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samedi 27 février 2021

Pleine Lune de Neige ce 27 février

"Jours de lune". (c) Les Grandes Personnes.

Aujourd'hui, 27 février, c'est pleine Lune, la deuxième de l'année, pleine Lune de Neige, dit-on. Il y aura douze pleines lunes en 2021, contrairement à l'année 2020 où on en a décompté treize. L'occasion de présenter cinq albums pour enfants de différentes tranches d'âge évoquant l'unique satellite naturel de la Terre. D'autres albums sur le même sujet ici, ici et ici.

Il y a déjà trente ans que Katsumi Kogamata, immense artiste japonais né en 1953, crée des livres pour enfants. Une trentaine à ce jour. Reconnaissables de loin par leurs jeux sur les formes et les couleurs, leur apparente simplicité fruit de longues recherches, leur élégance graphique, l'usage de papiers découpés. Ils ne peuvent cacher que leur créateur est designer de formation. Dans la ligne de Bruno Munari, Leo Lionni, Tana Hoban, Iela Mari... 

Publiés et diffusés longtemps par les Trois Ourses, association aujourd'hui éteinte, les livres de Katsumi Kogamata, multiprimé aux Bologna Ragazzi Awards, paraissent aujourd'hui aux éditions des Grandes Personnes qui fêtent leurs dix ans - mais on sait que Brigitte Morel qui les dirige illumine la littérature de jeunesse avec ses publications depuis bien plus longtemps. "Reverso" en 2013, une série de quatre puzzles réversibles pour jouer  avec les formes et les couleurs.

Et deux albums en janvier, annoncés en fin d'année dernière mais qui n'ont pas pu sortir comme prévu en raison du confinement, "Pacu Pacu" (Les Grandes Personnes, 32 pages avec découpes), la réédition d'un album publié par les Trois Ourses en 2000, magnifique avec ses découpes, qui raconte les apprentissages d'un petit poisson, une perche (dès 2 ans),

et "Jours de lune" (Les Grandes Personnes, 32 pages découpées), un format tout en hauteur, un livre d'artiste pour les petits. Pile dans notre sujet du jour puisqu'on y passe de la lune au soleil, de la nuit au jour, mais pas seulement car Katsumi Komagata a voulu utiliser ici des combinaisons de couleurs que les personnes qui ont un problème de perception visuelle peuvent avoir du mal à distinguer; un exercice de reconnaissance des couleurs achève d'ailleurs l'album.

"Jours de lune" est toutefois pleinement un album de Komagata dans le sens où les expressions universelles qu'il crée sont à partager avec tous. Sans texte, l'album s'ouvre sur la phrase "Tout comme la lune croît et décroît, de petits changements s'opèrent au cours de la vie. Un processus qui se répète au fil du temps..."

Apparemment énigmatique, l'album se laisse approcher sans peine par qui ouvre l'œil et est curieux car tout y est à deviner. La découpe de la page suit les phases de la lune, décroissante, absente puis croissante. L'auteur joue en deux temps avec cette découpe à géométrie variable car elle figure dans une page le soleil ou la lune dans le ciel et devient à la double page suivante un fruit accroché à une branche, qui diminue de taille car il nourrit différents animaux jusqu'à se transformer en finale en une cosse de petits pois. Oiseaux, girafe, castor, rhinocéros, bœuf, lion, éléphant et d'autres gourmands apparaissent en silhouettes colorées. Ces agapes sont précédées de scènes paysagères stylisées qui parcourent le monde, la ville, la montagne, la forêt, le désert, le pôle. Un détour par l'espace et on se retrouve à la lumière du monde, puis celle du monde marin avant de revenir à la sécurité d'un pré et à la douceur d'un poulailler.

Découpes, rayures et images. (c) Les Grandes Personnes.


