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mardi 30 janvier 2018

"Orpheline de deux mères vivantes"

Donatella Di Pietrantonio.

Il faut quelques pages pour comprendre ce que veut dire le titre de ce magnifique roman venu d'Italie, né sous la plume de Donatella  Di Pietrantonio, "La Revenue" (traduit de l’italien par Nathalie Bauer, Seuil, 237 pages). Et pourtant le mot est parfait. Il s'applique à la narratrice de ce livre bouleversant, une jeune fille de treize ans qui apprend le jour où elle est rendue à sa famille biologique qu'elle avait été adoptée peu après sa naissance! Pour sa vraie mère, elle est la "Revenue".

Le roman a reçu l'important Prix SuperCampiello 2017 en Italie. Il est le troisième roman de l'écrivaine, née en 1963 dans un petit village des Abruzzes, également dentiste pour enfants, mais le premier publié en français. Quelle chance pour nous que cette traduction.

"La Revenue" nous plonge immédiatement au cœur de son sujet. Le roman se déroule dans l'Italie du milieu des années 1970.
En voici le premier chapitre.
"A treize ans, je ne connaissais plus mon autre mère.
Je grimpais non sans mal l'escalier de chez elle avec une valise encombrante et un sac bourré de chaussures. Sur le palier m'ont accueillie une odeur de friture récente et une attente. La porte refusait de s'ouvrir. A l'intérieur, quelqu'un la secouait sans rien dire et s'affairait autour de la serrure. J'ai regardé une araignée se démener dans le vide, pendue à l'extrémité de son fil.
Après le déclic métallique, une gamine dont les nattes lâches dataient de plusieurs jours est apparue. C'était ma sœur, je ne l'avais jamais vue. Elle a écarté le battant pour me permettre d'entrer, ses yeux perçants pointés sur moi. Nous nous ressemblions à l'époque, plus qu'à l'âge adulte."

Quelques lignes, et tout est en place. On va suivre cette enfant de la ville, fille unique d'une famille aisée et moderne, choyée, protégée, obligée de plonger dans sa famille de sang, nombreuse, une sœur et quatre frères de tous les âges, pauvre, vivant à la campagne, brutale souvent, parlant un dialecte qu'elle ne comprend pas, dont la débrouille est le maître mot. Une situation inouïe, inimaginable quelques semaines auparavant, inédite pour l'enfant chouchoutée.

Mille questions se posent à elle, pourquoi a-t-elle été adoptée, pourquoi ne l'a-t-elle pas su, pourquoi a-t-elle été rendue, pourquoi sa première mère est-elle malade, pourquoi son premier père ne lui a-t-il rien dit, qu'est devenue son amie d'école Lidia, pourquoi ne peut-elle pas rendre visite ou téléphoner à ses premiers parents, pourquoi ses vrais parents ne sont-ils pas plus aimables avec elle, pourquoi la vie de pauvre est-elle si différente... Un tourbillon, une tornade dont on elle ne sait comment s'en sortir, on la comprend.

Après avoir perdu brutalement sa première vie, la narratrice va devoir s'en construire seule une seconde. Elle a toutefois la chance de pouvoir compter sur sa petite sœur Adriana, plus jeune mais tellement plus mûre qu'elle, qui l'aide et la soutient au quotidien malgré toutes leurs différences, et aussi sur son grand frère Vincenzo. Pas étonnant que la "Revenue" s'estime "orpheline de deux mères vivantes" et qu'elle ne sache plus qui elle est ni où elle en est.

Donatella Di Pietrantonio maîtrise admirablement son récit. Elle ne se contente pas de dire délicatement la détresse de son héroïne, de brosser un tableau de ces deux familles, elle glisse aussi en filigrane une très belle représentation de l'amour maternel qui peut être fort et soutenant au-delà des apparences, la "Revenue" en fera l'expérience.

Magnifique portrait d'adolescente, à la fois intime et universel, ce roman d'apprentissage entraîne son lecteur à sa suite, dans une Italie pleine de soleil et de joie de vivre, le bouleverse et le marque profondément. Voilà un texte rare et précieux qui sonde les sentiments et les émotions, ne juge pas, révèle la part sombre et la part lumineuse de chacun, quitte à ce qu'elles ne soient pas là où on les imagine. La "Revenue" ne dit-elle pas à un moment "Le faux se révélait plus plausible que la réalité"? Une lecture incontournable en ce début d'année.

Pour lire le début de "La Revenue", c'est ici.



lundi 29 janvier 2018

Décès de l'éditeur et auteur Jean-Claude Lattès

Jean-Claude Lattès.

On a appris par un tweet de Bernard Pivot ce dimanche le décès de l'éditeur Jean-Claude Lattès, survenu  à Paris le samedi 27 janvier, à l'âge de 76 ans. Il était né le 3 septembre 1941 à Nice. Avant de devenir éditeur, il avait exercé d'autres métiers, journaliste ("Combat", "Candide", "L'Express", "Les Nouvelles littéraires", "L'Observateur"), attaché de presse (Pierre Belfond, Robert Laffont).

Si Jean-Claude Lattès avait quitté le milieu de l'édition en 1991, à l'âge de 50 ans, pour sérieuses divergences avec Hachette qui avait repris sa maison en 1981, son nom y restait fortement attaché. D'abord parce qu'une maison porte toujours son nom. Ensuite parce qu'il a publié des auteurs qui ont marqué la littérature. Des prix Nobel et des écrivains de talent. Des best-sellers aussi. Il était fier des uns comme des autres, tout en étant lui-même un fin lettré.

