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mercredi 29 juin 2016

DTPE 1: quand jazz et littérature swinguent

De tout pour l'été, DTPE.
L'été, le temps de lire, du lourd et du léger, du français et de l'étranger, des romans et des récits. L'été, le temps de relire aussi.

Agnès Desarthe et René Urtreger.

Ils arrivent à leur dernier rendez-vous de la journée, le mien. Se jouant de la météo, la romancière Agnès Desarthe et le pianiste René Urtreger ont présenté à Bruxelles leur œuvre commune, "Le Roi René" (Odile Jacob, 268 pages). Un livre épatant, au sens où il épate vraiment. Un ouvrage formidable qui fait à la fois le portrait d'un musicien et celui d'un homme. Le  roman vrai d'une vie peu banale et d'une rencontre qui ne l'est pas davantage. On lit René et on perçoit Agnès, on lit Agnès et on découvre René. Tout y est savamment et délicatement mêlé, ces deux-là s'additionnent et se complètent à merveille. L'un ne va pas sans l'autre et inversement. Ensemble, ils font swinguer la littérature et la musique.

Ils sont un peu fatigués mais ne manquent pas de ressort pour autant. C'est René Urtreger qui commence. Ses lunettes rouges n'ont qu'une branche. "Ben oui, j'ai cassé l'autre dans une bagarre de rue à Hong-Kong", glisse l'octogénaire (il est né le 6 juillet 1934) sans sourciller. Agnès Desarthe, elle, assure le job. Comment leur incroyable rencontre s'est-elle faite? Ils se sont rencontrés dans le Perche chez des amis communs et, immédiatement, ils se sont reconnus. Elle a voulu le raconter, le dire, le faire entendre de son ton à elle. René Urtreger a côtoyé tous les grands de la musique et on ne le sait pas. "Je me suis laissée porter par mon sujet", dit-elle. "C'était une sorte de prédestination mais j'ai toujours commencé mes livres sans le savoir, et aussi la magie de la rencontre, le contact avec lui. J'ai alors improvisé, une pratique que j'avais déjà expérimentée, comme une grille harmonique en jazz."

Le résultat? Un livre magnifique et touchant, disant autant le Urtreger prodige du piano et génie du jazz dès son plus jeune âge, partenaire des plus grands jazzmen, en anglais et en français, comme de Sacha Distel, Claude François ou Serge Gainsbourg, que le René en proie aux démons de l'alcool et de la drogue, une longue descente suivi d'une toute aussi longue remontée ("Il y a 39 ans que j'ai supprimé alcool, drogue, défonce, cela aide", glisse-t-il.) Un musicien avant tout, et, éternellement, un enfant qui ne comprendra jamais que sa mère ait été arrêtée le 15 janvier 1944 par la Gestapo et qu'elle ait disparu à Auschwitz.

On imagine comment le livre s'est composé puisqu'Agnès Desarthe en donne constamment des indications dans son texte, incarnant ainsi la rencontre. Elle me précise: "J'ai pris des notes et enregistré les conversations avec René, ce qui, à l'écriture, m'a permis de réentendre sa voix et son rythme de voix, de reconstituer certaines de ses phrases, de réentendre les morceaux de piano qu'il jouait pour moi, pour me montrer, pour m'expliquer. Mais je ne voulais pas faire un verbatim dans le livre, plutôt reconstituer un oral."

En voilà deux fameux complices! "Des joyeux cinglés", se présentent-ils en éclatant de rire. Avec ses mélanges de simple et de compliqué, "Le Roi René" en témoigne, qu'il s'attache à retracer l'itinéraire du musicien, sa vie à toutes les époques - "Il est hypermnésique, il n'a jamais fait une erreur de date ou de nom" -, ses rencontres, ses passions dont celle pour le jeu d'échecs qu'il partage avec plein d'autres musiciens et qui est pour lui un parallèle à la musique: "Jouer, c'est prévoir et s'adapter, comme les échecs." Voilà un livre de partage et d'échanges sincères des deux côtés qui irradie du plaisir pris à le faire. On sent le respect d'Agnès Desarthe pour René Urtreger dans ses questions. Elle sait attendre le moment où il sera prêt à dire ce qu'il a en lui. Elle l'y incite mais ne le bouscule pas, tentant de comprendre "comment il a sauté tout de suite dans le grand bain, l'excitation et la peur qu'il a ressenties."

La fin du livre est aussi surprenante que touchante, un renvoi d'ascenseur en quelque sorte, une expérience commune de l'émotion de la création en public. "On partage beaucoup de choses dont l'horreur de la fin", explique Agnès Desarthe. "C'est phobique chez moi. René est très généreux dans ses concerts, en repoussant sans cesse la clôture. Cette horreur de la fin commune m'a permis de finir le livre en douceur."

