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lundi 31 décembre 2018

Décès de l'écrivain allemand Edgar Hilsenrath

Edgar Hilsenrath.

Les éditions Le Tripode annoncent le décès d'un de leurs auteurs:

"Edgar Hilsenrath est mort de vieillesse hier, 30 décembre 2018, à l'âge de 92 ans.

Nous étions nombreux à croire que son œuvre immense, qui naviguait entre Primo Levi, John Fante, Charles Bukowski et Dario Fo, en faisait l'un des écrivains européens contemporains les plus importants. Nous en redonnons ci-dessous les principaux repères, à l'aide d'un document qui devait accompagner la parution de son ultime roman en février prochain.

Edgar aimait la France, pays où il avait vécu après la fin  de la guerre et qui avait tardivement redécouvert son œuvre. Son dernier souhait aura été d'être enterré à Paris. Avec émotion, nous ne pouvons que nous faire le porte-voix de ce désir."



Sur le site d'Edgar Hilsenrath, très complet, on trouve cette triste annonce, par son ami le philosophe Ben Kubota, dont voici un extrait:

"Un événement incroyablement triste a emporté un être qui nous est cher. Le célèbre écrivain juif allemand Edgar Hilsenrath est décédé hier, le 30 décembre 2018, à l'âge de 92 ans. Edgar Hilsenrath - connu notamment pour le livre "The Nazi & The Barber", mais aussi "Night", "Le Conte de la dernière pensée" et "Fuck America" - a été l'un des écrivains contemporains les plus importants, voire le plus important. Il laisse une femme, Marlene Hilsenrath, un autre membre de la famille,moi, Ken Kubota, qui vivais avec lui, le soignais et prenais soin de son œuvre.
Le poète Edgar Hilsenrath est décédé des suites d'une pneumonie, qui a été causée par la vieillesse. Pas un seul jour de son séjour à l'hôpital ne s'est passé sans nous - Marlene et moi - ne versions des larmes amères.
Sa mort subite nous frappe tous plus fort que prévu. Le mois dernier, en novembre, nous nous sommes rendus à Paris pour une interview à l'invitation de la radio France Culture , où nous avons passé de belles journées. Bien sûr, Edgar était assez âgé à 92 ans, mais il avait une volonté de fer de vivre et appréciait la vie. Son âge était régulièrement sous-estimé. Il a toujours su exactement ce qu'il voulait.
Les jours de son dernier combat, incapable de penser à autre chose que la vie et la mort d'Edgar, m'ont offert l'occasion de réfléchir aux années communes, presque une décennie de vie commune. Ce texte en est le résultat. Jusqu'ici, l'objectif était de protéger la vie privée non seulement d'Edgar, mais également de Marlene et de moi-même. Le moment est venu de glisser quelques mots personnels sur la vie du poète. La règle générale est qu'aucune information ne soit divulguée, mais le public a maintenant le droit d'en savoir plus, non sur les projets en cours mais sur les projets passés, les réussites et les échecs, qui donnent une idée de l'importance du travail accompli. La réputation mondiale de cet écrivain de longue date impose aussi que non seulement ses amis et ses connaissances, mais aussi le monde entier, soient informés immédiatement (...)

Suivent trois moments du mois dernier, racontés au départ de trois photos.


Edgar Hilsenrath était né le 2 avril 1926 à Leipzig (Allemagne). Après avoir survécu à l'expérience du ghetto pendant la guerre, puis avoir vécu en Palestine et en France, il arrive à New York (sur le même bateau que Rita Hayworth) au début des années 50. Il travaille comme garçon de café et réduit ses besoins à l'essentiel, écrivant la nuit dans les cafétérias juives. Les éditeurs allemands craignant son approche très crue de la Shoah, il est d'abord publié aux États-Unis... À son retour en Allemagne, en 1975, un petit éditeur relève enfin le gant et un article du "Spiegel" le rend célèbre du jour au lendemain. Depuis, il accumule les prix et les reconnaissances institutionnelles.