 En 1968, Lattès crée Édition Spéciale avec Jacques Lanzmann chez Robert Laffont. Leur premier titre, "Ce n'est qu’un début", de Philippe Labro, sur les événements du mois de mai 1968, est un best-seller. En 1972, il se lance en solo avec les Editions Jean-Claude Lattès. Les "Tarzan" d'Edgar Rice Burroughs sauvent le lancement. Puis viennent les succès, "Un sac de billes" de Joseph Joffo, les livres de Patrick Cauvin, "Louisiane" de Maurice Denuzière, "Le nabab" d'Irène Frain, "Léon l'Africain" d'Amin Maalouf, "Le vent du soir" et d'autres de Jean d'Ormesson, Françoise Xénakis, Jacques Lanzmann, Naguib Mahfouz...

Les Editions JC Lattès sont toujours aujourd'hui un fleuron du groupe Hachette. Elles publient des auteurs français dont certains connaissent de grands succès comme Delphine de Vigan ou Grégoire Delacourt, et bon nombre de best-sellers internationaux comme les "Da Vinci Code", de Dan Brown, les différents tomes de "Cinquante nuances de Grey", d'E.L. James. Mais aussi des documents, des essais.


Depuis sa retraite en Provence, l'ex-éditeur écrivait des romans historiques, en duo ou en solo.

J'avais eu le plaisir de rencontrer Jean-Claude Lattès à Bruxelles il y a cinq ans, à la sortie de son dernier roman, "Le dernier roi des Juifs" (NiL, 2012), une passionnante biographie de Marcus Julius Agrippa. Le passionné d'Antiquité entend y rendre justice à un "oublié de l'Histoire" selon ses mots, Agrippa, le dernier roi des Juifs. Si le petit-fils d'Hérode vécut il y a deux mille ans, à lire Jean-Claude Lattès, on pourrait le croire notre contemporain.

Drôle d'idée que ce sujet, pourrait-on penser. Il suffit pourtant de se lancer dans les premières pages pour ne plus lâcher ce récit passionnant, documenté, superbement écrit et qui nous renvoie inlassablement à notre actualité. Rien n'aurait donc changé? Diplomatie, conquêtes, complots, assassinats, prises de pouvoir, mariages arrangés se succèdent à bon rythme en même temps que Rome, Alexandrie et Jérusalem résonnent des bruits des fêtes et des sons du quotidien. Pour se rendre de l'une à l’autre cité, on prend le bateau. Trois semaines de navigation et on est à bon port. Un roman qui fait le lien entre le passé et le présent.

Six questions à Jean-Claude Lattès
Il est frappant de constater la proximité entre ce que vous racontez, qui s'est déroulé dans l'Antiquité, et notre monde.
Les hommes sont éternels. Ce qui change, ce sont les échelles de valeurs. Ce qui était important à une époque ne l'est plus après. Cela vaut autant pour l'amour que pour la haine. C'est l'enseignement qu'on peut avoir de l'Histoire: se rappeler qu'on est des hommes et des femmes.
Comment se fait-il qu'on ait "oublié" ce roi?
On a oublié les hommes de l'Histoire, on a gardé seulement un certain nombre de faits. Certains ne retiennent que Jésus, les Juifs ne retiennent que la chute du Temple. On oublie ce qui s'est passé à côté et dans le reste du monde. On a négligé pour des raisons idéologiques ce roi à la jeunesse dissipée, sans aucun sens moral. On a gardé le courage des Juifs qui se sont révoltés contre Rome. Mais on peut être révolté et idiot. Les Romains n'étaient pas des nazis, ils respectaient les croyances des autres, mais ils se croyaient supérieurs. L'alliance avec Rome était aussi indispensable. Avec dix-neuf siècles de recul, on dit qu'Agrippa est un collabo. Le christianisme a effacé le judaïsme. À cette période, les Juifs d'Alexandrie veulent avoir la culture grecque.
Juifs et Romains ont donc cohabité.
Les Juifs ont eu de nombreux bénéfices grâce aux Romains, la paix, la sécurité, l'infrastructure, mais ces derniers pillaient leurs richesses. Sa double appartenance a nui à Agrippa mais il est parvenu à emmener beaucoup de gens derrière lui. Il avait du charisme et a su en faire bénéficier son peuple.
D'où vous vient votre passion pour l'Antiquité?
Elle m'a toujours habité surtout depuis que j'ai quitté le métier de l'édition. C'est aussi l'héritage des philosophes grecs et de la Bible que j'ai étudiés. Les rapports entre l'Orient et l'Occident, la raison et le mystique, m'ont toujours passionné. On est les enfants de cela, ici en Europe. L'intelligence du côté grec est d'’une clarté absolue. Ils ont inventé le mot "pathos".
C'était une époque terrible.
Oui, mais on peut faire le parallèle avec l'époque stalinienne et d'autres dictateurs. Toute tête qui dépasse doit être coupée. Fidel Castro a nettoyé tout son entourage. Dès le moment où l'homme devient un tyran, détient le pouvoir absolu, cela devient inéluctable. Les philosophes ont cru qu'ils allaient éclairer les tyrans. Ils n'y sont pas arrivés.
Il est beaucoup question de religion dans votre livre aussi.
Quand il s'agit de religion, rien n'a changé. Des hommes répandent la terreur. Ils ne voient pas où est l'enjeu. L'extrémisme religieux, la folie religieuse fonctionnent toujours. Un individu peut réussir par son charisme, son intelligence, sa prudence. Agrippa a été un roi caméléon mais il a réussi. Il a eu l'intelligence d'apporter la paix, d'être Juif avec les Juifs, Grec avec les Grecs.


vendredi 26 janvier 2018

Aller voir au bout du bout (du bout)

Une partie des "étirements" du "Bout du bout". (c) Møtus.

A la question vertigineuse de l'extrémité et de ce qui la suit, condensable simplement en "qu'y a-t-il au bout du bout?", les complices de longue date que sont François David (aux textes) et Henri Galeron (aux illustrations) répondent par un petit livre fort réussi.

