Jean Fabre. (c) Aline Giron. |
Jean Fabre, "Monsieur Fabre" comme on l'appelait, allait avoir 94 ans (il était né le 29 janvier 1920). Le confondateur des éditions de L'école des loisirs s'est éteint jeudi dernier, le 9 janvier 2014. Cofondateur, car les compères étaient trois en 1965 à se lancer dans une aventure éditoriale fort originale pour l'époque, créer des livres pour enfants différents, leur permettant de développer leur personnalité - elle réunit aujourd'hui le meilleur de la production jeunesse des cinquante dernières années.
Le trio se composait de Jean Fabre, l'aîné qui travaillait aux Editions de l'école, scolaires donc, de son neveu Jean Delas, diplômé de HEC et du graphiste venu de Suisse, stagiaire aux Editions de l'école, Arthur Hubschmid. Il faut les imaginer arpenter les allées de la Foire internationale du livre de Francfort en 1963 avant de prendre leur décision et de créer une maison d'édition dont le nom, L'école des loisirs, prolongerait la précédente.
C'est l'époque où la jeune maison d'édition, installée rue de Sèvres, amène sur le marché français les traductions des albums de Maurice Sendak, Arnold Lobel, Tomi Ungerer, Leo Lionni, Iela Mari. Dès la première année, une créatrice belge sera de la partie, Marie Wabbes avec son "Olivier Lepage" (texte de Marcel Vermeulen), précédent ses "Vache Caroline" qu'elle signera du nom de Florence.
Suivra sous la bannière L'école des loisirs, une foule de grands noms, Barbapapa comme le répètent ceux qui relaient la dépêche AFP, mais aussi et surtout Philippe Dumas, Mitsumasa Anno, Claude Ponti, Grégoire Solotareff, Nadja, Philippe Corentin, et tous ceux des générations suivantes...
Aujourd'hui, c'est toujours un triumvirat qui dirige L'école des loisirs. Arthur Hubschmid en est toujours le directeur éditorial. Jean Delas a laissé sa place l'an dernier, en 2013, à son fils Louis, devenu co-directeur de la maison avec Jean-Louis Fabre qui avait pris la succession de son père en 1995. Ce qui n'empêchait pas Jean Fabre de veiller encore et toujours sur sa chère maison et ses auteurs. Sa gentillesse, ses yeux pétillants, sa bienveillance ont frappé tous ceux et celles qui l'ont approché.
"Monsieur Fabre" venait régulièrement en Belgique, transporté ici et là dans la R5 du responsable belge de sa maison. Il rencontrait les libraires et donnait des conférences où ses choix en littérature de jeunesse convainquaient sans peine un public ébloui.
Extraits.
"L'album pour enfants est un miroir de soi-même, un porte-voix de ses émotions et une fenêtre ouverte sur le monde. Le livre plaide aussi pour que ce soit à l'école que les enfants découvrent la littérature et qu'ils la découvrent pour ce qu'elle est, une source infinie de plaisirs, et non la simple occasion d'un cours de grammaire."
"L'enfant plus âgé trouve plusieurs motivations à la lecture. Tout d'abord, la communication, au-delà des frontières, des cultures (avec l'ouverture à la tolérance), l'occasion de sortir de ses habitudes de vie. Ensuite, le jeu avec les mots et les images. Enfin, un essai à la vie par procuration en se dédoublant à travers des personnages qui ont chacun quelque chose à dire."
"Certains albums portent plus loin, résonnent plus fort, s'insinuent plus intimement, deviennent pour de jeunes lecteurs des références et des repères en les accompagnant dans leur cheminement personnel et en élargissant leur horizon familier."
Tout est dit et bien dit.
Merci Monsieur Fabre.
De la part de Marie Wabbes:
RépondreSupprimerCher Monsieur Fabre,
Vous avez été mon premier éditeur,en 1965....
Je me souviens d'être venue vous montrer à la Foire de Francfort l'album de Maurice Sendak "Hector Protector" et "Crictor" de Tomi Ungerer que j'avais découverts sur le stand américain. J'étais enchantée de découvrir un autre monde que celui des enfants modèles. Vous m'avez accueillie avec amusement!
Nous nous sommes rencontrés souvent au cours des années, à Paris, à Bruxelles, à Bologne. Vous m'avez toujours manifesté une souriante bienveillance.
Je vous suis très reconnaissante de m'avoir donné l'occasion d'exercer ce métier que j'adore et qui est resté le moteur de ma vie.