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mercredi 31 mars 2021

Il y en a un peu plus, je vous le mets? A propos de l'édition 2021 du Passa Porta Festival

Le PPF2021 s'est déroulé en digital.

Le Passa Porta Festival 2021 s'est tenu, on le sait du 21 au 28 mars (lire ici). Il s'est déroulé en digital, émaillant la semaine de rencontres littéraires plus merveilleuses les unes que les autres. Inconvénient de la formule: pas de présentiel. Avantage: la possibilité de tout suivre de chez soi, en direct ou en rediffusion, la plupart des événements étant même sous-titrés. Un fameux atout quand on ne maîtrise pas complètement une langue. Avantage au carré: la possibilité de revoir toute l'édition 2021 chez soi jusqu'au 5 avril. Mais attention il faut prendre les tickets au plus tard le 1er avril (ici).

Annelies Beck à Bruxelles et Maggie O'Farrell à Edimbourg.

Alors, si comme moi, vous n'avez pas tout vu tout de suite, foncez.
Dans ce que j'ai suivi, l'entretien avec Maggie O'Farrell était une merveille, celui avec Hervé Le Tellier d'une intelligente douceur, celui avec Eduardo Hualfon décoiffant, celui avec Adeline Dieudonné et Geneviève Damas sincère et intime, les New Voices in Brussels passionnantes... Bref, il me reste six jours pour éponger mes retards et je compte bien le faire.







Le tragique comique d'Andreï Siniavski

Andreï Siniavski en 1975.


"André-la-Poisse"
, le titre est aussi plaisant que son auteur, Andreï Siniavski, est aujourd'hui mal connu dans le grand public. Il l'est sans doute un peu moins quand on sait qu'il est le père de l'écrivain Iegor Gran (1964-..., lire ici) qui raconte l'histoire vraie de son père dans son roman "Les services compétents" (P.O.L., 2020). Andreï Siniavski (1925-1997) fut professeur de littérature en Union soviétique. Il a publié ses premiers textes, satiriques, critiques vis-à-vis du régime soviétique, en France sous pseudonyme, celui d'Abram Tertz - du nom d'un brigand juif, héros d'une ballade ukrainienne - ou en revue de façon anonyme.

C'en était trop pour le pouvoir soviétique qui l'arrête en 1965, en même temps que son confrère Iouli Daniel, et condamne les deux hommes au goulag en 1966. Andreï Siniavski en sortira en 1972, atteint physiquement mais non moralement. Au contraire! Figure de la dissidence malgré lui, il est contraint à l'exil à sa libération par le KGB qui craignait son influence dans le pays. Il s'installe à Fontenay-aux-Roses avec son épouse et leur fils. Devenu professeur à la Sorbonne, Siniavski reprend ses publications, un récit de sa détention et divers romans dont "André-la-Poisse", aujourd'hui réédité en une version soignée, beau papier, typo et graphismes étudiés et agréables, préfacée par Iegor Gran (Les Editions du Typhon, 162 pages), dans la traduction faite par Louis Martinez pour Albin Michel en 1981.

"André-la-Poisse" est dédié à "la merveilleuse mémoire d'Ernst Theodor Amadeus Hoffmann", parfois mieux identifié en tant que E.T.A. Hoffmann, le créateur du réalisme fantastique, célèbre pour ses "Contes", dont "Casse-Noisette et le roi des souris", ses "Contes nocturnes" et ses "Nouvelles fantastiques", celui qui avançait crânement "Peut-être parviendrai-je à persuader mon lecteur que rien n'est plus fantastique et plus fou que la vie réelle". La dédicace se mue en hommage dans ce texte brillant, d'une originalité incomparable avec ce qui se publie aujourd'hui. Le roman en sept chapitres a été écrit à Paris, en russe, en 1979. A la première personne, plein de surprises et d'une superbe construction, il interpelle régulièrement un dénommé Siniavski sans être pour autant une autobiographie. Mais on y trouve, romancées, des bribes de la vie de l'auteur et des siens.

Ce conte noir satirique, bijou d'humour grinçant, n'a absolument pas vieilli. On savoure son écriture précise, musicale, libre, sa folle imagination, ses éléments qui se croisent et se recroisent à intervalles réguliers, de Dora au chien à promener, le tout au service d'une existence vouée aux échecs dûment acceptés. Petit, André-la-Poisse a échangé son bégaiement contre le sacrifice de l'amour lors d'un pacte avec une fée-sorcière, sa pédiatre. Il n'avait que dix ans et ignorait tout de ce qu'il sacrifiait. On va suivre ce gamin, sixième et dernier fils de sa mère qui a eu les cinq premiers d'un autre lit, chercher son père et naviguer de malchance en infortune, de mort en drame. Il faut se rappeler du surnom du narrateur, bercé bébé par sa mère au son de "Dors, mais dors donc, ma petite misère". Jeu de déséquilibre jamais plaintif, bien au contraire, rondement mené dans une superbe célébration de la beauté en général et de la littérature en particulier. Jeu d'illusions dans lesquelles se perdre avec un immense plaisir. Jeu de vérité pour l'écrivain narrateur et pour ses lecteurs enchantés. "André-la-Poisse" est un roman auquel il faut totalement s'abandonner pour en savourer tous les délices, sucrés et salés.



mardi 30 mars 2021

Le prix Astrid Lindgren à Jean-Claude Mourlevat



Sur les 262 noms retenus en finale, auteurs, illustrateurs, organismes de promotion de la lecture provenant de 68 pays (lire ici), le jury du prix Astrid Lindgren a choisi de distinguer pour son édition 2011 l'écrivain français Jean-Claude Mourlevat. Il rejoint les dix auteurs, les sept illustrateurs et les trois associations de promotion de la lecture qui ont déjà reçu le Astrid Lindgren Memorial Award depuis sa création en 2002.

Appelé au téléphone par Boel Westin au nom du jury suédois qui s'était réuni ce mardi 30 mars à 10 heures du matin, Jean-Claude Mourlevat s'est dit incrédule et enchanté. "C'est incroyable! Je suis candidat depuis dix ans déjà. Merci infiniment à toutes les personnes du jury". A Boel Westin qui lui disait "Nous sommes très heureux au jury de notre choix", l'écrivain français qui aura 60 ans l'an prochain a répliqué: "Je suis encore plus heureux que vous."

Le jury a particulièrement apprécié les romans "L'enfant océan" (1999), "Le combat d'hiver" (2006), "Le chagrin du roi mort" (2009) et "Jefferson" (2018), le dernier livre en date du lauréat en littérature de jeunesse.

Il a motivé ainsi son choix: "Jean-Claude Mourlevat revisite brillamment la tradition du conte, en l'ouvrant aux dofficultés comme à la beauté. Le temps et l'espace sont suspendus dans ses œuvres de fiction, et les thèmes éternels de l'amour et du désir, de la vulnérabilité et de la guerre sont dépeints dans une prose efficace et onirique. L'œuvre toujours surprenante de Mourlevat ancre la trame antique de l'épopée dans une réalité contemporaine."





Jean-Claude Mourlevat a commencé son parcours professionnel par le théâtre. Il a commencé à écrire en 1996. Il avait plus de quarante ans. Depuis, il n'a plus cessé. Contes, albums, romans pour tous les pages de l'enfance et de la jeunesse, dans de multiples maisons d'édition et qui ont été régulièrement traduits à l'étranger. Et quelques romans en littérature générale aussi. 