Tant au plan de l'histoire illustrée qui ouvre de belles possibilités à l'imagination qu'à celui, époustouflant, du niveau technique. Si "Le bout du bout (du bout)" (Møtus) se présente incognito comme un petit format à l'italienne, il se révèle un joyeux pied-de-nez aux techniques informatiques partout vantées. En effet, la couverture bien regardée, il faut poser ses doigts dans les encoches à droite et tirer un peu. Dingue, l'image originale se complète d'un volet et d'un texte. Après avoir apprécié la surprise, il faut poser les doigts dans les nouvelles encoches et à nouveau tirer. L'image se complète encore, accompagnée d'autres mots. Le récit se construit ainsi, par "étirements" successifs, selon l'idée des poupées russes emboîtées. Il ne s'agit donc pas d'un leporello ou livre-accordéon.


Les languettes se tirent tout en restant emboîtées. (c) Møtus

Le raffinement  d'Henri Galeron. (c) Møtus.
On ira de surprise en surprise jusqu'à ce que tous les morceaux étirés, mais solidaires les uns des autres grâce à un astucieux système d'emboîtements, dépassent le mètre courant (110 cm). Ils ont déployé une histoire qui explore le plaisir de la découverte à travers un texte qui inventorie  toutes les facettes de l'acte de tirer alors que les dessins nous offrent un condensé de l'univers d'Henri Galeron, mains, chaussures cirées, pantalons rayés, chapeaux, tête et pattes de coq, escargot, oreilles humaines, etc. Toujours avec cette extraordinaire précision graphique jubilatoire.

Enchantement supplémentaire, quand on est au bout du "Bout du bout", il suffit de le retourner pour entamer la lecture, selon le même procédé, du "Bout du bout du bout". Autres couleurs, autre sujet, celui de la langue bien pendue, autres personnages dont un chat évidemment, mais un plaisir identique devant ces nouvelles découvertes emboîtées.

"Le bout du bout", doublé du "Bout du bout du bout", est un sensationnel livre-objet tout papier qui en étonnera plus d'un autant qu'il le ravira.

Deux histoires dans ce livre, une au recto, l'autre au verso. (c) Editions Møtus.

A voir en vidéo ici.



"La poupée russe" (c) Møtus.
Les anciens et/ou les passionnés se souviendront peut-être d'une autre création sous forme de poupée-gigogne des Editions Møtus, "La poupée russe" (texte de François David, illustrations de Bernard Vernochet), datant de 1994 et aujourd'hui épuisée. Une première boîte abritait le début d'un poème qui se lisait de boîte en boîte jusqu'à la sixième. Et dans la plus petite, on trouvait trente fiches numérotées permettant de lire un nouveau poème, "La Poupée Pas Russe", et un petit rouleau permettant d'écrire "Poupée Russe" en russe.




Chuuuuuuut, c'est la "semaine du son"!

Ecouter les sons.

La "Semaine du son" est un festival sonore qui se tient du lundi 29 janvier au dimanche 4 février. Bilingue et gratuite, elle s'inscrit à Bruxelles dans un mouvement international créé en 2011 et se soucie de faire découvrir au public le son dans tous les aspects et à sensibiliser la société à l'importance de la qualité de l'environnement sonore.

John Cage (c) Chr. Felver.
Pour la première fois, une journée entière, celle du dimanche, sera consacrée à un compositeur, l'Américain John Cage (1912-1992). Stephane Ginsburgh, pianiste et coordinateur artistique de la journée dit de lui: "John Cage est bien plus que le célébrissime compositeur de 4'33 - de silence. Il n'était pas non plus tout à fait à l'image de son sourire pacifique, un doux rêveur, mycologue et philosophe, mais plutôt comme le dit Michael Finnissy, un loup en costume d'agneau. C'est le compositeur que nous vous invitons à découvrir sous ses nombreuses facettes."

La "Semaine du Son" de Bruxelles organise une belle série d'événements liés au son en de nombreux lieux bruxellois. De la balade sonore avec Radio Syria à un rallye sonore sans oublier les ateliers et les expositions.

Plusieurs activités sont destinées aux enfants. Par exemple, le vendredi 2 février, exposition à la Monnaie des travaux de l'école de musique anversoise Ma'Go qui apprend aux enfants aveugles et malvoyants à faire de la musique grâce au braille.  Ou, le samedi 3 février, au Château de Karreveld, l'atelier ludique des Jeunesses musicales de Bruxelles pour se rendre compte du son, des vibrations et du silence (à partir de 5 ans). Ou encore, le dimanche 4 février, les deux ateliers pour enfants de 7 à 12 ans organisés à Flagey dans le cadre de la journée spéciale John Cage.

Pour découvrir le programme complet, c'est ici.




jeudi 25 janvier 2018

Asli Erdoğan présidente d'honneur de la FLB



Dans moins d'un mois, du jeudi 22 au dimanche 25 février, se tiendra  la 48e Foire du livre de Bruxelles. A l'habituel emplacement de Tour & Taxis, mais sans la journée du lundi. Si on joue sur les mots, elle se terminera même dans un mois pile.

Une dynamique conférence de presse en a présenté les grandes lignes ce jeudi. Aux manettes, Hervé Gérard, président du CA, et Gregory Laurent, désormais Commissaire général et non plus Coordinateur général comme lors des deux éditions précédentes.

Thème
Sur la route
Que ce soient les écrivains voyageurs, les sportifs, les aventuriers ou ceux qui se préoccupent des migrants et des réfugiés

Présidente d'honneur
Asli Erdoğan (lire ici), qui sera présente les quatre jours de la manifestation.
La traduction française du premier roman de l'écrivaine turque, " L'Homme coquillage" ("Kabuk Adam", traduit du turc par Julien Lapeyre de Cabanes, Actes Sud, 208 pages, en librairie le 14 mars), publié en 1994 alors qu'elle était encore au Brésil, sera disponible à la Foire.

Pays à l'honneur
Afrique-Caraïbes-Pacifique
Avec l'aide de CEC (Coopération éducation culture) et de l'ACA (Agence culturelle africaine).
Et aussi l'Europe centrale.

