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jeudi 28 février 2019

Le décès de la romancière Pierrette Fleutiaux

Pierrette Fleutiaux. (c) John Foley/Opale/Actes Sud.

Ce sont les éditions Actes Sud, qui la publient depuis 2003, qui annoncent avec tristesse "le décès de PIERRETTE FLEUTIAUX, survenu mercredi 27 février 2019, à la suite d’un malaise cardiaque, à Paris." Elle était née le 8 octobre 1941 à Guéret dans la Creuse.

Tout de suite reviennent à l'esprit quelques-uns de ses titres, "Des phrases courtes, ma chérie" (2003) bien entendu qui a marqué les esprits mais aussi "Bonjour, Anne" (2010) et "Destiny", son dernier (2016, tous Actes Sud), pour les plus récents. "Nous sommes éternels" (1990, prix Femina, Gallimard) et "Allons-nous être heureux" (1994, Gallimard) pour ceux qui la suivent depuis plus longtemps. Sans oublier qu'elle a aussi publié en littérature ado, "Mon frère au degré X" (1994, l'école des loisirs), "La Maison des voyages", avec Alain Wagneur, son mari (1997, Gallimard Jeunesse, lire plus bas), "Trini fait des vagues" et "Trini à l'île de Pâques" (1997 et 1999, Gallimard Jeunesse, Folio junior)

Car des livres, Pierrette Fleutiaux en a écrits, et de qualité, romans, recueils de nouvelles, livrets d'opéra, textes divers. C'est l'enthousiasme d'Anne Philipe, alors éditrice chez Julliard, qui lui vaut la publication de son premier roman, "Histoire de la chauve-souris", en 1975. Dix ans plus tard, l'écrivaine entrera chez Gallimard où Roger Grenier devient son éditeur pour "Métamorphoses de la reine" (1985). Elle obtiendra le Femina cinq ans plus tard pour "Nous sommes éternels". En 2003, elle passe chez Actes Sud avec "Des phrases courtes ma chérie". Son dernier livre, "Destiny", paru en 2016, décrit le combat d'une jeune migrante Nigériane pour assurer sa survie et celle de ses enfants.

Sur son site, l'écrivaine se raconte ainsi.
"Je suis née en 1941 à Guéret, dans la Creuse, petite ville sur les marches du Massif Central, moins de 10.000 habitants à l'époque. J'ai passé le meilleur de mon enfance dans la ferme de mes grands-parents paysans. Moments heureux avec mon jeune frère dans ce petit village creusois qui remonte aux Gallo-Romains, où ma famille maternelle est implantée depuis des générations.
Souvenirs: une vache devenue folle dans la cour, des bombardiers passant haut dans le ciel, deux prisonniers allemands affectés à la ferme, l'un si gentil et l'autre qui faisait peur. La Seconde Guerre mondiale, à l'orée de ma vie, mais aussi l'autre, celle de mes grands-parents, la Grande Guerre, qui avait rempli le cimetière de jeunes hommes qui étaient leurs cousins, neveux… Et malgré tout, le bonheur de vivre à la campagne, dans une vraie ferme de cette France rurale presque disparue aujourd'hui.
Ma mère était professeur de sciences naturelles, mon père directeur de l'Ecole normale d'instituteurs. Je suis ainsi tombée dans l'école dès mon plus jeune âge, comme Obélix dans la potion magique (reste à déterminer quelle force, ou quelle faiblesse, cela m'a donné). J'ai grandi au milieu de garçons (ces normaliens) qui se faisaient une idée quasi apostolique de leur futur métier. Un jour de septembre est arrivé un élève qui deviendra mon premier mari. Il avait 15 ans, j'en avais 14.
Jeunesse provinciale propice au rêve et à la lecture, seule ouverture sur le monde au-delà de nos collines. J'ai lu abondamment dans la bibliothèque de l'école de mon père. Bibliothèque à l'ancienne, rayonnages jusqu'au plafond. Durant les vacances, dans le silence de l'école désertée, j'ai passé là des moments comme je n'en connaîtrais plus. Cette passion pour les livres inquiétait un peu ma mère: "Ça va te tourner la tête, tout ça", mais elle m'achetait tout de même chaque semaine un volume de la collection rose ou verte dans une petite librairie de la rue des Pommes.
Mes premiers grands souvenirs de lecture: "Perlette goutte d'eau" (album du Père Castor), "Les enfants du capitaine Grant", "Michel Strogoff" (Jules Verne), "Les quatre filles du docteur March" (Louisa May Alcott), "Les Hauts de Hurlevent", "Jane Eyre" (les sœurs Brontë), les romans de Jane Austen…, et aussi "La Caverne de Platon", texte auquel je ne comprenais rien mais que je trouvais rigolo et très excitant.
Cette excitation devant un texte qui me restait opaque par bien des aspects, je l'ai retrouvée beaucoup plus tard en lisant, à ma façon, Gilles Deleuze ("L'anti-Œdipe", "Mille plateaux", etc...), Gilles Rosset ("Le réel et son double"). Cette part de mystère qui résiste dans une lecture est peut-être celle qui permet au lecteur d'avancer dans le dédale de son obscurité propre, secrètement, sans harcèlement, selon des voies qu'un éclairage trop cru aurait masqué.
Du côté de ma mère une longue lignée de paysans. Du côté de mon père, des instituteurs (ces fameux hussards noirs de la République), mais aussi des médecins et un anthropologue, Léonce Manouvrier, spécialiste du cerveau, qui affirmait que le cerveau des femmes et des Noirs n'était pas plus petit que celui des hommes et des Blancs. Position avancée à l'époque, presque scandaleuse!
C'était en 1900.
J'ai fait mes études à Limoges, Poitiers, Bordeaux, Londres. Agrégation d'anglais à La Sorbonne. Paris, un choc. Mes condisciples me paraissaient tellement plus intelligents, plus au fait de tout. Et cette ville, où chaque pierre porte un pan d'histoire!
Mon départ pour New York a été une libération. J'y ai vécu plusieurs années avec ma famille, y ai élevé mon fils (voir "Allons-nous être heureux?"). J'ai enseigné au Lycée français, travaillé épisodiquement pour l'ONU et fait divers petits boulots. J'ai été correctrice à Scott Meredith Literary Agency. J'ai été mannequin de cabine, mais je ne voulais pas couper mes cheveux et j'avais les bras trop longs, soi-disant!
J'ai fait de nombreux voyages à l'étranger. En particulier, ce séjour à l'île de Pâques en novembre 1997, expérience très marquante, dans laquelle je puiserais pour mon roman "L'expédition", Gallimard, 1999.
Je vis maintenant entre Paris et Royan. J'ai d'abord été publiée par Anne Philipe. Après la mort de Gérard Philipe, elle était devenue directrice littéraire aux éditions Julliard. Rencontre capitale pour moi, que je raconte dans mon livre "Bonjour Anne" chez Actes Sud, 2010. Elle m'a accueillie (recueillie?) plusieurs étés à Ramatuelle lorsque ma vie n'allait pas très rondement. J'ai ensuite été publiée par Roger Grenier (autre rencontre étonnante), chez Gallimard. Puis, Marie-Catherine Vacher, éditrice chez Actes Sud, a publié plusieurs de mes livres, dont le dernier "Destiny"… en avril 2016."