De son côté, René Urtreger est enchanté: "Cela s'est merveilleusement bien passé avec Agnès, on a beaucoup de ressemblances. Nous avions une écoute partagée. Je lui ai proposé que pour le livre on soit à égalité." Bien entendu, il a créé une composition musicale pour Agnès, "Timid", mais il a mis du temps à le lui dire… Sacré Roi René! Tellement tendre aussi quand il dit "Agnès, c'est ma fille".


Pour feuilleter le début du livre, c'est ici.




mardi 21 juin 2016

Décès de Benoîte Groult, féministe et romancière

Benoîte Groult. (c) DR.

Ce matin du 21 juin, il pleut doucement. C'est l'été, me rappelle Facebook dans un petit montage clignotant. Ce matin, il pleut doucement et la triste nouvelle traverse l'écran: la romancière française et grande figure du féminisme Benoîte Groult est décédée cette nuit, à 96 ans, à Hyères dans le Var, sa ville d'adoption. "Elle est morte dans son sommeil comme elle l'a voulu, sans souffrir", a indiqué à l'AFP sa fille Blandine de Caunes. Elle souffrait, comme sa sœur Flora décédée, de la maladie d'Alzheimer.

Benoîte Groult, aux yeux bleus si doux, née le 31 janvier 1920 à Paris, avait coutume de dire qu'elle s'était pensée immortelle jusqu'à 80 ans. Pour moi, elle l'a été jusqu'à ce matin d'été. Avec sa sœur Flora, emportée par une crise cardiaque il y a quinze ans, elle a guidé mon adolescence. Leurs livres écrits à quatre mains ont aidé bien des filles, et peut-être des garçons.



Ces dernières années, j'avais eu l'occasion de la renconter plusieurs fois, autant de moments de bonheur. Mince, menue, souriante ("Voulez-vous que je vous récite un poème pour tester votre enregistreur?"), toujours bien habillée, souvent en pantalon, bien coiffée, bien maquillée, elle se tenait droite et parlait avec force et sans retenue, de ses livres, de sa vie, de sa famille, du féminisme, de ce qu'il était devenu, de la société, de jardinage, de littérature, de pêche, de l'Irlande et de Paris... Immortelle.

Finalement, on connaissait assez bien la vie de Benoîte Groult par ses propres livres, "Les vaisseaux du cœur" en 1988 et surtout "Mon évasion", son autobiographie complète publiée en 2008. Elle a porté petite le prénom de Rosie, plus "doux" que le sien. Elle a été une fille obéissante, proche de son père, admirative de sa mère. Elle a été une féministe tardive, même si elle a très vite réclamé liberté, indépendance et droits. Elle a aimé plusieurs hommes, elle a eu enfants et avortements. Les malheurs qui ont parsemé son chemin n'ont pas atteint cette femme douée pour le bonheur.
 
Ce qui frappe surtout dans "Mon évasion" (Grasset, 2008), c'est la franchise, la liberté de ton et le goût pour le bien-être qu'affiche Benoîte Groult, femme aimante et aimée. Pas une plainte dans les onze chapitres où elle déroule sa vie, ses joies, ses peines et quelques regrets. "J'ai l'impression d'avoir été condamnée à une interminable course d'obstacles", écrit-elle. Chapeau pour la manière dont elle les a négociés! Son autobiographie est l'occasion de se rappeler, pour les aînés, que le féminisme n'est pas né de rien, ni tout seul, pour les plus jeunes, de découvrir ce qu'a été la vie des femmes d'hier, sans droits ni contraception.

Mais le récit de Benoîte Groult n'est pas qu'un traité de féminisme. C'est aussi l'émouvant journal d'une dame âgée qui raconte avec sincérité (les femmes ne savent rien de leur corps), remords (la petite Juive croisée pendant la guerre), passion (la première nuit avec Paul), humour (le ratage d'un beau parti sur le ton de la petite annonce), ce qu'a été son parcours sur terre. De son enfance privilégiée à sa révolte adulte.

Une traversée de la vie qu'elle a toujours faite en compagnie. Celle de sa mère qu'elle décevait par sa timidité et son goût pour les études, celle de sa sœur, différente et complice, celle de son père bienveillant avec qui elle a partagé les plaisirs du sport (ski, voile, pêche) et de la nature (promenade et jardinage). Celle de ses trois maris. Le premier, aimé mais mort de tuberculose peu après son arrivée sur un quiproquo, le deuxième, un vrai macho épousé trop vite, le troisième, le bon (?), avec qui elle a conclu un pacte à la Sartre et Beauvoir qui a duré plus de cinquante ans. Celle de ses trois filles bien entendu.

Bonheur de plonger dans ces pages, de découvrir l'envers de la vie de cette féministe dont, coup du sort ou effet de son mouvement, la descendance se compose de trois filles, trois petites-filles et une arrière-petite-fille.

Nous avions échangé à propos de ce livre.