Katsumi Kogamata invite les enfants à une promenade dans ces images très colorées aux fonds rayés, ces rayures pouvant devenir des quadrillages, des ondulations ou même des gammes chromatiques de losanges qui toutes séduisent et enchantent. Voilà une célébration haute en couleurs des cycles de la Lune. A noter encore la très belle impression du livre, réalisée au Japon. Pour tous, dès 2 ans.



Les lapins de la pleine lune
Camilla Pintonato
Seuil Jeunesse
48 pages, 2019
dès 3 ans

De très belles images sur les doubles pages en papier mat pour représenter la grande aventure à laquelle nous convient ces petits lapins. Les séduisantes scènes d'activités alternent avec des paysages proches de l'abstraction. Que font les personnages? On ne le sait pas tout de suite. Ils préparent quelque chose. Une surprise. Ils apparaissent vraiment très affairés. Ils impriment, ils coupent, ils plient. Ils transportent et distribuent leur invitation à fêter la pleine lune à tous les animaux de la forêt. Ces derniers viendront tous au rendez-vous et assisteront à une fête inoubliable, lumineuse et rudement bien orchestrée. Un album tendre, intelligent, prenant et remarquablement mené, tant dans le texte que dans les illustrations.


Deux styles graphiques au service d'une délicieuse histoire. (c) Seuil.



Soleils noirs
Antoine Guilloppé
L'élan vert
12 pages, 2020
dès 2 ans

Des découpes et du noir et blanc, deux options auxquelles a souvent recours Antoine Guilloppé qui les utilise ici ensemble dans un livre tout-carton, destiné aux plus jeunes; la découpe figurant seulement en couverture. "Soleils noirs" est un livre en boucle qui se promène aussi bien dans l'espace infini piqué d'étoiles que dans les galeries aux minuscules fourmis. S'il a accompagné l'exposition "Soleils noirs" qui s'est tenue au musée du Louvre-Lens durant l'été 2020, il peut très bien s'en lire indépendamment.


"Soleils noirs". (c) L'élan vert.



Quand le soleil se lève
Quand se lève la lune
Philip Giordano
Giovanna Zoboli
Seuil Jeunesse
24 pages, 2020
dès 1 an


Un charmant imagier très joliment illustré sur l'alternance jour/nuit. Philip Giordano a été sélectionné pour l'exposition des illustrateurs de la Foire de Bologne en 2016 et en 2020. Giovanna Zoboli est une auteur italienne appréciée et aussi la fondatrice des exigeantes éditions Toppitori. Dans la première moitié de l'album, on découvre ce qui se passe quand le Soleil se lève. La Lune disparaît, la fleur éclot, la mouche bourdonne, le coq chante, etc., jusqu'au petit garçon qui sourit. La seconde moitié du cartonné imagine se qui se passe quand la Lune se lève en reprenant judicieusement les mêmes personnages. Le Soleil se couche, la fleur se ferme, la mouche s'arrête, le coq se tait, etc., jusqu'au petit garçon qui rêve qu'astronaute il explore l'espace. C'est doux, c'est tendre, c'est juste, c'est très bien.


"Quand le Soleil se lève...", on retrouvera plus loin les mêmes personnages
"quand se lève la Lune". (c) Seuil Jeunesse.


Dans la même série:
  • "Sur le sol, sous le sol" (avril 2020)
  • "Dans le ciel, sous la mer" (juin 2020)
  • "En été, en hiver" (juin 2020)



Colombine, la violoniste spatiale
Carlos Videla
Ange Potier
traduit de l'espagnol par Anne-Sophie Vignolles
L'étagère du bas
48 pages, 2020
dès 6 ans


Pleine d'ardeur, la jeune violoniste Colombine passe ses journées à s'exercer. Ce qui lui vaut quelques remontrances de ses voisins. "Trop tôt", "trop fort", "trop répétitif"... Le plus énervé est M. Bombo, l'astronome: "Colombine! Si ça continue, je vais vous envoyer sur la Lune, ton violon et toi!" Mais si c'était ça la solution, se dit la jeune musicienne. Devenir la première violoniste spatiale! C'est-à-dire partir dans l'espace et jouer sur la Lune.