Toujours sur son site, Pierrette Fleutiaux indique comme "activités":

  • Administratrice de la Société des Gens de Lettres
  • Vice-présidence de la Société des Gens de lettres depuis 2014
  • J'aime essentiellement m'occuper de mes petites-filles et de mon petit-fils.
  • Autre activité prenante: contempler le ciel tous les soirs.




Huitième volume de la très belle collection "Page blanche" de Gallimard Jeunesse, sorti en 1997, le roman pour ados "La maison des voyages" d'Alain Wagneur et Pierrette Fleutiaux a été réédité en Folio Junior en 2002.

On imagine sans peine combien peuvent être difficiles et/ou distantes les relations entre un père, capitaine au long cours et veuf, et Sonia,sa fille de 14 ans. Ce récit vif et délicat brosse de manière très attachante le rapprochement qu'ils vont vivre. Cette rencontre a lieu, comme souvent, quand on s'y attend le moins: suite à des embouteillages autoroutiers dans le cas présent. Le conducteur emprunte la première bretelle de sortie qui se présente. La voiture aboutit près d'une maisonnette abandonnée que le père reconnaît. Il la fréquentait durant son adolescence. Il raconte à sa fille, avec franchise et émotion, cette période clé de sa jeunesse. Sonia découvre à l'occasion de cette confession une facette de son père qu'elle ignorait totalement. Pas de sentimentalisme dans ces pages vibrantes mais une confession poignante, le récit d'une tranche d'existence intensément vécue. Dès 12 ans.





E1P2FDL 5 Et puis? L'album "Et puis" pose la question à ceux qui savent se passer des mots

Encore un peu de Foire du Livre de Bruxelles, E1P2FDL 

Au hasard de mes pérégrinations, entre rendez-vous fixés et rencontres de hasard.
L'édition 2019, la quarante-neuvième, la quatrième où l'entrée est gratuite, a été illuminée par le déploiement du Flirt Flamand et de l'espace européen qui n'ont pas désempli. Elle marquait les 50 ans de la Foire, créée en 1969. On a dénombré 72.000 visiteurs dans les allées de Tour & Taxis, dont 5.000 scolaires, au cours des quatre jours (du jeudi 14 au dimanche 17 février), soit 5 % de plus que l'an dernier.


Les pages de garde avant de "Et puis". (c) Albin Michel Jeunesse.

Aujourd'hui, un album jeunesse muet à part les treize mots qui égrènent les pages, aux tonalités chromatiques peu habituelles dans le genre, nous convie à raconter des histoires autour de cinq personnages principaux. Corps humain mais tête d'outil (marteau, pince, boulon, scie, clé), les artisans se meuvent dans douze tableaux, un par mois de l'année, dans un paysage qu'ils modèlent selon leurs spécialités.

Le titre de l'album est déjà une invitation en soi: "Et puis" (Albin Michel Jeunesse, 32 pages). Il est signé du couple/duo/studio de dessinateurs Icinori, à savoir Mayumi Otero et Raphael Urwiller qui travaillent ensemble ou séparément. Dessinateurs, plasticiens, éditeurs, ils se distinguent par une intense recherche graphique, visible dans la presse, lors d'expos ou dans leurs livres. Après s'être auto-édités, les voici publiés en tant qu'auteur-illustrateur pour un premier titre dans la remarquable collection "Trapèze" d'Albin Michel Jeunesse.

On est d'abord frappé par la palette de tons utilisée: un bleu outremer qui claque et revient comme un fil rouge entre les différents tableaux. Il se pose sur les troncs des arbres de cette curieuse forêt, sur des bottes et des gants des cinq protagonistes, qui sont habillés d'un ocre très présent aussi, sur d'autres détails aussi. Ensuite on regarde de plus près. On comprend que le paysage face à nous est fixe malgré les transformations qu'il subit. Et quelles transformations! Les cinq personnages-outils le construisent et le déconstruisent de mois en mois, de septembre à août. Une année défile sur cette scène de théâtre qui accueille de fantastiques expérimentations graphiques.

Mars. (c) Albin Michel Jeunesse.

Au fil des tableaux, les arbres se dénudent, des décors disparaissent, d'autres sont déroulés, ou gonflés, sur fond montagnard, les arbres servent à autre chose. Les régisseurs travaillent comme des fous, jouent même avec les formes des dessins pour raconter d'autres histoires. Le lac deviendra ainsi une gare où embarqueront en finale tous les acteurs! Les constructeurs ne sont pas seuls à l'œuvre. Une foule de personnages secondaires très occupés eux aussi les accompagnent, des animaux de toutes sortes et des humains qui deviennent vite familiers et dont les portraits apparaissent en gardes arrières.

Mai. (c) Albin Michel Jeunesse.

"Et puis" est un spectacle sans fin à élaborer en interprétant les scènes évolutives présentées dans les magnifiques images. On peut suivre le raton-laveur ou la famille oiseau ou le cerf ou la tortue géante ou la chenille ou le cygne ou l'ours et tous les autres animaux présents en masse. Et évidemment les personnages humains autres que les régisseurs qui apparaissent dès le mois d'octobre, l'écrivain, le dessinateur, la Vénus de Botticelli, la patineuse,.. et même quelques champignons. Autant de mini-récits montrant joies, rires, travail, drames, détente et un avenir bien présent, que ce soit dans les oisillons ou dans la femme enceinte.


