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dimanche 31 décembre 2017

Garder le meilleur pour la fin (de l'année): cinq très bons romans du printemps à lire en hiver

Une semaine devant vous?
Voilà cinq romans pour l'occuper, dans des genres différents.

Lundi et mardi, on part au Japon d'hier


Le bureau des Jardins et des Etangs
Didier Decoin
Stock, 388 pages

Merveilleux roman que celui-ci où, après avoir disséqué les faits divers (lire ici), Didier Decoin nous emmène au Japon du XIIe siècle porter les meilleures carpes de la rivière à l'empereur. Etrange? Non. En nous racontant le Japon d'hier d'une façon extrêmement documentée mais jamais assommante, le secrétaire de l'Académie Goncourt nous donne aussi un reflet de notre société aujourd'hui, de ses choix, de ses réussites, de ses échecs. Sa Miuki, la veuve de Katsuro, a décidé de remplacer son mari défunt pour ce voyage et ses péripéties seront autant d'occasions de montrer quelle magnifique personne elle est.

J'avais rencontré l'écrivain à la sortie du "Bureau des Jardins et des Etangs". Son livre est toujours disponible. Voilà ce qu'il m'en a dit.
"Ce livre est important pour moi. Je voulais faire quelque chose de ma passion pour le Japon mais il fallait que je me décide. Cela a été un gros travail. Il est dédicacé à Jean-Marc Roberts (1954-2013) parce qu'il avait adoubé le livre, quand je lui en ai présenté l'idée. Je lui avais montré des bribes, il y a douze ans. Il m'avait dit: "Vas-y, fais-le!" La dernière fois que je lui ai rendu visite avant son décès, il m'en avait demandé des nouvelles. Je lui ai menti. Je lui ai dit qu'il serait prêt dans quelques mois."
Didier Decoin. (c) Benjamin Decoin.
"Ma passion pour le Japon n'est pas récente. Mon intérêt a surgi à propos de la guerre du Pacifique. J'avais lu le livre "Le survivant du Pacifique" de Georges Blond, datant de 1949, et je ne comprenais pas le peuple japonais, cette violence, cette cruauté dans la guerre. Pour écrire ce roman, j'ai lu plein de livres, j'ai vu plein de films. Il y a plus de douze ans que je vis en concubinage avec la culture japonaise. Plus je l'explore, plus je la trouve fascinante, séduisante, novatrice."
"Le roman est situé il y a mille ans parce que les concours de parfums datent de l'époque Heian (XIIe siècle). Il fallait que je plonge Miyuki dans un univers qui soit le contraire de ce qu'elle est, une paysanne simple et frustre. La période Heian est le point culminant du raffinement japonais. La peine de mort est abolie, alors qu'à la même époque, chez nous, on pratique la torture. C'est une période où les femmes des empereurs découvrent les fictions comme "Le dit du Genji" qui sont les matrices du roman européen, avec des gens coquins, amoraux même."
"Oui, c'est un livre olfactif. Je m'intéresse à toutes les odeurs, sauf celle du vomi. Je les assume toutes sauf celle-là. Et je repense souvent à la phrase de Jean Genet, "A force de tripoter une rose, ça sent la merde". La matière vivante pourrissante devient de la merde. D'où l’expression "Ça ne sent pas la rose". Les mauvaises odeurs sont incluses dans les bonnes. J'aurais adoré être un nez chez un parfumeur, créer des jus. La peau est un réceptacle. D'où une autre expression: "Je ne peux plus te sentir". Un monde sans odeurs serait horrible. Pensez au parfum de l'enfance, de la maison, etc."
"L'écriture du livre a été plus rapide que la documentation. Miyuki fait des kilomètres à pied dans des conditions aventureuses. Elle ne se retourne jamais. Elle ne fait qu'avancer sauf quand une halte est nécessaire. Elle est un personnage sans hésitation, une flèche qui va droit vers sa cible. Un soleil qui brille. Elle se nourrit de sa propre énergie. Elle est très lumineuse. Elle a été heureuse avec Katsumo, un type bien qui l'a vraiment aimée. Elle me plaît beaucoup,  on l'aura compris."
"Il y a un effet miroir du roman par rapport à notre société. Trop de monde. Une surabondance d'immigrés. C'est gommé par la splendeur de la ville. Ils ont inventé leur ville comme Manhattan avec des rues et des avenues qui se coupent à angle droit. Comme si c'était la ville idéale."
"Ce roman est plus sexuel que d'autres. Je me lâche. Je me décoince. J'ai un univers fantasmagorique riche dans le domaine des fantasmes. Je n'ai pas besoin qu'on m'apprenne des trucs. Certains de mes fantasmes que je croyais personnels, je les ai retrouvés au Japon! J'aurais fait un bon Japonais. J'aime le riz, le saké, les femmes japonaises. Mais je ne suis jamais allé au Japon. A force d’écrire des histoires, j'arrive dans un pays que j'imagine. Quand j'écrivais le livre pendant des jours et des jours, je m'y croyais. Surtout avec la musique que j'écoutais: Joe Hisaishi est la bande originale du livre. Ce compositeur a notamment créé la musique des films de Kitano."
"Aujourd'hui que le livre est publié, je me sens un peu amputé. Après douze ans! Miyuki est partie voler de ses propres ailes."