Les invités dénommés d'exception par la Foire
Afrique, Caraïbes, Pacifique: le Guinéen Tierno Monénembo (publié au Seuil), prix Renaudot 2008
Polar: Caryl Ferey (publié chez Gallimard)
Bande dessinée: Enki Bilal (publié chez Casterman)
Belgique: Amélie Nothomb (publiée chez Albin Michel)
Essai: David Van Reybrouck (publié chez Actes Sud)
Young adult, mais je dirais plutôt ados: Lucie Pierrat-Pajot (lauréate du concours du premier roman jeunesse avec "Les mystères de Larispem",  publiée chez Gallimard Jeunesse)
Jeunesse: Catherine Girard-Audet (publiée chez Kennes)
Scolaire: Frank Andriat (divers éditeurs)

Jeunesse
Avec la présence de l'auteur-illustrateur français Gilles Bachelet (publié au Seuil Jeunesse, lire ici) notamment.
Avec l'aide de Farniente et du CLJBxl.
Rencontres scolaires et animations familiales.

Bande dessinée
Le Palais des Imaginaires mélangera à nouveau sons, lumières et images.

Sans oublier
la nocturne polar, la Grande Guerre, la traduction littéraire, le numérique, la Comix factory...

En vrac
Sont annoncés Alexis Jenni,  Miguel Bonnefoy, Wilfried N'Sondé, Viktor Lazlo, Florent Couaco-Zotti, Joseph Nsdwaniye, Kossi Efoui, Rodney Saint-Eloi, Véronique Tadjo, Patrick Roegiers, Hubert Reeves, Katherine Pancol, Jean Teulé, Grégoire Delacourt, Pierre Ducrozet, Diane Ducret, Annie Duperey, Lionel Duroy, les frères Bogdanov, les belges Thomas Gunzig, Geneviève Damas, Vincent Engel, Nadine Monfils...
Ainsi que des lauréats de prix: Eric Vuillard (Goncourt 2017), Olivier Guez (Renaudot 2017), Jean-Luc Coatalem (Femina essai 2017), Laurent Demoulin (Rossel 2017), Yamen Manai (Cinq continents 2017).
A compléter et vérifier sur le site de la Foire.

Sept expositions
- "Sur la route, une exposition qui vous fera voyager" Voyage à travers la littérature de jeunesse, par les Ateliers du Texte et de l'Image.
- "Je suis humain, sur la route - Amnesty International" Reportage photo du collectif Huma (Johanna de Teyssières, Olivier Papegnies, Frédéric Pauwels et Virginie Nguyen).
- "Les plus belles photos du concours PEFC 2017" Photos sur la forêt.
- "Mondes Imag'Inaires - Bragelonne" Les mondes fantastiques du Steampunn et de Cthulhu.
- "Le petit monde de Pastel" Reproductions emblématiques des 30 ans de la maison d'édition jeunesse.
- "Verdun" La construction d'une bande dessinée basée sur des faits réels.
- "Voyage en Russie" Les photos du comédien et et réalisateur Vincent Perez et les textes d'Olivier Rolin sont rassemblées dans un beau livre paru aux éditions Delpire.

En apéritif
Une chasse aux livres (mille volumes) aura lieu en huit quartiers de Bruxelles du 18 au 25 février (successivement quartier royal, Saint-Gilles, quartier Flagey, Grand-Place, Cinquantenaire, Sainte-Catherine, Marolles, Tour & Taxis).
Possibilité de se faire aider en téléchargeant l'application Neareo
Android: https://play.google.com/store/apps/details?id=com.neareo.app&hl=fr 
iPhone: https://itunes.apple.com/be/app/neareo/id1090719851

En pratique
Tour & Taxis – Avenue du Port, 86C – 1000 Bruxelles
Du jeudi 22 février au dimanche 25 février
Tous les jours de 10 à 19 heures, nocturne le vendredi 23 février jusqu'à 22 heures.
Entrée gratuite mais inscription recommandée sur www.flb.be.
Parking payant, mais navettes gratuites pendant les quatre jours depuis le centre-ville.


mercredi 24 janvier 2018

Les dix finalistes du prix Prem1ère 2018


Qui sera le lauréat du prix Prem1ère 2018 (RTBF), prix récompensant chaque année un premier roman écrit en langue française (lire ici)? Verdict le 22 février.
Les titres finalistes ont été choisis par un comité de professionnels du livre (Deborah Danblon, libraire et chroniqueuse littéraire, Régis Delcourt, libraire, Kerenn Elkaïm, journaliste, Emmanuelle Jowa, journaliste,  Christine Pinchart, journaliste et Laurent Dehossay, journaliste) avant d'être soumis à un jury de dix auditeurs de la Première.

Les dix finalistes
  • "Ces rêves qu'on piétine", Sébastien Spitzer (L'Observatoire)
  • "Le Presbytère", Ariane Monnier (JC Lattès)
  • "Surface de réparation", Olivier El Khoury  (Noir sur Blanc, collection Notabilia)
  • "Un élément perturbateur", Olivier Chantraine (Gallimard)
  • "Ma reine", Jean-Baptiste Andréa (L'Iconoclaste)
  • "Grand frère", Mahir Guven (Philippe Rey)
  • "Bouche creusée", Valérie Cibot (Inculte)
  • "Il ne portait pas de chandail", Annick Walachniewicz (L'Arbre à paroles)
  • "Aux noces de nos petites vertus", Adrien Gygax (Cherche-Midi)
  • "Belle merveille", James Noël (Zulma)

Présentation des livres dans "Jour Première" (RTBF, La Prem1ère) entre le 5 et 16 février).

lundi 22 janvier 2018

De folles courses-poursuites de bagnoles dans un singulier paradis pour pilotes

La première image, muette, de "Essence". (c) Futuropolis. 