Bibliographie

Romans
  • "A comme voleur" (Pocket, 1998)
  • "La Balafre" (Pocket, 1998)
  • "Le Voyage de Zoé" (illustré par Sofi, Bordas, 1999)
  • "L'enfant Océan" (Pocket, 1999)
  • "La Rivière à l'envers, 1re partie: Tomek" (Pocket, 2000)
  • "La Rivière à l'envers, 2e partie: Hannah" (Pocket, 2001)
  • "L'Homme qui ne possédait rien" (Ed. Thierry Magnier, 2002)
  • "L'Homme à l'oreille coupée" (Ed. Thierry Magnier, 2003)
  • "L'Homme qui levait les pierres" (Ed. Thierry Magnier, 2004)
  • "Je voudrais rentrer à la maison" (Arléa, 2002)
  • "La Ballade de Cornebique" (illustré par Clément Oubrerie, Gallimard Jeunesse, 2003)
  • "La Troisième Vengeance de Robert Poutifard" (Gallimard Jeunesse, 2004)
  • "Le Combat d'hiver" (Gallimard Jeunesse, 2006)
  • "La Prodigieuse Aventure de Tillmann Ostergrimm" (Gallimard Jeunesse, 2007)
  • "Le Chagrin du roi mort" (Gallimard Jeunesse, 2009)
  • "Terrienne" (photo Patrick Léger, Gallimard Jeunesse, 2011)
  • "Silhouette" (Gallimard Jeunesse, 2013)
  • "Sophie Scholl: Non à la lâcheté" (Actes Sud Junior, 2013)
  • "Et je danse, aussi" (Fleuve Editions, 2015)
  • "Mes amis devenus" (Fleuve Editions, 2016)
  • "Jefferson" (Gallimard Jeunesse, 2018)
  • "Oh happy day" (avec Anne-Laure Bondoux, Editions Fleuve, 2020)
  • "La chambre de Jo" (Biblimobile, 2020)


Albums
  • "Histoire de l'enfant et de l'œuf" (illustré par Fabienne Teyssèdre, Mango, 1997)
  • "Le Jeune Loup qui n'avait pas de nom" (illustré par Jean-Luc Bénazet, Milan, 1998)
  • "Kolos et les Quatre voleurs" (illustré par Isabelle Chatellard, Flammarion, 1998; Hatier, 2006)
  • "Les Billes du diable" (illustré par Jean-François Martin, Nathan Jeunesse, 2000; illustré par Nicolas Debon, Bayard, 2008)
  • "Le Petit Royaume" (illustré par Nicole Claveloux, Mango, 2000)
  • "Regarde bien" (illustré par Alice Charbin, Nathan Jeunesse, 2001)
  • "Sous le grand banian" (illustré par Nathalie Novi, Rue du Monde, 2005)

vendredi 26 mars 2021

Le premier album jeunesse de Matthieu Ricard

Matthieu Ricard et son premier livre pour enfants.


On connaît bien Matthieu Ricard, moine bouddhiste tibétain et proche du Dalaï Lama, moins l'écrivain et psychothérapeute américain Jason Gruhl. Ensemble, ils publient "Nos amis les animaux", un album jeunesse en grand format carré agréablement illustré par la Britannique Becca Hall (traduit de l'anglais par Marie-Anne de Béru, Allary Editions, 32 pages). Un livre précieux qui incite les enfants à traiter les animaux avec compassion en leur montrant clairement la situation actuelle.

"Nous partageons notre maison, la Terre, avec des créatures de toutes les tailles et de toutes les formes", plaide Matthieu Ricard. "Nous semblons très différents, mais nous avons beaucoup de points communs avec les animaux. Ils sont nos amis."

Un plaidoyer entendu. (c) Allary Editions.

L'ouvrage illustré entend sensibiliser les enfants à la protection de la Terre, notre maison commune. Pour cela, il explique simplement ce qui se passe: comme les humains, les animaux sont très différents les uns des autres. On découvre les capacités des uns et des autres, leurs goûts et leurs besoins, parfois opposés, et aussi les menaces ou les mauvais traitements exercés sur les animaux. Très réussies, les illustrations de Becca Hall rappellent le style de l'Américain d'origine néerlandaise Peter Spier (1927-2017), grand observateur du monde lui aussi. Ses groupes d'humains et d'animaux en début de livre sont des merveilles à détailler longuement.

Dessin choc. (c) Allary Editions.
De facture classique mais avec un rien de tremblé qui suscite l'adhésion, joyeuses et permettant un excellent rapport texte-image, colorées et offrant mille détails ou liens à observer, expressives et disant ce qu'il est, en bien ou en mal. Autant les doubles pages sur les lieux de vie, en ville, dans la forêt ou en mer célèbrent la vie ou l'amour symbolisé par une famille d'ours blancs, autant la page sur l'abattoir apparaît frontale. Nécessaire bien sûr mais rare en littérature de jeunesse. 

"Nos amis les animaux" s'achève sur des conseils pour mieux vivre ensemble. Une double page mêlant les humains et les animaux croisés précédemment célèbre l'amitié et se complète de faits et de chiffres sur l'écologie, le végétarisme et le bien-être animal.

Sept questions à Matthieu Ricard

On présente cet album comme votre première intervention en littérature de jeunesse. Comment y êtes-vous venu?
Ecrire pour les enfants est le défi ultime, car il faut être parfaitement vrai et trouver plus que jamais les mots justes. Cela faisait un certain temps que j'envisageais de le faire mais l'occasion ne s'était pas présentée avant.

Pourquoi, vous qui êtes francophone, avoir publié le livre d'abord en anglais, l'an dernier?
L'éditeur américain de "Plaidoyer pour les animaux" (essai, Allary Editions, 2014, 350 pages) m'a proposé de travailler avec un scénariste et une illustratrice pour extraire le message principal du livre et le transmettre de manière simple et inspirante pour les enfants. Il a simplement fallu ensuite le temps de le produire pour la version française. En ce qui me concerne, je suis bilingue et ce n'est pas le premier livre que je fais en anglais ("Shabkar", autobiographie d'un yogi tibétain, par exemple, ou encore "Cerveau et méditation" avec Wolf Singer initialement paru en anglais au M.I.T. Press ("Beyond the Self").

Comment s'est passé le travail d'écriture avec Jason Gruhl et avec l'illustratrice Becca Hall, peu présente dans l'édition?
J'ai travaillé en étroite collaboration avec Jason Gruhl. Ensuite, nous avons passé en revue un certain nombre d'illustratrices et illustrateurs, et avons aimé les dessins de Becca Hall. Elle a fait un premier essai, qu'elle a peu à peu adapté à nos suggestions. L'ensemble a donc été un travail très coopératif et agréable.

Qui a choisi les thèmes et les a mis en mots?
Les thèmes sont en général ceux de "Plaidoyer pour les animaux". Nous avons finalement retenu, toujours dans un processus collaboratif, ceux qui étaient les plus pertinents pour les enfants. Jason a fait une première rédaction des phrases et je lui ai fait part de mes suggestions.

