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samedi 25 janvier 2014

L100 goisse pour les petits réfugiés sans papiers

L'édition originale danoise du saisissant livre "Hvis der war krig i Norden", de Janne Teller, a déjà dix ans. Et il y a maintenant deux ans que sa traduction française est disponible: "GUERRE, et si ça nous arrivait?" (traduction du danois par Laurence W. O. Larsen, illustrations de Jean-François Martin, Les Grandes Personnes, 64 pages).
Un puissant roman d’anticipation, sobrement illustré, pour les pré-ados, les ados et les adultes.

Dans ce petit format aux dimensions et à la couleur d'un passeport européen, jusqu'aux coins arrondis, l'écrivaine a tout simplement renversé les perspectives.
C'est très bien expliqué en quatrième de couverture.



Dans la version française de "Guerre" – les traductions sont adaptées en fonction des pays –, la guerre dévaste la France, et non les pays lointains comme les médias le rapportent. "Et si ça nous arrivait?", interroge le sous-titre.

La situation est grave. Des régimes nationalistes ont vu le jour en Europe. Le narrateur, 14 ans, raconte simplement ce qui se passe  mais qu'est-ce que cela interpelle le lecteur! Il dit les tirs, les balles, les pénuries, les morts, les passeurs, la fuite vers le sud, l’Egypte, la langue arabe qu'il ne comprend pas, le rejet des populations locales, les questions de religion, les années qui passent, les demandes d’asile…

L'état de réfugié prend une toute autre dimension dans ce roman bref et  percutant qui invite à endosser une peau inconnue, à devenir un émigré, à devenir un immigré. L’idée de l’inversion des situations est superbe et redoutablement efficace.

Janne Teller, l'auteure, explique avoir écrit une première version de "Guerre" en 2001, quand des débats sur les réfugiés ont agité le Danemark. Elle espérait alors que sa fiction devienne vite obsolète… 

Deux exemples de doubles pages.



"Etranger" est écrit en arabe.
































Personne n’a oublié le magnifique album "Flon-Flon et Musette" (L'école des loisirs, Pastel, 1993), où Elzbieta disait si bien la guerre vue du côté des enfants. Avec ces deux petits lapins voisins qui jouent ensemble toute la journée, en attendant de se marier. Jusqu'au jour où une haie d'épines remplace le ruisseau entre eux.
Une façon extrêmement juste de montrer l'incompréhension des enfants face à la guerre que se font les adultes.



Dans "Akim court" (L'école des loisirs, Pastel,  labellisé Amnesty International,
96 pages), Claude K. Dubois raconte, elle, un petit garçon au cœur de la guerre.
Voilà un très bel album à l’italienne, sur papier crème, à l’aquarelle et aux crayons, tout en teintes de terre, croquis et dessins rapides. Arrivé dans l'esprit de l'auteure, comme une nécessité impérieuse, un jour de repas en famille au jardin.

Souvent, le texte annonce les illustrations qui vont suivre, simples et évocatrices, d’autant plus poignantes et terribles.

La vie coulait dans le village d’Akim jusqu’au jour où des tirs ont résonné. Des explosions ont détruit les maisons. Dans la fumée et la poussière, un petit garçon cherche éperdument les siens. Mais il ne retrouve personne de sa famille. Un adulte tente de l’aider à fuir puis le perd.


Akim se retrouve seul sur le champ de bataille, au milieu des corps. Seul, encore. Une femme avec un bébé le recueille. Bref répit. Des soldats arrivent, emmènent les enfants pour les servir.

Akim parviendra à s’enfuir un jour, à rejoindre d’autres fuyards, à passer la frontière. Enfin, il est de l’autre côté, celui de l’aide humanitaire. Claude K. Dubois a ménagé une finale heureuse pour un album dont la crudité est nécessaire.

"Cet album est venu de l’actualité, de ces morts qu’on montre à la télévision sans cesse. J’ai pris l’inverse, la position d’un enfant qui est dans la guerre, qui la vit de l’intérieur. J’ai pris le risque du dessin en crayonné. L’album plaît énormément aux 8-9 ans, quelque chose leur parle. 

J’adapte mon dessin pour qu’il corresponde à l’âge de ceux qui vont me lire. Pas de rondeurs pour "Akim" mais une façon de dessiner différente parce que cela correspondait à ce que je voulais dire. Dans cet album, il y a quelques scènes dures avec des morts par terre. Mais  je limite la violence, je la suggère. C’est pour cela aussi que j’ai opté pour le noir et blanc. Je ne représente pas de choses intolérables parce que je m’adresse à des enfants. Les enfants entrent tellement dans les histoires! Ils sont en empathie avec le personnage.
Je fais attention à ce que je fais. Je ne choisis pas ce genre de sujet pour les traumatiser mais pour les interpeller. Je me rappelle très bien que, plus jeune, j’ai vu des reportages sur des camps de concentration et que j’en ai fait des cauchemars pendant des mois, encore maintenant je ne peux plus les voir. Je fais attention à ce que je fais."





Couverture en carton épais, texte aérien lourd de sens, illustrations audacieuses: ainsi se présente l’album "Sans papiers" (texte de Rascal, photos de Cendrine Genin, illustrations de Jean-François Martin, Editions Escabelle, 48 pages, dès 9 ans).  Les deux silhouettes en couverture, un père et sa fille, sont les symboles des sans papiers pleins d'espoir. Un livre à rechercher puisque la maison qui l'a édité a cessé ses activités l'an dernier.

Une petite fille raconte comment elle est arrivée avec son papa en France, terre d’asile, pays des droits de l’homme, après la mort de sa maman, le premier jour de la guerre chez eux, comment ils ont brûlé leurs papiers et comment elle a appris à ne pas se faire remarquer.

Après quatre ans de cette vie, elle connaît le français et l’a enseigné à son père. Elle va à l’école pendant que lui effectue des petits boulots. Ce jour-là, justement, est prévue la photo de classe. La jeune narratrice a mis sa plus belle robe et ses chaussures vernies. Mais des policiers en civil guettent devant l’école celle qui se sent devenue française. Ils la conduisent au commissariat où est déjà assis son père.

Prochaine étape pour ces deux sans-papiers qui étaient pleins d’espoir, et même d’espérance: Orly et l’avion qui les attend pour les reconduire au-delà de la frontière. "Sans papiers" dit superbement l’arrachement au pays d’origine et la joie d’une intégration réussie. Jusqu’à ce que…


Le jour du drame.





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