Les bagnoles, c'est pas trop mon truc. Sauf celles conduites dans "Essence", la formidable BD hallucinée que signent Fred Bernard et Benjamin Flao (Futuropolis, 184  pages) dans un inhabituel format quasi carré (240 x 245 mm). Parce que ces bagnoles-là sont des éléments à part entière d'une histoire vraiment incroyable pour ne pas dire dingue. Parce qu'elles donnent lieu à d'incroyables courses-poursuites, tellement bien rendues qu'on se croirait au cinéma. Parce qu'elles sont d'impeccables huis-clos, marchepied de pistes à suivre.

"Essence" réunit des mécanos, des garagistes, des pilotes célèbres ou non, des Russes inquiétants et des anges gardiens rassurants. Normal, on est au "Pilote paradise". Enfin, on voudrait y aller. Pour le moment, on est au purgatoire d'Achille, pilote assassiné amnésique. On le découvre, déambulant, un jerrycan à la main, dans un bâtiment aussi immense qu'étrange. Quand il en trouve la sortie, une Ford Mustang blanche et une belle femme brune semblent l'attendre.

Le purgatoire d'Achille. (c) Futuropolis.

Ils repartent. Destination, les souvenirs que la femme demande à Achille de convoquer. Sa passagère lui a révélé qu'elle est son ange gardien, débutant, qu'il se trouve au purgatoire, qu'il va devoir comprendre comment et pourquoi il est mort afin d'accéder au paradis mais qu'elle va l'aider. Fameuse feuille de route! Ils roulent dans des paysages de fin du monde. Le conducteur a de la peine à fouiller sa mémoire. Des bribes vont toutefois poindre, et il lui faudra les sonder, les assembler, revivre son passé même difficile, même atroce.

Une des missions d'Achille. (c) Futuropolis.

Cela, c'est pour le châssis de l'histoire. Car "Essence" se déroule dans les pages, des dessins de toute beauté de Benjamin Flao qui semble avoir tout donné à cette histoire déjantée, où les rêves les plus fous deviennent des éléments narratifs, et dans le scénario de Fred Bernard solidement ficelé, entre incises, digressions et autres sorties de route. Ce dernier avait initialement écrit l'histoire du "Pilote Paradise" pour Christophe Merlin, fou de bagnoles. Le projet n'avait pas abouti et a été formidablement transformé par le duo Bernard-Flao: si chacun s'occupe de son domaine, il a aussi le droit d'intervenir sur celui de l'autre. Cela donne une BD plus que passionnante, riche de ces inspirations conjuguées, dépassant le sujet strict de la bagnole même si les courses entre elles ont de la peine à rappeler qu'elles ne sont que de papier alors qu'on se croirait au ciné.

Confronté à son pasé. (c) Futuropolis.

Au passage, on discerne des hommages à Moebius évidemment, à Hergé et des clins d’œil l'un à l'autre des deux créateurs. Les gammes chromatiques qui apparaissent dans les pages densifient ce traitement original de la mort, l'amour et la rédemption. "Essence" est un album qui impressionne durablement.

Pour feuilleter en ligne le début de "Essence", c'est ici.

jeudi 18 janvier 2018

Fawzia Zouari à Bruxelles la semaine prochaine

Fawzia Zouari.

C'est bête mais c'est comme ça. Il y a des auteur(e)s formidables à côté desquel(le)s on passe sans trop savoir pourquoi. Question de calendrier, de hasard, de pas de chance. Par exemple, la formidable romancière tunisienne Fawzia Zouari, lauréate du Prix des Cinq Continents de la Francophonie 2016 pour son superbe récit "Le corps de ma mère" (Joëlle Losfeld, 232 pages, 2016). Pourquoi est-elle si mal connue alors qu'elle a signé une dizaine de livres, vit à Paris depuis près de quarante ans et se déplace régulièrement? On avait ainsi eu l'occasion d'entendre ses mots enflammés lors du Passa Porta Festival 2017. Malgré tout cela, elle n'est pas assez connue, ni pour son parcours littéraire, ni pour son parcours de féministe engagée.

On aura deux occasion de se rattraper, la semaine prochaine à Bruxelles.

Le lundi 22 janvier dès 19 heures à la Maison Autrique où revient le cycle Portées-Portraits organisé par Geneviève Damas et son asbl Albertine, Fawzia Zouari sera présente lors de la lecture à haute voix de son dernier livre.
Portées-Portraits fait découvrir plusieurs fois par an différents auteurs contemporains, le temps d'une lecture-spectacle. Des comédiens donnent à entendre des extraits "coups de cœur" des livres,  accompagnés par des musiciens.
Le texte de Fawzia Zouari sera lu par Hoonaz Ghojallu, accompagnée à la guitare par Benjamin Sauzereau. La mise en voix sera assurée par Ariane Rousseau.

A l'issue de la lecture d'une heure environ, un verre sera offert, occasion de discuter de manière conviviale Fawzia Zouari et les artistes de la soirée. Rappelons qu'une rencontre avec l'auteure est organisée dès 19 heures à la Maison Autrique.

La manifestation est organisée en partenariat avec CEC ONG et les Midis de la Poésie. Elle se déroulera à la Maison Autrique (chaussée de Haecht, 266 à 1030 Bruxelles). Lecture à 20h15, rencontre avec l'auteure à 19 heures.
Renseignements et réservation par mail à albertineasbl@gmail.com ou par téléphone au 022455187.


Le mardi 23 janvier, de 12h40 à 13h30, dans le cadre des Midis de la poésie, animés par Mélanie Godin et son équipe, Fawzia Zouari échangera avec l'écrivaine belge Geneviève Damas, elle aussi lauréate du Prix des Cinq Continents de la Francophonie ("Si tu passes la rivière", Luce Wilquin, 2012), sur le thème "Poète et Prophète". Cela promet d'être passionnant. Le poète est-il capable de concurrencer le prophète? Il possède le sens de la divination, l'intuition du monde et les mots pour le dire. La tradition islamique a toujours craint les poètes qui, paradoxalement, ont marqué plus que tout autre genre la littérature arabe.