Vous abordez une thématique connue en littérature de jeunesse, une terre pour tous, des besoins communs, mais vous y ajoutez des sujets plus rares, les dangers qui nous menacent, dont un quasiment casse-gueule, celui de l'abattage des animaux pour en faire des hamburgers. Le sujet est-il passé facilement chez votre éditeur et dans le public?
La réalité est ce qu'elle est. Or, une enquête réalisée à Chicago a montré que plus de la moitié des enfants vivant dans cette ville répondaient lorsqu'on leur demandait d'où venait la viande qui était dans leur assiette:
— Du supermarché
— Et avant cela?
— De l'usine.
Les enfants sont souvent choqués lorsqu'on leur apprend que leur viande vient bien d'animaux qui étaient sur pattes quelques jours avant et nombre d'entre eux veulent spontanément arrêter de manger de la viande. Ils ont le droit de savoir.
Cette question n'est "casse-gueule" que pour ceux qui affectent de détourner le regard — "loin des yeux, loin du cœur".

Le titre original "Our animals neighbors" donne une notion de voisinage, moins le titre français "Nos amis les animaux".
Personnellement, j'aimais bien la notion que de co-citoyens sur la planète, mais c'est un peu abstrait pour un titre et pour des enfants. Le titre français évoque la phrase de George Bernard Shaw: "Les animaux sont mes amis et je ne mange pas mes amis."

Vous terminez par une page d'informations sur les conséquences d'un partage entre humains et d'un meilleur respect des animaux, un appel ou un espoir?
Il ne faut pas sous-estimer les enfants. Voyez Greta Thunberg. Enfant, j'ai décidé moi-même de ne pas chasser et j'ai arrêté la pêche à treize ans, en m'imaginant à la place du poisson. Encore une fois, nous ne devons par reporter sur les enfants la duplicité des adultes. Les choses sont ce qu'elles sont: nous tuons tous les deux mois plus de 100 milliards d'animaux terrestres et marins, le même nombre que celui des homo sapiens qui ont vécu sur Terre depuis que notre espèce est apparue. Il y a là un problème éthique majeur qui, je l'espère, sera comblé par les jeunes générations.

Nageurs en piscine qui rient, nageurs en piscine qui pleurent. (c) Allary Editions.


 

mercredi 24 mars 2021

La dessinatrice Coco, avant, pendant et après l'attentat à "Charlie Hebdo"

"Dessiner encore". (c) Les Arènes BD.

Cinq ans déjà des attentats de Bruxelles (le 22 mars 2016), cinq ans et demi des attentats de Paris (le 13 novembre 2015), six ans depuis les attentats à "Charlie Hebdo" et à l'Hyper Cacher (les 7 et 9 janvier 2015). Des années qui ont filé vite ou non, selon que l'on est l'un ou l'autre. Des années dont personne n'a oublié les drames qui ont allumé les compteurs. Des atrocités qui ont blessé, meurtri, épouvanté. Des blessures dont les cicatrices peuvent se rouvrir. Des scènes de terreur avec lesquelles il a fallu apprendre à vivre. Cela, c'est pour le commun des mortels. Mais ceux qui ont été directement impliqués, touchés, comment ont fait ces rescapés pour tenter de reprendre pied? Plusieurs ont écrit des livres (ici).


C'est au tour de la dessinatrice Coco, qui va succéder à Willem à "Libé", de prendre les pinceaux pour dire son 7 janvier 2015 et sa volonté de ne rien lâcher. "Dessiner encore" (Les Arènes BD, 352 pages) est un livre sublime, un récit graphique bouleversant, dans les images comme dans les mots. Avec cette vague bleue immense qui submerge Coco ou la porte, qu'elle fend ou domine, cette vague qui symbolise si bien sa période après le "7". Cette vague récurrente aux bleus dégradés, où apparaît une si petite Coco, quelques traits et une masse de cheveux.

"Dessiner encore". (c) Les Arènes BD.

Une Coco petite dans les images mais grande dans son combat pour revivre. Elle nous confie son traumatisme par bribes, partant d'aujourd'hui, "C'est incontrôlable. Ça vient à tout moment m'avaler et me replonger dans cette poignée de minutes qui a bouleversé ma vie". Elle va tout nous dire, elle, "Charlie" et le monde, avant, pendant et après. Coco nous confronte à nos promesses et interroge ce que nous en avons fait. A sa méthode, avec impertinence et clairvoyance. Sa sincérité, sa causticité, son esprit critique happent le lecteur autant que la beauté de ses dessins, qui souvent s'enchaînent sur plusieurs pages.

"Dessiner encore". (c) Les Arènes BD.
On sourit devant les thérapies de Coco, lorsqu'elle se rend en mai 2015, encadrée par deux immenses gardes du corps, dont l'EMDR qui se base sur les mouvements oculaires. De multiples séances "pour éjecter le trauma", jusqu'à ce qu'elle rencontre M. Jean, docteur en psychologie et adepte du cheminement personnel. L'album est épais et nous permet de suivre Coco de long en large, ce 7 janvier qui avait bien commencé, la réunion de rédaction, joyeuse, un peu foutraque comme toujours, la rencontre avec les deux tueurs, la menace de la tuer, jeune maman, le code, le massacre. La tuerie, représentée par des pages quadrillées de noir, provoquant le même effroi que les pires photos. Un carnage qui hante Coco, qui la démolit, qui l'obsède, "Et si je...", "Et si je...", "Et si je..." Culpabilité insidieuse, obsessionnelle, tellement bien dessinée, sentiment d'impuissance.

"Dessiner encore". (c) Les Arènes BD.
L'hébergement chez "Libé" rappelle la précédente attaque contre "Charlie Hebdo", le 2 novembre 2011. Coco évoque les soutiens et les couardises ainsi que la lâcheté. Que devient la liberté de la presse si on l'assortit d'un "mais"... Une vieille histoire partie, en 2004, des caricatures danoises! Des audiences nous sont rappelées. Puis vient le 7 janvier 2015 et sa vague plus grande qu'un tsunami. Puis le 9 janvier et les autres attaques. Puis la grande marche "Nous sommes Charlie". Puis ce numéro spécial du 12 janvier. Qu'y mettre? Qu'y auraient mis ceux qui ne sont plus là? Qu'y fait Coco, la rescapée? La solitude, les doutes, les questions. Les insomnies et les cauchemars. Les funérailles et le retour brutal, indigne, dans la vraie vie avec les questions sur l'actionnariat.

Puis le rebond, se laisser toucher par la beauté, le plaisir des petits riens, l'amour, et surtout le dessin tout en sachant les fractures à l'intérieur d'une apparence normale, en sachant que l'insouciance est morte. Dessiner, dessiner encore, tout en n'oubliant jamais. Jusqu'à cette dernière page où Coco flotte sur une mer au fond de laquelle se tiennent deux fantômes. Avec sa narration éminemment graphique, se passant souvent de mots, "Dessiner encore" est un témoignage bouleversant, porté au sublime par les pinceaux gracieux et expressifs de Coco. Un récit de douleur et de doutes, de mort et de vie, un portrait joyeux de ceux qui ont fait "Charlie", un partage qui nous interroge sur nos choix.











mardi 23 mars 2021

Une nouvelle revue de bande dessinée

Les pages 2 et 3. (c) CBBD.