L'écrivain a été remis en lumière en français par les éditions Attila dès 2009. Les deux éditeurs ayant séparé leurs chemins, c'est le catalogue du Tripode de Frédéric Martin qui a repris par la suite l'œuvre d'Edgar Hilsenrath. Sept livres sont parus en grand format et parfois en version de poche. Un ultime, "Terminus Berlin" est prévu pour 14 février prochain.


Fuck America
Les Aveux de Bronsky
Edgar Hilsenrath
traduit de l'allemand par Jörg Stickan
Attila, 2009
Point2, 2016
Le Tripode, 2014

Un témoignage étourdissant sur l'écrivain immigré crève-la-faim. 1952: dans une cafétéria juive de Broadway, Jakob Bronsky, tout juste débarqué aux Etats-Unis, écrit son roman sur son expérience du ghetto pendant la guerre: Le Branleur! Au milieu des clodos, des putes, des maquereaux et d'autres paumés, il survit comme il peut, accumulant les jobs miteux, fantasmant sur le cul de la secrétaire de son futur éditeur, M. Doublecrum.


Le Nazi et le Barbier 
Edgar Hilsenrath
traduit de l'allemand par Jörg Stickan et Sacha Zilberfarb
Fayard, 1974
Attila, 2010
Le Tripode, 2018

Ce roman magnifique conte l'histoire tragi-comique de Max, fils bâtard de la pute Minna Schulz. Engagé dans la SS dès l'arrivée d'Hitler au pouvoir, il se retrouve finalement affecté dans un camp d'extermination où disparaît son meilleur ami (juif). A la fin de la guerre, pour s'en sortir, il décide d'endosser l'identité de cet ami assassiné. Devenu Itzig Finkelstein, il épouse la cause juive, traverse l'Europe et rejoint la Palestine, où il devient barbier et sioniste fanatique...


Nuit 
Edgar Hilsenrath
traduit de l'allemand par Jörg Stickan et Sacha Zilberfarb
Attila, 2012
Le Tripode 2014 et 2015

Resté censuré en Allemagne près de 20 ans, ce roman est aujourd'hui considéré comme le chef-d'œuvre d'Edgar Hilsenrath. Son style, mécanique, concis, halluciné, est quasiment cinématographique. C'est la nuit permanente sur le ghetto de Prokov. Au fil des jours, dans un décor apocalyptique, Ranek lutte pour sa survie. Les personnages sont réduits à des ombres... comme s'ils n'avaient plus ni âme ni corps. Pourtant, dans ce brouillard permanent, surnagent des éléments de vie, la faim, le froid, les scènes d'amour hâtives, de pendaisons (ratées) ou d'accouchement au milieu du ghetto montrent que l'humanité demeure. Hilsenrath s'est inspiré pour "Nuit" de sa propre histoire, et du ghetto ukrainien où il a passé quatre ans entre 1941 et 1945. C'est d'ailleurs la genèse de ce livre, qu'il a réécrit vingt fois entre 1947 et 1958, qui est racontée dans "Fuck America".


Orgasme à Moscou
Edgar Hilsenrath
traduit de l'allemand par Jörg Stickan et Sacha Zilberfarb
Attila, 2013
Le Tripode, 2017

Une parodie de roman d'espionnage écrite en réponse à une commande d'Otto Preminger. Guerre froide, 1970. La fille du patron de la mafia new-yorkaise, Anna Maria Pepperoni, connaît son premier orgasme lors d'un voyage de presse à Moscou. Le responsable? Sergueï Mandelbaum, fils de rabbin et dissident juif fauché doté d'une étonnante propension à susciter des orgasmes. La mafia met tout en œuvre pour le faire venir aux Etats-Unis afin d'épouser Anna Maria, mais le passeur qu'elle a recruté est un dangereux dépeceur sexuel. Les obstacles, et pas seulement diplomatiques, s'accumulent... Ecrite en six jours, cette réécriture déjantée d'OSS 117 livre une mémorable surenchère burlesque. Truffé de références à la situation politique de l'époque, le livre, dénué de (presque) tout sérieux, est un divertissement électrique sur fond de guerre froide.
A côté de toute une mafia de pacotille, le livre met aussi en scène Brejnev, Nixon, Moshe Dayan et le président du conseil italien, obsédé sexuel (déjà!).