Juin. (c) Albin Michel Jeunesse.

"Et puis" est un album qui peut déstabiliser, car peu habituel. Laissons-nous porter plutôt par son côté intriguant et son propos très construit de scènes à imaginer. Voilà un tremplin pour l'imagination, et un régal pour les yeux avec son dessin un peu raide qui convient très bien ici, ses mille détails, ses profils à l'égyptienne, ses couleurs qui vont du froid au chaud selon la saison et son sens inouï de la composition. Pour tous dès 5 ou 6 ans.

Septembre. (c) Albin Michel Jeunesse.

Grand format presque carré qui se déploie en majestueuses doubles pages, imprimé sur un très élégant papier épais et mat, "Et puis" vient de valoir deux distinctions à ses auteurs. Un mention spéciale fiction aux BolognaRagazzi Awards 2019 (lire ici) et le prix ovni Libbylit 2018 (lire ici).

Rappel

E1P2FDL 1 "La jeune fille et le soldat", Aline Sax et Ann de Bode (roman enfant, La joie de lire, ici)
E1P2FDL 2 "Le banc au milieu du monde", Paul Verrept et Ingrid Godon (roman ado, Alice Jeunesse, ici)
E1P2FDL 3  "Ceci est ma ferme", Chris de Stoop (récit, Christian Bourgois, ici)
E1P2FDL 4  "Mon bison", Gaya Wisniewski (album jeunesse, MeMo, ici)



mercredi 27 février 2019

Kaléidoscope rejoint l'école des loisirs

(c) David McKee.


C'était dans l'air depuis deux ou trois années mais des soucis techniques avaient ralenti le projet. Aujourd'hui, c'est fait. Les plus que trentenaires éditions Kaléidoscope (Elmer de David McKee, les singes d'Anthony Browne, divers créateurs français par la suite dont Geoffroy de Pennart) rejoignent l'école des loisirs, son diffuseur depuis belle lurette et partenaire de tout temps.

Créées en 1989 par Isabel Finkenstaedt qui venait de Flammarion Jeunesse, les éditions Kaléidoscope ont forgé un remarquable catalogue d'albums jeunesse selon les meilleurs codes du genre, amusement, identification, évasion, quotidien, le tout avec une grande attention à la qualité des illustrations et à l'intérêt du rapport texte-images. Des livres qui étaient chaque fois une rencontre entre eux et leur éditrice et qui ont enchanté leurs jeunes lecteurs qui y ont trouvé l'application de la devise de la maison: "lire, rire et grandir".

Kaléidoscope – Lire, rire et grandir – Des albums pour accompagner la petite enfance - Des albums pour accompagner la petite enfance

Pendant ces trente années, Kaléidoscope a permis de faire connaître en France de nombreux auteurs anglo-saxons (Anthony Browne, Oliver Jeffers, Emily Gravett, David McKee, Angela Barrett,  William Steig et plein d'autres encore). La maison a aussi publié de nombreux auteurs français comme Geoffroy de Pennart, Elsa Oriol, Christine Naumann-Villemin, Kris Di Giacomo, Michaël Escoffier… liste complète ici.

(c) Anthony Browne.

Aujourd'hui, Isabel Finkenstaedt a décidé de prendre sa retraite en cédant sa maison d'édition à l'école des loisirs, son partenaire et diffuseur historique, qui a déjà repris de nombreux titres de Kaléidoscope dans sa collection d'albums poche les Lutins. Pas de déménagement en vue puisque les deux maisons sont à la même adresse parisienne. L'équipe qui anime depuis plusieurs années Kaléidoscope poursuivra son travail, Camille Guénot pour la partie éditoriale, Stéphanie Jarry pour la partie communication et accompagnement promotionnel. Elles pourront néanmoins s'appuyer sur  l'organisation et les équipes de l'école des loisirs.

(c) Geoffroy de Pennart.


mardi 26 février 2019

E1P2FDL 4 Une fillette et un bison amis à vie

Encore un peu de Foire du Livre de Bruxelles, E1P2FDL 

Au hasard de mes pérégrinations, entre rendez-vous fixés et rencontres de hasard.
L'édition 2019, la quarante-neuvième, la quatrième où l'entrée est gratuite, a été illuminée par le déploiement du Flirt Flamand et de l'espace européen qui n'ont pas désempli. Elle marquait les 50 ans de la Foire, créée en 1969. On a dénombré 72.000 visiteurs dans les allées de Tour & Taxis, dont 5.000 scolaires, au cours des quatre jours (du jeudi 14 au dimanche 17 février), soit 5 % de plus que l'an dernier.

Le plaisir d'être ensemble. (c) MeMo.

Aujourd'hui, le premier album jeunesse d'une auteure-illustratrice belge, aussi remarquable par le fond que par la forme, "Mon bison", au possessif goûteux, signé Gaya Wisniewski (MeMo, 36 pages, 2018). Il a obtenu le prix Libbylit 2018 en catégorie "album belge" (palmarès complet en fin de note).

Le livre frappe dès sa couverture, le dessin au fusain d'une petite fille et d'un bison dont les visages se pressent, s'épousent. Le titre est simple. "Mon bison". Comme on aurait pu dire "Mon chien", ou "Mon chat", ou "Mon cheval". L'attitude du dessin et le titre laissent deviner une histoire de tendresse, une histoire de complicité au-delà des apparences. Ce sera le cas.
Toujours au fusain noir, relevé d'un peu de feutre Posca blanc et de traits d'aquarelle bleutée, les doubles pages nous entraînent dans une merveilleuse amitié. Dans une histoire de vie qui est, comme toutes les histoires de vie, aussi une histoire de mort.

Il y a du "Ernest et Célestine" (lire ici) pour la complicité entre les deux héros, du "Zuza" (lire ici) pour la différence de taille, du trentenaire "Chien bleu" ou du "Prince tigre" (lire ici) pour l'ami imaginaire, ou pas, protecteur dans ce très beau premier album.

Retour annuel. (c) MeMo.

La narratrice nous conte son histoire: "La première fois que je l'ai vu, c'était le printemps. Dans les herbes hautes, je ne voyais pas grand-chose du haut de mes quatre ans." C'est sa maman qui lui montre le bison, nous dit-elle: "Regarde! Il est revenu!". Pas l'ombre d'un questionnement sur la nature de l'animal, relié à la mère de la petite. Ami réel, ami rêvé? A chacun de choisir.