Aimez-vous le "Moniteur belge"? Rêvez-vous de l'avoir en version illustrée? Une variante existe maintenant grâce au CBBD (Centre Belge de la Bande Dessinée) qui lance son magazine trimestriel "Le Dessableur" (52 pages tête-bêche français-néerlandais, 5 euros), en format A4. Objectif: "mettre en lumière des sujets et des auteurs de bandes dessinées peu évoqués, voire même jamais abordés par le CBBD lui-même", explique le rédacteur en chef, Greg Shaw, dessinateur et bibliothécaire du centre. Bonne idée que la revue en deux langues mais pour le reste, quel désastre graphique!

Certes, je suis née bien avant que ne disparaisse il y a vingt ans le "Préambulle", la précédente revue du Centre Belge de la Bande Dessinée, rappelée à l'occasion de la nouvelle parution, mais on m'a toujours appris qu'il fallait appâter le lecteur par une mise en pages attrayante et que le blanc était une "parure typographique". Or, point de blanc dans "Le Dessableur". Les pages sont bourrées à la gueule, comme ces vieux fusils qu'on remplissait trop pour qu'ils explosent mieux. Et c'est ce qui se produit: les articles, sûrement intéressants, vous pètent à la figure. Marges réduites, ni haut de page, ni pied de page, illus tapées dans les deux colonnes de texte. Aucune mise en valeur des images - oserais-je dire que je les avais prises pour des publicités. 

Si le nom "Dessableur" a été choisi pour évoquer un dépoussiérage de l'institution située rue des Sables, on voit tout de suite quel autre usage pourrait être fait du terme choisi. Dommage qu'une nouvelle revue, riche d'informations, apparaisse ainsi illisible, ne donnant ni envie de la lire ni envie de la regarder, ses illustrations étant tuées par la mise en page. A condition bien entendu qu'on soit parvenu à dépasser les pages 2-3, peu engageantes.

Les pages 4 et 5. (c) CBBD.

Certes, je suis peut-être démodée ou vieux jeu, mais comment peut-on publier aujourd'hui une revue  qui devrait faire s'évanouir tout graphiste professionnel. A moins que ce ne soit le style actuel, mode, contemporain? Dommage pour les articles, ceux qui les ont écrits, ceux qui les liront. Ou pas.

Les pages 12 et 13. (c) CBBD.


Au sommaire

  • page 4: "Supermatou de Jean-Claude Poirier", par Moaj m'Bien
  • page 8: "La bande dessinée muette", par Sébastien Ory
  • page 18: Du côté de la rue des Sables, annonces diverses
  • page 22: "Richard de Querelles", par Frédéric Paques et Hugo Piette, une BD belge d'avant 1930
  • page 24: Visuels du déluge à Bruxelles (titre du sommaire, non repris avec les dessins) 











"Ła petite feuille de ¢hou" #2 est en ligne

#belgicothèque 1

La double page des éditions Esperluète.

Avec le printemps est apparue la deuxième "Petite feuille de ¢hou", cette revue numérique - fort agréablement mise en pages comme une revue papier - émanant d'un collectif associant cinq maisons d'édition jeunesse indépendantes en Belgique francophone. On y trouve Kate'Art, CotCotCot éditions, Versant Sud Jeunesse, Esperluète et A pas de loups (lire ici). Une deuxième livraison plus épaisse que la première, 32 pages contre 18 en octobre.

Thème de ce numéro: toutes et tous dehors! Logique, après les mois d'hibernation, confinée de surcroît, que nous avons connus.

Je sais et admets sans aucun problème que "Ła petite feuille de ¢hou" est un outil de promotion des cinq maisons d'édition qui la réalisent. Mais à la différence du premier numéro, le dossier, "Quand les livres invitent au voyage", ne s'intéresse qu'à quatre albums publiés dans les maisons du collectif. A mon sens, écrit de façon très savante, il rate l'objectif fixé par le titre, les albums choisis évoquant la solitude d'une phare, le drame de l'exil, l'errance d'un sans-abri et la place dans la société.

Cet entre-soi à propos d'un thème tellement alléchant déçoit un peu. Surtout qu'apparaissent aussi dans les pages suivantes les bien connus Centre de littérature de jeunesse de Bruxelles (CLJBxl) et le Wolf (Maison de la littérature de jeunesse) dont la forêt sert de lien avec le thème de tous dehors. On reste donc un peu sur sa faim même si les doubles pages réservées aux maisons d'édition ont chacune de belles propositions littéraires. Et qu'un bienvenu rappel illustré des derniers titres parus termine le numéro.


Sommaire du numéro 2

  • Edito
  • Dossier: "Quand les livres invitent au voyage", par Monique Malfait-Dohet
  • page 14: "L'appel du large", de Cathy Ytak et Laurent Corvaisier
  • page 16: "Dans la ville", avec Thierry Cazals et Julie Van Wezemael
  • page 18: "Faire lien, toute une aventure!", avec Geneviève Casterman
  • page 20: Les jardins des peintres Monet et Caillebotte
  • page 22: "A hauteur de brin d'herbe", avec Noémie Favart
  • page 24: "Dans la forêt du Wolf", rencontre avec Muriel Limbosch
  • page 28: Les sorties de printemps de nos maisons d'édition


Pour lire en ligne ce numéro et le précédent, ou les télécharger, ou trouver des renseignements, c'est ici.

lundi 22 mars 2021

Sept récits du "procès de la solidarité" en livre

"Welcome". (c) Antidote Publishers.


Peut-on aller en prison en Belgique parce qu'on est migrant? Peut-on aller en prison en Belgique pour avoir été solidaire avec des migrant.e.s? La réponse est oui, tant du côté francophone que du côté néerlandophone. Il est donc autorisé de questionner la justice telle qu'elle est exercée en Belgique, surtout vis-à-vis de personnes faibles. A ce propos, le livre "Welcome" (Antidote publishers, 248 pages, 10 euros, liste des points de vente ici, ou en version électronique gratuite (ici), pouvant circuler librement, mais ne pouvant être vendue), est à lire. Il revient sur ce qu'on a appelé le "procès de la solidarité", plaidé à Bruxelles du 7 au 9 novembre 2018, jugé le 18 décembre 2018, jugement contre lequel le parquet a fait appel un mois plus tard. Le procès en appel va se tenir au Palais de Justice de Bruxelles ces 23 et 24 mars 2021.

Rappelons en deux mots de quoi il s'agit. Allaa, Anouk, Hassan, Hussein, Mahmoud, Mohammad, Mustapha, Myriam, Walid, Youssef, Zakia sont les prénoms des onze personnes, quatre hébergeur/se/s et sept migrants sans papiers, poursuivies depuis 2017 pour trafic d’êtres humains et participation à une organisation criminelle. Leur premier procès, en 2018, a fait la une des médias. Le jugement a acquitté les trois hébergeurs, Walid, Anouk et Myriam, ainsi que la solidaire Zakia. Les huit autres prévenus - un était absent - ont écopé d'amendes et de peines de prison avec sursis, la prison ferme ayant déjà été purgée en détention préventive, à l'exception de Thomas Ibra, absent lors du procès, pour qui la peine était ferme. Youssef a depuis été expulsé en Egypte. Le 12 janvier 2019, le Parquet a fait appel de la décision du 18 décembre 2018, renvoyant tout le monde vers la Justice. Là où nous en sommes aujourd'hui. Le procès recommence le 23 mars.

