelle des ruines. Des origines aux Lumières" (Seuil)
Grand Prix Michel Déon
M. François Cérésa
Prix de l'Académie française Maurice Genevoix
M. Michel Bernard, pour "Le Bon Sens" (La Table Ronde)
Grand Prix Hervé Deluen
M. Jordan Plevnes (Macédoine du Nord)
Grand Prix de Poésie
M. Claude Royet-Journoud, pour l'ensemble de son œuvre poétique
Grand Prix de Philosophie
M. Emmanuel Housset, pour l'ensemble de son œuvre
Grand Prix Moron
Mme Vinciane Despret, pour l'ensemble de son œuvre
Grand Prix Gobert
M. François Hartog, pour "Chronos. L'Occident aux prises avec le temps" (Gallimard)
Prix de la Biographie (littérature)
MM. Jean-Louis Cabanès et Pierre Dufief, pour "Les Frères Goncourt" (Fayard)
Prix de la Biographie (histoire)
Mme Pauline Dreyfus, pour "Paul Morand" (Gallimard)
Prix de la Critique
Mme Béatrice Didier, pour l'ensemble de ses travaux critiques
Prix de l'Essai
M. Jean-Claude Bonnet, pour "Les Connivences secrètes. Diderot, Mercier, Chateaubriand" (Rivages)
Prix de la Nouvelle
M. David Thomas, pour "Seul entouré de chiens qui mordent" (L'Olivier)
Prix d'Académie
M. François Azouvi, pour "Français, on ne vous a rien caché. La Résistance, Vichy, notre mémoire" (Gallimard)
M. Laurent Dandrieu, pour "La Confrérie des intranquilles" (L'homme nouveau)
M. Gérard Guégan, pour "Fraenkel, un éclair dans la nuit" (L'Olivier)
M. Pierre Joannon, pour "Michel Mohrt, réfractaire stendhalien" (La Thébaïde)
Prix du cardinal Grente
P. Philippe Capelle-Dumont, pour l'ensemble de son œuvre
Prix du Jeune Théâtre Béatrix Dussane-André Roussin
M. Dieudonné Niangouna, pour l'ensemble de ses ouvrages dramatiques
Prix du Cinéma René Clair
M. Albert Dupontel, pour l'ensemble de son œuvre cinématographique
Grande Médaille de la Chanson française
M. Étienne Daho, pour l'ensemble de ses chansons
Prix du rayonnement de la langue et de la littérature françaises
Mme Emily Beeny, conservateur au J. Paul Getty Museum
M. Michel Foucher, géographe et auteur de l'"Atlas des mondes francophones" (Marie B)
Mme Helen Glanville, spécialiste des questions de conservation et de restauration des biens culturels
Mme Emmelie Prophète-Milcé, femme de lettres et directrice du Bureau haïtien du droit d'auteur
M. Jean-Noël Schifano, traducteur de l'italien et directeur de la collection "Continents noirs" (Gallimard)


PRIX DE POÉSIE

Prix Théophile Gautier
M. Pierre Dhainaut, pour "Une porte après l'autre après l'autre", suivi de "Quatre Éléments plus un" (Faï Fioc)
Prix Heredia
M. Joël Vernet, pour "L'oubli est une tache dans le ciel" (Fata Morgana)
Prix François Coppée
M. Louis-Philippe Dalembert, pour "Cantique du balbutiement" (Bruno Doucey)
Prix Paul Verlaine
M. Réginald Gaillard, pour "Hospitalité des gouffres" (Ad Solem)
Prix Henri Mondor
M. André Stanguennec, pour "Novalis-Mallarmé. Une confrontation" (Honoré Champion)
Prix Maïse Ploquin-Caunan
M. Emmanuel Laugier, pour "Chant tacite" (Nous)


