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vendredi 31 janvier 2014

LF ière du programme jeunesse de la toute prochaine Foire du livre deBruxelles


La 44e Foire du livre de Bruxelles se tiendra du 20 au 24 février, sur le site de Tour & Taxis.

La plupart d'entre vous le savent. J'ai été chargée d'établir la programmation jeunesse de la Foire du livre de Bruxelles cette année.

Un travail de plusieurs mois qui m'a enchantée et qui trouve aujourd'hui son aboutissement dans le programme qui figure(ra) sur le site de la Foire.
En voici les points forts. J'en suis fière et j'espère que nombreux seront les participants qui pourront en bénéficier.
Pour cela, je vous demande de m'aider en partageant autour de vous ce programme, complété de nombreux liens, à destination de tous ceux et celles qui s'intéressent à la littérature de jeunesse.

Ne serait-il pas dommage de passer à côté de telles rencontres?

Au plaisir de vous lire et, bien entendu, de vous croiser fin février.


Vendredi 21 février

Journée autour du centenaire de la guerre 1914-1918


10 h Conférence illustrée de Christine Plu (Université de Cergy-Pontoise) sur l’Histoire dans la littérature de jeunesse
11 h Comment les albums jeunesse abordent-ils le thème de la guerre?, par Luc Battieuw du Centre de littérature de jeunesse de Bruxelles
13 h 30 Débat animé par Ariane Leturcq entre différents auteurs ayant écrit sur la guerre 14-18: Gisèle Bienne (L'école des loisirs), Paule du Bouchet (Gallimard Jeunesse), Annie Collognat (Hachette Jeunesse) et Barroux (Seuil Jeunesse)
15 h Rencontre avec Léon Vivien, Poilu qui a raconté son quotidien sur Facebook (Editions de l'Opportun), avec Michel Rouger, directeur du Musée de la Grande Guerre de Meaux.
16 h Rencontre animée par Deborah Damblon autour de la collection "Raconter l’Histoire avec une histoire" (Gallimard jeunesse), avec les auteures Christine Féret-Fleury, Catherine de Lasa et Paule du Bouchet.


Samedi 22 février

 La Grande-Bretagne, pays invité


10 h 30 Conférence illustrée d’Anne-Laure Cognet (critique littéraire) sur la Grande-Bretagne, berceau de la littérature de jeunesse
12 h Rencontre animée par moi-même avec le romancier Jonathan Coe (Gallimard Jeunesse)
14 h Rencontre animée par Maggy Rayet avec la romancière Anne Fine (L'école des loisirs)
15 h  Rencontre avec l'illustrateur Peter Utton et l'écrivaine Sally Grindley (L'école des loisirs/Pastel)
16 h Rencontre animée par Dominique Bovesse avec l'auteur-illustrateur Michael Foreman (Gallimard Jeunesse)

et en cerise, à 17 h Débat SACD-Scam  "Le grand méchant loup, une question d'âge", animé par moi-même,  avec les auteurs Jeanne Ashbé et Thomas Lavachery, l'éditrice Anne Leloup (Esperluète) et la psychologue Colette Osterrieth.



Dimanche 23 février

 Le plaisir de lire


11 h Les 35 ans du Prix Bernard Versele (Ligue des Familles), par Michèle Lateur et Maggy Rayet
12 h Présentation du nouveau Prix Forum par Patrick Binot, président de la Ligue des Familles
14 h Rencontre animée par moi-même avec l'auteur-illustrateur Gilles Bachelet (Seuil Jeunesse)
15 h Rencontre animée par Régis Delcourt avec l'auteure-illustratrice Anne Brouillard (Esperluète)
16 h Rencontre animée par Maggy Rayet avec la primo-romancière Christelle Dabos (Gallimard Jeunesse)
17 h La lecture des (pré)-ados avec l’éditrice Sylvie Gracia (Rouergue) et l’auteur Vincent Cuvellier. Rencontre animée par Laurence Bertels.



Lundi 24 février

  Journée professionnelle


10 h Michel Defourny et la réédition complétée de son guide personnel de l’album documentaire "De qu (L'école des loisirs) 
10 h 30 Sophie Van der Linden présente son nouveau livre de réflexions sur les albums pour la jeunesse, "Album[s]" (avec Olivier Douzou, Ed. De facto/Actes Sud)
11 h 15 Jean Perrot présente Le "Dictionnaire du livre de jeunesse" (Ed. du Cercle de la librairie 
12 h Christian Chelebourg, auteur de l’ouvrage "Les fictions de jeunesse" (P.U.F.)
12 h 45 Jean-Paul Gourévitch présente son "Abécédaire illustré de la littérature de jeunesse" (L'atelier du poisson soluble)



SANS OUBLIER

  les expos


d’Anne Brouillard, autour du "Voyage d’hiver", et de Gilles Bachelet, "Les coulisses du livre de jeunesse"

 

les sessions à l'Imaginarium


avec Barroux le vendredi 21 à 14 h et Chen le dimanche 23 à 14 h


les séances lecture de la Ligue des Familles

et de ses bénévoles

 

Jeudi 20 et vendredi 21 février (horaire à fixer) Mini-conférences de 15 minutes sur la nécessité de lire des histoires aux enfants.
Samedi 22 et dimanche 23 février Ateliers lecture pour les familles
Samedi de 11 à 11 h 45 Animation pour les enfants (de 2 à 4 ans) et leurs parents autour des livres, comptines, jeux de doigts…
Samedi de 15 à 15 h 45 Animation pour les enfants (de 4 à 8 ans) et leurs parents autour des livres, comptines, jeux de doigts…
Samedi entre les deux et dimanche de 10 à 16 h Lectures individuelles autour des livres lauréats du prix Bernard Versele pour un public familial.
Lundi 24 février de 10 à 16 h Infos sur les prix littéraires de la Ligue des familles


et les ateliers de la Ligue Braille


Jeudi 20, vendredi 21 et lundi 24 février, de 11 h à 12 h Pour les groupes scolaires: "La lecture? Oui mais... sans les yeux!"pour faire connaissance avec le monde des personnes aveugles et malvoyantes.
Samedi 22 et dimanche 23 février, de 15 à 16 h Pour les familles: "Le noir? Même pas peur!", où parents et enfants pourront s'immerger dans le noir pour écouter des histoires racontées par un conteur qu'ils ne verront pas!