D'accord, déclare M. Bombo qui plonge immédiatement dans de savants calculs. Tout en dégustant quelques citronnades (sans sucre), la boisson préférée de Colombine. Le temps passe et le projet ne se concrétise pas jusqu'à ce que le savant ait une idée étrange mais efficace: attacher la jeune fille à la comète qui passe dans le ciel. Ce mode de déplacement inattendu porte ses fruits. Colombine joue du violon sur la Lune. Par contre, M. Bombo regrette sa présence musicale quand il sirote un jus de citron dans son hamac en pensant à elle.

Agréablement illustré de gouaches mates et inventives, l'album se termine par un happy end dans la ligne de ce qui a précédé. Plus que de réalité scientifique, il traite d'amitié, d'invention et de souci de l'autre.


Réflexions. (c) L'étagère du bas.

Action. (c) L'étagère du bas.

Méditation. (c) L'étagère du bas.








mercredi 10 février 2021

14/02 14.00: sieste poétique en musique

Isabelle Wéry entre Dance Divine et Maud Joiret à droite,
préparatifs de la sieste littéraire.

Artiste associée du Théâtre 140 pour y donner diverses formes de vie à diverses littératures (lire ici), l'autrice belge Isabelle Wéry a eu une nouvelle idée en ces temps de mesures sanitaires liées au coronavirus. En ces temps de fermeture des lieux culturels pour le dire autrement. L'idée d'une sieste littéraire qui serait diffusée en ligne! OK, la sieste littéraire avait déjà été pratiquée au théâtre de l'avenue Plasky (Schaerbeek) dans le cadre du Passa Porta Festival 2019. Mais celle-ci sera différente car numérique. Bien obligé, quand le "présentiel", cet horrible mot, n'est pas possible. Longue d'une heure et une chouquette, la sieste des poètes et poétesses en musique sera diffusée en ligne ce dimanche 14 février à 14 heures sur Bx1+ (co-présentation avec les Midis de la poésie, podcast disponible ensuite). Facile à retenir, le 14 à 14 heures par le 14(0).

Ce sera une heure et une chouquette de mots, de sons, de chants, de mélopées, de textes.
Une heure de poésie mise en notes, "Basta qui rime avec pasta".
Des textes qui éveillent tout de suite des images, qui s'écoutent, qui infusent, qui vous emportent au-delà de vous et vous ramènent à vous-même.
Des voix qui coulent dans l'oreille, y glissent des mots susurrés, ou pas, des mots de douceur, des mots de brutalité, des mots qui s'appellent les uns les autres, à la fois ping-pong littéraire et marabout-boutdeficelle.

Isabelle Wéry...

... et ses quatre complices de sieste littéraire,
Maud Vanhauwaert, Simon Johannin, Maud Joiret et Jean d'Amérique.


Une heure à passer en compagnie de cinq poètes et poétesses qui liront leurs textes, accompagnés par la magnifique musique de Dance Divine. On entendra ainsi Isabelle Wéry lire le poème "J'ai cent ans", Jean d'Amérique "Calcul" et "Nul chemin dans la peau que saignante étreinte", Maud Joiret des extraits de "Cobalt", Simon Johannin "Notes sur la ville", sans oublier la néerlandophone  Maud Vanhauwaert.
 
Performance pour ceux et celles qui lisent leurs poèmes, expérience individuelle pour ceux qui les écoutent, de chez eux ou d'où ils préfèrent. Hommage à la littérature en général, à la poésie en particulier. Nuage de mots et de sons pour entrer à pas comptés dans son imaginaire. 