PRIX DE LITTÉRATURE ET DE PHILOSOPHIE

Prix Montyon
M. Jean Seidengart, pour "L'Univers infini dans le monde des Lumières" (Les Belles Lettres)
Prix La Bruyère
Mme Séverine Denieul, pour "Casanova. Le moraliste et ses masques" (Classiques Garnier)
Prix Jules Janin
Mme Marguerite Bordry, pour sa traduction de "Senso et autres nouvelles vénitiennes" de Camillo Boito (Presses Universite Paris-Sorbonne)
Prix Émile Faguet
M. Gérard Ferreyrolles, pour "De Pascal à Bossuet. La littérature entre théologie et anthropologie" (Honoré Champion)
Prix Louis Barthou
Mme Annick Louis, pour "L'Invention de Troie. Les vies rêvées d'Heinrich Schliemann" (EHESS)
Prix Anna de Noailles
Mme Tiphaine Samoyault, pour "Traduction et violence" (Seuil)
Prix François Mauriac
Mme Celia Levi, pour "La Tannerie" (Tristram)
Prix Georges Dumézil
M. Jean-Michel Robert, pour "Leibniz et les universaux du langage" (Honoré Champion)
Prix Roland de Jouvenel
Mme Alexandra Lapierre, pour "Belle Greene" (Flammarion)
Prix Biguet
M. Dominique Pradelle, pour "Intuitions et idéalités. Phénoménologie des objets mathématiques" (PUF)
Prix Pierre Benoit
M. Hervé Gaillet, pour "Pierre Benoit, autrement" (AlterPublishing)
Prix Jacques Lacroix
M. Loïc Bollache, pour "Comment pensent les animaux" (Humensciences)
Prix Sivet
M. Jean-Noël Blanc, pour "Des opéras de lumière. Ravier et Thiollier" (Le Realgar)


PRIX D'HISTOIRE

Prix Guizot
Mme Isabelle Dasque, pour "Les Diplomates de la République (1871-1914)" 
M. Clément Oury, pour "La Guerre de Succession d'Espagne. La fin tragique du Grand Siècle" (Presses Universite Paris-Sorbonne)
Prix Thiers
M. Nicolas Schapira, pour "Maîtres et Secrétaires (XVIe-XVIIIe siècle). L'exercice du pouvoir dans la France d'Ancien Régime" (Albin Michel)
Prix Eugène Colas
M. Étienne Peyrat, pour "Histoire du Caucase au XXe siècle" (Fayard)
Mme Patricia Sorel, pour "Napoléon et le livre. La censure sous le Consulat et l'Empire (1799-1815)" (PUR)
Prix Eugène Carrière
M. Alexandre Maral et Mme Valérie Carpentier-Vanhaverbeke, pour "Antoine Coysevox (1640-1720), le sculpteur du Grand Siècle" (Arthena)
Prix du maréchal Foch
M. Gaïdz Minassian, pour "Les Sentiers de la victoire. Peut-on encore gagner une guerre?" (Passés Composés)
Prix Louis Castex
Mme Armelle Faure, pour "Révolution et sorcellerie. Une ethnologue au Burkina Faso" (Elytis)
Prix Monseigneur Marcel
M. Brenton Hobart, pour "La Peste à la Renaissance. L'imaginaire d'un fléau dans la littérature au XVIe siècle" (Classiques Garnier)
M. Bruno Méniel, pour "Anatomie de la colère. Une passion à la Renaissance" (Classiques Garnier)
Prix Diane Potier-Boès
Mme Claude Denjean, pour "Les Juifs et les pouvoirs. Des minorités médiévales dans l'Occident méditerranéen (XIe-XVe siècle)" (Cerf)
Prix François Millepierres
M. Benoît Rossignol, pour "Marc Aurèle" (Perrin)
Prix Augustin Thierry
M. Pierre-Yves Le Pogam et Mme Sophie Jugie, pour "La Sculpture gothique (1140-1430)" (Hazan)


PRIX DE SOUTIEN À LA CRÉATION LITTÉRAIRE

Prix Henri de Régnier
M. Camille de Toledo, après "Thésée, sa vie nouvelle" (Verdier)
Prix Amic
Mme Diane Meur, après "Sous le ciel des hommes" (Sabine Wespieser)
Prix Mottart
M. Pierre Ducrozet, après "Le Grand Vertige" (Actes Sud)





dimanche 20 juin 2021

20 juin, journée mondiale des réfugiés



Bonne nouvelle, l'album pour enfants "L'Odyssée d'Amina" de Marie Wabbes (Des pages et des notes, lire ici) est toujours disponible et bénéficie d'un lancement vidéo à voir ci-dessus ou ici.


Qu'est-ce qu'un réfugié? En général, les réfugiés sont des personnes fuyant la guerre ou qui ont connu diverses guerres et révolutions dans leur pays. Ils peuvent aussi fuir des persécutions, des catastrophes naturelles, ou autres. Selon le HCR (Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés), plus de 82 millions de personnes sont aujourd'hui déplacées de force dans le monde, soit deux fois plus qu'il y a dix ans. Parmi elles, des réfugiés, des demandeurs d'asile et des déracinés internes.