Plus d’infos : www.flb.be

 

jeudi 30 janvier 2014

L5 cline devant François Cavanna

François Cavanna. (c) Baltel/SIPA.

De François Cavanna, on retiendra les moustaches gauloises, la grande gueule, le cœur tendre et l'humour féroce.

Dessinateur, écrivain, fondateur de "Hara-Kiri" en 1960 puis de "Charlie Hebdo" en 1969, le Rital est mort hier soir, mercredi 29 janvier. Il aurait eu 91 ans le mois prochain - il était né le 22 février 1923 à Nogent-sur-Marne - et souffrait depuis quelques années de la maladie de Parkinson, qu'il qualifia de "salope immonde".


Entre toutes les activités  de l'éternel rebelle, du résistant absolu, il y avait celle de traducteur, et notamment pour la jeunesse.
C'est en effet, et on l'a souvent oublié,  Cavanna qui a traduit et adapté de l'allemand ces deux petits bijoux de la littérature du XIXe siècle que sont "Crasse-Tignasse" (texte et illustrations de Heinrich Hoffmann, L'école des loisirs, Lutin poche) et "Max et Moritz" (texte et illustrations de Wilhelm Busch, L'école des loisirs, Mouche). Deux titres qui reprennent les illustrations originales des auteurs.

Avec sa terrible crinière et ses ongles jamais coupés figurant en couverture, "Crasse-Tignasse" est paru dans sa version française, adaptée par Cavanna, en 1979. Extrait: "As-tu vu comme il est laid? On dirait un vieux balai! Longue et sale est sa tignasse! C'est bien lui: Crasse-Tignasse! Jamais, jamais il ne veut qu'on lui coupe les cheveux!..."
C'est en 1845 qu'est publié en Allemagne "Der Struwwelpeter", parfois traduit en "Pierre l'ébouriffé". Il deviendra un classique du livre d'images et sera traduit un peu partout dans le monde. Son auteur, le Docteur Heinrich Hoffmann, était déçu par les livres qu'il trouvait dans les librairies. Il se mit à son bureau et écrivit, en rimes, des histoires cocasses et cruelles, pour son enfant de trois ans! Déjà!
Aujourd'hui, son livre réjouit toujours autant les jeunes lecteurs, séduits par ce festival de cruauté, de désobéissance et de bêtises.

"Max et Moritz" avait été adapté en français par Cavanna l'année précédente, en 1978! Le texte original est quasi contemporain du précédent. Max et Moritz sont en effet nés en Allemagne en 1865. Ces deux hors-la-loi en culotte courte sont devenus des héros nationaux chez eux, avant d’enchanter l’Europe entière. Des milliers de lecteurs se sont régalés de leurs exploits. Leur père, Wilhelm Busch, considéré comme l’un des précurseurs de la bande dessinée moderne, peut être fier de leur mauvaise réputation.
Car ses héros sont deux fameux garnements, et c'est même pour cela qu'on les aime... Toujours prêts à faire des bêtises plus cruelles les unes que les autres, ils font le tour du village pour faire les quatre cents coups. Sept de leurs exploits sont réunis dans l'ouvrage illustré: explosions, galipettes, vol de gâteaux, sabotages en tout genre, attaques de hannetons... Pas étonnant que ce texte insolent où les adultes en prennent souvent pour leur grade soit devenu un classique.

Au fond, ces deux Allemands du XIXe siècle avaient déjà tout bon quand ils s'adressaient aux enfants. Et Cavanna a su respecter leur esprit et leurs intentions dans ses excellentes traductions.

mercredi 29 janvier 2014

L7E tranglée en parcourant le dernier "ELLE"

A la rubrique "Joyeux anniversaires", le "ELLE" du 24 janvier 2014 publie ceci.
 



Ai-je bien lu? "Martine", celle de Marcel Marlier et Gilbert Delahaye (Casterman), la "meilleure amie des petites filles"?
"Martine", "indémodable"?
Mais où est-on? et en quelle année?
Et c'est dans le "ELLE", hebdo dit féministe qu'on écrit cela!

La série des "Martine", c'est surtout un réel trompeur sous des images trop léchées - alors que les croquis de Marcel Marlier, décédé le 21 janvier 2011, étaient superbes. La plupart des librairies jeunesses de Belgique n'en ont pas d'exemplaire en stock. L'une ne les vend que sur commande. L'autre, installée au centre-ville, en a un ou deux, mais ce ne sont pas ses clients habituels qui  les achètent. Qui en sont alors les acheteurs? Des enseignants, des futurs enseignants (!), des grands-parents nostalgiques. Des mamies surtout, qui ne connaissent que ça. Des mamies qui ont lu les "Martine" petites.