Mercredi, on s'installe dans un tout petit village


Silencieuse
Michèle Gazier
Seuil, 213 pages

Magnifique histoire si bien racontée que ce roman qui se déroule à Saint-Julien-des-Sources, six cents habitants. On y trouve un bistrot, une supérette et bien sûr des habitants et leurs potins, leurs commérages même. Inconfortable pour les deux étrangers, Hans Glawe, un peintre et sculpteur allemand qui ne fraie avec personne, Louis, un vieux hippie à qui est sensible Annie, la caissière de la supérette. Il y a aussi Claude Ribaute, retraité, un ancien du village qui est revenu écrire une étude sur le peintre. Observateur du quotidien, il sera le narrateur de la seconde partie du roman. Car les jours monotones sont bousculés par l'arrivée de Valentina, qui ne parle pas, et de sa mère qui voudrait lui venir en aide. Le silence de la petite fille est terrible. Mais d'où vient-il? C'est ce que Michèle Gazier va nous faire comprendre dans ce superbe roman de silences, de violences et de blessures dues à un passé qui ne passe pas. Elle m'en a parlé.

"Qu'il y ait trois hommes dans ce livre après trois femmes dans "Les Convalescentes" (lire ici) est le fait du hasard. Trois est un chiffre intéressant. A trois, il y a une ouverture, à deux, c'est un affrontement."
Michèle Gazier. (c) John Foley.
"Ce livre a une histoire. Je suis lente dans la rumination. J'ai vu, il y a quinze-vingt ans, un reportage télévisé qui m'a troublée. Était annoncée l'interview d'un jeune homme qui avait appartenu aux Brigades rouges. Il n'y avait pas fait grand-chose et en était parti. Il s'était caché et était recherché par la police. Il avait décidé de se confesser à un journaliste. Dans le reportage, il raconte comment il a répondu à la douleur d'être Allemand, qu'il s’est engagé en aveugle, que les morts l'ont fait reculer, qu'il s'est caché en Espagne d'abord, en France ensuite. Mais qu'il avait maintenant besoin d'en parler, d'en répondre. A un moment, il y a eu un plan sur le village où il habitait. Mon mari et moi avons reconnu ce village, ce n'était pas loin de notre maison. Une semaine après, le jeune homme était arrêté. J'ai été très troublée par son parcours.  Cette tentation de la violence parce que l'héritage du passé n'est pas assumé, cette obligation alors de se cacher et puis ce besoin d'avouer et ainsi se faire prendre. Etait-ce un acte manqué?"
"J'ai aussi fait un livre sur le peintre catalan Josep Grau-Garriga qui était anti-franquiste. Il a traduit sa violence contre le régime de Franco dans son art. Cela a été à la fois politique et salvateur. L'artiste est parvenu ainsi à apaiser sa violence, son angoisse intérieure."
"Dans le sud de la France où j'ai ma maison, un de mes voisins est Anselm Kiefer. Le nom de son domaine porte celui de l'ancienne filature de soie où il se trouve, "La Ribaute". Son art a le même mouvement que Grau-Garriga. Tant le terroriste du reportage télé que Grau-Garriga et Kiefer ont choisi de vivre dans un village. Un village avec une population qui ne les comprend pas et voit en chacun d'eux l'étranger. Dans le sud de la France, cela reste des Boches!"
"Le village pour moi, c'est la scène, le lieu où tous les regards convergent. Tout le monde sait tout de tout le monde. Le village, c'est l’arène, avec la place, les maisons autour, les balcons au premier étage. Le village fonctionne comme un chœur. Les personnages entrent dans l'histoire comme des acteurs. Quand j'écris un roman, je sais d'où je pars et où je veux arriver. Je ne sais pas ce qui se passe entre les deux, mais j'y vais."