Mais si on s'en réfère aux actualités récentes, un réfugié est surtout quelqu'un qui se noie en Méditerranée, parfois dans la Manche. Parce qu'il n'a pas eu le choix d'un autre chemin. Parce que personne n'est venu à son secours. Ou pour éviter d'être ramené dans la Libye qu'il fuit, facile à comprendre. En 2020, les autorités libyennes ont intercepté 11.891 migrants au large de leur pays. Parfois grâce à des informations de l'agence européenne Frontex dont ce n'est pas le rôle. L'OIM (Organisation internationale pour les migrations) estime que 17.000 personnes sont mortes en Méditerranée depuis 2014. Mais la réalité est bien pire. Et il est à noter que la plupart des migrants qui meurent chaque année, perdent la vie aux portes de l'Europe.

Pour aborder la question des réfugiés, cinq livres, deux bandes dessinées et un premier roman pour adultes, un album pour enfants et un roman pour ados (d'autres titres pour toutes les tranches d'âge ici).

 
Mona rencontre Monika par hasard. (c) Casterman


Dans l'épaisse bande dessinée "Chez toi" (Casterman, 208 pages), Sandrine Martin nous emmène dans un camp de réfugiés à Athènes il y a cinq ans. On y fait la connaissance de Mona, une réfugiée syrienne originaire de Homs qui vit là, sous tente, avec son compagnon. Puis de Monika, une Grecque qui est sage-femme auprès des réfugiés. Elle vit à Athènes avec son mari au chômage et leur petite fille de trois ans. Elles se croisent au centre de santé de Médecins du monde à Athènes. La seconde est là quand la première  apprend qu'elle est enceinte. Entre ces deux femmes surgit une sympathie immédiate et réciproque.

Ce récit graphique majoritairement en bleu, éclairé de dégradés de rouge et de blanc, nous fait suivre ces deux jeunes femmes, insatisfaites chacune de leur existence. On les comprend sans les juger, sans les jauger, comme le fait l'auteure-illustratrice dont le récit s'inspire d'une étude anthropologique sur les relations entre les femmes enceintes migrantes et le personnel médical et d'une enquête sur une femme en particulier.

Sandrine Martin nous partage l'amitié qui a éclos entre ces deux femmes de deux mondes qui se sont rencontrées par hasard. Qui se sont trouvées. Qui ont pu partager leurs aspirations, s'écouter, se comprendre, se soutenir. Superbement illustré, écrit avec tact, "Chez toi" est un récit graphique bouleversant, sincère, empathique, qui oblige à réfléchir sur le sort imposé aux réfugiés bien sûr mais aussi à d'autres thèmes de société.

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Jour 5, un mort à bord; jour 6, la presse. (c) Encre de nuit.


L'Algérien résidant en Tunisie (attesté dans son album sur le bled, lire ici) Salim Zerrouki utilise un ton tout à fait différent, le sien, l'humour noir, la dérision, le cynisme, pour dénoncer dans "Comment réussir sa migration clandestine" (Editions Lalla Hadria/Encre de nuit, 92 pages) ce que l'Europe veut à tout prix ignorer. "La plupart de ces histoires qui vont vous paraître affreusement cruelles, absurdes et impossibles, sont tirées de faits réels", avertit le dessinateur de presse en ouverture du livre (QR code de lien aux articles en fin d'ouvrage). On va effectivement s'en prendre plein la gueule. De ce que l'Europe ne veut pas voir.
"Cet album engagé m'a pris 2 ans de travail", explique Salim Zerrouki sur sa page FB, "son élaboration n'a pas été de tout repos, j'ai même déprimé tout au long du processus de création vu la gravité du sujet, mais j'ai tenu bon et j'ai réussi à le finir. Je vous présente 2 ans de labeur en couleur et en douleur, ceux qui sont habitués à rire en lisant mes bd, cette fois-ci, je vous préviens vous allez rire jaune voire pas du tout."
L'album se présente comme un guide pratique: apprendre à boire de l'eau salée, rencontrer un passeur, payer, attendre, partir de nuit sur la mer. Là, les choses se compliquent: le moteur meurt, puis le premier gars, puis d'autres, après dix jours de dérive, la barque touche terre. Une autre traversée nous est présentée, en zodiac cette fois, comme un feuilleton télévisé avec épreuves à la clé. Autres sujets: le vol d'organes, la "délocalisation" de migrants par des obus militaires, les abus sexuels, les tabassages... 