Réalisé avec le concours de l'association Solidarity is not a crime et des éditeurs engagés Antidote Publishers, le livre "Welcome" est un formidable travail sur ce "procès de la solidarité". Une introduction rappelle les faits et la politique migratoire européenne, montre les écarts entre les versions "officielles" et celles des personnes, s'accompagne d'une chronologie. Les auteurs écrivent: 
"Rendre compte publiquement et dans le détail, d'une part de l'écart entre les événements vécus et l'interprétation juridico-policière qui en était faite, d'autre part des conséquences qui en découlaient pour ces personnes, nous est apparu de plus en plus important."
Comment faire?
"La manière la plus ajustée de le faire nous semblait être de partager largement ces histoires telles que nous les avions reçues: sous la forme de témoignages.
Nous avons donc fait la proposition, aux sept personnes inculpées que nous avions rencontrées, d'enregistrer et de retranscrire leurs témoignages pour ensuite les publier."
L'ouvrage réunit ainsi les récits d'Allaa, Hassan, Zakia, Mustapha, Walid, Mahmoud et Myriam, tous inculpés pour "trafic d'êtres humains". Un panel lié aux rencontres dans la vraie vie et aux liens qui se sont tissés alors. Les autres inculpé(e)s n'ont pas été contacté(e)s. Les récits sont glaçants. A raison d'une trentaine de pages chacun sauf celui de Zakia deux fois plus long et sidérant et celui de Myriam, remplacé par un texte rédigé en février 2021, ils ont l'espace d'expliquer en détail ce qui leur est arrivé. On a rarement eu accès à de tels témoignages, suscitant mille indignations et mille questions. Dont celle-ci, lancinante: dans quel pays est-on pour que s'y déroulent de telles horreurs sans que cela dérange grand monde?

On peut retrouver les extraits des récits lus par des comédiens, Angelo Bison, Geneviève Damas, Pietro Pizzuti, Agnès Limbos , Barbara Abel, Yves Hunstad, Eve Bonfanti, Viktor Lazlo, Véronique Gallo, Michel Bussi, sur la page Facebook de l'association Solidarity is not a crime (ici).











 

dimanche 21 mars 2021

Des histoires racontées à domicile

Le comédiens Alexis Vandist,
dans le cadre de Brussels, City of Stories.


Dimanche 21 mars 17h20. On sonne. C'est Alexis Vandist qui vient me raconter trois histoires, comme ça, chez moi, dans le cadre de "Brussels, City of Stories", une initiative lancée par Passa Porta, la Foire du Livre, Le 140, Muntpunt, Picture festival, La Ville des Mots 2021 et la Chaire Mahmoud Darwich/Bozar, en ouverture du Passa Porta Festival. Le comédien bruxellois m'a lu trois histoires dans ma langue, le français, mais le projet propose quatre langues aux candidats à l'écoute, français, néerlandais, anglais et arabe, et adapte le choix des textes selon que le public est adulte ou enfantin. De quoi faire de Bruxelles une ville aux 1.001 récits. Bruxelles, cette ville où on décompte 184 nationalités.

Sac à dos et drapeau déposé, Alexis m'a donc lu trois histoires durant une quinzaine de minutes, en précédant chacune d'une courte introduction sur l'auteur.e. C'était juste parfait. Des textes bien choisis, fort bien transmis, avec pile ce qu'il faut d'intonation. De grands sourires et une belle disponibilité. Les deux premiers textes proposés concernaient Bruxelles. L'un avait été écrit par Joëlle Sambi Nzeba dans le cadre de l'opération "Courage" de Passa Porta l'an dernier, "Bruxelles c'est nous" (lire ici) et enseignait quelques mots de lingala. L'autre était la célèbre "Lettre à Bruxelles", pleine de mots et d'expressions mais sans ponctuation, de Laurence Vielle, poète nationale 2016-2018 (lire ici). Le troisième texte était l'inventif, amoureux et rigolo "La paire de chaussures", un des "Contes de la Rue Broca" de Pierre Gripari.

Ce 21 mars a été la première journée estampillée "City of stories", il y en aura quatre autres ce printemps (les 25 avril, 13 mai, 5 juin et 11 juillet). Comme pour une pizza, des sushis ou des fleurs, on réserve en ligne et un.e comédien.ne vous apporte l'histoire à domicile à l'heure dite. Il est aussi possible, comme on offre un verre de vin à une autre table au restaurant, d'offrir une histoire à quelqu'un.e, à condition d'être sûr que la personne sera chez elle au moment annoncé. Pour recréer du lien par des mots, des textes, des idées. Magnifique.
Infos ici.



En ouverture du PPF21, création d'une "Bourse Jacques De Decker – Ode à la curiosité"

Jacques De Decker à Flagey lors du PPF17,
entre l'écrivain Juan Gabriel Vásquez et Hugo De Greef, vice-président de Passa Porta.

Excellente nouvelle! En ouverture du Passa Porta Festival 21 qui débute aujourd'hui (lire ici), la maison internationale des littératures Passa Porta annonce la création d'une "Bourse Jacques De Decker – Ode à la curiosité", qui sera annuelle. On ne pouvait pas trouver meilleur thème pour rendre hommage à l'homme de lettres décédé l'an dernier, le 13 avril (lire ici). Jacques De Decker qui fut longtemps le président de Passa Porta a toujours défendu avec énergie et porté les lettres belges et autres de toutes ses forces. 

La "Bourse Jacques De Decker – Ode à la curiosité" entend perpétuer l'insatiable curiosité de celui qui fut un pilier du monde littéraire de part et d'autre de la frontière linguistique et un découvreur de  nouvelles façons de rendre la littérature vivante 

Ce dimanche 21 mars, appel à candidatures est lancé à tous les jeunes (jusqu'à 35 ans) créateurs et créatrices littéraires, Belges ou non:  auteurs et autrices, traducteurs et traductrices, éditeurs et éditrices mais aussi podcasteurs et podcastrices, DJ’s, créateurs et créatrices de jeux (vidéo ou non) et autres artistes.

Date limite de réception des projets: le 30 juin 2021.

En pratique, les candidat.e.s doivent rendre une description de leur projet à l'adresse connect@passaporta.be et le budget y attenant. Le jury choisira le projet répondant le mieux à différents critères: caractère novateur du projet, impact pour le public, durabilité, aspect participatif, aptitude à créer de nouveaux échanges par-delà la frontière linguistique. La Bourse est dotée de 5.000 euros et la réalisation du projet choisi pourra être accompagnée par l’équipe de Passa Porta.


vendredi 19 mars 2021

Embarquer dans les voyages de Christiane Rancé

Christiane Rancé.

Depuis toujours, Christiane Rancé note des phrases, des citations, dans des petits carnets.  "Des mots qui m'émerveillent", confie-t-elle, de passage à Bruxelles à l'occasion de la sortie de son livre "Le grand large" (Albin Michel, 304 pages). Un livre lumineux qui n'est ni un roman, ni un essai, ni un récit mais une suite de chapitres sautant de l'un à l'autre, des méditations entrecoupées de trois digressions. "Relire mes carnets remue quelque chose en moi", ajoute-t-elle. "Ces mots recopiés, ce sont des traces de moi, des alluvions d'émotions." Avec son titre qui ouvre l'horizon, qui donne de l'air, cet ouvrage est un cadeau en ces temps de confinement et d'horizon bouché.