"Le silence est une capacité à transformer ce qu'on peut avoir de violent en soi. Valentina est une petite fille qui ne parle pas. Comme un refus de l'héritage familial qu'elle contourne avec des silences. Elle reste une énigme parce qu'elle est une énigme. Elle fait réagir les autres. Son silence est un questionnement pour eux. Avec ses rares interlocuteurs, elle a une complicité naturelle, évidente. Qui se ressemble s'assemble. Ils se reconnaissent. Elle choisit celui qui est le plus blessé, comme elle l'est. "Ces enfants-là n'apprennent pas parce qu'ils savent", m'a dit un jour un médecin."
"Deux narrations se suivent. La première partie est la mise en place du décor. J'ai besoin d'une géographie pour raconter. Les choses ne se passent pas n'importe où. Il y a une aire centrale où tout va résonner. J'ai besoin d'une narration avec de la distance pour planter le décor, puis, une voix va s'élever, comme un air d'opéra. Cette voix arrive dans la deuxième partie."
"Ribaute est le personnage du sociologue. Il a un itinéraire comme Bourdieu dont j'admire beaucoup le travail. Une mise à distance de la campagne, de la province dont il est originaire. A la fin de sa vie, il s'est consacré à une revisitation de l'art et de la peinture. Mon personnage a le même type d'itinéraire. Le sociologue a une distance que n'a pas le psychologue qui est dans l'interprétation."


Jeudi, on file aux Etats-Unis


Après l'incendie
suivi de Trois lamentations
Robert Goolrick
traduit de l'anglais (Etats-Unis)
par Marie de Prémonville
Anne Carrière, 349 pages

Formidable, encore plus captivant que les précédents, le nouveau roman de Robert Goolrick (lire ici) est l'histoire d'une maison, Saratoga, construite en 1784 dans l'Amérique sudiste et détruite par un incendie en 1941. Bien sûr, l'histoire de ses habitants aussi, dont la dernière Diana Cooke Copperton Cooke qui y a peut-être péri. Une véritable enquête menée par un journaliste pour la rubrique "Maison et art de vivre" d'un journal qui, par moments, ne sait plus s'il trouve ou s'il rêve. Le livre est prodigieux et se lit avec un appétit grandissant. On y suit le destin des uns et des autres bien entendu, mais on comprend aussi qu'il y est difficile de penser autrement. Comment Diana va-t-elle résoudre cette équation, écartelée entre les problèmes financiers et les problèmes moraux que lui cause l'esclavage qui était en vigueur là. Qu'est-ce que l'amour dans ce cas? Peut-on échapper au poids du péché des pères? Et à ceux du fils? Le paradis pourrait-il exister sur terre?

Goolrick nous entraîne dans un roman passionnant, sensible et formidablement bien construit. Avec lui, on a droit à l'envers du décor, quel décor et quel envers! Que ce soit les problèmes d'argent ou les relations de Diana avec son mari richissime épousé pour sauver le domaine mais capable du pire ou son espoir de trouver l'amour ailleurs. Le romancier nous tient en haleine tout en nous faisant côtoyer de tout près ses personnages, rendus à la lumière par un journaliste opiniâtre.

Le roman est suivi d'une superbe nouvelle inédite, "Trois lamentations", un récit autobiographique d'une année d'école du très jeune Robert.