(c) Encre de nuit.
Si le projet tunisien fait sourire par sa cohérence et son pragmatisme, l'horreur revient vite: traite des migrants-esclaves, racket des familles par les passeurs libyens, visites des officiels européens et leurs suppléments de choix, le tout entrecoupé de planches explicatives, "comment se sauver en cas de noyade", "le kit pour survivre" (comprenant un nuancier de couleurs de peau) et la pire, la dernière, "Comment éviter de tomber enceinte lors de viols répétitifs"!

Ces neuf histoires indépendantes sont autant de claques pour inciter les Européens à prendre enfin leurs responsabilités. Une BD aussi terrible que nécessaire. Pas un mot de trop. Des faits. Plus besoin de plaidoyer. Les récits sobrement mis en images se suffisent.


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En bande du roman, le tableau de Miquel Barceló,
très influencé par les naufrages de barques de migrants.

Pour son premier roman, Stéphanie Coste qui a vécu en Afrique jusqu'à son adolescence, a choisi un sujet risqué, rarement traité depuis que la fiction s'intéresse aux réfugiés, le trafic et le rançonnage d'êtres humains dans le cadre de la migration. Dans "Le passeur" (Gallimard, 129 pages), elle donne la parole à Seymoun, un des plus gros passeurs de la côte libyenne. Un salaud absolu, comme tous ceux de son espèce, un bourreau qui monnaie l'espoir, un homme, encore jeune, qui ne montre aucune humanité. Ni avec ceux à qui il promet le passage moyennant finance, ni avec ceux qui travaillent avec lui, ni avec ses rivaux locaux.

On voit évoluer Seymoun, bourreau sans scrupule, quasi suicidaire dans ses excès d'alcool et de drogue, et on en est glacé. On le sera encore plus lorsque le passeur sera rattrapé par les démons et les fantômes de son passé. L'occasion pour la primo-romancière de rappeler que le présent est le fruit de ce qui s'est déroulé hier. Avec des phrases brutes, une intrigue imparable, elle élabore une fresque historique de ce continent dans laquelle se dessine une terrible histoire personnelle. Un itinéraire qui n'excuse rien mais permet d'encore mieux prendre la mesure de la folie des uns et des autres et reflète l'humanité dans ce qu'elle a de plus de noir et de plus pur. Un premier roman haletant qui met un grand coup au plexus.

Pour feuilleter en ligne le début du "Passeur", c'est ici.

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La réponse à la question du titre. (c) Alice Jeunesse.


Pour les enfants, dès qu'ils sont en âge de s'interroger, l'album "C'est quoi un réfugié?" d'Elise Gravel (Alice Jeunesse, 40 pages) pose les questions de base et y répond de façon claire et accessible. Après avoir expliqué les raisons de la migration, la Montréalaise dépeint le parcours compliqué des  réfugiés et les obstacles auxquels ils se heurtent. "Tout ce que les réfugiés veulent, c'est trouver un endroit où ils pourront avoir une vie normale et des activités normales", explique le texte à hauteur d'enfant, toujours bien soutenu par des illustrations simples et expressives. L'ouvrage se clôt sur les mini-portraits de sept réfugiés célèbres.

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Du côté des ados, un roman, finalement décevant comme plusieurs autres qui ont voulu traiter le sujet des réfugiés. Dans "Délit de solidarité", Myren Duval met en scène Lou et sa bande, en fin de collège. Ils s'amusent, se disputent, étudient. Leur train-train est battu en brèche lorsqu'ils découvrent dans une grotte près de chez eux trois migrants syriens, une jeune fille et ses deux oncles. Entre Farah et Lou, c'est le coup de foudre amical immédiat. 

Ok, mais que d'invraisemblances dans ce roman! La bande de Lou, des collégiens, qui semble tout ignorer de la situation des réfugiés alors que l'histoire se veut contemporaine. Le voyage des Syriens, tellement court et facile qu'il ressemble à une excursion. L'utilisation du "délit de solidarité" comme élément de l'intrigue alors que même en France, il n'existe plus. Bref, le livre aurait pu être touchant par le lien immédiat entre les deux adolescentes mais il s'égare dans un récit d'aventures où les événements prennent la place de l'humanité.

Pour lire en ligne le début de "Délit de solidarité", c'est ici.





  

lundi 14 juin 2021

Absurde, zen et philosophe, tel était Mandryka

Mandryka. (c) Dargaud.

Le monde de la bande dessinée est bousculé par le décès ce 13 juin 2021, du dessinateur Mandryka, Nikita Mandryka de son vrai nom (1940-2021). Les hommages se multiplient.