Après "La touche étoile", très beau roman de 2006, vous revoilà deux ans plus tard avec "Mon évasion".
J'avais parlé de mes deux premiers mariages dans mes livres, mais jamais de Paul [Guimard]. Tant qu'il était vivant, cela m'ennuyait d'en faire le personnage d'un roman ou d'un livre. Comme il est mort en 2004, je me suis dit qu'à 88 ans, il était temps; sinon ce seraient des mémoires d'outre-tombe… J'ai aussi complété ce qui manquait dans mes précédents livres, notamment "Histoire d'une évasion", ma biographie écrite en 1997: un grand bout de vie et, surtout, les 54 ans avec Paul. J'explique comment je suis devenue féministe, comment j'ai secoué les traditions de l'école catholique. Je donne la version exacte des "Vaisseaux du cœur", en disant la vraie histoire de l'amant inconnu.

Le ton de votre récit est presque toujours joyeux.
C'est le seul moyen de parler des choses tristes. On ne peut pas parler de la vieillesse en s'attristant. Pendant ma jeunesse, j'ai eu la mort de mon premier mari. Mais c'était au moment de la Libération. J'ai été emportée par le mouvement de résurrection de la France. Tout le monde avait un drame à pleurer, et le mien a été balayé avec le reste par la violence de l'histoire à ce moment-là. Je n'ai pas la main verte pour le malheur, je cultive plutôt l'oubli. En 1944, j'avais déjà 24 ans. Il fallait se marier, faire un vrai enfant – je n'avais eu qu'un avortement avant. Le désir de vivre, après cinq ans de guerre et d'occupation, l'a emporté sur le malheur. Je me suis remariée très vite, trop vite, mais le concubinage était alors impensable dans les familles bourgeoises. Si j'avais vécu quinze jours avec Georges de Caunes, on se serait aperçus que ça n'allait pas. Mais là, on épousait un inconnu. A mes filles, j'ai dit: "N'épousez pas, commencez par connaître, même savoir ce qu'il est au lit, savoir ce qu'il est dans la vie quotidienne, comment il vit dans une maison."

Mais vos trois filles sont celles de leur mère?
Oui, mais aussi celles des temps nouveaux. La liberté des femmes a fait d'énormes progrès. Quand j'étais jeune, j'avais zéro droit. J'étais professeur de latin et je ne pouvais toujours pas voter. Je ne me suis pas révoltée tant j'ai été élevée comme une jeune fille rangée, qui acceptait la société même quand elle marchait mal. J'ai mis longtemps à me réveiller et à m'apercevoir que quelque chose ne fonctionnait pas. Et je ne me suis plus rendormie.

Longtemps vous n'avez été considérée ni comme une romancière ni comme une féministe. En avez-vous souffert?
Oui, je trouve que cela m'a nui. Par exemple, je n'ai pas signé le "Manifeste des 343 salopes" paru dans l'"Observateur", dont Simone de Beauvoir, dont Delphine Seyrig, des femmes brillantes, intelligentes et ayant réussi, parce que je n'étais pas encore considérée comme féministe: j'écrivais des romans féminins, doublement féminins, avec ma sœur Flora. Pourtant, des avortements, j'en avais eu ma part. En 1968, j'avais déjà 48 ans. La Révolution a déclenché mon indignation, ma colère. Je me suis dit: "Pourquoi suis-je restée endormie tout ce temps?" Ensuite j'ai préparé l'écriture d'"Ainsi soit-elle" et, là, je suis devenue une féministe… pur sucre, disons. Comment ne pas l'être quand on découvre les mutilations sexuelles en Afrique, les harems, le voile, tout ce qui empêche les femmes d'être des citoyennes?

Fêtée pour ses 90 ans.
J'avais eu la chance de participer à sa soirée d'anniversaire de 90 ans, le 1er février 2010 (oui un jour plus tard que la vraie date, réservée à l'intimité familiale) à Paris. Famille, amis, milieu de l'édition entendaient fêter dignement cette femme, mère, romancière et féministe. Mais... "Je voulais que cet innommable anniversaire de mes 90 ans passe inaperçu et c'est complètement raté", avait tout de go lancé Benoîte Groult à la centaine de personnes réunies en son honneur.

Chaussettes sombres à pastilles colorées mais double rang de perles posé sur son gilet fuchsia et bleu, la romancière et essayiste ne rate rien de la soirée, même si elle paraît parfois songeuse. Autour de l'auteur de l'essai coup de poing "Ainsi soit-elle", l'ex-chroniqueuse à "Elle", la fondatrice de "F magazine", une foule ravie et souriante, où les femmes se ressemblent. Logique, la famille de la féministe Benoîte Groult est féminine: trois filles, Blandine et Lison qu'elle a eues avec Georges de Caunes et Constance dont le père est Paul Guimard, trois petites-filles, Violette, Clémentine et Pauline, une arrière-petite-fille, Zélie. Mais aussi deux nièces, Colombe et Vanessa Pringle, les filles de sa sœur Flora, "qui sont parvenues à faire quatre garçons à elles deux".