Lire "Le grand large", c'est voyager avec Christiane Rancé, physiquement lors de ses multiples périples qu'elle rappelle avec spontanéité ici, mentalement quand elle fait part de ses introspections qui, universelles, peuvent aussi être les nôtres. C'est embarquer pour un tour du monde et un tour de soi, étayé par la poésie tant aimée par l'auteure, sa "langue maternelle", les extraits de textes qui l'aident à vivre et à réfléchir. C'est réaliser que le beau est à notre portée et apte à nous sauver, à nous porter. C'est comprendre qu'il est urgent de vivre pleinement nos vies.

"L'écriture du livre date de la pandémie, quand tout s'est arrêté", explique Christiane Rancé. "Le livre s'est imposé. Autour de moi, les gens étaient dans un désarroi profond, la question de l'origine du virus, le fait qu'on ne comprenait pas ce qui se passait, la responsabilité de chacun par rapport à ce virus. Le corona m'a dessillé les yeux. Nous étions bombardés d'images, d'instantanés du présent, de la dévastation du passé et comme dans une incapacité à se projeter. Ensuite, les gens ont pu redécouvrir ce qu'il y avait autour d'eux. Il y a alors eu une euphorie en ce sens. On ne pouvait pas vivre hors sol. Il fallait prendre racine quelque part. Simenon déplore la laideur autour de lui mais, moi, je fais en sorte qu'autour de moi les choses soient belles. Je veux créer une beauté."

Comment y arriver? En faisant ce voyage, personnel à chacun, pour parvenir à l'état de transparence, cher à Yves Bonnefoy, qui ouvre le livre. Un voyage qui peut faire penser au voyage initiatique des jeunes gens. "Pour moi", dit-elle encore, "le voyage, c'est partir seule dans un pays. Ce n'est pas le tourisme de distraction, même si je le pratique aussi. Il s'agit d'un voyage profond. Rien à voir avec ces voyages all inclusive qui nous rendent étanches au monde. Mes voyages m'ont tous laissé quelque chose qui m'a transformée."

D'une écriture limpide, facile à lire, une fois passé le premier chapitre, un peu abrupt mais nécessaire, "Le grand large" nous fait embarquer à bord d'un cargo, pour une traversée qui a été "le" voyage de Christiane Rancé il y a dix ans. On la suit dans les ports, avec ses valises chargées de livres. On va de la Manche à la Méditerranée, de la Grèce aux Pyrénées, "ses" Pyrénées et en cent autres lieux. On visite les villes et on s'indigne de leur uniformisation. "Cela devient partout pareil, les chaînes de magasin bien sûr mais même le mobilier urbain. Les gens perdent ainsi leur culture. Heureusement qu'il reste l'architecture. Je suis allée récemment en Alsace pour une conférence. J'ai été frappée par la singularité unique des maisons là-bas, qui dit quelque chose d'eux. Maintenant tout est broyé. Cette terre qui était ronde devient désespérément plate."

On savoure les trois digressions, que ce soit le récit de Shéhérazade, la lettre à l'Argentine ou les Carnets d'Amérique, interludes savoureux à ces considérations multiples qui s'attachent aux boîtes à chaussures remplies de trésors, à de nombreux écrivains, à de plus nombreux poètes, à la Grèce et ses artistes, aux mers et aux jardins, au chant des baleines, autant de déclics pour examiner la vie, la mort, la joie, le regret, la beauté, la sérénité. Et bien entendu l'amour, celui des autres et celui de soi.


Pour lire en ligne le début du "Grand large", c'est ici.


Un Passa Porta Festival 2021 de huit jours, une folle semaine de littérature


Bruxelles fêtera le printemps avec une nouvelle édition du Passa Porta Festival, qui se déroulera du 21 au 28 mars. Soit huit jours au lieu des deux et demi habituels. On s'en doute, la majorité des lectures, rencontres, conversations, débats, performances,.. se dérouleront en ligne, mesures sanitaires obligent. Quarante rendez-vous à suivre en direct, ou en replay jusqu'au 5 avril. Une édition qui usera moins les semelles des chaussures puisqu'il suffira d'un clic pour passer d'un rendez-vous à l'autre.

Si confinement et couvre-feu sont des murs, les mots et la littérature n'en ont cure. Intitulée "the author is present", cette édition 2021 du festival interroge les auteurs. Regardent-ils le passé? Imaginent-ils le futur? Se confrontent-ils au présent?

Sept auteurs ont été contactés par Passa Porta pour leur demander par quoi ils étaient traversés. Belges ou non, chacun depuis son coin du monde a répondu, à sa manière, de l'essai à la poésie, de l'écologie au plurilinguisme. Les sept textes inédits sont signés
  • du Belge résidant au Mexique Hubert Antoine, "Chiconneries", ici
  • de la Française Marie Darrieussecq, "Les Autres Animaux"
  • de la Nigériane installée aux Etats-Unis à Atlanta Chika Unigwe, "A Hand Across Her Back" qu'elle lira pendant le festival
  • de la Polonaise installée à Bruxelles Aleksandra Lun, "Antimatter", ici
  • du Britannique de Bath Max Porter, un long texte poétique qu'il lira pendant le festival
  • de la Hollandaise Marieke Lucas Rijneveld, un cycle de poèmes qu'elle lira pendant le festival
  • de la Camerounaise installée aux Etats-Unis Imbolo Mbue, "Power", ici

A ces sept s'ajouteront notamment l'Irlandaise Maggie O'Farrell, la Française Nastassja Martin, la Britannique Deborah Levy, la Franco-Marocaine Fatima Ouassak, l'Helvéto-Camerounais Max Lobe, les Belges Jean-Philippe Toussaint, Caroline de Mulder, Lisette Lombé, Lize Spit, David Vandermeulen, Stefan Hertmans, la Japonaise Yoko Ogawa, le Guatémaltèque Eduardo Halfon, le Tchèque Marek Sindelka, l'Argentine Samanta Schweblin, le Suisse Joseph Incardona, l'Ougandaise Jennifer Nansubuga Makumbi, le Norvégien Matias Faldbakken... Leurs noms permettent de comprendre qu'on aura du roman, de l'essai, de la bande dessinée et des surprises lors de leurs rencontres. En français, en néerlandais ou en anglais (avec des sous-titres bilingues lors des lectures).