Le communiqué des Editions Dargaud

C'est absurde: Nikita Mandryka est mort


Les mots ne manquent pas quand il s'agit d’envisager la disparition de Mandryka, ils n’ont pas de sens.

Par l'équipe Dargaud.

Le 14 juin 2021

Il est, avec ses grands amis Marcel Gotlib et Claire Bretécher, celui qui aura tout connu et tout fait en matière de bande dessinée, et qui aura permis à ce moyen d'expression d'atteindre des sommets artistiques et littéraires. Son dessin ultra-dynamique et capable de tout lui a permis d'explorer comme personne d'autre l'absurde, le non-sens, la philosophie, le zen - sa dernière grande découverte personnelle après la psychanalyse. Sa compagnie passionnante, sa curiosité sincère et insatiable, son intégrité intellectuelle, tout en lui le rendait attachant… Les mots ne manquent pas quand il s'agit d'envisager la disparition de Mandryka, ils n'ont pas de sens.

Nikita Mandryka, dit Mandryka, est un auteur de bande dessinée français, d'origine russe. Connu pour être le créateur du célèbre "Concombre masqué", il a également fondé avec Claire Bretécher et Marcel Gotlib "L'Écho des savanes" et il a été le rédacteur en chef des magazines "Charlie Mensuel" et "Pilote". Parmi les nombreuses récompenses qu'il a reçues, on lui a notamment décerné le Grand Prix du Festival d'Angoulême en 1994, rendant ainsi hommage à son œuvre. Origine russe pur jus pour ce dessinateur né un 20 octobre 1940 à Bizerte, en Tunisie, par un hasard de circonstances qui influença son génie créateur. Le grand-père maternel, commandant d'un torpilleur, chassé par la révolution bolchevique, part de Sébastopol en 1918, demande l'asile de la France, qui le dévie vers Bizerte. Il y échoue son navire totalement déglingué puis se retrouve gardien de citerne. Les parents de Nikita, étudiants en médecine à Lyon, retrouvent la diaspora slave sous le soleil maghrébin et y conçoivent leur fiston. Papa est devenu toubib.

"C'était un monde de folie entre immigrés russes", se souvient Mandryka. "Les hommes vaincus aspirant au retour, les femmes faisant des ménages … de doux dingues! J'ai repris certains mots russes qui me faisaient rire en les transcrivant plus tard de façon phonétique en BD. Je pense que c'est à partir de cet univers que j'ai inventé le mien, une façon de me sortir de la folie dans laquelle j'ai vécu mon enfance, de la maîtriser. Le "Concombre" est une BD thérapeutique, une analyse infinie."

Mandryka dessine dès l'âge de 7 ans après la découverte de "Spirou", véritable "explosion" dans son jeune cerveau. Il copie avec application les personnages. Ses balbutiements en BD accompagnent ses premiers émois de spectateur assidu de westerns, de "Zorro" et "Flash Gordon" sur grand écran. La situation se gâte en Tunisie et la famille émigre au Maroc avant d'atterrir à Lons-le-Saunier (Jura) où Nikita entame des études secondaires. Un choc climatique et environnemental qu'il devra surmonter. En 1968, Mandryka entre à l'IDHEC à Paris. Son cursus cinéma terminé, il a déjà commencé la BD pour "gagner sa croûte" et le dessin l'emporte:

"Un film n'est pas une mince affaire alors qu'avec un papier, un crayon et un pinceau, on fait soi-même son cinéma."