 





mardi 9 février 2021

Une Foire du livre de Bruxelles new look



On le savait, la Foire du livre de Bruxelles 2021 n'aurait pas lieu à Tour & Taxis en février comme d'habitude - le retour dans ce beau cadre est prévu pour 2022. Ce mardi matin, Marie Noble, la nouvelle commissaire générale intronisée l'an dernier (lire ici), et Tanguy Roosen, le nouveau président de l'asbl, ont détaillé leurs plans pour cette édition repensée en raisons des mesures sanitaires actuelles. Une foire new look, selon le concept affirmé par Dior en 1947, plus sexy, plus littéraire, plus en prise sur son temps.

L'édition 2021 se déroulera en deux temps:
  • une semaine professionnelle du 22 au 27 février
  • un festival littéraire du 6 au 16 mai à Bruxelles et ailleurs, grâce au Syndicat des libraires francophones de Belgique, ouvert à tout le monde, jeune, vieux, lecteur ou non
Nouvelles personnes, nouvelles idées, nouveau logo, cela bouge du côté de la Foire du livre de Bruxelles.

Le festival littéraire accessible à tous, du 6 au 16 mai


La Foire du livre de Bruxelles 2021 change de forme, on l'a dit, et envahira la ville afin de proposer de plus petites jauges. La programmation est pensée pour se dérouler en vrai ou en ligne selon les scénarios sanitaires qui seront de mise en mai. De nombreux lieux accueilleront gratuitement ce festival inédit, résultat de la solidarité de tous les partenaires de la Foire du livre de Bruxelles. Parmi eux, Bozar, le Cabaret Mademoiselle, le Centre de la Bande Dessinée de Bruxelles, le cimetière de Laeken, le Cinéma des Galeries, l'Espace de la Ligue Braille, l'Espace Wallonie-Bruxelles, l'Hectolitre, l'Hôtel de Mérode, Kanal - Centre Pompidou, KBR, les Galeries Royales Saint-Hubert, la Maison Amnesty International, la Maison d'Erasme, la Maison de la Francité, la Maison du Livre de Saint-Gilles, le Musée de l'Armée, le Théâtre du Vaudeville, le Théâtre des Galeries, l'Université Libre de Bruxelles, le Centre de littérature de jeunesse de Bruxelles, la Bibliothèque Saint-Henri, le Vaux-Hall du Parc de Bruxelles, mais aussi tout le réseau des bibliothèques francophones, les librairies ou encore des cafés, des restaurants et...des coiffeurs!

Au programme, rencontres transdisciplinaires, insolites, autour de l'actualité, de la littérature de jeunesse ou encore de la bande dessinée. La programmation sera dévoilée début avril. En voici un avant-goût

L'invité d'honneur sera  le formidable écrivain italien Erri De Luca, dont le dernier roman en date, "Impossible" (traduit de l'italien par Danièle Valin, Gallimard, 2020, extrait en ligne ici) est une merveille. A noter que le romancier, journaliste, poète et traducteur entre cette année dans la collection Poésie/Gallimard avec le recueil "Aller simple" suivi de "L'hôte impertinent" (traduit de l'italien par Danièle Valin, édition bilingue, en librairie le 27 février), dans lequel il évoque l'épopée tragique des migrants. Car Erri De Luca est aussi très engagé dans la défense des droits humains, des droits de tous les humains  dont les migrants.


 












Le pays invité sera la Suisse, autre pays multiculturel! Une occasion unique de découvrir cette littérature extrêmement riche et foisonnante, aujourd'hui comme hier. La bande dessinée indépendante, particulièrement inventive selon Olivier Babel, secrétaire général de LivreSuisse. Mais aussi des auteurs dont on ignore souvent la nationalité, Frédéric Pajak, Joseph Incardona, Laurence Boissier, Thomas Flahaut, Raluca Antonescu, etc. sans oublier le secteur jeunesse, très créatif. A découvrir en mai lors d'une quinzaine suisse et aussi jusqu'en 2022.


Le Flirt Flamand entamé en 2019 se transforme cette année en… mariage!