Le Conte de la dernière pensée
Edgar Hilsenrath
traduit de l'allemand par Bernard Kreiss
Albin Michel, 1992
Le livre de poche, 2007
Le Tripode, 2015

L'épopée du peuple arménien, dans la tradition des contes orientaux, est construite autour d'une saga familiale où histoire, légendes, politique et fiction s'entremêlent pour raconter le grand massacre des Arméniens par les Turcs, qui n'est pas sans évoquer l'holocauste perpétré dans les camps nazis.


Le Retour au pays de Jossel Wassermann
Edgar Hilsenrath
traduit de l'allemand par Christian Richard
Albin Michel, 2007
Le livre de poche, 2008
Le Tripode, 2016

Un froid glacial s'est abattu sur le village de Pohodna. Les habitants juifs du shtetl ont reçu l'ordre de rejoindre le wagon qui les attend à la gare. A l'intérieur, oubliant l'obscurité et la crainte, le rabbin confie à l'esprit du vent: "Les goys sont stupides. En ce moment ils pillent nos maisons. (...) Mais ils ne savent pas que nous avons emporté le meilleur." "Et c'est quoi, le meilleur? " demande le vent.
Et le rabbin de répondre: "Notre histoire. Elle, nous l'avons emportée avec nous."  L'auteur réincarne ici l'univers des shtetls, ces petites communautés juives éparpillées dans l'est de l'Europe avant que la Deuxième Guerre mondiale et la Shoah ne les réduisent à néant. Roman tardif, il est peut-être le plus émouvant de tous par son humble drôlerie et son désir de faire revivre un monde qui a bercé l'enfance et l'imaginaire d'un écrivain désormais culte.


Les aventures de Ruben Jablonski
Edgar Hilsenrath
traduit de l'allemand par Chantal Philippe
Le Tripode, 2017

Arraché à l'insouciance et l'espièglerie de l'enfance par la terreur nazie, le jeune Ruben Jablonski se retrouve à la sortie de la Seconde Guerre mondiale dans une situation désespérée. Libéré d'un ghetto, séparé de sa famille et à la recherche d'un nouveau destin, il s'engage dans un périple épique qui le conduit de la Roumanie aux Etats-Unis, en passant par l'Ukraine, la Turquie, la Palestine et la France...
Les réminiscences enfantines, l'humanité qui survit à l'horreur et l'amour de la littérature pour unique boussole confèrent une force et un humour rares à ce roman écrit en 1997 et il fait la bouleversante synthèse des quinze années qui ont vu sa vie basculer.

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Terminus Berlin
Edgar Hilsenrath
traduit de l'allemand par Chantal Philippe
Le Tripode, 230 pages
à paraître le 14 février 2019

Écrivain de la Shoah et de l’exil, Edgar Hilsenrath livre ici son roman le plus poignant, celui du retour désenchanté en Allemagne. Son héros retrouve, comme lui, le pays natal près de trente ans après avoir quitté l'Europe et ses fantômes. Le temps est venu de faire le bilan d’une vie tourmentée.
Fidèle à son humour, Hilsenrath raconte avec un sens aigu de la dérision le destin de son alter ego littéraire. Lesche, traumatisé par son expérience du ghetto, peine à trouver sa place dans un Berlin marqué par le consumérisme et la chute du Mur. Les rencontres improbables et la résurgence glauque du fascisme forment la trame de ce roman publié en Allemagne en 2006.
Lapidaire et ironique, ce texte émeut par la figure de clown triste que l'auteur y révèle. Après l’avoir écrit, Edgar Hilsenrath décida que son œuvre était close. Il n'a plus rien publié depuis.