L'idée du "Concombre" lui vient à 14 ans quand il tombe sur une BD de Jean-Claude Forest, "Le Copyright", un lézard magique tirant d'une poche une panoplie d'outils. Aguerri au dessin, Nikita publie avec succès ses premières BD chez Vaillant et dans "Pif". Avec un humour aussi décalé que décoiffant, un sens aigu de la dérision et de l'absurde, un langage réinventé, un délire contrôlé et un graphisme percutant, le tout parsemé de quelques réflexions philosophiques, le monde de Mandryka ne ressemble à aucun autre. Le "Concombre" paraît dans "Pilote" en 1967 puis l'auteur fonde avec Bretécher et Gotlib "L’Écho des savanes" au début des seventies. Il quitte "L'Écho" en 1979, manquant de feeling pour gérer une entreprise, et réfractaire aux contraintes éditoriales. Il poursuit en parallèle ses publications dans "Pilote", soit six albums. En 1982, Mandryka devient rédacteur en chef de "Charlie Mensuel", puis de "Pilote" en 1983 avant d'en devenir conseiller à la rédaction et finalement de s'en aller pour de bon. Sa création l'intéresse bien plus que d'expliquer la BD aux autres. À cette période, il rédige le scénario d'"Alice" (1985) dessiné par Riverstone puis s'oriente vers la publicité avec "Pas de sida pour Miss Poireau" (scénario de Claude Moliterni) qui obtient le Prix Alfred de la communication à Angoulême en 1988. Après quatre publications du "Concombre" chez Dupuis, "La Dimension Poznave" (parts 1 et 2), "Le Concombre dépasse les bornes" et "Le Concombre fait avancer les choses", entre 1990 et 1992, Mandryka déménage à Genève où sa future épouse, Alicja Kuhn, crée une adaptation théâtrale des aventures de son héros. Grand Prix d’Angoulême en 1994, Nikita Mandryka est célébré l'année suivante dans un album collectif, "Tronche de Concombre", qui dépeint son "Concombre masqué" du point de vue de trente-quatre autres auteurs. Il relance son légume en 1995 avec un album, "Les Inédits", pour finalement abandonner la bande dessinée pour quelque temps. Mandryka revient en force dans les années 2000, en participant au scénario de deux tomes de la série "Les Gardiens du Maser" de Max Frezzato, avant de reprendre les rênes de son Concombre masqué pour l'album "Le Bain de minuit". Nikita Mandryka anime toujours le site du "Concombre masqué", en publiant chaque semaine une planche avec de nouvelles péripéties du légume, qu'il publie chez Alain-Beaulet.


Hommages


Christian Rosset

"Le dernier des "grands" vient de nous quitter. Nikita Mandryka (1940-2021). Je suis effondré. Mais en revoyant cette image, je suis en joie. Heureux de t'avoir connu, Nikita. j'espérais te retrouver bientôt, je pensais que tu deviendrais centenaire..."






Benoît Peeters

"Un triste nouvelle. Disparition de #Mandryka, l'auteur du "Concombre masqué"."



Jean-Christophe Menu

"Je suis très triste aujourd'hui, Nikita Mandryka nous a quittés hier."







Nathalie Chateau-Vigneron

"Bretzel liquide. Sigh!

Mandryka 1940 - 2021

— triste."





Laure Garcia

"Nikita Mandryka, 1940-2021, Bretzel liquide"








Eric Naulleau

"Le concombre masqué est orphelin. Reconnaissance éternelle à Mandryka pour avoir enchanté nos adolescences."







Olivier Heimana

"Bye bye le Concombre Masqué 😢 (et non pas ce genre de masque)".









Jeanne Puchol

"Adieu, Mandryka... 
(le concombre masqué est immortel, heureusement)."


vendredi 11 juin 2021

Alain Nadaud, l'écrivain, le philosophe

Alain Nadaud, un "Pléiade" sans doute historique et la mer.

Il y aura six ans demain, 12 juin 2021, que la vie d'Alain Nadaud s'arrêtait subitement, plongeant son entourage dans le désarroi (lire ici). Il naviguait sur son voilier chéri en compagnie de deux amis au large de l'île d'Amorgos en Grèce. Une crise cardiaque le terrassa. Désormais absent, on se souvenait tout d'un coup de lui. Lui, Alain Nadaud, l'écrivain génial que la France, le pays natal de ce grand voyageur, n'a jamais vraiment reconnu (lire ici, ici et ici). Une œuvre trop ardue, trop visionnaire, ne faisant aucune concession à rien? Aujourd'hui, peu de ses livres papier existent encore mais plusieurs sont réédités en ebooks.

Méconnu chez lui alors que son premier roman, "Archéologie du zéro", avait été publié par Philippe Sollers, qu'il avait été invité pour ce même titre en 1984 par Bernard Pivot dans "Apostrophes", qu'il a contribué en tant qu'écrivain et éditeur dans plusieurs maisons à une littérature française forte, innovante, pensée, Alain Nadaud s'est finalement détourné de la littérature, désappointé d'être si peu entendu, d'être si peu attendu. Ses derniers titres parus sont éloquents: les romans "D'écrire, j'arrête" et "Journal du non-écrire" (Tarabuste éditions tous les deux), l'essai "Dieu est une fiction" (Serge Safran).