Sa famille à géométrie variable accueille Antoine, Pierre et Marie, les enfants nés d'autres mariages de Georges de Caunes, ainsi que ses "filles de cœur", les écrivaines Denise Bombardier et Jeanne Cordelier. Ils sont rejoints par des amis, sa cadette de quelques semaines, Edmonde Charles-Roux, née en avril 1920 et qui nous a quittés ce 20 janvier, Georges et Maryse Wolinski, Charles Dantzig, Eliane Victor, etc., rencontrés dans la vie ou chez Grasset, son éditeur depuis 40 ans, "depuis que je n'écris plus avec ma sœur Flora". "Journal à quatre mains" date de 1962, "Le féminin pluriel" de 1965 et "Il était deux fois" de 1968 (ils sont publiés chez Denoël).

Pareil anniversaire appelle des témoignages d'affection, hommages à la femme, à la mère, à la romancière et à la féministe et sujets de réflexion. Blandine et Lison: "Maman, si on avait eu le choix, on t'aurait choisie entre mille." Jeanne Cordelier, auteur en 1976 du livre "La dérobade", que Benoîte Groult a préfacé: "Benoîte, si j'avais pu, je vous aurais choisie pour mère, j'aurais usé mes lèvres à vous baiser les mains." Denise Bombardier la Québécoise: "J'ai adopté toute la famille et toute la famille m'a adoptée. Tu as toujours refusé d'être une victime." Olivier Nora, directeur de Grasset et, alors, Fayard: "Benoîte, je voudrais te remercier en tant qu'homme d'avoir permis à ceux de ma génération de se comporter de manière moins sotte avec nos partenaires."

Entre un couple en cristal de Daum offert, les huîtres et le gâteau servis dans ce restaurant où François Mitterrand avait ses habitudes, glissent quelques anecdotes sur la romancière et figure de proue du féminisme, même si Benoîte Groult reconnaît dans sa récente autobiographie "Mon évasion" (2008) être arrivée tard au mouvement de libération des femmes. A propos de Jean-Claude Fasquelle, l'ancien directeur des éditions Grasset qui l'a publiée, célèbre pour ses remarques elliptiques: "Quand je lui ai apporté le manuscrit d'"Ainsi soit-elle", en 1975, il m'a répondu: “Un essai féministe? Tes romans marchaient si bien!”" A propos d'une course dans les escaliers de France-Télévision: "A partir de 100.000 exemplaires, je vais beaucoup plus vite."

"Tu ne te plains jamais", lui glisse encore Manuel Carcassonne, son ami et alors éditeur chez Grasset, "tu es toujours de bonne humeur, tu es toujours en pleine forme, tout le contraire de moi." Si l'éditeur y voit la raison de leur entente, j'y trouve plutôt une invitation à lire et relire indéfiniment Benoîte Groult, ses romans, ses essais et ses autobiographies qui disent l'histoire d'une société.

Ses filles Blandine et Lison.

A voir ici  
une vidéo de la soirée par "L'Express".


Pour prolonger la lecture des livres de Benoîte Groult, chez Grasset et au Livre de Poche, il y a bien entendu le savoureux et malicieux roman graphique de Catel Muller, "Ainsi soit Benoîte Groult" (Grasset, 2013, lire ici).






Dates
1920. Naissance à Paris, le 31 janvier, de  Benoîte Rosie Groult.
1938. Après des études de lettres, profession d'enseignante puis de secrétaire, avant d'entrer à la radio.
1944. Mariage, en juin, avec Pierre Heuyer, qui mourra six mois plus tard. Rencontre de Kurt, le pilote américain dont elle fera le héros du roman "Les vaisseaux du cœur" (Grasset, 1988).
1945. Obtient le droit de vote, comme toutes les Françaises.
1946. Mariage en mars avec Georges de Caunes avec qui elle aura deux filles, Blandine et Lison, et dont elle divorcera ensuite.
1951. Mariage avec Paul Guimard, dont elle aura une troisième fille, Constance, une union de 54 ans, jusqu'au décès de Paul en 2004.
1962. "Journal à quatre mains", avec sa sœur Flora (Denoël). A feuilleter ici.
1965. "Le Féminin pluriel", avec sa sœur Flora (Denoël).
1968. "Il était deux fois", avec sa sœur Flora (Denoël).
1972. "La part des choses" (Grasset, roman).
1975. Année de la femme. Parution de l'essai "Ainsi soit-elle" (Grasset), un million d'exemplaires.
1978. Cofondation du magazine féministe "F Magazine".
1982. Jurée du prix Femina.
1983. "Les trois quarts du temps" (Grasset, roman).
1984. Présidence de la Commission de terminologie pour la féminisation des noms de métiers, de grades et de fonctions
1988. "Les vaisseaux du cœur" (Grasset, roman).
1993. "Cette mâle assurance" (Albin Michel, essai).
1998. "Histoire d'une évasion" (Grasset, autobiographie).
2006. "La touche étoile" (Grasset, roman).
2008. "Mon évasion" (Grasset, autobiographie)
2010. "Le féminisme au masculin" (Grasset, essai).
2013. "Ainsi soit Olympe de Gouges" (Grasset, biographie).
2016. Décès à Hyères, le 21 juin.





mardi 14 juin 2016

Une amitié au début cahotant chez Max Velthuijs

J'écoute Manu Larcenet qui vient d'illustrer en bande dessinée le deuxième tome du "Rapport de Brodeck" de Philippe Claudel (Dargaud). Il explique que pour lui le thème du livre est l'étranger qui arrive et est repoussé parce qu'il est étranger.