Quelle petite fille a-t-elle échappé à ces albums joliment dessinés? Alors que les images léchées présentent un réel fallacieux et trompent finalement le jeune public. Martine veut-elle faire du théâtre? Elle trouve chez elle un coffre regorgeant de déguisements plus magnifiques les uns que les autres. Martine apprend-elle à danser? Elle fait très vite le grand écart. A peine commence-t-elle à monter à cheval qu’elle remporte le concours hippique. Et quand elle goûte la confiture mijotant dans la bassine en y trempant le doigt, elle ne se brûle même pas! La plus que parfaite Martine évolue dans une apparence de réalité, alors qu'il s'agit en réalité d'un réel trompeur.

Ce n’est pas grave qu’en soixante ans, elle n’ait pas vieilli et ne sache rien faire d'autre que sourire. Mais qu’a-t-elle compris à la vie? Ses sujets d’intérêt sont toujours matérialistes. La société de consommation est son modèle et les stéréotypes masculin-féminin son chemin. Quel enfant se retrouve-t-il dans les histoires qu’elle raconte? Malgré les apparences, son univers est un leurre. Qui laisse peu de place à l’imagination, qui n’invite pas l’enfant à se découvrir ou à cultiver sa fantaisie, à s’élever ou à s’ouvrir au monde, les vrais rôles de la littérature de jeunesse.

samedi 25 janvier 2014

L100 goisse pour les petits réfugiés sans papiers

L'édition originale danoise du saisissant livre "Hvis der war krig i Norden", de Janne Teller, a déjà dix ans. Et il y a maintenant deux ans que sa traduction française est disponible: "GUERRE, et si ça nous arrivait?" (traduction du danois par Laurence W. O. Larsen, illustrations de Jean-François Martin, Les Grandes Personnes, 64 pages).
Un puissant roman d’anticipation, sobrement illustré, pour les pré-ados, les ados et les adultes.

Dans ce petit format aux dimensions et à la couleur d'un passeport européen, jusqu'aux coins arrondis, l'écrivaine a tout simplement renversé les perspectives.
C'est très bien expliqué en quatrième de couverture.



Dans la version française de "Guerre" – les traductions sont adaptées en fonction des pays –, la guerre dévaste la France, et non les pays lointains comme les médias le rapportent. "Et si ça nous arrivait?", interroge le sous-titre.

La situation est grave. Des régimes nationalistes ont vu le jour en Europe. Le narrateur, 14 ans, raconte simplement ce qui se passe  mais qu'est-ce que cela interpelle le lecteur! Il dit les tirs, les balles, les pénuries, les morts, les passeurs, la fuite vers le sud, l’Egypte, la langue arabe qu'il ne comprend pas, le rejet des populations locales, les questions de religion, les années qui passent, les demandes d’asile…

L'état de réfugié prend une toute autre dimension dans ce roman bref et  percutant qui invite à endosser une peau inconnue, à devenir un émigré, à devenir un immigré. L’idée de l’inversion des situations est superbe et redoutablement efficace.

Janne Teller, l'auteure, explique avoir écrit une première version de "Guerre" en 2001, quand des débats sur les réfugiés ont agité le Danemark. Elle espérait alors que sa fiction devienne vite obsolète… 

Deux exemples de doubles pages.



"Etranger" est écrit en arabe.
































Personne n’a oublié le magnifique album "Flon-Flon et Musette" (L'école des loisirs, Pastel, 1993), où Elzbieta disait si bien la guerre vue du côté des enfants. Avec ces deux petits lapins voisins qui jouent ensemble toute la journée, en attendant de se marier. Jusqu'au jour où une haie d'épines remplace le ruisseau entre eux.
Une façon extrêmement juste de montrer l'incompréhension des enfants face à la guerre que se font les adultes.



Dans "Akim court" (L'école des loisirs, Pastel,  labellisé Amnesty International,
96 pages), Claude K. Dubois raconte, elle, un petit garçon au cœur de la guerre.
Voilà un très bel album à l’italienne, sur papier crème, à l’aquarelle et aux crayons, tout en teintes de terre, croquis et dessins rapides. Arrivé dans l'esprit de l'auteure, comme une nécessité impérieuse, un jour de repas en famille au jardin.

Souvent, le texte annonce les illustrations qui vont suivre, simples et évocatrices, d’autant plus poignantes et terribles.

La vie coulait dans le village d’Akim jusqu’au jour où des tirs ont résonné. Des explosions ont détruit les maisons. Dans la fumée et la poussière, un petit garçon cherche éperdument les siens. Mais il ne retrouve personne de sa famille. Un adulte tente de l’aider à fuir puis le perd.


Akim se retrouve seul sur le champ de bataille, au milieu des corps. Seul, encore. Une femme avec un bébé le recueille. Bref répit. Des soldats arrivent, emmènent les enfants pour les servir.

Akim parviendra à s’enfuir un jour, à rejoindre d’autres fuyards, à passer la frontière. Enfin, il est de l’autre côté, celui de l’aide humanitaire. Claude K. Dubois a ménagé une finale heureuse pour un album dont la crudité est nécessaire.

"Cet album est venu de l’actualité, de ces morts qu’on montre à la télévision sans cesse. J’ai pris l’inverse, la position d’un enfant qui est dans la guerre, qui la vit de l’intérieur. J’ai pris le risque du dessin en crayonné. L’album plaît énormément aux 8-9 ans, quelque chose leur parle. 