Comment ce surdoué des mots et de la pensée en est-il arrivé là? Gianluca Chiadini, universitaire et chercheur italien, fin connaisseur de l'œuvre d'Alain Nadaud, dont il a lu tous les livres en profondeur, propose des pistes dans un essai qu'il a écrit en français. Dans "Alain Nadaud, l'écrivain philosophe"  (Aracne Editrice, Saggi di letteratura francese e comparata, 156 pages, novembre 2020), il met en rapport la vie et l'œuvre de l'écrivain français disparu. C'est passionnant et lumineux, extrêmement intéressant car la vie et la fiction d'Alain Nadaud s'éclairent mutuellement.

Ce livre a suivi la publication de l'essai "Il romanzo "archeologico" in Francia, Il caso di Auguste fulminant di Alain Nadaud" (Aracne Editrice, Saggi di letteratura francese e comparata, 192 pages, juin 2019), dont la traduction française est en cours, où Gianluca Chiadini analyse en détail la notion de roman archéologique au travers de ce livre majeur dans l'œuvre d'Alain Nadaud

Mais voilà, le chercheur ressentait un goût de trop peu. Le nadaldien passionné s'est lancé dans un nouveau livre avec le défi de l'écrire en français, ouvrant davantage de pistes dans les méandres et les dédales de la bibliographie de l'écrivain français (1948-2015). En s'attachant cette fois à son écriture et à son amour de l'écriture. Nadaud ne lui avait-il pas déclaré très tôt sa flamme? Avec la particularité de passer cette passion au tamis de sa vie et des traces mouvantes qu'il a laissées. On y chemine avec émotion, confronté à cette œuvre littéraire majeure. On y réalise combien, même chez les écrivains philosophes, est grande la porosité entre réalité et fiction. On y côtoie d'un peu plus près Alain Nadaud, tellement sincère quand on traverse ses mots, tellement raffiné dans son exigeante pensée.
Table des matières
Avant–propos
I. L'écriture d'Alain Nadaud entre histoire et philosophie
II. L'écriture aux bords du gouffre
III. Alain Nadaud face à lui–même: "Les années mortes" de l'écrivain
IV. L'écrivain en échec
V. L'écrivain/héros du "Passage du col"
VI. La tentation d'Alain Nadaud: l’écrivain/non-héros de "D'écrire j'arrête"
VII. Alain Nadaud, à la fin Alain Nadaud
Conclusion

Pour lire en ligne le début de l'essai "Alain Nadaud, l'écrivain philosophe", c'est ici.


Initié par lui-même et repris par sa fille Juliette, le site officiel d'Alain Nadaud comporte de nombreuses informations et ne demande qu'à être complété.














vendredi 4 juin 2021

Une bande dessinée belge honorée à Bologne

L'album "Memet" d'Isabella Cieli et Noémie Marsily a été primé aux BRAW 2021.
 (c) L'employé du moi.

Les lauréats des BolognaRagazziAwards (#BRAW) 2021 ont été dévoilés en amont de la 58e Foire du livre pour enfants de Bologne (Bologna Children's Book Fair) qui se tiendra, comme la précédente, en virtuel, du 14 au 17 juin. On décompte cinq catégories annuelles, Fiction, Non-Fiction, Première Œuvre, Bande dessinée (trois tranches d'âge) et New Horizons pour un livre particulièrement innovant. Et une catégorie spéciale en 2021, Poésie. On remarquera que, comme partout, la bande dessinée s'invite dans la littérature de jeunesse jusque là réservée aux albums.


Six prix et mentions ont été attribués à des livres nés en français dont l'album belge "Memet", texte d'Isabella Cieli, illustrations de Noémie Marsily (L'employé du moi, Belgique, 2019) en catégorie bande dessinée junior. Trois autres ouvrages lauréats ont déjà été traduits en français ou vont l'être prochainement.
La France, la Corée du Sud et la Grande-Bretagne remportent chacune quatre des vingt-sept récompenses attribuées, la Pologne trois, l'Italie et Taiwan deux.


Les différents jurys ont établi leurs palmarès à partir des 1.577 livres en provenance de 41 pays qui leur ont été envoyés.
  • Jury BRAW: Chiara Basile, libraire, Ana Garralon, critique, Izabella Kaluta, éditrice, Yasmine Motawy, enseignante et critique, Caterina Ramonda, bibliothécaire.
  • Jury Poésie: Chiara Basile, libraire, Denis Beznosov, poète, Caterina Ramonda, bibliothécaire, Morag Styles, enseignante.
  • Jury Bande dessinée: David B., artiste, Matteo Stefanelli, journaliste, Virginia Tonfoni, éditrice.