En effet, Flanders Literature propose cette fois le Matchmaker, une sorte de Tinder pour lecteurs. L'idée est d'inviter les lecteurs flamands à mettre le nez dans la littérature francophone, et vice versa. A partir de vos goûts littéraires, le Matchmaker cherche votre âme sœur dans l'autre moitié du pays.
Un premier couple y a été créé, parfait, celui de Lize Spit, la femme fatale de la littérature flamande, et Thomas Gunzig, l'enfant terrible de Bruxelles (#THOMIZE). Pour se créer un profil et partir à l'aventure littéraire, c'est ici. Une vidéo pour en sourire ici.



Bien entendu, on retrouvera aussi Flirt Flamand lors des rencontres entre auteurs qui auront lieu en divers lieux bruxellois du 6 au 16 mai. S'ajoutera encore un programme numérique quotidien.


Enfin, on note la création de "Brussels, City of Stories" qui se déroulera durant cinq journées, les 21 mars, 25 avril, 13 mai, 5 juin et 11 juillet. A ces dates, les Bruxellois seront invités à raconter une histoire à haute voix, en public. Ils seront aidés bien entendu par un large réseau associatif, constitué de bibliothèques, de CPAS, de maisons de jeunes, de centres de cohésion sociale, ceci afin de toucher un public large et mixte. "Brussels, City of stories" est né de l'envie commune de sept acteurs culturels (Passa Porta, Muntpunt, BOZAR, la Foire du Livre de Bruxelles, le 140, la Ville des mots en N-O et Picture Festival) de s'engager ensemble de manière poétique et sociale sur le territoire de Bruxelles. 


La semaine professionnelle du 22 au 27 février


samedi 6 février 2021

Amina, Nasser, Halima, Amel et Assaâd

Amina est sauvée et réconfortée par Alexi et Héléni.
(c) Des pages et des notes.

Comment évoquer les réfugiés, toujours largement présents dans les actualités, avec les enfants? Des livres continuent à paraître, touchants et terriblement humains. En voici trois, deux albums et un récit. Les bénéfices des ventes de deux d'entre eux iront à des associations d'aide aux réfugiés.


L'odyssée d'Amina
Marie Wabbes
Des pages et des notes
32 pages, 10 euros
vendu au profit d'Amnesty International
et de l'ONG grecque The Smile of the Child, créée en 1996
infos et commandes ici ou 0477/999277
version numérique ici 
à partir de 4 ans


Parce que les Grecs font plus que leur part dans la crise des réfugiés qui laisse l'Europe plutôt indifférente, Marie Wabbes a voulu rendre hommage à ces hommes et ces femmes qui laissent parler leur cœur et accueillent ceux qui arrivent, souvent à bout et épuisés, sur leurs côtes. L'histoire d'Amina prolonge et approfondit l'album "L'enfant qui venait de la mer" (Grandir) qui avait paru en 2007. Il y a près de quinze ans! Et rien n'est résolu. Bien au contraire.

Sur doubles pages, les aquarelles toutes simples de l'auteure-illustratrice belge (plus de 200 livres à son actif, lire ici) disent un épisode de vie touchant. Joliment cadrées, réalistes, explicites, elles font avancer le récit, lui donnent de la profondeur, de l'humain. Le lendemain d'une tempête, un couple grec âgé découvre une forme sur le rivage en face de sa maison. C'est une petite fille, trempée, frigorifiée, légèrement blessée. Alexi la ramasse, la prend dans ses bras, la ramène. Héléni la baigne, la soigne, la réconforte. Le lendemain, Amina a un peu récupéré. Elle mange, sort au jardin, se souvient qu'elle est tombée d'un bateau.

Le dessin original de l'arrivée d'Amina à l'école.
(c) Des pages et des notes.