Vendredi, on revient au Havre


Par amour
Valérie Tong Cuong
JC Lattès, 413 pages

Que s'est-il passé chez les civils du Havre durant la Seconde Guerre mondiale? Comment réagir quand les soldats ennemis s'installent? Que les soldats amis vous bombardent? Valérie Tong Cuong nous offre dans un roman choral bouleversant qui s'intéresse à des faits peu connus qui se sont déroulés dans la ville du Havre d'où est originaire sa maman.
"Le début du livre est un peu long et puis l'action s'emballe. C'est un parallèle avec l'avancement de la guerre. En 1939, c'était plutôt statique. En 1940 sont arrivés les Allemands et  une nouvelle vie s'est installée. Il y avait ce qui se passait en Russie aussi. Les portes de l'enfer se sont ouvertes progressivement. La première partie du livre concerne les années 1939-1940. C'était calme. En 1941, c'est l'exil. A partir de là commence la descente aux enfers. Les habitants croient toujours que cela va se terminer mais cela ne se termine pas. A la fin de la guerre, la situation était inimaginable. Il y avait la victoire des Alliés mais la ville du Havre avait été complètement bombardée par les Anglais, et ce, tout au long de la guerre. C'était une situation épouvantable. Les gens étaient coincés dans un étau. Les civils ont été sacrifiés par les Anglais. Au moment de la victoire, cela a été compliqué à vivre, compliqué à expliquer."
Valérie Tong Cuong.
"En 1943, les Allemands décident de faire évacuer tous les enfants de la ville. Les évacuations vers l'Algérie, elles, ont eu lieu jusqu'en 1942. Il y a eu un phénomène comparable en Grande-Bretagne où les enfants étaient évacués vers des pays du Commonwealth, jusqu'à ce qu'un naufrage stoppe cette opération baptisée "Children over seas". D'autres enfants britanniques étaient envoyés à la campagne."
"J'avais l'idée générale du livre au départ. J'ai rassemblé énormément de documentation, des livres, des documents, des témoignages. J'ai beaucoup lu, beaucoup rencontré. Je voulais que le livre soit à hauteur d'homme, dise ce que les gens avaient vécu. Comment on vit cela à tel âge ou à tel âge. Ensuite, j'étais prête à écrire. Les personnages se sont révélés en cours d'écriture. J'ai opéré un travail d'architecture minutieux. Je voulais être précise, vraie, par rapport aux points de contact. Je voulais que tout ce que mes personnages, composites mais faits de personnages réels, vivent soit vrai. C'est le propre du romancier que ses personnages de fiction soient issus de véritables vies. Je me suis glissée facilement dans la peau de chacun d'eux. On s'oublie alors. J'ai entendu des voix. J'ai été emportée par leur propre vécu. Je me suis mis plus de pression pour être à la hauteur de ce qu'ils ont vécu. Des témoignages ultérieurs à la parution du livre l'ont confirmé. Des gens m'ont dit: "C'est nous que vous racontez". Alors que je ne les ai pas rencontrés. Ça, c'est un cadeau de la vie. Comme par exemple, cette inscription "Ici, c'est les docks" trouvée sur un mur après le bombardement du magasin le Printemps au centre-ville, un monsieur est venu me voir et m'a dit: "C'est mon frère aîné!" Comme si l'histoire se poursuivait pour moi."
"Comment je choisis à qui donner la parole? Celui de mes personnages qui raconte est celui qui est le mieux placé pour raconter. Ensuite, les autres racontent leur vision des mêmes faits. Je voulais montrer que chacun a vécu sa propre guerre."
"J'ai eu le titre, "Par amour", tout de suite. Dès la première réflexion, dès les premiers témoignages. Ce sont souvent les mères qui font les choses par amour, elles dissimulent pour protéger. Mais chacun des personnages le fait à sa façon. J'ai compris que ce qui s'était produit, c'était par amour, que cet amour concerne les enfants, le compagnon, la patrie. Ce sentiment immatériel leur donnait une raison d'avancer."
"C'est la première fois que je m'aventure sur le terrain historique. Mais ce livre est dans la continuité de mes précédents parce que j'aime regarder comment les gens avancent dans leur vie, ici en temps de guerre, quelle est leur humanité pour répondre à l'inhumanité. Le procédé choral était présent dans mes deux romans précédents. Ici, il s'est imposé. Les comportements sont tellement différents. Je voulais entrer par plusieurs portes. Tout peut arriver à tout moment pendant la guerre. La guerre est une succession de choix, de décisions à prendre en se fiant à son intuition. Ce sont des prises de risque qui s'enchaînent."
"Les sœurs s'aiment en ayant accepté chacune que l'autre soit différente. Elles sont parfois agacées ou en désaccord mais on est en guerre. Le danger permet de faire remonter l'essentiel à la surface. Elles tiennent l'une pour l'autre parce que l'une a l'autre à protéger."