Palmarès

Catégorie Fiction


Prix


Home
Lin Lian-En
Yes Creative Ltd./Papa Publishing House, Taiwan, 2020

La relation entre les entités vivantes et non vivantes qui forment une ville, ainsi que sur les espaces accueillants et les tensions potentielles entre ces derniers.




Mentions spéciales


Ha visto la mia coda? 
Alberto Lot
Minibombo, Italy, 2020

La prima neve
Elham Asadi
Sylvie Bello
Topipittori, Italy, 2021

Sous le soleil
Ariadne Breton-Hourcq 
Laurence Lagier
MeMo, France, 2019


The Yulu Linen
Cao Wenxuan (lauréat du prix Andersen 2016)
Suzy Lee
Jieli Publishing House, China, 2020
Bear Books, South Korea, 2020 







Catégorie Non Fiction


Prix


One of a kind
Neil Packer
Walker Books, Great Britain, 2020
Unique au monde.
Organiser, classifier, collectionner 
Neil Packer
traduit de l'anglais par Anne-Sylvie Homassel
Albin Michel Jeunesse, 2020

Inspirant parcours en compagnie du jeune guide Arvo afin de découvrir la taxinomie, la science de la classification, celle qui range les choses en catégories.





Mentions spéciales



Marek Kaminski. Jak zdobyc Ziemi…w rok
Agata Loth-Ignaciuk
Bartlomiej Ignaciuk
Wydawnictwo Druganoga, Poland, 2020










Paisajes perdidos de la tierra
Natural Science Museum of Barcelona        
Aina Bestard
Zahorí Books, Spain, 2020
La fabuleuse histoire de la Terre
Aina Bestard
traduit de l'espagnol par Philippe Godard
Saltimbanque éditions, 2020
Rice rice rice   
Bamco
Hyang, South Korea, 2019

Tipos Curiosos
Ricardo Henriques
Madalena Matoso with Rúben Dias
Pato Lógico Edições, Portugal, 2020









Catégorie Première Œuvre

Prix


Neighbors
Kasya Denisevich
Chronicle Books, USA, 2020

Mes voisins
Kasya Denisevich
à paraître chez Gallimard Jeunesse Giboulées le 09/09/2021




Mentions spéciales


Guide de Survie dans la Jungle
Hao Shuo            
Éditions 2024, France, 2020

Pion i Poziom
Bartosz Sztybor
Łukasz Golędzinowski
Wydawnictwo Dwie Siostry, Poland, 2020



So much Snow
Hyunmin Park
Dalgrimm (Yellowpig Publisher), South Korea, 2020











Catégorie New Horizons

Prix


Město pro každého
Osamu Okamura
David Böhm & Jiři Franta
Labyrint, Czech Republic, 2020










Catégorie Bande dessinée jeunes lecteurs

Prix


Iparapa Yamooyamoo
Lee Gee Eun
Sakyejul Publishing, South Korea, 2020







Mention spéciale


Cachée ou pas j'arrive
Lolita Séchan  
Camille Jourdy 
Actes Sud, France, 2020







Catégorie Bande dessinée junior

Prix


Memet
Isabella Cieli
Noémie Marsily
L'employé du moi, Belgium, 2019









Mention spéciale


Ktoredy do Yellostone
Alexandra & Daniel Mizieliński
Wydawnictwo Dwie Siostry, Poland, 2020











Catégorie Bande dessinée jeunes adultes

Prix


Le Discours de la panthère
Jérémie Moreau
Editions 2024, France, 2020











Mentions spéciales


Gamayun Tales I: An Anthology of Modern Russian Folk Tales
Alexander Utkin
Nobrow, Great Britain, 2020






Le Spirou d' Émile Bravo - L'espoir malgré tout
Émile Bravo
Dupuis, Belgium, 2019











Catégorie Poésie

Prix


Cajita de fósforos.
Antología de poemas sin rima
Adolfo Córdova
Juan Palomino
Ediciones Ekaré, Venezuela, 2020









Mentions spéciales


Love Letter
Animo Chen
Locus Publishing, Taiwan, 2020








Niños
María José Ferrada
Illustrations by María Elena Valdez
Alboroto ediciones, Mexico, 2020

The Girl Who Became a Tree.
A Story Told in Poems
Joseph Coelho
Kate Milner
Otter-Barry Books, Great Britain, 2020

Tiger, Tiger, Burning Bright! 
Fiona Waters
Britta Teckentrup
Nosy Crow, Great Britain, 2020