Cela me fait irrésistiblement penser à ce magnifique album pour enfants, "Petit-Bond et l'étranger" de Max Velthuijs (l'école des loisirs, Pastel, 1993, lutin poche, 2002). Vite, vite, un tour sur l'internet. Ce bijou est-il toujours disponible? En grand format, non. En poche alors? Non plus. Dommage. Il vous reste à fouiller vos bibliothèques, vous y rendre ou tenter de le dénicher en brocante. Ou foncer sur les autres albums de Max Velthuijs (1923-2005) qui traduisent tous une fantastique humanité à hauteur d'enfant.

Petit-Bond et l'étranger. (c) Pastel.
Dès 1993 et "Petit-Bond et l'étranger", le créateur Hollandais montrait prodigieusement grâce à sa grenouille verte combien la peur des différences entraîne le rejet. Un racisme ordinaire car l'amitié est plus facile quand l'autre nous ressemble. Si l'autre vient d'ailleurs, le rejet dans lequel on se replie traduit surtout la peur. Rumeurs et réputations... De quoi transformer en ennemi redoutable le premier étranger pacifique venu.

Petit-Bond et l'étranger. (c) Pastel
L'album commence dans la révolution: un Rat établit son campement aux abords du village! Le trio habituel (Petit-Bond la grenouille, Cochonnet et Blanche la Cane) tient un sujet de conversation. Et de ragots! Le Rat est taxé de "sale rat puant", de "voleur", de "paresseux". Sur base de quoi? Petit-Bond veut en avoir le cœur net. Il aborde le Rat, lui parle et l'écoute. Ses amis sont consternés et ne comprennent pas que la grenouille apprécie la nouvelle tête. Ils parviendront cependant à dépasser leurs préjugés et auront un nouvel ami. Le grand mérite de cet album aux illustrations chaudes, dépouillées et expressives (elles éclairent le texte où s'enchaînent les scènes de refus de l'étranger) est de présenter, sans les juger, les points de vue de chacun des protagonistes. De démonter les mécanismes de ce racisme qui, si l'on n'y prend garde, se décline facilement au quotidien. Un album de paix et de tolérance pour tous à partir de 4 ans.

Deux autres albums de l'époque, non moralisateurs, sur des amitiés aux débuts cahotants, sont toujours disponibles en format de poche.

"L'intrus" de Claude Boujon (1930-1995), l'école des loisirs, 1993 lutin poche, 1995. Les Ratinos vivaient tranquilles chez eux jusqu'au jour où un gros éléphant les prit en amitié. L'obstiné pachyderme ne se laissait toutefois pas impressionner par les rebuffades ou les rouspétances des rongeurs. Oui, une seule de ses gorgées vidait le point d'eau, oui, un de ses pipis déclenchait une inondation! Mais l'éléphant voulait ses nouveaux amis. L'histoire des Ratinos finira par prouver qu'on a toujours besoin d'un plus gros que soi. Un album tonique, au graphisme enlevé dont l'humour renforce le propos.



"Amos et Boris" de William Steig (1907-2003), traduit de l'anglais par Catherine Deloraine, Flammarion, 1973, Gallimard Jeunesse, 1993, Folio Benjamin, 2002. Un des chefs-d'œuvres de l'auteur américain. Amos est un souriceau passionné par la mer. A tel point qu'il construit un bateau et s'y embarque. Tout va parfaitement bien pour lui jusqu'au jour où il glisse du pont et se retrouve à l'eau. A quinze cents kilomètres de la moindre côte! Après des heures et des heures passées dans la mer, le souriceau est résigné à mourir lorsque surgit une baleine. C'est Boris qui lui sauve la vie. Si opposés qu'ils soient, les deux mammifères vont néanmoins apprendre à se connaître, et à s'apprécier. De conversations en disputes, ils deviendront profondément amis. Ils feront un bout de chemin ensemble jusqu'à ce que le destin les sépare: un souriceau vit sur la terre et une baleine dans la mer. Quelques années plus tard, Amos sauvera Boris de la mort. Après cette rencontre inespérée, les deux amis se sépareront à nouveau, riches de leur amitié. Ce superbe récit, simple, drôle et profond, est subtilement mis en images par des aquarelles aux couleurs douces. Un classique incontournable!