C'est à l'école qu'un miracle va se réaliser. Cette île grecque accueille de nombreux étrangers. Les enfants qui parlent arabe font raconter son histoire à Amina. Et le lien se fait avec le couple arrivé pendant la tempête et pleurant sa disparition de la petite fille. Une grande fête réunit tous les protagonistes de cette belle histoire de retrouvailles inespérées. Mais "L'odyssée d'Amina" s'achève sur une série de questions: que deviendront ces réfugiés? seront-ils accueillis en Europe? renvoyés dans leur pays en guerre? et Amina? pourra-t-elle retourner à l'école? Des questions jusqu'à présent sans réponse.

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L'exposition des réfugiés à la Biennale des Illustrateurs de Moulins en 2019.


Mon nom est Nasser
Nicole Maymat
La petite tortue
58 pages, 12 euros
vendu au profit du Réseau Education sans frontières (RESF) de l'Allier
infos et commandes ici
à partir de 8 ans


A la Biennale des Illustrateurs qui s'est tenue à Moulins en 2019 (lire ici) a été montée une exposition d'un genre particulier, celle des dessins et des poèmes de réfugiés qui avaient abouti là, dans l'Allier. A la manœuvre, Colette Jeandot-Mourlon, une des "Malcoiffées" qui organisent la magnifique biennale. Elle avait rencontré Nasser, un jeune Syrien en chaise roulante, à l'hôpital de Moulins où elle séjournait. Entre les deux, le courant est passé. Mais le courant passait toujours avec Colette. Passait, car Colette a perdu son combat contre la maladie fin mars 2020. Elle avait néanmoins pu monter cette incroyable exposition, les "Ecrimages", où des réfugiés se racontaient à travers dessins et textes, tous ceux-ci faisant l'objet de petits livres grâce à la complicité des Imprimeries réunies. "L'humaine et douce aventure des Ecrimages", en disait Colette.
Un travail magnifique, terriblement émouvant, qui perdure grâce au livre que Nicole Maymat, autre "Malcoiffée", consacre à Nasser, le "petit ange" de Colette Jeandot-Mourlon. "Mon nom est Nasser" consigne l'itinéraire d'un jeune Syrien, touché à seize ans d'une balle dans la colonne vertébrale et arrivé en Europe, porté par son frère. Un récit mais un récit littéraire qui ouvre les yeux sur un de ces destins qui aurait pu rester enfoui car les réfugiés n'aiment pas raconter leurs malheurs. Il nous faut toutefois savoir ce qui se passe dans notre monde, parfois à notre porte.

Sous la douce plume de Nicole Maymat, Nasser nous confie son itinéraire par bribes. Comme reviennent les souvenirs, l'un amenant l'autre. On découvre la vie du gamin en Syrie, avant le drame, sa famille, sa passion pour les chevaux, et puis la guerre, les opérations, le long séjour en Jordanie, l'arrivée en France, les rencontres à l'hôpital, l'atelier artistique.. Celui où lui et d'autres réfugiés ont été  invités à s'exprimer, à créer, et à penser à l'avenir. Un avenir qui semble se concrétiser pour Nasser et plusieurs de ses compagnons qu'on rencontre au fil des pages. Récit bouleversant que "Mon nom est Nasser" qui rend aussi superbement hommage à la formidablement belle personne qu'était Colette Jeandot-Mourlon.




La partie de l'exposition consacrée à Nasser.


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Le petit monsieur au marché. (c) Glénat Jeunesse.


Le petit monsieur
Orianne Lallemand
Anne-Isabelle Le Touzé
Glénat Jeunesse
32 pages
feuilletage en ligne ici
à partir de 4 ans


Le petit monsieur pourrait être n'importe qui. Il vit dans une grande et belle maison près de la mer. Une existence pépère, bien rangée entre train électrique, promenades sur la plage et repas face au coucher de soleil. Même un peu trop rangée à son goût. Le jour où le maire organise une réunion à propos des réfugiés qui viennent d'arriver, le petit Monsieur s'y rend. Son bon cœur est plus grand que ses craintes. Il propose d'accueillir une famille chez lui. Halima, Amel et leur petit Assaâd s'installent dans une chambre de la grande et belle maison. Aussitôt, les doutes et les angoisses reprennent le petit Monsieur: et si..? et si..? et si..?