"Quand on écrit quelque chose pour se débarrasser l'âme, on en est définitivement libéré. L'écriture est une libération pour moi."
 Edgar Hilsenrath

samedi 29 décembre 2018

Peter et Donald en ombres et lumières superbes

Le décor où s'égrènent les "Carnets de Peter". (c) Théâtre du Tilleul.

(c) Théâtre du Tilleul.
Que se passe-t-il dans une bibliothèque la nuit? C'est ce que nous raconte magnifiquement le Théâtre du Tilleul, un théâtre d'ombres fondé en 1981 comme on le sait, dans son nouveau spectacle, "Les carnets de Peter" qui se déroule dans la bibliothèque d'un dénommé Peter. On comprendra vite de qui il s'agit. La mise en scène entremêle habilement acteurs, ombres et musique, laisse le spectateur regarder et écouter et aussi rêver. Le tout dans le fantastique décor d'une bibliothèque bien ordonnée mais qui se réveille la nuit. Les livres y sont classés en rubriques, "Histoire", "Théâtre", "Littérature", "Voyage", "Géographie", "Nature" et "Enfance". Un coffre-fort abrite des trésors de récits. Une place de choix est réservée sur le lutrin au plus précieux des livres du lieu, "Animaux & Insectes".

Cet album grand format sera au cœur de l'impeccable intrigue composée par le Théâtre du Tilleul. Elle croise l'histoire personnelle de l'écrivain américain Peter Neumeyer et les histoires de son personnage emblématique, Donald, dont deux ont été illustrées par Edward Gorey. Un fameux défi, pleinement réussi et qui donne un spectacle magnifique, émouvant, drôle, surprenant, de haut vol tout en étant parfaitement accessible. Pour tous à partir de 7 ans.

Une forme d'ombres. (c) Théâtre du Tilleul.

Les amateurs d'humour noir et de littérature décalée connaissent sûrement le nom de l'illustrateur américain Edward Gorey, dont l'œuvre nous parvient peu à peu en français grâce au Tripode (lire ici et ici). Peter Neumeyer et Edward Gorey se sont rencontrés en 1969 via un éditeur. Ce fut le coup de foudre immédiat entre les deux hommes. Ce coup de foudre artistique ne dura hélas pas, chaque créateur retournant très vite à ses occupations. Ensemble, ils ont néanmoins publié trois livres: "Donald and the..." (Pomegranate, 1969) et "Donald has a difficulty" (Pomegranate, 1970), traduits en français par Oskar et réunis en un seul volume sous le titre "Les histoires de Donald" (Le Tripode, 2011, lire ici),  et "Why we have day and night" (Pomegranate, 1970, non encore traduit). Ils ont encore collaboré dans "Gorey x 3"Neumeyer a signé un des textes, les deux autres étant dus à Edward Lear (non traduit). Enfin, Gorey et Neumeyer ont intensément correspondu par lettres; un recueil de leurs échanges postaux a été publié aux Etats-Unis, "Floating worlds" (non traduit).
Exemple de correspondance Gorey-Neumeyer (c) Floating worlds.


"Les carnets de Peter" est un spectacle épatant, tout en finesse, où se croisent l'histoire récente du monde (le milieu du siècle dernier) à travers les yeux d'un petit garçon souffrant sans doute de solitude entre ses parents très occupés mais plein d'imagination et les aventures qu'il crée pour son héros Donald, un gamin toujours accompagné d'un mystérieux animal qui n'est surtout pas un chien.