Première rencontre. (c) MeMo.

La toute petite fille et l'énorme bête s'apprivoisent peu à peu, se découvrent, se trouvent bien ensemble. Se respectent aussi. Le bison n'aime pas toujours ce qu'elle lui cuisine. La fillette apprend à admettre qu'il va partir chaque printemps rejoindre les siens mais qu'il reviendra à l'hiver suivant. Leurs retrouvailles sont toujours enthousiastes. Comme s'ils s'étaient quittés la veille. L'amitié est là, grandit, se double de tendresse. Se mue en amour. Les années passent. Le duo s'épanouit. Chacun veille sur l'autre. Ils s'entendent, se sentent, se parlent, s'écoutent. Les années passent et la maman disparue apparaît dans leurs conversations. Des souvenirs chaleureux qui annoncent peut-être la suite. Un hiver, le bison ne revient pas. Mais ses larmes séchées, l'ancienne petite fille devenue une très vieille femme sent que le bison, son bison, est toujours à ses côtés et elle se souvient de leurs conversations.

Un ami précieux. (c) MeMo.
On découvre une très belle force de vie dans cette histoire. Une énergie que rendent remarquablement les dessins en noir et blanc, illuminés parfois de quelques touches bleues. Voilà un noir et blanc qui n'a rien de sombre, au contraire. Les scènes captent finement les attitudes des protagonistes. Quelle douceur quand ils se reposent l'un sur l'autre, au sens propre comme au sens figuré. Quelle tendresse quand ils devisent ensemble près du feu. Quelle belle image que les souvenirs qui naissent dans la fumée du lait chaud. Quelle lumière dans la nuit qui compte une étoile de plus. Vraiment, "Mon bison" est un premier album d'exception, qui enchante et nourrit, d'une merveilleuse richesse sous son apparente simplicité.



Après avoir fait des études d'illustration à l'institut Saint-Luc à Bruxelles, y être devenue professeur de dessin et avoir animé des ateliers d'illustration à Bruxelles pendant six ans, Gaya Wisniewski a eu envie de raconter des histoires. A trente-six ans, en 2016, elle s'est installée dans le Gers et s'y consacre à l'illustration. Son second album jeunesse, "Chnourka", toujours chez MeMo mais en couleurs, paraîtra le 21 mars.





Palmarès des prix Libbylit 2018

Album belge
"Mon bison", Gaya Wisniewski (MeMo)
Roman belge
"Deux secondes en moins", Marie Colot et Nancy Guilbert (Magnard)
Traduction belge
"Le trésor de Barracuda", Llanos Campos (traduit par Anne Cohen Beucher, illustré par Nicolas Pitz, l'école des loisirs, lire ici)
Petite enfance
"L'œuf",  Kevin Henkes (Le Genévrier)
Album
"Cache-cache cauchemars", Jean Lecointre (Thierry Magnier)
Ovni
"Et puis", Icinori (Albin Michel Jeunesse)
Roman 
"La peau de mon tambour", Marie Sellier (Thierry Magnier)
Roman graphique
"Les amours d'un fantôme en temps de guerre", Nicolas de Crécy (Albin Michel)
Théâtre
"La poupée barbue", Edouard Elvis Bvouma (Lansman)


Rappel

E1P2FDL 1 "La jeune fille et le soldat", Aline Sax et Ann de Bode (roman enfant, La joie de lire, ici)
E1P2FDL 2 "Le banc au milieu du monde", Paul Verrept et Ingrid Godon (roman ado, Alice Jeunesse, ici)
E1P2FDL 3  "Ceci est ma ferme", Chris de Stoop (récit, Christian Bourgois, ici)



vendredi 22 février 2019

E1P2FDL 3 Raser des paysages ancestraux et les remplacer par des sites écologiquement corrects

Chris de Stoop au Flirt Flamand de la FLB.
(c) Michiel Devijver.

Encore un peu de Foire du Livre de Bruxelles, E1P2FDL 

Au hasard de mes pérégrinations, entre rendez-vous fixés et rencontres de hasard.
L'édition 2019, la quarante-neuvième, la quatrième où l'entrée est gratuite, a été illuminée par le déploiement du Flirt Flamand et de l'espace européen qui n'ont pas désempli. Elle marquait les 50 ans de la Foire, créée en 1969. On a dénombré 72.000 visiteurs dans les allées de Tour & Taxis, dont 5.000 scolaires, au cours des quatre jours (du jeudi 14 au dimanche 17 février), soit 5 % de plus que l'an dernier.



Aujourd'hui, interrogations littéraires, paysagères, paysannes même, avec le journaliste flamand Chris de Stoop à propos de l'évolution du monde agricole dans les polders belges. On y détruit les fermes qui existent, nous explique-t-il. On comble les fossés. On rase les haies. Dans quel but? Autoriser le développement industriel du port d'Anvers en saupoudrant ces interventions mortifères d'une dose d'écologie mal pensée. Bien sûr, je caricature un peu, mais pas tant que ça finalement à lire ce texte magnifique où il consigne la vie de ses parents, surtout de sa mère, veuve depuis longtemps et mémoire du lieu, et de son frère fermiers. Déclaration d'amour filial à l'une, hommage posthume à l'autre. Pour nous, lecteurs, plongée dans un monde contemporain quasiment disparu. "Maman, mon frère, la ferme, c'était un trio", note l'auteur.

Quand j'ai vu l'an dernier dans le programme éditorial des Editions Christian Bourgois l'annonce de la traduction du livre de Chris de Stoop "Dit is mijn hof" (De Bezige Bij, 2015), j'ai bondi de joie. Enfin, la société agricole belge traitée de l'intérieur dans une optique littéraire et pas par n'importe qui. Quand le livre est arrivé, je me suis précipitée sur "Ceci est ma ferme" (traduit du néerlandais (Belgique) par Micheline Goche, Editions Christian Bourgois, 2018, 318 pages). Et j'ai été enchantée par ces pages qui racontent un monde que j'ai connu de loin, qui est notre monde et qui est en train de s'éteindre. Qu'"on" est en train d'éteindre plutôt. D'un ton naturel, sans indignation, ses mots suffisent, le journaliste nous conte la disparition de la ferme familiale. L'air de rien, il nous interroge sur la place accordée à la nature dans nos vies, sur le rapport qu'on a aujourd'hui au vivant, animal ou végétal. Il dénonce sans fard les politiques agricoles européennes et remet sans cesse l'humain au centre des préoccupations.