L'hôte a toutefois l'intelligence de comprendre que sa peur est sans doute moindre que celle de ceux qu'il héberge. Petit à petit, ils s'apprivoisent, apprennent à se connaître. A s'aider et à s'apprécier. Même à partager leurs plats préférés et à apprendre la langue de l'autre. L'horizon du petit monsieur s'est élargi, son cœur aussi. Une amitié réciproque est née.

Réunion à la mairie. (c) Glénat Jeunesse.


L'album est sympathique par le message d'ouverture et d'entraide qu'il véhicule, sans masquer pour autant les craintes et les aprioris du petit monsieur. Le choix de ne représenter que le héros sous des traits humains, tous les autres personnages, locaux comme réfugiés, étant représentés comme des animaux, des oiseaux pour les réfugiés, plein d'autres espèces, vache, lion, panda, poule, girafe, cheval, cochon, poule etc. pour les autres habitants du coin, m'a interpellée. 

Réponse de l'éditrice et des deux autrices: 
"Pour les albums "La petite dame" [NDLR: titre précédent sur la vieillesse et la solitude] comme pour "Le petit monsieur", nous avons choisi avec Orianne et Anne-Isabelle de représenter le personnage principal seul comme humain car c'est un sujet sociétal (autre que la solitude et la vieillesse pour celui-ci puisqu'il s'agit des migrants, d'entraide et de la peur de l'autre) et que nous souhaitions mettre l'accent sur deux choses:  sur le personnage principal avec ses interrogations personnelles au milieu de la société (représenté par l'humain, donc) et présenter tous les autres comme "les autres", donc des animaux (que ce soient les gens du village, du marché ou les migrants). Les animaux nous permettent aussi d'adoucir un peu l’image, et de toucher un lectorat plus jeune. Et nous ne souhaitions pas catégoriser les migrants par une illustration – si on avait choisi de les représenter en tant qu'humains - qui aurait arrêté leur couleur de peau, leurs vêtements, et aurait réduit les migrants de notre histoire à ceux provenant d'un pays en particulier. Nous avons donc décidé de représenter la famille de migrants de notre histoire par des oiseaux en faisant un clin d'œil aux oiseaux migrateurs. J'ajoute pour la petite histoire que leurs vêtements s’égaient au fur et à mesure de leur intégration."

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D'autres titres en littérature de jeunesse sur les réfugiés ici.





mercredi 3 février 2021

Clara de 2006 à 2018

Gaëlle Josse. (c) Louise Oligny.

A 35 ans, Clara a tout pour elle. Un boulot bien rémunéré dans une société de crédit, qui lui plaît et où elle est appréciée pour ses compétences et sa personnalité. Un amoureux attentif. Des amis et des amies, parfois de longue  date. Des parents avec lesquels elle s'entend, un frère qui se soucie d'elle. Un appartement où elle se sent bien. Des activités sociales, d'autres culturelles, du sport.  A 35 ans, Clara croque la vie à pleines dents. Et pourtant, "Ce matin-là", titre du nouveau roman de Gaëlle Josse, d'une douceur lumineuse, ce matin d'octobre, Clara craque. Bêtement. A cause de sa voiture qui ne veut pas démarrer.

Ce qui devrait n'être qu'un incident minime va se transformer en tsunami et emporter Clara dans un profond burn-out. La jeune femme ne veut plus, ne peut plus. Elle glisse. Elle tombe. La romancière chemine à ses côtés avec précaution, sans jamais la juger, en consignant en petites phrases courtes cette descente en solo. Personne ne peut aider Clara en ces instants, ni Thomas, l'amoureux, ni les amis, ni la famille, ni les collègues.