J’adapte mon dessin pour qu’il corresponde à l’âge de ceux qui vont me lire. Pas de rondeurs pour "Akim" mais une façon de dessiner différente parce que cela correspondait à ce que je voulais dire. Dans cet album, il y a quelques scènes dures avec des morts par terre. Mais  je limite la violence, je la suggère. C’est pour cela aussi que j’ai opté pour le noir et blanc. Je ne représente pas de choses intolérables parce que je m’adresse à des enfants. Les enfants entrent tellement dans les histoires! Ils sont en empathie avec le personnage.
Je fais attention à ce que je fais. Je ne choisis pas ce genre de sujet pour les traumatiser mais pour les interpeller. Je me rappelle très bien que, plus jeune, j’ai vu des reportages sur des camps de concentration et que j’en ai fait des cauchemars pendant des mois, encore maintenant je ne peux plus les voir. Je fais attention à ce que je fais."





Couverture en carton épais, texte aérien lourd de sens, illustrations audacieuses: ainsi se présente l’album "Sans papiers" (texte de Rascal, photos de Cendrine Genin, illustrations de Jean-François Martin, Editions Escabelle, 48 pages, dès 9 ans).  Les deux silhouettes en couverture, un père et sa fille, sont les symboles des sans papiers pleins d'espoir. Un livre à rechercher puisque la maison qui l'a édité a cessé ses activités l'an dernier.

Une petite fille raconte comment elle est arrivée avec son papa en France, terre d’asile, pays des droits de l’homme, après la mort de sa maman, le premier jour de la guerre chez eux, comment ils ont brûlé leurs papiers et comment elle a appris à ne pas se faire remarquer.

Après quatre ans de cette vie, elle connaît le français et l’a enseigné à son père. Elle va à l’école pendant que lui effectue des petits boulots. Ce jour-là, justement, est prévue la photo de classe. La jeune narratrice a mis sa plus belle robe et ses chaussures vernies. Mais des policiers en civil guettent devant l’école celle qui se sent devenue française. Ils la conduisent au commissariat où est déjà assis son père.

Prochaine étape pour ces deux sans-papiers qui étaient pleins d’espoir, et même d’espérance: Orly et l’avion qui les attend pour les reconduire au-delà de la frontière. "Sans papiers" dit superbement l’arrachement au pays d’origine et la joie d’une intégration réussie. Jusqu’à ce que…


Le jour du drame.





jeudi 23 janvier 2014

LM les Thelma et Louise de Gérard Mordillat

Gérard Mordillat. (c) François Catonné.
Bien sûr, on peut se contenter de lire les livres d'un écrivain.

Bien sûr, on peut se contenter de regarder les films d'un cinéaste.

Mais assister à une rencontre avec ledit écrivain ou ledit cinéaste apporte autre chose. Des surprises souvent. Des réponses à des questions. D'autres façons de voir le texte ou les images.

Cela a été le cas lundi soir à la librairie Joli Mai (29 Avenue Paul Dejaer à Saint-Gilles) qui accueillait Gérard Mordillat.
Pour le même prix, on a eu droit à un écrivain qui est aussi cinéaste ou à un cinéaste qui est aussi écrivain, selon les points de vue.

Pour récompenser l'un et l'autre public, l'écrivain-cinéaste avait amené deux nouveaux livres, un roman, "Xenia", et un essai, "Le miroir voilé. Et autres écrits sur l'image" (Calmann-Lévy tous les deux, 376 et 272 pages).

"Xenia", du prénom grec de son héroïne principale, est dans la ligne des précédents romans. Gérard Mordillat le répète régulièrement: "J'écris sur ce qui existe, sur les invisibles du monde du travail." Pourquoi ces derniers n'auraient-il pas le droit d'entrer dans cette forme d'art qu'est la littérature, interroge-t-il.

Dans ce nouveau roman, on fait la connaissance de Xenia, 23 ans, un bébé de quelques mois, et de sa voisine/copine Blandine, mère d'un ado mulâtre, Samuel, 15 ans. La première travaille pour une société de nettoyage, tôt le matin et tard le soir sans oublier les prestations de jour, et vient de se faire plaquer et voler par son jules. La seconde a aussi des horaires coupés et du travail dominical en supplément puisqu'elle est caissière à l'hypermarché du coin.

Ce qu'on voit d'abord dans ce livre, conçu comme un film en devenir, c'est la solidarité, entre femmes surtout mais pas que, la galère, la pauvreté, la peur du lendemain et la volonté de résister. Car les ennuis et les injustices ne vont tarder ni pour l'une, ni pour l'autre, ni pour les autres personnages ("ils me sont arrivés par l'oreille"). Il y aura aussi des pointes de lumière, de l'amour naissant, des découvertes... Des coups de tonnerre et des renversements de situation. Ce qu'on réalise ensuite, c'est le vide omniprésent, cruel, contagieux, sidérant.

Comment se laisser aimer quand on a reçu de sa mère un prénom qui signifie "l'étrangère", qu'on a pris plus de coups que n'importe qui? Comment se laisser aimer quand on porte au creux de soi un chagrin secret, que la violence de la société vous broie et qu'une voix en vous vous hurle de vous rebeller?

Blandine a, elle aussi, ses fractures, passées et présentes, ses espoirs, ses déceptions. Malgré tout, Gérard Mordillat ménage des plages de vraie joie, de pur bonheur et laisse la fin de son texte ouverte. En écrivant ce roman, il a posé un nouvel "acte de résistance", dardé quelques instants ses projecteurs sur ce qui se passe près de chez nous. Il a saisi des petits bouts d'existences invisibles.

Quand on écoute le Français parler, on découvre d'abord son rire, formidable, sa manière d'appuyer sur les "a". On l'entend invectiver les directeurs de programmes télévisés pour qui tout est trop bien. Avouer qu'il écrit toujours le premier jet d'un nouveau roman à la main. Rappeler qu'il écrit ses livres au présent par choix.