Quand j'ai appris que Chris de Stoop venait à la Foire du livre de Bruxelles dans le cadre du Flirt Flamand, j'ai coché le jour et l'heure dans mon agenda. Et j'y suis allée. J'ai entendu un homme de bon sens consigner l'effacement des fermiers de l'espace agricole, pointer les horreurs dont sont capables les industriels pour augmenter encore leur puissance et leurs profits, jauger le fossé qu'on creuse entre la nature et les enfants qui ne savent plus ce qu'est le pis d'une vache, la saillie d'une jument, pointer l'hypocrisie qu'implique l'établissement de zones artificiellement vertes pour remplacer des champs, des prés, des arbres et des lieux centenaires. J'ai entendu un homme connecté à la vie paysanne traquer toutes les erreurs qui se commettent au nom de l'écologie. J'ai senti un homme amoureux de ses polders meurtri par des décisions imbéciles, un fils de paysan révolté par l'injustice des décisions administratives. J'ai vu un homme rappeler inlassablement son amour à cette terre qui nous rend humains.

En fin de note, on trouvera un extrait du texte "Ceci est ma ferme" que Chris de Stoop a lu à la Foire du livre, assis à sa table fleurie d'un bouquet, devant le public attentif réuni sur les gradins de la bibliothèque ronde du Flirt Flamand. En l'écoutant, je pensais à ces nouveaux arrivants dans un village en France qui ont demandé à l'agriculteur local de tuer ses coqs qui les réveillaient. On a beaucoup ri de cette histoire, non belge, mais française en l’occurrence. Mais fait-on mieux ici en décidant dans des bureaux ce qui s'avérera parfaitement contre-productif sur le terrain? En journaliste aguerri - il a passé trente ans chez "Knack", Chris de Stoop va sur le terrain. Il regarde, il écoute, il fait parler, il constate, il questionne, il enquête, il confronte. Pas de pathos, des faits. Pas de harangue, de la réflexion. Pas d'aigreur, mais une énergie contenue. Son regard d'airain nous permet de réfléchir, de voir plus loin. Ses mots nous ouvrent des horizons larges et nous emportent dans ce coin de Belgique près d'Anvers. La terre de ses parents qui y avaient déménagé, quittant leur village natal à 70 kilomètres de là. Sa terre.

Chris de Stoop.
(c) Lenny Oosterwijk.
Chris de Stoop est né en 1958 dans le polder de Waas, près d'Anvers, où ses parents exploitaient une ferme. Attiré très jeune par la littérature, condisciple de l'écrivain belge flamand Tom Lanoye, il quitte la ferme familiale pour se consacrer à l'écriture. Après des études de philologie germanique et de communication à la KUL, il est engagé en 1982 comme grand reporter par le magazine flamand "Knack" où, pendant plus de trente ans, il signe de nombreux reportages à l'étranger et des articles sur la société belge. Il est également depuis 1992 l'auteur d'une dizaine d'ouvrages relatant ses enquêtes de terrain, traite des êtres humains, prostituées de l'Est, SDF... Il a mis un terme à sa carrière de journaliste en 2016 pour ne plus se consacrer qu'à l'écriture et, à temps partiel, à la ferme familiale où il est retourné en 2010, après le suicide de son frère aîné, qui s'en occupait.

"Ceci est ma ferme", mots que son frère crache à un voisin importun et qui sont repris en titre, consigne la lente destruction d'un paysage, vécue de l'intérieur. Les aberrations des règlements. Le recul d'une nature ancestrale au profit d'une nature reconstituée, évidemment fausse et bancale. La déshumanisation d'un métier. La peur des contrôleurs. L'inquiétude permanente. La disparition des polders nourriciers au profit d'extensions d'un port. Les déséquilibres de la faune et de la flore qui en découlent. Les nouveaux voisins, qui construisent des villas. Les ombres d'une administration inquisitrice qui planent. Cet atroce sentiment d'être perdu. Chris de Stoop le fait à travers les souvenirs de sa mère, désormais en maison de soins à la suite d'une chute, à l'esprit alerte et à la mémoire intacte, et à de multiples rencontres. Des hommes et des femmes du coin qu'il rencontre inlassablement, qu'il fait raconter.

Mais son livre n'est pas une enquête journalistique. C'est un livre, au sens littéraire du terme, grâce auquel on s'offusque. Grâce auquel on s'émeut aussi. On suit l'auteur dans ses enthousiasmes pour le bâti d'une ferme, un labour tout frais, une vache croisée, un paysage qui se dessine, le bleu des fleurs de lin. Ses mots consignent en douceur ces déclins avant que leur sens ne vous claque à la figure. Chris de Stoop, ce sont aussi des phrases qui touchent. "Un polder qui vous interpelle comme un poème", écrit-il. Plus loin, "Emmener la dernière vache, engranger la dernière moisson, arrêter le métier de paysan, cela fait trop mal." Il sait d'où il vient: "La ferme a contribué à faire de moi ce que j'ai été, ou suis, ou ne suis pas."

Son livre, écrit en hommage à son frère qui, un jour, n'a plus pu résister et s'est suicidé, interpelle. Inquiète et rassure en même temps. Ses mots disent la poésie de la nature aux sens ancien et humain du terme.

Là où Chris de Stoop écrit.



Ceci est ma ferme

La crise agricole est partout, et quand même, il y a peu ou pas de solidarité envers les paysans en détresse, si nombreux aujourd'hui. Moi, j'ai parcouru le monde comme reporter et écrivain, mais après 30 ans, je suis retourné à notre ferme familiale où j'ai grandi. C'était après le suicide de mon frère aîné qui avait repris la ferme et à qui ce livre est dédié. Et oui, maintenant je suis officiellement écrivain-paysan, je suis fermier à temps partiel. C'est une ancienne ferme en Flandres, située dans une région agricole, qui a toujours été une véritable terre de fermiers, depuis le Moyen Age, et qui disparaît maintenant à cause de l’expansion du port d'Anvers et des compensations écologiques; donc beaucoup de fermiers doivent céder la place, d'abord pour l’industrie et puis pour les nouvelles réserves naturelles. Pendant ma jeunesse, il y avait encore douze fermiers et un berger dans ma rue; aujourd'hui, il reste un seul fermier (sans successeur). Et tout cela est représentatif pour la crise et l’évolution dans toute l’Europe, mais nulle part, le phénomène n’a été aussi brutal que chez nous.