Un entourage plein de bonnes intentions mais qui ne comprend pas ce qui se passe chez Clara. Le comprend-elle elle-même? Insomnies, pertes de repères, interrogations sans réponse. Quel est ce profond malaise qui tout d'un coup a renversé Clara? A-t-elle un secret enfoui?
"Il [Thomas] tente, puis il se lasse. Il découvre un continent inconnu, des recoins, des angles morts, des grottes, des effondrements, et il ne veut pas entrer là."
Gaëlle Josse montre avec précision ce qu'est un burn-out. Cette espèce de ouate asphyxiante  qui vous tombe dessus, vous étouffe, vous mange jusqu'à ce que, un jour, les forces s'inversent et que vous repreniez le contrôle de votre existence.
"C'est un maillage invisible d'ondes et de réseaux qui l'enserre chaque jour un peu plus, comme cette torture qui consiste à ligoter la victime d'une manière telle qu'à chaque effort pour se libérer, elle resserre un peu les liens, jusqu'à l'étranglement final."
Ce que Clara fera, quand elle en sera capable, quand elle se souviendra de ce qui s'est passé douze ans plus tôt, ce qu'elle a mis de côté parce qu'elle pensait que c'était ce qu'elle devait faire alors. Ce que Clara fera quand, grâce à son amie Cécile, elle reprendra pied dans sa vie, se relèvera et pourra envisager son avenir.
"Retrouver sa vie. Oui, mais pas celle-ci, une autre, une neuve, régénérée, une nouvelle, une qui sortirait d'une chrysalide, dans une mue éclatante."
Avec une douceur lumineuse, la romancière consigne cette existence qui s'effrite et dont les pièces vont ensuite se réassembler autrement. Aucun pathos mais une bienveillance qui autorise la chute, la reconnaît et accompagne le tournant pris. En cinq mouvements et un avant-propos, elle accompagne Clara. "Ce matin-là" est celui où la petite goutte d'eau qui glissait peu à peu dans la fissure de la pierre a fait éclater celle-ci. Roman sensible, le huitième, en phrases courtes, précises et justes, qui sonnent agréablement à l'oreille, qu'on lit et quitte, remué par ce destin qui pourrait être celui de chacun. Gaëlle Josse est arrivée au roman par la poésie, et ceci explique peut-être le choix merveilleux de ses mots.





lundi 1 février 2021

La rage de vivre de Vicky

Pilar Pujadas.

Une escapade mensuelle, le premier vendredi du mois, pendant une dizaine d'années. Destination, la maison de Vicky, en dehors de Bruxelles, où la vieille dame, figure du milieu culturel, accueille ses deux jeunes amies, Anita et la narratrice. Le rituel s'est arrêté sur une dispute six mois plus tôt. Le rituel ne reprendra pas car Vicky, 88 ans, est morte sans que le trio se revoie. Le temps d'un dernier voyage vers la maison vide de Vicky, les deux amies s'interrogent. Sur leur voyage? Pour souffrir, par remords? Sur leur non-réconciliation avec la disparue, dont elles connaissaient les côtés fantasques? Sur place, les souvenirs se bousculent autant que d'autres questions.

Qui était la défunte finalement? A quoi tenait leur amitié? Pourquoi son attitude vis-à-vis d'elles, chaleureuse ou maltraitante? On devine les failles qui  seront révélées durant la demi-heure de chemin de retour. Avec brio et un superbe sens de la narration, Pilar Pujadas déroule avec tact cette nouvelle dont les émotions font des montagnes russes. La soirée dans la maison de Vicky sera l'occasion de dessillements et de confidences, qu'annoncent le titre "Des larmes pour Vicky" (Lamiroy, Opuscule #170).


Depuis le 1er septembre 2017, la collection Opuscule des Editions Lamiroy publie chaque vendredi en petit format (10 x 14 cm) une nouvelle de 5.000 mots Ouverte à des auteurs débutants comme confirmés, elle présente une très plaisante diversité et offre de vrais petits bonheurs de lecture, courts moments littéraires à glisser dans son emploi du temps. Informations ici.