On le voit sourire quand il détaille les raisons pour lesquelles il a introduit trois livres dans le texte de "Xenia": "Alice au pays des merveilles" parce qu'"il est un admirateur inconditionnel de Lewis Carroll et que le chat du Cheschire trouve bien sa place aux côtés de quelqu'un qui vit toujours dans l'urgence"; "Les damnés de la terre" de Frantz Fanon, auteur aujourd’hui enfin réédité, dont l'exemplaire décrit, qui a bien vécu, est le sien, "un livre juste puissant"; "La vie sexuelle d'Emmanuel Kant", de Jean-Baptiste Botul, "parce que c'est le clin d’œil obligé" que se font les uns et les autres du noyau dur botulien auquel il appartient.

On apprend que le peintre lyonnais Patrice Giordia qui apparaît dans "Xenia" existe vraiment. On le rencontre aussi dans le dernier essai de Gérard Mordillat ainsi que dans des ouvrages antérieurs.

Surtout, on découvre que la scène hallucinante du pillage intégral du supermarché a existé. "Il me faut toujours une image fondamentale pour commencer un livre ou un film", a expliqué Gérard Mordillat. "Pour "Xenia", il s'agit d'une scène qui s'est déroulée en Grèce il y a deux ou trois ans. Toutes les caissières ont quitté en même temps leur poste. Non seulement, le supermarché a été complètement pillé mais même ses rayons ont été démolis. Quand la police est arrivée, il ne restait plus que le sol et le plafond!"

C'est souvent bien de se déplacer pour écouter un écrivain, un cinéaste ou un écrivain-cinéaste.


mercredi 22 janvier 2014

L100 va au Taschen Store de Bruxelles

Le Taschen Store de Bruxelles.


Pas aujourd'hui, non non non.
Je vais attendre demain, jeudi 23 janvier.
Car c'est à cette date que le Taschen Store de Bruxelles (18 rue Lebeau, 1000 Bruxelles, en bas du Grand Sablon) entame ses quatre journées de super soldes (du 23 au 26 janvier).

Pas que les livres Taschen soient tellement chers, à l'exception de quelques ouvrages particuliers et exceptionnels.
Mais bon, les sous sont les sous et les promos (jusqu'à 75 % m'assure-t-on) alléchantes.
Seront en vente des titres qui ne sont plus suivis par la maison d'édition ou légèrement abîmés. De l'architecture, de la photo, du cinéma, des livres d'art.

Et si rien ne me plaît ou si tout est vendu, j'aurai au moins revu ce joli endroit de Bruxelles, décoré par Philippe Starck en 2008!

mardi 21 janvier 2014

LD couvre avec joie les innombrables cousins et cousines de Sophie, la girafe qui fait "pouet"

Sophie la girafe, une star mondiale.
Il existe à Bruxelles un château de princesses. C'est du moins comme cela que les enfants voient souvent  la Porte de Hal, rénovée en 2008. Murs particulièrement épais, escaliers tournants en pierre, salles impressionnantes...
C'est justement au troisième étage de ce château de contes de fées bruxellois que se tient en ce moment une fort plaisante exposition.

"Des jouets qui font POUET!" est consacrée à Sophie la girafe, la reine des jouets "pouet" et à tous ses copains de caoutchouc, de vinyle et de PVC. Vous savez bien, ces jouets qui accompagnent la petite enfance, qu'on donne dès le berceau ou pour le bain, avec lesquels les enfants s'exercent à la découverte ses sons et qui sont souvent récupérés ensuite, et mis sous vitrine, par quelques adultes collectionneurs.

On l'a compris, l'appellation "pouet" réunit les jouets qui font du bruit quand on les serre dans la main.  En français, ils font "pouet". En néerlandais, ils font "piep". En anglais, on parle de "squeaky toys". Fabriqués pour représenter l'air du temps de la société, ils permettent une véritable étude sociologique de leur âge d'or, la seconde moitié du siècle dernier. Si on admire leur réalisation, on ne peut que constater combien tous les poncifs d'un temps y sont omniprésents.

"La rénovation de la Porte de Hal en 2008 permet dorénavant d’accueillir au troisième étage des expositions temporaires sur le folklore auquel appartiennent les jouets", m'explique Linda Wullus des Musées royaux d’art et d’histoire.

Ces expositions temporaires peuvent provenir des collections de musées ou de collections particulières. Celle des "Jouets pouet" a été fournie par Isabelle Lecomte, collectionneuse depuis vingt ans et auteur du très beau catalogue illustré bilingue, "Des jouets qui font... pouet! Speelgoed om in te knijpen piep!" (Lannoo, 224 pages).
Un ouvrage riche de mille informations peu connues et d'autant plus passionnantes.



Les 101 dalmatiens, produits de 1961 à 1963. (c) DISNEY.


Casimir, pouet  à tête pivotante produit de 1974 à 1982
(c) C.IZARD / Y. BRUNIER – Une licence Osibo Productions.





Gédéon, pouet réalisé en 1977.
Reproduction photographique avec l’ autorisation des Amis de Benjamin Rabier.
























Hello Kitty, 1994
(c) SANRIO CO., Ltd.
La Bruxelloise qui habite actuellement en Suisse rêvait d’exposer sa collection car, selon elle, le jouet est un représentant actif de la société. Isabelle Lecomte a donc choisi six cents pièces parmi ses innombrables trésors amassés grâce aux puces, aux ventes et à internet (sa pièce plus ancienne est un chat de 1954 en caoutchouc) pour les montrer à la Porte de Hal. Bien entendu, les jouets sonores sont exposés de telle manière que les publics de tous âges soient contents, enfants comme adultes.