Mon livre "Ceci est ma ferme" est ce que j'appellerais une œuvre littéraire narrative de non-fiction, avec beaucoup de récits, beaucoup de descriptions, beaucoup d’émotions aussi. Donc c'est une enquête, bien sûr, je visite la terre agricole brisée de ma famille et je parle avec toutes les parties concernées – surtout les paysans - mais c'est aussi un récit littéraire, écrit comme un roman. Et, à mon grand étonnement, ce livre est devenu mon plus grand best-seller, aux Pays-Bas et en Belgique, traduit en plusieurs langues, et il paraîtra aussi en Chine. Donc c'est une histoire personnelle mais aussi universelle. Le livre éveille apparemment un sentiment de perte, un sentiment de manque, je pense, la sensation d'être déraciné. Nous perdons le lien qui nous rattache à notre terre, à notre nourriture, à nos racines.

Non, je pense que non. Chez nous, après que le mouvement écologique a lutté, avec les paysans, contre l'extension mégalomane du port, il a conclu un accord avec ce dernier. Et la population en a été blessée dans l’âme, parce que les vieux polders doivent devenir des marécages, et tout cela se passe contre la volonté des personnes concernées.

Des dizaines de fermes historiques et même des hameaux entiers doivent à présent disparaître devant cette nouvelle nature. Et l'homme est exclu de cette nouvelle nature artificielle. J'ai suivi ça de près.

Je ne suis pas opposé aux réserves naturelles elles-mêmes; au contraire, pour moi, la nature est l'une des valeurs les plus importantes. Mais je m'oppose à ces nouvelles réserves lorsqu'elles s'accompagnent de souffrances humaines, et lorsqu'elles causent la destruction de paysages séculaires, qui sont, à nos yeux, le patrimoine de notre région, la mémoire de notre région.

En plus de sa valeur écologique, notre paysage a aussi des valeurs historique, agricole, culturelle, sociale, familiale et morale. Le paysage détermine aussi notre identité. Je l'écris quelque part dans mon livre: "Cette ferme, c'est nous".

Mon livre, "Ceci est ma ferme", est un hommage au traditionnel monde du paysan, tel qu'il était encore représenté par notre propre ferme. Mais évidemment, c'est aussi un cri d'alarme. J'ai parlé avec beaucoup de fermiers, et ils me posent la question fondamentale de savoir s'ils ont encore le droit d'exister – et cela concerne presque tous les paysans maintenant, en Belgique, en France, partout. Beaucoup d'entre eux ont l'impression d'être la dernière génération. Ils se sentent attaqués de toutes parts, ils veulent simplement une perspective.

Malheureusement, beaucoup de citadins veulent des produits de rebut, à des prix très bas, et ces prix, l'agroindustrie et les supermarchés les pratiquent, en exploitant les fermiers, qui finissent par travailler à perte. Il y a cinquante ans, les prix de certains produits agricoles étaient plus élevés qu'aujourd’hui; il y a cinquante ans, le citadin consacrait la moitié de son budget à son alimentation; maintenant, à peu près douze pour cents, maintenant, il consacre le double à ses loisirs…

Chaque année, des milliers de paysans cessent leurs activités; une longue chaîne familiale, parfois depuis des siècles, est coupée, et cela fait mal. Une étude montre que, dans plusieurs pays occidentaux, près de deux fois plus de paysans que de citadins mettent fin à leurs jours. Et pourtant, pourtant tout cela n'est pas ressenti comme un drame social par notre société, c'est incroyable.

J'écris en dernière page: "Nous sommes peut-être tombés du temps, mais le temps nous a aussi laissés tomber".

Mois, je pense que l'agriculture, malgré toutes les critiques, justifiées parfois, n'est pas un secteur économique comme les autres, mais un service de base, comme l'enseignement ou les soins de santé, et caetera.

Moi, personnellement, en général, je suis optimiste, je pense que l'homme va trouver des solutions pour les problèmes de la planète. Et pour ce qui concerne mon sujet, j'espère, et je crois, que l'esprit de l'époque est en train de basculer, qu'une revalorisation de la campagne et de notre alimentation arrive, et qu'on va redécouvrir qu'il y a là encore une vie, qui n'est peut-être pas à la mode maintenant, qui n'est peut-être pas chic pour notre époque, mais qui est vraie, et qui est authentique. Et ça, c'est aussi important.

Oui, mon livre raconte comment l'agriculture est en train de disparaître sous nos yeux, et que c'est un drame sociale et culturel qui concerne tout le monde. J'espère pouvoir percer une petite brèche dans la pensée économique des dernières années. Pour que tout ne soit pas soumis à la croissance et à l'argent. Pour qu'on puisse garder certaines valeurs fondamentales, comme la personne humaine, l'environnement, le patrimoine, le paysage, et – et, aussi – l'agriculture. Si nous voulons une campagne durable et rentable, nous devons la réaliser avec les derniers paysans, en dialogue avec le mouvement écologique, et pour cela, aucun paysan n'est de trop, au contraire.

Chris de Stoop



Rappel

E1P2FDL 1 "La jeune fille et le soldat", Aline Sax et Ann de Bode (roman enfant, La joie de lire, ici)
E1P2FDL 2 "Le banc au milieu du monde", Paul Verrept et Ingrid Godon (roman ado, Alice Jeunesse, ici)


mercredi 20 février 2019

Sous la coquille de l'escargot

🎵"Escargot de Bourgogne 🎵
🎵 montre-moi tes cornes 🎵
🎵 Si tu ne me les montre pas 🎵
🎵 je te mets la tête en bas!" 🎵



Après "La Coccinelle", "Le Champignon" et "La Grenouille", Bernadette Gervais publie un nouveau documentaire à rabats à destination des plus jeunes, ceux qui sont en classes maternelles, sur un sujet bien baveux qui devrait leur plaire, "L'escargot" (Albin Michel Jeunesse). Avec en couverture, le célèbre escargot de Bourgogne. On apprendra vite en tournant les pages qu'on ne dit pas "cornes" pour le mollusque mais "tentacules oculaires". On apprendra aussi mille autre choses.