lundi 13 juin 2016

Jewel et Esther, filles d'un bourreau macho

Curieux, le hasard. A moins qu'il ne s'agisse d'autre chose? Depuis des semaines, je voulais lire "L'arbre et le fruit", le nouveau roman jeunesse de Jean-François Chabas (Gallimard Jeunesse, Scripto, 128 pages). C'est finalement hier dimanche que je me suis décidée, sans rien en savoir. Première surprise, juste pour sourire, on y croise brièvement le boxeur Mohammed Ali qui vient de nous quitter. Seconde surprise, et pas la moindre: ce très beau roman, sobre mais poignant, direct sans misérabilisme, dépeint un homme violent, un pervers manipulateur qui n'hésite pas à frapper sa femme et une de ses filles, au moment où on apprenait que le tueur d'Orlando battait son ex-femme...

"L'arbre et le fruit" est le double journal de Grace Fairhope et de Jewel Fairhope, la mère et l'aînée des deux filles, à trois grands moments de l'histoire familiale, en 1980, 1988 et 2015. C'est Jewel qui ouvre le texte avec une inquiétude: leur mère a disparu. Celle-ci s'exprime alors, le même jour: elle se trouve dans un hôpital psychiatrique. Les récits à la maison et à l'hôpital se complètent pour dire le quotidien d'une famille sous la coupe d'un homme macho et brutal. Violence verbale, violence physique, rien n'est épargné dans l'intimité de la famille. Alors qu'à l'extérieur, le notaire porte beau. En arrière-plan se raconte la façon dont sont (mal)traités les patients psychiatriques, cassés notamment par les médicaments ou les menaces.

Ce livre brûlant est un vrai roman, bien construit avec sa double voix qui montre comment les enfants se rendent peu à peu compte que leur mère est une femme battue, et bien mené dans ce sordide quotidien. Il parle clair, dépeint la violence constante, imprévisible, destructrice. Il met en scène les deux types de réponse au pervers possibles. Passive dans le cas de la mère, tellement détruite qu'elle en oublie ce qu'elle est, une océanologue de renom, pour tenter de protéger ses filles. Mais elle est usée et personne ne lui jettera la pierre. Subtilement, Jean-François Chabas fait comprendre comment elle s'est laissé paralyser. L'autre réaction, celle de Jewel, est bien plus active. Elle a sept ans quand on fait sa connaissance et elle entend protéger avant tout sa petite sœur de cinq ans. Curieusement, Esther échappe à la folie dévastatrice du père. En grandissant, Jewel va apprendre à résister de plus en plus ouvertement. On la retrouvera en fin de roman fière d'avoir arrêté la violence paternelle. C'est là aussi que s'expliquera le titre. Esther semblera, elle, avoir davantage de difficultés à se poser.

Jean-François Chabas. (c) François Bourru.
Ce qui frappe dans "L'arbre et le fruit", c'est la justesse de ton. Comment décrire de telles situations, plus fréquentes qu'on aime le penser (on se rappelle de "Profession du père", pour adultes, de Sorj Chalandon, sur le même sujet, paru l'an dernier, lire ici), sans y avoir été directement confronté, de près ou de loin, sans l'avoir vécu? Jean-François Chabas ne s'en cache pas.
Il écrit aux journalistes à propos de ce livre: "le sujet me touche de manière directe" (...) "Comment devient-on une femme battue? Pourquoi le devient-on? Que faire pour l'éviter?"
Il assigne une mission prophylactique à ce roman courageux et il est sûr qu'il y réussira, ce qu'on lui souhaite, vu l'urgence et l'étendue du problème.
Son livre est à lire à tous âges, même adulte, à partir de 12-13 ans. Un texte littéraire fort et nécessaire.