"Plusieurs thèmes ont été définis", ajoute Linda Wullus (KMKG-MRAH), "contes, cirque, animaux, enfance des bébés, rôles hommes-femmes ou garçons-filles, poupées folkloriques. On rencontre des silhouettes connues, venues des bandes dessinées, des séries télévisées ou de Walt Disney mais on fait aussi de réelles  découvertes, comme les "jouets pouet" dus au Tchèque Libuse Niklová, les "pouets à roulettes" ou les "pouets russes" aux dessins naïfs et dont le prix en kopecks est gravé dans le caoutchouc!"
















 Rares  pouets de l’ex-URSS réalisés vers 1965-1970.




Les "jouets pouet" sont anonymes ou le fruit du merchandising. Walt Disney concède des licences par pays. Les enfants les découvrent dans des vitrines basses à leur hauteur. Il faut les voir reconnaître Pierre Lapin, Nounours, Babar, des héros de la TV et de la BD (Tintin, Astérix, Marsupilami, Schtroumpfs), ou s'interroger sur les animaux amoureux de Peynet, ou sur un petit Bouddha…
A noter que le premier "pouet" est un Jiminy Cricket, que les formats sont plus grands quand ils viennent d'Italie, que les "pouets" belges sont plus petits et plus simples.

Les années 1970 voient arriver en masse les jouets éducatifs "intelligents" de Fisher Price et Kiddicraft, et envoient le "jouet pouet", trop simple, dans les cordes. Il en apparaît encore mais beaucoup moins. Aujourd’hui les "jouets pouet" se sont recyclés dans les jouets de bain, mais sans sifflet, alors que la condition pour être un "jouet pouet" est qu’il y ait un sifflet.

"Les jouets pouet n’intéressent pas les collectionneurs parce qu’ils ne sont pas composés de matériaux nobles", dit la collectionneuse Isabelle Lecomte. "J’ai été attirée par leur côté populaire, bon marché, souvent mal vu, mais surprenant par leur variété. Quand j’ai acheté mon premier jouet pouet, j’ai craqué et c’est devenu une passion. Malheureusement le caoutchouc est très fragile, le vinyle un peu moins. Mes jouets viennent des quatre coins du monde. J’ai aujourd’hui 2000 pièces et  ma collection augmente de jour en jour. J’achète beaucoup par internet. Le collectionneur pense toujours à ce qu’il n’a pas, à la série qui lui manque. Internet permet des recherches précises."

En effet, le "jouet pouet" nous dit l’enfance au XXe siècle. Le public est large, familial, comprenant les tout-petits. Le "jouet pouet" est souvent le premier contact du bébé avec les objets. L’exposition présente les ancêtres des jouets qui font du bruit, les jouets sur soufflets, les hochets, réalisés en papier mâché et en bois. Le "jouet pouet" présente la difficulté qu’il est à la fois une poupée et un jouet qui fait du bruit.

Différentes cellules didactiques montrent la fabrication du "jouet pouet", avec la confection du moule en bronze où est coulé le caoutchouc, le fait qu’il est un miroir de la société, notamment dans la répartition des rôles masculin-féminin, surtout dans les années 50-60, et expliquent sa disparition à cause de l’apparition de l’électronique.

On ne se doute guère que Sophie la girafe est devenue une star mondiale. Haute de 18 cm, elle est née le 25 mai 1961, jour de la Sainte-Sophie et a déjà été vendue à plus de trente millions d'exemplaires. Un site lui est même consacré.

Après la visite, une séance de jeu avec des "jouets pouets" est possible au grenier de la Tour de Hal: livres, maison de poupées, coloriages, magasin attendent les jeunes visiteurs.

Et ceux qui n'en ont pas vu assez se plongeront avec délices dans le catalogue très abondamment illustré de l'exposition qu'a rédigé Isabelle Lecomte. L'ouvrage bilingue (FR-NL) remonte aux années 1930 et présente toute histoire du "jouet pouet". Les notices sont passionnantes et sont complétées de nombreux documents, photos anciennes, extraits de catalogues



L'exposition se tient à la Porte de Hal tous les jours sauf le lundi jusqu'au dimanche 15 juin. Infos pratiques ici. 

Elle ira ensuite à Gand (Huis van Alijn), du 6 décembre au 22 février 2015.


mardi 14 janvier 2014

LAA ppris le décès de Jean Fabre

Jean Fabre. (c) Aline Giron.

Jean Fabre, "Monsieur Fabre" comme on l'appelait, allait avoir 94 ans (il était né le 29 janvier 1920). Le confondateur des éditions de L'école des loisirs s'est éteint jeudi dernier, le 9 janvier 2014. Cofondateur, car les compères étaient trois en 1965 à se lancer dans une aventure éditoriale fort originale pour l'époque, créer des livres pour enfants différents, leur permettant de développer leur personnalité - elle réunit aujourd'hui le meilleur de la production jeunesse des cinquante dernières années.

Le trio se composait de Jean Fabre, l'aîné qui travaillait aux Editions de l'école, scolaires donc, de son neveu Jean Delas, diplômé de HEC et du graphiste venu de Suisse, stagiaire aux Editions de l'école,  Arthur Hubschmid. Il faut les imaginer arpenter les allées de la Foire internationale du livre de Francfort en 1963 avant de prendre leur décision et de créer une maison d'édition dont le nom, L'école des loisirs, prolongerait la précédente.