Pour le dire autrement, les 80 intervenants et plus peuvent également se répartir ainsi:
35 écrivains vivant en Belgique
Adnan Adil - Ubah Cristina Ali Farah - Hasna Ankal - Avery Bertrand Iradukunda - Rua Breathnach - Véronique Clette-Gakuba - Geneviève Damas - Saskia De Coster - Caroline De Mulder - Heleen Debruyne - Adeline Dieudonné - Souad El Mesbahi - Andy Fierens - Dalilla Hermans - Stefan Hertmans - Zuher Karim - Lisette Lombé - Aleksandra Lun - Monem Mahjoub - Jeroen Olyslaegers - Hosheng Ossi - Grażyna Plebanek - Barrack Rima - Ammen S. Ogedengbe - Gaea Schoeters - Leslie-Sefora Sesa - Aiko Solovkine - Lize Spit - Tracy Tansia - Kristof Van Baarle - Charlotte Van den
Broeck - Nikkie Van Lierop - Katrien Vandenberghe - David Vandermeulen - Catherine
Vuylsteke

20 écrivains francophones
Hubert Antoine – Daniel Casanave – Véronique CletteGakuba – Geneviève Damas – Marie Darrieussecq – Caroline De Mulder – Adeline Dieudonné – Souad El Mesbahi –Joseph Incardona – Max Lobe – Lisette Lombé – Nastassja Martin - Carl Norac – Fatima Ouassak - Elisa Shua Dusapin - Aiko Solovkine – Lucie Taïeb - Jean-Philippe Toussaint – Kristof Van Baarle - David Vandermeulen

22 écrivains néerlandophones
Hasna Ankal - Simone Atangana Bekono - Avery Bertrand Iradukunda - Saskia De Coster - Heleen Debruyne - Andy Fierens - Dalilla Hermans - Stefan Hertmans - Lisette Ma Neza - Malique Mohamud - Jeroen Olyslaegers - Ilja Leonard Pfeijffer - Marieke Lucas Rijneveld - Ammen S. Ogedengbe - Gaea Schoeters - Leslie Sefora Sesa - Lize Spit - Tracy Tansia - Charlotte Van den Broeck - Nikkie Van Lierop - Katrien Vandenberghe - Catherine Vuylsteke

7 écrivains anglophones
Deborah Levy - Jennifer Nansubuga Makumbi – Imbolo Mbue - Maggie O'Farrell - Max Porter - Douglas Stuart - Chika Unigwe

20 écrivains en langue étrangère
Adnan Adil - Ubah Cristina Ali Farah - Rua Breathnach – Tania Haberland - Eduardo Halfon – Matias Faldbakken – Roy Jacobsen – Mia Kankimäki – Zuher Karim – Aleksandra Lun - Monem Mahjoub – Lamia Makaddam – Jakub Małecki – Hosheng Ossi - Grażyna Plebanek - Barrack Rima – Judith Schalansky – Samanta Schweblin – Marek Šindelka – Yoko Ogawa

9 traducteurs littéraires:
Najoua Bentayeb - Elizabeth Bryer - Linda Coverdale - Katelijne De Vuyst - Catherine Gibert - Charles Recoursé - Lori Saint-Martin - Saskia van der Lingen - Theo Veenhof
La semaine qui vient sera donc une folle semaine de littérature, à suivre en ligne en direct ou en différé jusqu'au 5 avril, le matin, le midi, l'après-midi, le soir ou même la nuit. Des grands entretiens, des rencontres à propos de nouveaux livres, des thématiques, des présentations originales...

Quelques temps forts

Dimanche 21 mars
18:00-19:00 Lecture de son texte par Max Porter
20:00-21:00 Rencontre avec Maggie O'Farrell, à l'occasion de la sortie de son nouveau roman, "Hamnet" (Belfond), en anglais, sous-titré en français et néerlandais

Lundi 22 mars
17:00-19:00 Atelier d'écriture sur l'écologie avec Lisette Lombé

Mardi 23 mars
12:30-13:30 Alexandra Lun, son texte "Antimatière" et d'autres sujets (en anglais)
18:30-19:30 entretien entre Caroline Lamarche et Hervé Le Tellier, choix Goncourt de la Belgique (lire ici), gratuit.
21:30-22:30 Eduardo Halfon, dont "Cancion" vient de paraître (La Table ronde), en anglais, sous-titré en français et néerlandais

Mercredi 24 mars
14:30-15:30 Nouvelles voix en Belgique, le poète Irakien Zuher Karim, la romancière polonaise Grażyna Plebanek, l’auteur de BD Libanais Barrack Rima, gratuit, en plusieurs langues, sous-titré en français et néerlandais
15:30-16:30 Nouvelles voix en Belgique, l'Italienne d'origine somalienne Ubah Cristina Ali Farah, le poète et écrivain syrien kurde Hosheng Ossi et le poète et philosophe libyen Monem Mahjoub, gratuit, en plusieurs langues, sous-titré en français et néerlandais
17:30-18:30 Geneviève Damas et Adeline Dieudonné, romancières, dramaturges, comédiennes et féministes, gratuit
20:00-21:00 l'épopée éditoriale de "Sapiens" de Yuval Noah Harari, essai passé en bande dessinée par le Belge David Vandermeulen (au scénario) et le Français Daniel Casanave (au dessin)
21:30-22:30 Caroline De Mulder ("Manger Bambi", Gallimard) et Joseph Incardona ("La Soustraction des possibles", Finitude) à propos du goût du pouvoir

Jeudi 25 mars
14:30-15:30 Chika Unigwe et son texte "A Hand Across her Back", en anglais, sous-titré en français et néerlandais
22:30-23:30 Douglas Stuart, lauréat du Booker Prize 2020 pour son premier roman, "Shuggie Bain", non encore traduit en français, en anglais

Vendredi 26 mars
18:30-19:30 Jean-Philippe Toussaint et l'idée de perte
19:30-20:30 Yoko Ogawa, en japonais, sous-titré en anglais

Samedi 27 mars
10:30-11:30 Lize Spit et son nouveau roman, en néerlandais et français
18:30-19:30 Aleksandra Lun et la langue dans laquelle on écrit, en anglais

Dimanche 28 mars (heure d'été)
14:30-15:30 Hubert Antoine ("Les Formes d'un soupir", Verticales), Elisa Shua Dusapin et Max Lobe à propos de l'endroit d'où ils écrivent
18:30-19:30 Marie Darrieussecq, Nastassja Martin et Lucie Taïeb à propos de l'écologie
20:00-22:00 Poésie
20:30-21:30 Max Porter, celui qui avait ouvert le festival


En pratique
Une partie des 40 rendez-vous du festival sera visible gratuitement.
Les autres seront accessibles selon deux formules, ticket unique ou Festival Pass, donnant accès à tout.
Programme complet, spécifiant la langue des rencontres ici.
Renseignements et réservations ici.


jeudi 18 mars 2021

Onze lauréates et lauréats aux prix SACD-Scam


Partant de la maxime visionnaire de l'environnementaliste américain David W. Orr, "La planète n'a pas besoin d'encore plus de gens qui "réussissent". La planète a désespérément besoin d'encore plus de faiseur·euses de paix, de guérisseur·euses, de conteur·euses d'histoires, et de passionné·es de toute sorte", les prix SACD et Scam ont repensé leur édition 2020, le maelström pandémique ayant bousculé la donne. 

Au lieu d'honorer comme d'habitude des auteurs et des autrices dans le domaine de la fiction et du documentaire, en célébrant une œuvre spécifique de leur répertoire qui a marqué la saison de programmation, les deux comités SACD et Scam ont opté pour positionnement spécial: mettre en lumière cette année des parcours de création, mais aussi, des personnalités qui accompagnent par leur engagement, la naissance et le développement des écritures.