Sur son site, l'écrivain donne quelques mots d'explication sur ce roman qui surgit dans sa longue bibliographie (plus de 70 livres publiés depuis 1995 et "Une moitié de wasicum" (Casterman), principalement des romans pour adolescents dont près de la moitié à l'école des loisirs, mais aussi quelques albums et deux romans pour adultes).
"L'arbre et le fruit
Georges Brassens disait que ses chansons se suffisaient à elles-mêmes et semblait mal à l'aise quand on lui demandait de les expliquer.
Sans doute est-ce un travers de notre époque que de vouloir à tout prix disséquer les œuvres artistiques... Les choses se compliquent encore lorsque c'est l'artiste lui-même qui est prié de "donner ses raisons".
"L'arbre et le fruit" est particulier, cependant, et en cela justifie quelques explications sérieuses.
Le sujet dont il traite m'est familier, et personnel... Mais à peine le livre était-il sorti qu'il a déchaîné une avalanche de réactions émues.
 Je me suis rendu compte, plus encore que je ne l'aurais imaginé, du nombre de personnes touchées par le phénomène de la violence familiale. 
Il y a des femmes et des enfants battus, maltraités et humiliés dans tous les milieux sociaux, toutes les ethnicités, tous les pays. Personne n'échappe à cela. 
La question ne se borne pas à une dénonciation, car cela serait vain. Et c'est là que "L'arbre et le fruit" doit trouver son utilité, car le récit démonte un mécanisme et explique comment il serait possible d'y échapper. 
Il y a deux personnages clés dans le roman: Grace, qui commet à peu près toutes les erreurs possibles face à un pervers violent. 
Jewel, qui réussit à s'affranchir et sauve ainsi sa peau, ainsi que celle de sa petite sœur.
Entendez-moi bien: il ne s'agit pas ici d'une invention de personnages fantaisistes, mais l'expression d'un vécu bien réel. Je parle de ce que je connais: du pouvoir salvateur de la révolte. 
Ce dont il est question ici, c'est de sauver sa vie, et de conserver l'intégrité de son âme. Car si on ne meurt pas de ces traitements, on risque tout du moins de ne jamais s'en remettre, avec des conséquences si terribles que la mort me semblerait préférable. 
On ne combat pas la violence de ce type avec du raisonnement et des mots doux. Elle est trop insidieuse. Il faut s'y arracher avec une brutalité égale à celle qu'on nous fait subir. 
Pour le dire simplement: femmes, adolescentes, adolescents, battez-vous sans merci, enfuyez-vous, car celui qui s'acharne à vous détruire n'aura aucune pitié. 
Voilà à quoi sert "L'arbre et le fruit". Il est prophylactique. Faites-le lire ou parlez du sujet autour de vous. 
Les bourreaux de cette nature ne peuvent prospérer que dans le silence."

Pour lire le début de "L'arbre et le fruit", c'est ici.







dimanche 12 juin 2016

Pour Neil Gaiman, les bibliothèques, la lecture et l'imagination sont la clé de l'avenir

Neil Gaiman.

J'écoutais ce matin, comme souvent le dimanche, l'excellente émission d'Eva Bester, "Remède à la mélancolie" (France Inter). Elle y citait l'écrivain britannique Neil Gaiman, connu pour ses romans, ses nouvelles, ses bandes dessinées et ses albums jeunesse, ardent défenseur des bibliothèques, de la lecture et de l'imagination. C'est d'ailleurs le titre d'une conférence que le romancier a donnée le 14 octobre 2013, au Barbican Centre de Londres, à l’invitation de la Reading Agency.

Grâces soient rendues aux Editions Au diable vauvert qui ont traduit ce texte, "Pourquoi notre futur dépend des bibliothèques, de la lecture et de l'imagination" ("Reading and obligation", traduit de l'anglais par Patrick Marcel) et le proposent en téléchargement libre (ici en ePagine ou ici en PDF).

Une vingtaine de pages à lire. Car, oui, tout change quand on lit.

"Nous avons besoin de bibliothèques. Nous avons besoin de livres. Nous avons besoin de citoyens instruits."














samedi 11 juin 2016

Performance ce dimanche 12 juin en clôture de la très belle exposition POLLEN à La Marsa

L'entrée de la BNT le 2 juin. (c) Jan Demeulemeester

Début juin, j'étais à Tunis pour prendre part à la chaleureuse et brillante commémoration du décès de l'écrivain Alain Nadaud (1948-2015, lire ici) qui s'est tenue à la Bibliothèque nationale de Tunisie (BNT). Une matinée de rencontres autour de l'œuvre et de la personne de l'auteur Français qui vivait à Gammarth depuis dix-sept ans - précédemment, dans les années 1980, il avait dirigé le Bureau du livre à Tunis. De quoi faire revivre par la parole, la lecture, l'image, le son, le film et une performance l'homme extraordinaire qu'il fut, intellectuel exigeant et ami chaleureux. Une absence-présence qui fit du bien.

A cette occasion, les éditions Sa'Al qu'il avait fondées avec son épouse, l'artiste tunisienne Sadika Keskes, lui consacrent un livre collectif illustré, "Présence d'Alain Nadaud" (coédité avec Simpact et la BNT). L'ouvrage est préfacé par Raja Ben Slama, la directrice de la Bibliothèque. Cette dernière a saisi l'occasion de la commémoration pour annoncer la numérisation des manuscrits d'Alain Nadaud à l'intention des étudiants et des chercheurs de la BNT mais aussi des lecteurs.

"Présence d'Alain Nadaud" rassemble des analyses et des témoignages ainsi que de nombreuses images de l'exposition collective "La joie", qui est la première à avoir été montée dans la galerie qui porte désormais le nom de l'écrivain dans l'espace artistique Sadika à Gammarth.
Le livre s'achève idéalement avec le texte "Autobiographie semi-fictive" qu'Alain Nadaud écrivit en 2010.