La séance est organisée en collaboration avec Albertine asbl et CEC ONG. Elle se déroulera aux Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique (3 rue de la Régence, 1000 Bruxelles). Réservation par mail à info@midisdelapoesie.be ou par téléphone au 0485325689.



La Tunisie s'est de tout temps fait remarquer par ses femmes, qu'elles soient des personnalités publiques ou tiennent seulement leur foyer. Fawzia Zouari, journaliste et romancière, enrichit cette règle glorieuse. Elle naît - officiellement mais le roman familial donne une autre date - le 10 septembre 1955 à Dahmani, à une trentaine de kilomètres au sud-est du Kef, au sud-ouest de Tunis, au sein d'une fratrie de six sœurs et quatre frères. Son père est un cheikh, propriétaire terrien et juge de paix. Elle est, merci au président Bourguiba qui envoie les garçons ET les filles à l'école,  la première des filles à ne pas être mariée adolescente et à pouvoir mener des études secondaires. Son bac en poche, elle poursuit ses études à la faculté de Tunis, puis à Paris. Docteur en littérature française et comparée de la Sorbonne, elle vit à Paris depuis 1979. Elle a même épousé un Français, autre coup de canif dans les traditions familiales.

Elle travaille durant dix ans à l'Institut du monde arabe - à différents postes dont celui de rédactrice du magazine "Qantara" - avant de devenir journaliste à l'hebdomadaire "Jeune Afrique" en 1996. "La caravane des chimères", publié en 1989 chez Olivier Orban, est consacré au parcours de Valentine de Saint-Point, la petite-nièce de Lamartine qui a voulu réconcilier l'Orient et l'Occident et s'est installée au Caire après s'être convertie à l'islam. C'était son sujet de thèse.

Ses ouvrages suivants évoquent, pour la plupart, la femme maghrébine installée en Europe occidentale. "Ce pays dont je meurs" (Ramsay, 1999) raconte de façon romancée la vie de deux filles d'ouvrier algérien, déracinées, aussi mal à l'aise dans leur société d'origine que dans leur pays d'accueil. "La Retournée", roman publié en 2002, narre sur un ton ironique la vie d'une intellectuelle tunisienne vivant en France et qui ne pourrait plus retourner dans son village natal. En 2006, paraît "La deuxième épouse", mettant en scène trois femmes maghrébines fréquentées simultanément par le même homme. En 2016, elle reçoit le Prix des Cinq Continents de la Francophonie, pour son livre "Le corps de ma mère".

Fawzia Zouari a écrit "Le corps de ma mère" bien après le printemps 2007 où sa mère s'est éteinte, sa maladie réunissant autour d'elle toute la famille, celle du nord et celle du sud. Comme si elle avait dû attendre avant de se décider à raconter la vie de sa mère et à travers elle, celle des femmes bédouines tunisiennes. Le titre laisse déjà deviner la pudeur de la narratrice. Elle le fait en égrenant des souvenirs, des anecdotes, des conversations glanés tout au long de la vie de sa mère. Ceux qui connaissent la Tunisie vont reconnaître les paysages, les habitudes, les vêtements, les bijoux, les remèdes traditionnels, les conversations sans fin, les discussions à tout bout de champ. Les Tunisien(ne)s qui vont et viennent autour de la vieille matriarche. Ceux qui ne la connaissent pas vont découvrir un pays de l'intérieur.

Avec pudeur, l'auteure relate le parcours de sa famille, principalement celui des femmes de sa famille, Yamna sa mère bien entendu, ses sœurs, elle-même, la nouvelle génération devenue adulte. Mais elle évoque aussi le fils préféré et les autres hommes. La vie à Ebba et à Tunis. "Je ne m'explique pas non plus pourquoi maman semble avoir posé ses valises au milieu de ma vie", écrit-elle. "Pourquoi ai-je hérité, plus que mes frères et mes sœurs, de ses contes, et me suis-je assigné la mission de préserver sa mémoire?"

Dans ce texte vif, à la première personne, elle s'interroge sur les difficultés à sortir des traditions, à les marier à la modernité. Elle traque les secrets de famille longuement tus, soigneusement gardés par sa mère. Elle reprend les histoires racontées depuis toujours aux enfants. Son récit peut se faire dramatique, cocasse ou lyrique. A travers sa famille qu'elle nous confie, entre safsari et pose d'arkous, c'est le chemin de la femme tunisienne qu'elle écrit. Un livre de toute beauté, d'une infinie richesse et qui suscite plein de questions.




mercredi 17 janvier 2018

Deux francophones finalistes des prix Andersen


L'IBBY (International Board on Books for Young People, lire ici) a rendu publique sa sélection pour les prix  Hans Christian Andersen 2018, décernés tous les deux ans à un auteur depuis 1956 et à un illustrateur depuis 1966 (lire ici).

Cocorico! Deux francophones dans les onze nominés, deux femmes, une par catégorie, la Française Marie-Aude Murail chez les auteurs (lire ici), la Suissesse Albertine chez les illustrateurs (lire ici).


Auteurs
  • Marie-Aude Murail (France)
  • Farhad Hassanzadeh (Iran)
  • Eiko Kadono (Japon)
  • Joy Cowley (Nouvelle-Zélande)
  • Ulf Stark (Suède), celui qui avait signé le texte de "Tu sais siffler, Johanna?" (lire ici) et décédé le 13 juin dernier (le règlement prévoit que les auteurs doivent être vivants au jour de leur nomination par une section nationale)


Illustrateurs
  • Pablo Bernasconi (Argentine)
  • Linda Wolfsgruber (Autriche)
  • Xiong Liang (Chine)
  • Iwona Chmielewska (Pologne)
  • Igor Oleynikov (Russie)
  • Albertine (Suisse)


Les noms des deux vainqueurs seront connus le 26 mars à la Foire du livre pour enfants de Bologne.