Sa genèse se retrouve partiellement dans le texte mis en scène et se prolonge pratiquement de façons diverses (lire plus bas). Elle vaut aussi d'être contée. Il était une fois le Théâtre du Tilleul et sa patronne Carine Hermans, qui aimaient d'amour l'œuvre de Peter Neumeyer. Voilà donc l'équipe partie aux Etats-Unis, en Californie précisément, à la rencontre de l'écrivain, né le 4 août 1929 en Allemagne et ayant émigré en Amérique à la fin des années 30. Peter Neumeyer les reçoit. Le courant passe. Et l'écrivain remet à ses visiteurs venus de Belgique quantité de textes inédits, d'autres aventures de Donald, des contes, des souvenirs d'enfance, des titres d'histoires… "Je vous confie toutes mes histoires; prenez-en bien soin", leur a-t-il dit. Ceux qu'on trouve dans le coffre-fort de la bibliothèque.

Ombres projetées depuis la scène. (c) Théâtre du Tilleul.


Voilà certaines de ces histoires formidablement sorties de l'ombre dans ce spectacle qui se déroule la nuit dans la bibliothèque de Peter Neumeyer lui-même. On l'entend raconter du haut de ses 87 ans alors (il en a 89 aujourd'hui) ses souvenirs d'enfant juif en Allemagne, Munich 1936, les défilés militaires, les drapeaux, l'émigration en Amérique où il rejoint ses parents après avoir passé une année chez ses grands-parents, l'adaptation là-bas. On comprend l'enfant qui souffre de solitude mais s'épanouit dans la lecture. Celle de l'album "Animaux & Insectes" bien entendu, celle de tous les livres qui lui tendent les bras et dont il nous énumère les titres, celle des histoires qu'il s'invente dans la grande bibliothèque de son père, les aventures étranges, piquantes même, d'un petit garçon nommé Donald, un petit garçon rêveur qui lui ressemble.

Acteurs, ombres et musique. (c) Théâtre du Tilleul.

Quatre acteurs évoluent sur scène, Carine Ermans, Carlo Ferrante, Sylvain Geoffray et Alain Gilbert, dans un jeu subtil entre musique provenant de divers endroits, parfois surprenants, textes dits et ombres projetées. On remarque avec plaisir que la compagnie exploite diverses facettes du théâtre d'ombres, projetant ici des pièces de bois sur un écran, là des silhouettes sur une feuille de papier, montrant les pièces qui donneront leur ombre ou les cachant. Une formule épurée très réjouissante qui rythme joliment ce spectacle extrêmement réussi.


En parallèle au spectacle

Ateliers

  • Constitution d'une bibliothèque imaginaire, la Bibliothèque rêvée de Peter, qui comprendra "les œuvres complètes" (et bien plus encore) de Peter Neumeyer, revisitées par les enfants (et pas seulement les enfants).
  • En amont ou en aval du spectacle, ateliers divers (en scolaire comme en tout public), pour inviter les publics à travailler sur les textes de Peter Neumeyer, faisant se croiser les œuvres d'enfants et d'adultes, professionnels et non professionnels.... Les livres créés (mais aussi les films, les livres d’artistes, les créations sonores...) seront rassemblés dans la Bibliothèque rêvée, œuvre évolutive qui, au fil des tournées, s'enrichira des nouvelles productions et accompagnera le spectacle. A découvrir sur le site de la Bibliothèque rêvée de Peter (ici).
  • Goûter des rois le samedi 5 janvier, en présence de Peter Neumeyer et de Pascal Lemaître qui dédicaceront l’album jeunesse "Dick le lambin, Dick l'éclair".

Dick le lambin, Dick l'éclair
Peter Neumeyer
Pascal Lemaître
traduit de l'anglais par Maurice Lomré
l'école des loisirs/Pastel
2018, 40 pages

L'album commence ainsi: "C'est mardi. Dick le lambin doit aller chez madame Litzen pour sa leçon de piano. Comme les parents de Dick le lambin sont au Japon, Grandpa et Grandma s'occupent de lui." Le couple s'agite, met la pression au gamin qui lui, "s'active lentement". Tout est bon pour gagner du temps: chercher les partitions, le manteau. Dick part enfin en voiture avec ses grands-parents, remarque plein de choses intéressantes dans la rue et arrive… en retard. La leçon peut commencer. Quelle leçon! Dick oublie les partitions, embrouille les morceaux... Tout cela sous l'œil bienveillant de la ravissante madame Litzen. Au terme de la leçon, une fois retrouvés le manteau et les partitions, Dick retourne chez lui. Un peu marri de ses retards, il décide de devenir Dick l'éclair. Et la vie prend de toutes autres couleurs, sans moralisation aucune.