Ce déplacement en Tunisie a aussi été l'occasion d'inaugurer l'exposition POLLEN dans les superbes jardins de la résidence de l'ambassade de France à La Marsa, Dar Al Kamila. Une exposition mêlant arts plastiques et littérature puisqu'elle accueille neuf artistes plasticiens et quatre écrivains dont les textes sont à lire au détour de l'exploration, Colette Fellous, Hedi Kaddour, Naceur Khemir et Pierre Assouline. Ce sont les commissaires Sadika Keskes et Wadi Mhiri qui ont demandé à ces créateurs de nous proposer leur regard sur le monde.

Si je vous en parle aujourd'hui, c'est parce qu'elle se termine demain avec un performance du plasticien français Richard Conte. A 17 heures, à 100 mètres de Dar Al Kamila, il proposera "Bille en tête", un "ciel de boules au sol", tableau évolutif et vivant qu'il composera avec une centaine de boulistes.


Performance collective de Richard Conte.

Auparavant, de 11 à 16 heures, ce sera la dernière occasion de visiter l'exposition POLLEN.
Ce qui m'a le plus impressionnée dans les œuvres des artistes Meriem Bouderbala, Mouna Jemal Siala, Sadika Keskes, Najet Ghrissi, Noutayel Belkhadi, Houda Ghorbel, Wadi Mhiri et Bchira Triki, ce sont celles de Houda Ghorbel, Sadika Keskes, Mouna Jemal Siala, Wadi Mhiri et Bchira Triki.
Mille mercis à Amor Ben Rhouma de m'avoir permis de reproduire ses photos pour vous les montrer.



 

"Terre, pardonne-nous!" (c) Amor Ben Rhouma.

"Terre, pardonne-nous!" de Houda Ghorbel, en terre, céramique et arbres, montre des pieds de géants dépassant de la terre pour mieux nous alerter sur notre environnement.
"Homme que je suis, ton fils ma Terre, j'ai honte de mes actes
Honte de mon ignorance envers la diversité des pensées!
Honte de ma criminalité envers les peuples démunis!
Honte de ma cupidité envers mes frères!
Honte de mes armes meurtrières envers tes larmes!
Terre, pardonne-nous!"

















"Tombeaux". (c) Amor Ben Rhouma.

En hommage aux martyrs tombés pour une Tunisie libre et démocrate, "Tombeaux" de Sadika Keskes se compose de onze tombeaux en cubes de verre bleu, sa création personnelle, son terreau de création, écho à une précédente installation de tombeaux, cette fois en verre transparent et avec l'aide de la population locale, sur la place en face de la mairie de Kasserine. C'était à la mi-août 2013. Cette première installation demeura trois mois sur place sans aucun dégât jusqu'à ce qu'il soit ordonné de la démolir...



"Réflexion". (c) Amor Ben Rhouma.

Mouna Jemail Siala, elle, propose "Réflexion", une installation faite de parallélépipèdes de verre entourant des statues. Une idée qui lui est venue après l'initiative du musée du Capitole à Rome de voiler les statues dénudées à l'occasion de la visite du président iranien. Elle a donc couvert les statues du jardin de la résidence de parallélipipèdes dont la surface est un miroir qui réfléchit le jardin alentour mais qui, lorsqu'on s'en approche, allume une lampe à l'intérieur qui rend le miroir inopérant. La statue est alors à nouveau visible! Une réflexion à double sens.




"Jardin des lettres". (c) Amor Ben Rhouma.

Plus loin, le "Jardin des lettres" de Bchira Triki fait danser les lettres et les mots en ascension verticale, rappelant l'univers mystique des Soufis.


"Allongez-vous" (c) Ghassen Oueslati.

"Allongez-vous" (c) Ghassen Oueslati.
"Allongez-vous". (c) DR

Enfin, on pouvait revoir dans le joli kiosque à musique l'impressionnant "Allongez-vous" (céramique, bois et tissu) de Wadi Mhiri, déjà montré dans une précédente exposition. Soit un grand lit à baldaquin, immaculé, sur lequel on est prié de s'allonger. Et c'est à ce moment que s'écrivent, en lettres faites de cartouches suspendues, les mots "Jihad Annikah" (le jihad du sexe). La contribution, souvent forcée ou ignorante, des femmes dans le couloir de la mort qu'est le jihad.


Bains de soleil noir. (c) Amor Ben Rhouma.
La visite se termine par une œuvre qui met mal à l'aise pour des raisons moins honorables, le "Solitaire Siméon" de Meriem Bouderbala, installé assis et se tenant les genoux en haut d'un palmier mort avec des zodiacs au pied du tronc, des "Bains de soleil noir". Une allusion mêlant la maladie des palmiers et le sort des réfugiés syriens selon ses mots. Une œuvre qu'on ne peut s'empêcher de lier à celle du collectif belge Schellekens & Peleman, "Inflatable Refugee" (réfugié gonflable). Avec son migrant assis, se tenant les genoux, en toile de bateau gonflable comme les Zodiacs, elle sillonne les mers depuis novembre 2015 et porte des lettres de réfugiés qui sont, traduites, imprimées et transmises aux populations (lire ici).

Inflatable Refugee. (c) Schellekens & Peleman.