Le jury était composé de Patricia Aldana (Canada/Guatemala), présidente, Denis Beznosov (Russie), Yasuko Doi (Japon), Reina Duarte (Espagne), Andrej Ilc (Slovénie), Eva Kaliskami (Grèce), María Beatriz Medina (Venezuela), Yasmine Motawy (Egypte), Lola Rubio (Argentine) and Junko Yokota (USA).

La liste complète des candidats proposés par les sections nationales de l'IBBY se trouve ici.

A noter que le prix Astrid Lindgren, annuel, sera lui, annoncé le 27 mars.


mardi 16 janvier 2018

Un village dont tous les pères sont partis

Florence Seyvos.

Délicatesse, respect de l'enfance, beauté de l'écriture, non conformisme des sujets, ainsi peut-on définir Florence Seyvos, qu'elle écrive pour les enfants ou pour les adultes, qu'elle traduise des textes et qu'elle coécrive avec Noémie Lvovsky des scénarios pour la télévision ou le cinéma (lire ici). N'est-ce pas elle qui pense que "Quel que soit le lecteur, le geste d'écrire est le même"?

En vrac, quelques-uns de ses titres selon les genres de ses lecteurs: "Comme au cinéma", "Le jour où j'ai été le chef", "L'erreur de Pascal", "La Tempête" et "Pochée" (avec Claude Ponti), "L'Ami du petit tyrannosaure" (avec Anaïs Vaugelade), "Nanouk et moi", "Gratia", "Les Apparitions", "Le Garçon incassable", "La Sainte Famille", le passage en français des albums de Komako Sakaï, Ole Könnecke, Yuichi Kasano,  Kazuo Iwamura, Tomi Ungerer, Claudio Abbado, etc., la traduction des romans de Diana Wynne Jones, Catherine Sefton, Jane Goodall, les scénarios  "La vie ne me fait pas peur", "Les Sentiments", "Camille redouble", "Demain et tous les autres jours".

Chacun de ses nouveaux livres est une découverte et un bonheur. Un bonheur et une découverte. Il y avait cependant un genre littéraire que Florence Seyvos n'avait pas encore exploré. C'est aujourd'hui chose faite avec la délicate pièce de théâtre jeunesse "Un village sans papas" (illustrations de Leslie Auguste, Actes Sud-Papiers, Heyoka Jeunesse, 48 pages), mettant en scène toute une bande d'enfants et quelques adultes, aussi splendide qu'inattendue.

Confidence pour ceux qu'effraie le mot "théâtre": les deux fois que j'ai lu la pièce, je n'ai même pas remarqué que c'était du théâtre et non un roman! "Un village sans papas" est un texte d'une force et d'une beauté immenses célébrant la confiance en la vie malgré les deuils.

On est dans un petit village du sud de la France durant la guerre 1914-1918, même si elle n'est pas nommément mentionnée. Les enfants jouent. Evidemment, ils jouent à la guerre, se partageant les rôles des Allemands et des Français. Les enfants ont, il faut s'en rappeler, cette capacité à jouer avec tout ce qui se passe autour d'eux. Et autour d'eux, justement, ce sont les papas envoyés au front. Les pères partis à la guerre,  les mères attendent de leurs nouvelles. Les enfants aussi, eux qui réagissent à ces absences selon leurs sensibilités. Certains pères reviennent, mais dans quel état. D'autre pas. Les mères et les enfants encaissent, apprennent à vivre autrement. Les absents sont invisibles mais ont acquis parfois une autre forme de présence.

C'est tout cela que Florence Seyvos a admirablement su mettre en mots d'enfants - la pièce est destinée aux plus de neuf ans. Les jeux, le quotidien, l'école, la maîtresse, les radotages de village, les familles désemparées, les pères qui ont laissé des messages derrière eux, les enfants qui ont inventé des manières de communiquer avec eux. On suit Victor et Jeanne principalement mais ce sont tous les enfants du village sans papas qu'on voit changer de jeux et grandir. Comme le font tous les enfants des pays en guerre. Le texte est magnifique et passe du registre quotidien à celui de l'humour et de la tragédie avec un naturel que ne peut lui envier la vraie vie.

"Dans les livres que j'écris", explique Florence Seyvos, "qu'ils soient pour les enfants ou pour les adultes, beaucoup de choses viennent de l'enfance, de tout ce qui s'est imprimé en moi pendant cette période." Une enfance que la romancière a passée dans un petit village des Ardennes entre forêts, hivers enneigés, jeux en bande, cimetières militaires et souvenirs des deux guerres.

Une des illusteations de Leslie Auguste. (c) Actes Sud.



vendredi 12 janvier 2018

L'amour à mort d'une mère face à la mer

Gaëlle Josse (c) Héloïse Jouanad/Libella

Le vent, la mer, le froid, l'espoir, l'attente, il y a tout cela dans le nouveau roman de Gaëlle Josse, son sixième, le superbe "Une longue impatience" (Noir sur Blanc, Notabilia, 192 pages). Il y a surtout l'amour, immense, d'une mère pour son fils de seize ans qui a quitté la maison et a pris la mer. Un amour de mère, éternel, inaltérable, patient, infini, silencieux. Un amour de mère tout simplement. Un amour à mort. Excellente pioche que ce premier livre lu dans l'abondante rentrée de janvier.

On est dans la Bretagne de l'immédiat après-guerre. Quand l'éducation ne s'occupe pas de psychologie, que les coups sont monnaie courante dans les familles. Quand on se remet d'années noires, dures, éprouvantes physiquement et moralement, de deuils immérités. Quand le quotidien est encore difficile, qu'on se lance dans l'inconnu avec l'infime espoir d'une revanche sur les chagrins passés. Quand on veut avoir confiance. Quand on pense avoir le droit d'être plus heureuse malgré d'autres renoncements. C'est tout cela qu'Anne Quémeneur nous fait sentir dans ce texte sans gras, extrêmement délicat, dont les mots sont comme une marée montante ou descendante. La jeune femme est la narratrice de ce roman qui touche profondément, remue et bouleverse. L'histoire d'un fils qui part et d'une mère, fragile et forte, qui attend.