Pascal Lemaître pose de subtils dessins sur cette histoire à hauteur d'enfant, établissant un riche rapport texte-images. En postface, Carine Ermans explique comment cette histoire de "Dick dawdle Dick the quick" est passée de la Californie où elle dormait depuis longtemps à la Belgique où elle a été illustrée et éditée dans le cadre de la Bibliothèque rêvée de Peter, créée par le Théâtre du Tilleul. A partir de 5 ans.


Bonus

  • Que trouve-t-on dans la bibliothèque de Peter? En "Jeunesse", les titres favoris de l'équipe du Tilleul et les albums jeunesse qui ont inspiré ses précédents spectacles. En "Littérature", les romans adorés par Peter Neumeyer. En "Histoire", les titres et auteurs qui aident à comprendre la période trouble de la Seconde Guerre mondiale.
  • Des guides de fleurs, d'oiseaux, d'animaux, qui se complètent de bocaux de formol où pataugent amphibiens et insectes, donnant au lieu un agréable côté cabinet de curiosités, proche de l'univers graphique de l'illustrateur Edward Gorey
  • Des piles de partitions de musique qui semblent prêtes à sortir des murs.

Biographie

  • Né le 4 août 1929 en Allemagne, Peter Neumeyer est arrivé très jeune aux Etats-Unis. Il y rejoint en 1937 ses parents partis un an plus tôt. Lecteur passionné depuis sa petite enfance, il devint professeur de littérature dans diverses universités américaines. Il a fondé le département littérature de jeunesse à l'Université de San Diego, le plus important de l'Amérique du Nord. Il était arrivé dans cette université en 1978 et en est retraité depuis 1993.
  • Peter Neumeyer a toujours écrit, de la poésie, des études critiques, des albums jeunesse. En 1969, il rencontre via son éditeur l'illustrateur Edward Gorey, pressenti pour illustrer "Les histoires de Donald". Ensemble, ils publient trois albums. Mais leur projet est beaucoup plus vaste: "Je viens d'acheter tout un tas de pochettes vierges. Elles n'attendent plus qu'une étiquette comme... ANCIENS DONALDS, NOUVEAUX DONALDS etc… Mon œil astral voit toute une étagère de livres Neumeyer/Gorey. Harvard ouvrira-t-elle une salle à notre gloire? Elle aurait tout intérêt!", écrit Edward Gorey à Peter Neumeyer. Las, leur projet d'"épopée allégorique" ne dépassera pas le stade de leur correspondance.
  • Ils continueront à publier des livres, chacun de son côté. Gorey avec d'autres écrivains, Neumeyer avec d'autres illustrateurs. Beaucoup de ces derniers sont épuisés aux Etats-Unis et peu ont été jusqu'à présent traduits en français. Une situation qui pourrait changer.


Infos pratiques sur le spectacle ici.
Toutes les représentations étant complètes, une liste d'attente sur place chaque jour est ouverte, une heure avant la représentation.

vendredi 28 décembre 2018

Décès de l'écrivain israélien Amos Oz

Amos Oz.

On apprend le décès, ce 28 décembre 2018, de l'immense écrivain israélien et militant pour la paix Amos Oz, des suites d'un cancer. L'auteur de notamment "Une histoire d'amour et de ténèbres" (traduit de l'hébreu par Sylvie Cohen, Gallimard, 2003), un roman autobiographique, et le cofondateur du mouvement La Paix maintenant avait 79 ans.  Il était né à Jérusalem le 4 mai 1939. Poète, romancier et essayiste israélien, il était également professeur de littérature à l'université Ben Gourion de Beer-Sheva.