C'est l'époque où la jeune maison d'édition, installée rue de Sèvres, amène sur le marché français les traductions des albums de Maurice Sendak,  Arnold Lobel, Tomi Ungerer, Leo Lionni, Iela Mari. Dès la première année, une créatrice belge sera de la partie, Marie Wabbes avec son "Olivier Lepage" (texte de Marcel Vermeulen), précédent ses "Vache Caroline" qu'elle signera du nom de Florence.
Suivra sous la bannière L'école des loisirs, une foule de grands noms, Barbapapa comme le répètent ceux qui relaient la dépêche AFP, mais aussi et surtout Philippe Dumas, Mitsumasa Anno, Claude Ponti, Grégoire Solotareff, Nadja, Philippe Corentin, et tous ceux des générations suivantes...

Aujourd'hui, c'est toujours un triumvirat qui dirige L'école des loisirs. Arthur Hubschmid en est toujours le directeur éditorial. Jean Delas a laissé sa place l'an dernier, en 2013, à son fils Louis, devenu co-directeur de la maison avec Jean-Louis Fabre qui avait pris la succession de son père en 1995. Ce qui n'empêchait pas Jean Fabre de veiller encore et toujours sur sa chère maison et ses auteurs. Sa gentillesse, ses yeux pétillants, sa bienveillance ont frappé tous ceux et celles qui l'ont approché.

"Monsieur Fabre" venait régulièrement en Belgique, transporté ici et là dans la R5 du responsable belge de sa maison. Il rencontrait les libraires et donnait des conférences où ses choix en littérature de jeunesse convainquaient sans peine un public ébloui.

Extraits.

"L'album pour enfants est un miroir de soi-même, un porte-voix de ses émotions et une fenêtre ouverte sur le monde. Le livre plaide aussi pour que ce soit à l'école que les enfants découvrent la littérature et qu'ils la découvrent pour ce qu'elle est, une source infinie de plaisirs, et non la simple occasion d'un cours de grammaire."

"L'enfant plus âgé trouve plusieurs motivations à la lecture. Tout d'abord, la communication, au-delà des frontières, des cultures (avec l'ouverture à la tolérance), l'occasion de sortir de ses habitudes de vie. Ensuite, le jeu avec les mots et les images. Enfin, un essai à la vie par procuration en se dédoublant à travers des personnages qui ont chacun quelque chose à dire."

 "Certains albums portent plus loin, résonnent plus fort, s'insinuent plus intimement, deviennent pour de jeunes lecteurs des références et des repères en les accompagnant dans leur cheminement personnel et en élargissant leur horizon familier."

Tout est dit et bien dit.
Merci Monsieur Fabre.



samedi 11 janvier 2014

LMO ssi "Le Livre des visages" de Sylvie Gracia

Facebook est tellement entré dans la langue courante qu’on ne songe même plus que le mot donne son titre au dernier roman en date de Sylvie Gracia, "Le livre des visages" (Ed. Jacqueline Chambon, 250 pages, 2012).

Ce "journal facebookien" se présente comme un journal littéraire habituel, daté, sauf qu'il réunit les photos et les textes de commentaires que l’auteur a postés sur Facebook en 2010 et 2011.

"Le début s’est fait par hasard", nous a expliqué l’auteur à la sortie du livre. "J’avais commencé à mettre sur Facebook des photos de mon quotidien, prises avec mon téléphone portable, et à les légender rapidement. Au bout de deux à trois semaines, les légendes se sont allongées puis sont devenues des textes. J’ai été attrapée malgré moi!"

On suit la romancière photographe durant une bonne année et demie. Ses phototextes nous entraînent dans sa vie privée comme professionnelle, sur ses chemins de traverse également. Une nouvelle démarche littéraire.

"Au début de l’été 2010, j’ai vu que quelque chose se passait sur Facebook. Les gens ont commencé à suivre mes textes, à réagir sur mon mur." Le début du livre, à Venise le 1er janvier, est reconstitué. "Mais en général, les textes ont été écrits au maximum deux ou trois jours après la prise de la photo. Les érotiques ont été ajoutés pour la version papier."

"Le livre des visages" montre les images de l'auteur et ce qu’elles déclenchent chez elle, une femme au début de la cinquantaine, la mère de deux filles qui sont devenues adultes, éditrice de profession, romancière également, l'orpheline en mal de mère depuis dix-neuf ans, une divorcée qui a une vie amoureuse. Avec les joies, les souvenirs, les angoisses de santé, celles de ses sœurs, les siennes.

Sylvie Gracia. (c) Marc Melki.
"Ce qui m’a frappée en relisant mes textes en prévision du livre papier", reprend Sylvie Gracia, "c’est la densité du temps. J’ai vécu une année assez dense. Il était intéressant de voir comment texte et photo ont déposé le temps, l’ont inscrit dans le réel. Cela donne une densité très forte au temps quotidien."

Ce qui nous frappe nous, c’est la décontraction de l’écrivain. "Je me sentais très libre en écrivant", nous répond-elle,  tout en reconnaissant tenir d’autres carnets intimes, des vrais en papier et des fichiers sur son ordinateur. "L’essence même de Facebook est celle-là. On est souvent dans l’intime, même si le réseau est très ouvert. Sur Facebook, je fais un journal intime avec des textes et des photos. Je joue le jeu de l’intimité. Cela peut être dérangeant. Ces textes n’auraient pas pu être écrits ailleurs. Est-ce un livre en marge? Je pense y avoir donné le meilleur de moi-même. Celui qui viendra après en sera nourri."

vendredi 10 janvier 2014

LM très fort le "livre des visages" d'Ingrid Godon

Jean. (c) Ingrid Godon.
Le petit Chaperon rouge.
Julia. (c) Ingrid Godon.
Alice. (c) Ingrid Godon.
Paula. (c) Ingrid Godon.
Carl. (c) Ingrid Godon.