"Une longue impatience" commence le soir d'avril 1950 où Louis, seize ans, le fils qu'Anne a eu avec le pêcheur Yvon Le Floch, son grand amour mort en mer, ne rentre pas à la maison. Qu'expliquer à Gabriel et à Jeanne, les enfants qu'elle a eus ensuite avec Etienne, le pharmacien du village, avec qui elle s'est remariée après son veuvage? Peut-on aimer l'enfant d'un autre lit? Changer de classe sociale? On va côtoyer Anne dans ses interrogations, ses souvenirs, ses chagrins, ses désirs de toujours faire au mieux, ses déceptions. On va la suivre dans son attente de plus en plus longue de son fils aîné. Petit à petit s'assemble le puzzle de la vie dans ce petit coin de Bretagne d'hier, avec ses rites et ses habitudes, bien avant les moyens de communication actuels. Le silence, l'espoir, le guet font partie de la vie de tous les jours.

Qu'est devenu Louis? Pourquoi ne donne-t-il pas de ses nouvelles? Comment tenir, résister, avancer, ne pas devenir folle? Anne a trouvé sa voie: donner de l'amour, remballer sa tristesse, sauf aux moments où elle est seule et où elle peut trouver une consolation. Année après année, elle tente tout, dans la modeste mesure de ses moyens,  pour retrouver son fils. Pour tromper son angoisse, elle fait de très beaux projets pour son retour et les concrétise en secret. Faibles béquilles à cet amour infini, mieux compris par les lecteurs que par le mari d'Anne. Dans un texte extrêmement sensible, la romancière raconte le quotidien de cette femme généreuse, débordante d'amour, ses questions, sa souffrance dans l'attente. Quelle beauté que ces mots fins et précis qui ne cherchent pas l'effet mais touchent à l'âme. Des larmes me coulaient en terminant cette lecture magnifique. D'où venaient-elles? Peut-être de l'empathie, réelle ou rêvée, entre mères. Merci à Gaëlle Josse et à son Anne Quémeneur pour cet incroyable moment de grâce.











mercredi 10 janvier 2018

Les six lauréats des prix Sorcières 2018

Les lauréats 2018 des prix Socières. Affiche d'Isabelle Simler.

On le savait, les prix Sorcières changeaient cette année (lire ici).

Voici les lauréats de la nouvelle formule.
Pas beaucoup d'originalité par rapport aux prix déjà décernés.
Deux titres illustrés par Régis Lejonc, deux livres Gallimard mais la présence de trois jeunes maisons d'édition.
Félicitations aux auteurs et à leurs éditeurs.

Palmarès

CARRÉMENT BEAU MINI 


Profession crocodile
Giovanna Zoboli
Mariachiara di Giorgio
Les fourmis rouges, mars 2017




CARRÉMENT BEAU MAXI


Le jardin du dedans-dehors
Chiara Mezzamala
Régis Lejonc
Éditions des éléphants, septembre 2017







CARRÉMENT PASSIONNANT MINI


Pax et le petit soldat 
Sarah Pennypacker 
Jon Klassen 
traduit de l'anglais par Faustina Fiore
Gallimard Jeunesse, janvier 2017
à feuilleter ici





CARRÉMENT PASSIONNANT MAXI


Sirius
Stéphane Servant
Rouergue, août 2017
à feuilleter ici








CARRÉMENT SORCIÈRES FICTION


Cœur de bois
Henri Meunier
Régis Lejonc
Editions Notari, mars 2017








CARRÉMENT SORCIÈRES NON FICTION


Colorama : Imagier des nuances de couleurs
Cruschiform
Gallimard Jeunesse, octobre 2017
lire ici














jeudi 4 janvier 2018

Le décès de l'écrivain israélien Aharon Appelfeld

Aharon Appelfeld.

Une nouvelle année commence et déjà trois disparitions dans le monde de la littérature.

Hier, 3 janvier, on apprenait le décès la veille de l'éditeur Bernard de Fallois, à l'âge de 91 ans.

Ce matin, celui, survenu le 2 janvier en Guadeloupe, de l'éditeur Paul Otchakovsky-Laurens, fondateur des éditions P.O.L. Il avait 73 ans. Stupeur.

Ce matin encore, celui du magnifique écrivain israélien Aharon Appelfeld., survenu en Israël à l'âge de 85 ans. Hier, je me réjouissais d'avoir encore à lire "De longues nuits d'été", son roman jeunesse sorti au printemps (traduit de l'hébreu par Valérie Zenatti, l'école des loisirs). Tristesse infinie.

Ici, la déclaration d'amour que je lui avais faite lors de son passage à Bruxelles en 2014.

En voici le début.
"Aharon Appelfeld, c'est simple, je l'aime.
J'aime l'homme, né à Czernowicz en 1932, sa force, son esprit de résistance, sa capacité d'adaptation.
J'aime l'écrivain. Celui qui écrit pour les adultes, beaucoup (plus de 40 livres) et  depuis longtemps, en hébreu, cette langue qu'il a apprise à l'adolescence. Celui qui s'est décidé, à 80 ans passés, de se lancer dans un roman pour enfants.
Aharon Appelfeld, c'est simple, je l'aime."

lundi 1 janvier 2018

Une nouvelle année commence



Pour lire les chroniques déjà publiées,

libellé "jeunesse" pour la littérature de jeunesse, 

libellé "littérature générale" pour les autres livres, 

ou à votre guise. 

Promenez-vous! Amusez-vous! Lisez!