A son propos, "Livres-Hebdo" écrit: "Marié et père de trois enfants, Amos Oz était très apprécié par les Israéliens de tous bords, notamment pour son humour, même si ses prises de position déclenchaient parfois les passions. Tantôt adulé, tantôt détesté, ce monument de la littérature israélienne, amoureux des livres - "Heureusement qu'il n'y a pas de loi sur le harcèlement littéraire" - rêvait sans doute d'un monde sans frontières. Lui espérait simplement: "Si mes livres parviennent à ouvrir de nouvelles fenêtres dans le cœur des gens, je serai très heureux."


Amos Oz est l'auteur d'une trentaine d'ouvrages, romans, nouvelles, contes, essais, dont un seul a été publié dans une version jeunesse.

Il s'agit du magnifique conte "Soudain dans la forêt profonde" (traduit de l'hébreu par Sylvie Cohen, Gallimard, 2006) qui a été illustré par l'artiste allemand Georg Hallensleben  (Gallimard Jeunesse, 96 pages, 2008).

(c) Gallimard Jeunesse.

Succès de la collection "Du monde entier", le livre d'Amos Oz, "Soudain dans la forêt profonde", se double d'une version grand format destinée à la jeunesse, somptueusement illustrée par Georg Hallensleben. Les couleurs éclatantes des peintures texturées de l'artiste allemand  facilitent l'accès aux plus jeunes d'un texte écrit au départ pour les adultes tout comme elles prolongent magnifiquement cette parabole, magnifiquement littéraire, appelant à la tolérance.

(c) Gallimard Jeunesse.

L'histoire est celle de deux enfants, Matti et Maya, qui refusent la malédiction de leur village perdu au bout du monde, déserté par les animaux de la terre, de l'air et de la rivière, encerclé par des forêts épaisses et sombres. Ses habitants se barricadent chez eux dès la nuit tombée, terrorisés par la créature mystérieuse nommée Nehi. Surtout, ils gardent le silence. Personne ne veut se souvenir des animaux ni évoquer la vie d'avant. Seule Emanuela, l'institutrice du village, tente d'enseigner aux élèves à quoi ressemblaient ces animaux disparus.

Et si la réponse à cette grisaille se trouvait dans la forêt, celle qui est interdite aux enfants et où Matti et Maya vont se rendre? "Soudain dans la forêt profonde" est un récit pour enfants et adultes, au carrefour de la tradition biblique, du folklore yiddish et du conte européen. Un conte magistral pour tous, ados et adultes compris, dès 8 ans.

(c) Gallimard Jeunesse.




J'apprends aussi qu'un roman jeunesse d'Amos Oz n'est plus disponible. Il s'agit de "Mon vélo et autres aventures" (traduit de l'hébreu par Jacques Pinto, Stock, collection Mon bel oranger, 1983) qui est aussi sorti en poche au Livre de poche jeunesse (1990, 1996). Qui va le republier?

Résumé trouvé en ligne: "Quand on a onze ans et demi, des copains, un grand amour secret pour une fille de la classe, une collection de billes, des parents qui se chamaillent, un oncle gâteau, qu'est-ce qui peut vous arriver de mieux au monde? Que l'oncle vous offre un vélo! Parce que les copains sont jaloux, la fille commence à vous regarder avec intérêt, les parents protestent que c'est dangereux d'aller à vélo dans les rues, etc. Tout va donc pour le mieux jusqu'au moment où Soumkhi réalise que son vélo est en réalité un vélo de "fille" et là, les ennuis commencent. Des ennuis tels qu'il se brouille avec ses copains, s'enfuit de chez lui un soir d'hiver, se fait recueillir par des voisins compatissants et s'enferre dans des mensonges tels qu'il lui faudra une imagination en folie pour s'en sortir..."