Le plan du livre est assez simple: description générale et détaillée, reproduction, estive et hibernation, alimentation, prédateurs, sortes du plus petit au plus grand ainsi qu'un jeu des sept erreurs en finale. Ce qui est réjouissant dans ce bon format, c'est la qualité des illustrations venant renforcer les informations, qu'elles apparaissant directement ou qu'on doive les débusquer derrière les rabats.

De la naissance à l'âge adulte. (c) Albin Michel Jeunesse.

Ce mercredi 20 février à 18 heures a lieu une rencontre avec Bernadette Gervais et le vernissage de l'exposition consacrée à ses nouveaux albums, "L'escargot" et "Légumes" (lire ici) à la Librairie Candide (1-2 place Brugmann, 1050 Bruxelles). L'exposition se tiendra jusqu'au 6 mars.


Les lauréats des BolognaRagazzi Awards 2019



Plus de 1.500 livres (1.558 exactement) en provenance de 43 pays ont été soumis aux différents jurys des BolognaRagazzi Awards 2019. Aux traditionnelles catégories, Fiction, Non  Fiction, New Horizons et Opera Prima, s'en ajoute une nouvelle, Toddler, dédiée aux livres pour les tout-petits, de 1 à 3 ans.

La cérémonie officielle de remise des prix aura lieu durant la Foire du livre pour enfants de Bologne dont la 56e édition se tiendra du 1er au 4 avril prochains. En l'attendant, on peut revoir les 600 titres qui ont figuré dans le palmarès des Braw (BolognaRagazzi Awards) depuis leur création en 1966. Leur collection complète est exposée à la Bibliothèque Salaborsa de Bologne. Elle peut aussi être consultée en ligne ici.

Lauriers en langue française pour les éditions Thierry Magnier, Albin Michel Jeunesse, Actes Sud Junior, Les Editions des Eléphants, Bayard, également récompensé en numérique tout comme l'école Montessori et le Seuil Jeunesse qui a traduit un livre primé.

Le jury des Braw se compose deElena Giacomin (Italie), Gillian Engberg (USA), Jorge Silva (Portugal), Maria Vedenyapina (Russie) et Mingzhou Zhang (Chine), l'actuel président de l'IBBY.

Fiction

Lauréat


"Panáček, pecka, švestka, poleno a zase panáček"
("Puppet, Plum Pit, Plum, Plank, and back to Puppet") 
Vojtech Masek et Chrudos Valousek
Baobab, 2017 (République tchèque)










Mentions spéciales


"A travers"
Tom Haugomat
Éditions Thierry Magnier, 2018 (France)










"Et puis"
Icinori 
Albin Michel Jeunesse, 2018 (France)











"The Moon over the Apple Orchard" Kwon Jeong-saeng et Yoon Mi-sook
Changbi Editores , 2017 (Corée du Sud)









Non Fiction


Lauréat


"Atlas das viagens and dos exploradores - As viagens de monges naturalistas e outros viajantes de todos os tempos e lugares"
Isabel Minhós Martins et Bernardo P. Carvalho
Planeta Tangerina, 2018 (Portugal)









Mentions spéciales


"Orbis Sensualium Pictus. El mundo en imágenes"
Johannes Amos Comenius et Paulo Kreutzberger
Libros del Zorro Rojo, 2018 (Espagne)











"Chaque seconde dans le monde"
 Bruno Gibert 
Actes Sud Junior, 2018 (France)





"Kvinner the kamp - 150 års kamp for frihet, likhet og søsterskap!" 
Marta Breen et Jenny Jordahl
Cappelen Damm, 2018 (Norvège)










"Rue des Quatre-Vents"
Jessie Magana et  Magali Attiogbé 
Les Editions des Eléphants, 2018 (France)








Opera prima


Lauréat



"Julian is a Mermaid"
Jessica Love
Candlewick Press, 2018 (USA)











Mentions spéciales


"A shadow"
Chae Seung-yeon
 Bandal, 2018 (Corée du Sud)









"Everest"
Sangma Francis et Lisk Feng
Flying Eye Books, 2018 (Grande-Bretagne)










New Horizons

Lauréat



"A History of Pictures for Children"
David Hockney, Martin Gayford et Rose Blake
Thames & Hudson, 2018 (Grande-Bretagne)

"Une histoire des images pour les enfants"
traduit de l'anglais par Céline Delavaux
Seuil Jeunesse, 2018








Mention spéciale


"Museo Media Vaca" 
31 Illustrateurs
Media Vaca, 2018 (Espagne)











Toddler


Jury: Nives Benati (Italie), Marco Dallari (Italie), Silvana Sola (Italie) et Manuela Trinci (Italie).

Lauréat


"¡A dormir, gatitos!" 
Bàrbara Castro Urío
Zahorí Books, 2018 (Espagne)










Mentions spéciales


"Mes animaux tout doux du jardin"
Xavier Deneux
Bayard, 2018 (France)











"We Sang You Home" 
Richard Van Camp et Julie Flett
Orca Book Editores, 2016 (Canada)









"Kominiarz-Piekarz"
("Chimney sweeper- Baker") 
Dominika Czerniak-Chojnacka
Wydawnictwo Dwie Siostry, 2017 (Pologne)










Mention honorable

Attilio
(de son vrai nom Attilio Cassinelli) pour l'ensemble de son œuvre.
traduit en français chez Gallimard Jeunesse.

















Bologna Ragazzi Digital Awards


Jury: Warren Buckleitner (USA), Lucy Gill (Grande-Bretagne),  Sylvia Van Ommen (Pays-Bas), Roberta Franceschetti (Italie),


Sur les 104 applications en provenance de 26 pays soumises au jury, 4 ont reçu un prix, 7 une mention honorable et 4 ont fait l'objet d'une sélection en "short list".