Prix SACD

  • Prix du Spectacle vivant - Isabelle Bats, Madame "ben j'men fous"
  • Prix Cinéma - Hinde Boujemaa ("Noura rêve)
  • Prix Web - Caroline Taillet & Martin Landmeters ("La Théorie du Y")
  • Les Jumelles d'Or,mises à l'honneur symboliques pour donner un coup de projecteur à des personnalités et/ou collectifs qui œuvrent en faveur des auteurs et autrices, de la création et la diversité culturelle en Belgique: Safia Kessas et Le Collectif des Blocs


Prix Scam

  • Prix Littérature - Charline Lambert, poétesse
  • Prix Radio - Claire Gatineau et Yves Robic (revue radiophonique "Le Grain des choses")
  • Prix Cinéma - Benoît Dervaux, couteau suisse du cinéma 


Prix SACD & Scam

  • Jawad Rhalib, cinéaste 
  • Lisette Lombé, slammeuse
  • F.(s) et Elles font des films, collectifs

Présentée par Isabelle Wéry en présence des lauréats et lauréates, la cérémonie de remise des prix SACD et Scam a eu lieu  le jeudi 18 mars à 18 heures en Facebook live. La vidéo est visible depuis sur les sites de la SACD et de la Scam.


Prochain rendez-vous en décembre 2021 pour la soirée Famous in Belgium.




mercredi 17 mars 2021

Et si on transformait les contes classiques?

Le gros papa ours, la grosse maman ourse et leur tout petit ourson
s'éloignent de la maison. (c) l'école des loisirs.

Album lauréat du prix Libbylit 2021 album (palmarès en fin de texte), "Notre Boucle d'Or" d'Adrien Albert (l'école des loisirs, 36 pages, 2020) apparaît comme une révolution douce. On ne voit pas tout de suite le "Notre" du titre. On s'attend donc à une mouture du conte de Boucle d'Or. Pourquoi pas? Il y en a tellement, et d'excellentes. En réalité, l'auteur-illustrateur nous propose sa variation sur le conte. Le "notre" supplémentaire  annonce une autre version, sans l'imposer. Une délicatesse appréciable en ces temps d'injonctions.

Fidèle à sa technique des aplats (lire ici), Adrien Albert pousse ici à fond ses couleurs: une maison rose vif tranche agréablement sur le vert de l'herbe et le beige des troncs d'arbre. Il s'agit bien entendu de la maison de la famille ours, le gros papa ours, la grosse maman ourse et leur tout petit ourson. Pendant que le trio jardine à l'arrière, un visiteur s'approche de la porte. Un petit garçon, dit le texte, aux cheveux d'or, qui entre sans frapper. Après une chute de chaise haute et un bris de bol de chocolat chaud - le petit bol, les deux grands, de taille égale, sont intacts -, la narration se mue en une interpellation du personnage: "Ça va, tu ne t'es pas fait mal? Mais... qu'est-ce que tu fais? C'est dégoûtant!!!"

L'intrus est découvert.
(c) l'école des loisirs.
De fait, il y a des traces de chocolat partout, des empreintes de mains et de pieds. La famille ours arrive... Pas contente. La narration reprend avec un jeu de piste à travers la maison aux jolies couleurs. Il mène à la découverte du responsable de tout ce bazar. La grosse maman ourse le reconnaît: c'est le petit garçon de la ferme voisine. Quelques émotions et consolations plus tard, le jeune visiteur est reconduit près de chez lui par la famille ours au complet. Cest seulement à la dernière page, quand il retrouve ses parents, qu'on découvrira son prénom.

Si Adrien Albert a puisé dans les éléments du conte traditionnel, il les transforme fort joliment, donnant à maman ourse la même taille et la même importance que papa ours, changeant le sexe de Boucle d'Or, lui faisant vivre un épisode inattendu dont le dénouement met sur pied d'égalité les deux parents et les deux enfants. Un air de ne pas y toucher qui sait se faire son chemin dans l'esprit du lecteur et est porté par un graphisme de toute beauté, épuré dans le trait, flamboyant dans la couleur. Notamment cette magnifique scène sur double page du retour de Boucle d'Or chez lui, en rose, vert et bordeaux. Un album précieux, subtilement mis en pages avec l'alternance des illustrations cadrées de blanc et celles à fond perdu, le jeu sur la simple et la double page et l'amusante mosaïque du début lors de l'approche du bol de chocolat. Généreux, "Notre Boucle d'Or" est à regarder de près.

Le retour de Boucle d'Or chez lui. (c) l'école des loisirs.

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Dans une veine identique de détournement finalisé d'un conte mais de façon nettement plus appuyée, "Roule, Ginette!", le premier album jeunesse d'Anne Dory et Mirion Malle (La ville brûle, 48 pages), s'inspire du conte traditionnel russe "Koloblok", voisin de notre "Roule, galette", pour en faire un conte écoféministe contemporain.

Dès le début, il y a des changements par rapport au conte classique. Le couple de vieux est bien là mais l'ambiance entre eux n'est pas à la paix. Le Vieux se repose, la Vieille bosse. Le Vieux ordonne, la Vieille obéit. Le Vieux râle et engueule, la Vieille encaisse sans réagir même si elle est en colère. Lors de la chute de la galette mise à refroidir sur l'appui de fenêtre, par extraordinaire, c'est la Vieille qui est transformée en galette et peut ainsi s'enfuir. Elle rencontrera les divers animaux de l'histoire, auxquels elle fera part de sa joie de ne plus être prisonnière de son mari tout en leur échappant. Cela se corsera avec le renard. Néanmoins, un nouveau miracle sauvera la Vieille transformée en galette. Elle reprend sa forme humaine et découvre tout près de là une communauté faisant penser aux babayagas de feu Thérèse Clerc à Montreuil où elle sera désormais accueillie. La Vieille y perd l'anonymat de sa fonction d'épouse ménagère et porte alors son prénom, Ginette.

Le propos de l'album est clair, dénoncer le machisme de la répartition des rôles et faire de la malheureuse Ginette une super-héroïne à cheveux blancs. Pourquoi pas? Mais pourquoi ne pas faire une autre histoire puisque la fin du conte original disparaît au profit d'une autre, parfaitement sympathique? Dommage aussi que le graphisme ne soit pas plus qualitatif aussi, certaines pages apparaissant vraiment pauvres. Mirion Malle semble avoir été plus inspirée dans les livres "Les règles... quelle aventure!" ou "C'est comme ça que je disparais" par exemple.

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Palmarès des prix Libbylit 2021

Albums

  • Prix Petite enfance: Marine Scheider pour "Grand ours, petit ours" (Cambourakis)
  • Prix Album belge: Bernadette Gervais pour "En 4 temps" (Albin Michel Jeunesse, lire ici)
  • Mention Album belge: Jacques & Lise pour "Victor" (Seuil Jeunesse)
  • Prix Album: Adrien Albert pour "Notre Boucle d'or" (l'école des loisirs); Mention Album: Gilles Baum et Régis Lejonc pour "Fechamos" (Editions des Eléphants)

Romans

  • Prix Roman belge: Aylin Manço pour "Ogresse" (Sarbacane) et Geneviève Damas pour "Molly" (Editions Lansman)
  • Prix Roman junior: Thomas Gerbaux et Pauline Kerleroux pour "L'incroyable histoire du homard qui sauva sa carapace" (La Joie de lire)
  • Prix Roman ado: Marie Pavlenko pour "Et le désert disparaîtra" (Flammarion)

Pour visionner la remise complète des prix, avec les interventions de tous les lauréats, c'est ici.

L'affiche 2021, réalisée par Fanny Dreyer.