Livre pour enfants?
Beau livre?

Le merveilleux album "J'aimerais", présentant une suite de portraits dus à l'artiste belge Ingrid Godon pour lesquels le Néerlandais Toon Tellegen  a imaginé des textes, est assurément les deux. Un livre superbement traduit du néerlandais par Maurice Lomré (La Joie de lire, collection "Hors norme", 100 pages).

C'est un album pour enfants dès son titre, "J'aimerais", expression courante durant l'enfance. Il réunit trente-trois peintures de visages, tous nommés par l'autodidacte Ingrid Godon, la plupart du temps cadrés serrés, yeux écartés, lèvres souvent fines. Il s'agit en majorité d'enfants, Alice, Oscar, Léonard, Marcel, Nora, Anton, les jumelles Marie et Rose, mais on croise aussi quelques adultes, Suzanne, José, Joseph... Des dessins libres et des croquis apparaissent ci et là.

Les jumelles Marie et Rose. (c) Ingrid Godon/La joie de lire.

Ce qui frappe tout de suite, c'est l'air de famille des modèles. Il sourd de ces portraits une douce mélancolie, un léger sérieux, un côté ancien, presque suranné. Pas de sourire mais des regards qui scrutent le lecteur. Face à ces tableaux, des textes courts et bien troussés, souhaits dictés par les traits graves, qui questionnent la condition humaine. Alice se rassure sur sa mort. Oscar interroge sa foi en Dieu. Léonard rêve de mystères. Marcel veut être le garçon aux mille alibis... Qui ne s'y retrouverait pas? Et plus on en voit, plus on a envie d'en dénicher d'autres. Et plus on en lit, plus on a envie d'encore en découvrir. Tant on se reconnaît  dans ce "livre des visages".

"J'aimerais" est aussi un beau livre par l'excellence de sa confection. Une feuille de calque estompe le portrait de Jean en couverture, le papier est de qualité, beau le format. Typographie et mise en pages extrêmement soignées rendent honneur à la qualité des images et des textes; poussées à ce point, c'est rare. Mais quel plaisir de tourner des pages si bien pensées, de tomber sur des calques vert clair imprimés de la phrase fil rouge, "J'aimerais", en rouge justement. C'est classe et réjouissant.

Ingrid Godon. (c) Koen Broos.
Ce qui est original dans cet album bien épais, qu'on lit et relit avec bonheur, c'est qu'il a été entamé par les dessins d'Ingrid Godon. Ses saisissants portraits sont nés après qu'elle se soit imprégnée de vieilles photos de famille en noir et blanc. On remarque aussi l'ascendance ainsi que l'influence des portraitistes italiens et flamands.

Ce n'est qu'ensuite que l'artiste belge a confié sa trentaine de visages, auxquels elle avait donné des prénoms, à Toon Tellegen, un ancien médecin devenu auteur pour la jeunesse, qui a imaginé les histoires et les désirs dissimulés derrière les regards. La galerie de portraits à qui la parole est donnée, à l'exception de quelques-uns qui ne disent rien, qui en résulte exerce une réelle fascination sur le lecteur, qu'il soit enfant, ado ou adulte. On y cherche le bonheur inlassablement, qu'il soit éternel ou celui d'un moment. On y interroge le présent, le passé et le futur. On y frôle au plus près la condition humaine dans ses différents états.

"J'aimerais" est un ouvrage magnifique, qui pose plein de questions et y répond à sa façon, magnétique comme les portraits qu'il présente. Un "livre des visages" d'une richesse inouïe.

La quatrième de couverture de "J'aimerais".



Les originaux de l'album d'Ingrid Godon sont actuellement exposés à la librairie Filigranes (39-40, Avenue des Arts, 1040 Bruxelles) jusqu'au
3 février.

mercredi 8 janvier 2014

LC lèbre l'anniversaire de David Robert Jones


(c) Yves Budin/Dessert de lune.
 
David Robert Jones est né le 8 janvier 1947 à Brixton, un quartier populaire de Londres.
Ce nom ne vous dit rien ou pas grand-chose?

C'est pourtant le vrai nom de David Bowie qui fête ce jour ses 67 ans.

L'occasion de plonger dans la super chouette biographie illustrée, "(Sounds &) Visions of Bowie", que lui consacre Yves Budin (Les carnets du dessert de lune, 96 pages).

L'ouvrage commence par une préface du regretté Gilles Verlant (1957-2013), qui se dit "toujours ébloui" par Bowie et termine son texte par "Et maintenant, place au choc des images."


(c) Yves Budin/Dessert de Lune.
Choc il y a effectivement, devant la technique expressionniste d'Yves Budin. Devant son ton aussi, car le texte qui accompagne les dessins est souvent télégraphique, toujours chronologique, entamé à la première personne, poursuivi à la troisième.

Les pages fourmillent de renseignements sur les usages anglais d'hier, les personnes que la star a rencontrées, ce que David Bowie a chanté dès ses débuts, l'origine de son pseudo, les influences qu'il a subies, les événements de sa vie personnelle et  familiale...

Et bien sûr les chansons, les spectacles et les excès de l'homme-caméléon qui a marqué la musique de son nom depuis 1967. A l'indélébile.

Même si on le connaît, on suit avec appétit et intérêt l'itinéraire de l''homme aux yeux vairons, toujours soutenu par les expressifs dessins en noir, blanc et rouge (et une pointe de jaune). Quelques dates permettent de mieux se repérer mais sans gêner la lecture. Un impeccable portrait en forme de jeu de piste.


(c) Yves Budin/Dessert de Lune.