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Les Bruxellois se souviennent peut-être du passage d'Amos Oz à Bruxelles, le dimanche 20 janvier 2013. Ce que j'en avais écrit à l'époque.

"Ils étaient plus de six cents courageux à avoir affronté les tempêtes de neige bruxelloises pour venir écouter Amos Oz en anglais, à Flagey, dimanche matin. Ils ont été récompensés. Non seulement, l'écrivain israélien, né en 1939 à Jérusalem, a estimé que "ceux qui étaient venus malgré le temps horrible méritaient une décoration" mais il s'est livré avec générosité pendant bien plus d'une heure – la séance comportait la lecture d'une nouvelle de son nouveau recueil alors à paraître, "Entre amis" (traduit de l'hébreu par Sylvie Cohen, Gallimard, 2013), "plutôt un roman constitué de nouvelles", a-t-il précisé. Sérieux, Amos Oz, et drôle.
La curiosité a toujours été son moteur d'être humain ou d'écrivain. "A cinq ans déjà, j'étais très curieux. Ensuite, comme je n'étais ni beau ni sportif, j'inventais des histoires pour impressionner les filles. Dans les cafés, j'espionnais les gens aux autres tables, j'écoutais leurs conversations, je décryptais le langage de leurs corps, de leurs expressions, de leurs chaussures. Très important, les chaussures! Aujourd'hui, cela me plaît toujours beaucoup de faire cela quand j'ai du temps à tuer. C'est un passe-temps que je recommande à tout le monde."
Quant à l'hébreu, c'est la passion de l'écrivain engagé: "Je ne suis pas chauviniste d'Israël, mon pays, je suis même très critique vis-à-vis du gouvernement, mais je le suis de sa langue. L'hébreu est un magnifique instrument de musique dont la résurrection est incroyable! C'est un trait d'union entre les Juifs qui parlent tous des langues différentes."
Son nouveau roman est, comme les précédents, sur le malheur: "Le bonheur ne demande pas d'histoires." Il se déroule dans un kibboutz fictif, "un microcosme", et aligne des solitudes finement approchées.
Sur son espoir pour Israël, Oz n'a qu'un mot, "Peace", mais le romancier-essayiste sait qu'"il est difficile d'être prophète quand on vient du pays des prophètes!"

Amos Oz à Flagey le 20 janvier 2013.







mardi 25 décembre 2018

L'exquis "Joyeux Noël" de Fleur Oury

(c) Fleur Oury.

Et voici, en ce 25 décembre 2018, l'image complète dont Fleur Oury a extrait 24 vignettes pour composer son calendrier de l'Avent (lire ici). Quel bonheur de la découvrir et de pouvoir y positionner les figures d'animaux découvertes tout au long de ce mois de décembre.
Merci Fleur Oury!


lundi 24 décembre 2018

Le calendrier de l'Avent de Fleur Oury

Durant tout ce mois de décembre, Fleur Oury a publié des vignettes sur sa page Facebook. Une par jour. Une ribambelle d'animaux ravissants, touchants, enfantins sans être mièvres. Sa formule à elle de calendrier de l'Avent. Elle en a en effet réalisé un pour le magazine "Toupie" (Milan) et y a découpé 24 petites fenêtres qu'elle a postées jour après jour.

Les voici, avec son autorisation et tous mes remerciements, avant la surprise, demain, de l'image complète.



























Fleur Oury a actuellement publié trois albums pour enfants, le très remarqué "Premier matin" (Les fourmis rouges, 2015, lire ici), "Même plus peur" (Seuil Jeunesse, 2016) et  "Bonjour printemps" (avec Didier Lévy, Seuil Jeunesse, 2018, lire ici). Elle publiera "Dimanche" (Les fourmis rouges) au printemps 2019.


Bonnes fêtes à celles et ceux qui fêtent.