Palmarès 

Fiction


Lauréat

"The Gardens Between" (The Voxel Agents)
The Voxel Agents et Science
Australie

Mentions spéciales

"Affamato Come un Lupo" (Minibombo, 2018)
Silvia Borando, Anna Beozzi, Paolo Chiarinotti, Amedeo Perri et Silvia Borando
Italie

"Spitkiss" (Playdius/ Triple Topping, 2018)
Morten Brunbjerg/ Triple Topping et  Anne Sigismund & Murray Somersville
Danemark

"Fiete Worl" (Ahoiii Entertainment UG, 2018)
Ahoiii Entertainment UG
Allemagne

Réalité augmentée

Lauréat

"Wonderscope/A Brief History of Amazing Stunts" (PRELOADED/WITHIN, 2018)
Beth Garrod et PRELOADED
Grande-Bretagne

Mention spéciale

"The Ghostkeeper's Journal & Fieldguide/ Ghost-O-Matic app". (Carlton Books, 2018)
Japhet Asher and Russel Porter
Grande-Bretagne

Education

Lauréat

"Montessori Preschool" (EDOKI ACADEMY, 2017)
 EDOKI ACADEMY
France

Mentions spéciales

"Lexi's World" (Pop Pop Pop, 2018)
 Josh On
USA

"MixerPiece" (Giuseppe Ragazzini, 2018)
Giuseppe Ragazzini
 Italie

Bibliothèques de contenus

Lauréat

"Bayam" (Bayard Presse, 2017)
Bayard, TOBO STUDIO, AA.VV
France

Mention spéciale

"Kidomi" (Fingerprint Digital Inc., 2018)
Fingerprint
USA

Short list 


"Ovivo" (IzHard, 2018)
Vilassak Alexander
Russie

"Women Who Changed the World" (Learny Land, 2019)
Learny Land et Alins Illustration / Sònia Alins
Espagne

"Little Kitten Preschool" (Fox and Sheep, 2018)
Squeakosaurus
Allemagne

"Bookful" (Inception, 2018)
Multiple
Israel



mardi 19 février 2019

E1P2FDL 2 Depuis le banc d'un parc, un fils endeuillé parvient à devenir un homme

Encore un peu de Foire du Livre de Bruxelles, E1P2FDL

Au hasard de mes pérégrinations, entre rendez-vous fixés et rencontres de hasard.
L'édition 2019, la quarante-neuvième, la quatrième où l'entrée est gratuite, a été illuminée par le déploiement du Flirt Flamand et de l'espace européen qui n'ont pas désempli. Elle marquait les 50 ans de la Foire, créée en 1969. On a dénombré 72.000 visiteurs dans les allées de Tour & Taxis, dont 5.000 scolaires, au cours des quatre jours (du jeudi 14 au dimanche 17 février), soit 5 % de plus que l'an dernier.



Tout juste sorti en français, un autre roman jeunesse illustré venu de Flandres où il était paru en 2014, plutôt pour ados, le très délicat et subtil "Le banc au milieu du monde" de Paul Verrept, finement illustré par Ingrid Godon (traduit du néerlandais par Emmanuèle Sandron, Alice Jeunesse, "Le chapelier fou", 88 pages). Il y est aussi question d'un banc. Comme dans "La jeune fille et le soldat" d'Aline Sax et Ann de Bode (lire ici). Mais ce banc n'accueille qu'une seule personne, le narrateur, perdu dans la vie, dit-il, depuis que ses parents sont morts.


Le banc. (c) Alice Jeunesse.

Ce roman illustré se distingue aussi par l'originalité de son rapport texte-images. Pour ces dernières, Ingrid Godon a choisi de montrer aussi ce que le texte ne dit pas, ce qu'il suggère. Par exemple, le narrateur enfant en compagnie de ses parents au début, ou des images plus colorées et plus abstraites que les autres scènes en crayons de couleur au centre, ou encore une longue séquence sans texte vers la fin pour montrer le temps qui passe. "Le banc au milieu du monde" est en effet le livre d'un deuil, d'une tristesse, d'un chemin de vie, d'une introspection qu'il faut un jour affronter. Quand on est prêt. Quand le narrateur est prêt. On le suit dans un texte à la première personne, dont les mots évoquent différentes situations se déroulant près du banc, ou des souvenirs, laissant les émotions qui en émanent toucher le lecteur. S'il le veut, s'il est prêt.

La première double page du roman.(c) Alice Jeunesse.

On découvre le narrateur perdant son père enfant, perdant sa mère adulte. Des deuils qui lui causent de terribles chagrins à tel point qu'il se cloître dans la maison familiale vide désormais. Pour toujours? Non, jusqu'à ce que son corps réclame à manger et à boire. Jusqu'à ce que ce besoin primaire le fasse sortir de chez lui. Croiser ce banc qui l'invite à s'asseoir pour ne pas rentrer tout de suite chez lui.

Une mise en page soignée. (c) Alice Jeunesse.

Le banc. Le parc. D'autres humains. Des adultes, des enfants. Du temps passé à observer le monde mais aussi à réfléchir. Au temps qui passe ou au temps qu'il reste à vivre. A sa place sur terre. A ses choix de vie. A son passé, à son présent, à son futur. Le narrateur nous confie les rencontres qu'il fait autour de son banc. Les conversations relatent d'autres vies, souvent d'autres tracas. Elles sont l'occasion de mots assemblés avec talent. La poésie du quotidien, sa fantaisie, ses imprévus. Un brin de philosophie. Ainsi, cette remarque: l'amour entre deux personnes se fatigue-t-il un jour?

Le narrateur voit la jolie fille. (c) Alice Jeun.
Petit à petit, celui qui écoute bien devient celui qui parle le premier aux autres occupants du banc. Qui ouvre davantage les yeux. Qui voit la jeune fille jolie. Qui rigole en imaginant une scène avec deux frères assis aux deux bouts du siège. Qui a le courage d'affronter les ombres qui le hantent. Le fils grandit. Change de statut. Dépasse celui de fils. Pour cela, Paul Verrept passe aux lettres que le narrateur, qui restera anonyme, adresse à Anne, qui était à l'école avec lui. Une bouteille à la mer. Mais comme on sait, ce type de message atteint parfois son destinataire. "Le banc au milieu du monde" est un magnifique roman sur le deuil, la vie et l'amour. Remarquablement mis en pages, il est véritablement porté par l'écriture toute en nuances de Paul Verrept et les illustrations splendides d'Ingrid Godon qui est devenue la co-auteure du livre par la qualité de ses dessins, vignettes ou pleines pages, parallèles à l'histoire ou autonomes. Un très grand roman pour ados.


Rappel

E1P2FDL 1 "La jeune fille et le soldat", Aline Sax et Ann de Bode (roman enfant, La joie de lire, ici)