Samedi et dimanche, on se repose avec un thriller


De cauchemar et de feu
Nicolas Lebel
Marabout, 415 pages

Le titre annonce la couleur. On ne va pas se retrouver au pays des Bisounours mais dans le Paris actuel, celui de 2017, en état d'urgence, quelques jours avant le dimanche de Pâques, lieu choisi semble-t-il pour exporter le conflit irlandais. Fameuse semaine sainte! Pour son quatrième roman alors qu'il a commencé à écrire il y a cinq ans, Nicolas Lebel, prof d'anglais à temps partiel, fait fort. Pour bien nous mettre la pression, il chronomètre son récit, tout en intercalant des flash-backs inquiétants qui se déroulent en Irlande du nord dans les années 60 et 70.

Son capitaine de police Mehrlicht ("Son nom vient des derniers mots que Goethe a prononcés sur son lit de mort") a du pain sur la planche quand on découvre que le gars assassiné dans un pub parisien a pris une balle dans chaque genou et une dans le front. Un signe qui ne trompe pas et qui est confirmé par l'autopsie, qui revèle des slogans nationalistes nord-irlandais, des tatouages celtiques et les lettres IRA. Que diable venait-il faire à Paris? Qui l'a liquidé?

L'enquête s'annonce compliquée. Elle va bien occuper la fine équipe de Mehrlicht, pas toujours soudée, remise en question et augmentée d'une stagiaire venue de la province ainsi que d'un inspecteur anglais dépêché sur place. Rebondissements, fausses pistes, figures inquiétantes du passé qui semblent se réveiller à moins qu'elles ne se soient jamais endormies, le thriller de Nicolas Lebel garde son lecteur en haleine jusqu'au bout. Lui montre combien le passé peut tenir le présent et le présent tenir le passé. Ecrit avec un réel souci du mot juste, en séquences courtes qui s'enchaînent à bon rythme, le compte à rebours voit défiler ces quarante heures à toute vitesse tout en montrant combien la douleur peut être individuelle ou collective.

Sans oublier le running gag chez Lebel, la sonnerie téléphonique sur le portable de Mehrlicht, père souvent dépassé. Un des éléments caustiques de son roman policier qui aime mêler histoire passée et présente et analyser la société contemporaine.


Sans oublier
1. "Tout un monde lointain", Célia Houdart, P.O.L.
2. "Madone", Bertrand Visage, Seuil
3. "Point Cardinal", Léonor de Récondo, Sabine Wespieser Editeur
4. "Mon autopsie", Jean-Louis Fournier, Stock
5. "La beauté des jours", Claudie Gallay, Actes Sud
6. "Traité des gestes", Charles Dantzig, Grasset
7. "Une autre Aurélia", Jean François Billeter, Allia
8. "La nuit des enfants qui dansent", Franck Pavloff, Albin Michel
9. "Les amnésiques n'ont rien vécu d'inoubliable", Hervé Le Tellier, Le Castor Astral
10. "Mon gamin", Pascal Voisine, Calmann-Lévy

samedi 30 décembre 2017

Garder le meilleur pour la fin (de l'année): Thierry, Francis, Gilles, Elvis et Emelyne

En bref pour ne pas les perdre, dix romans qui ont aussi fait 2017.


Pascal Voisine.

Parce qu'il est réalisateur de films courts et qu'il a filmé l'univers de la psychiatrie, Pascal Voisine a eu envie d'en faire le cadre de son premier roman, "Mon gamin" (Calmann-Lévy, 240 pages). Un titre qui est le surnom que porte depuis sa naissance, Thierry Poivet, connu comme chanteur sous le nom de Marc Alder, mais retraité dans la fleur de l'âge. Ce petit nom lui a été donné par le gentil Francis, pensionnaire de l'hôpital psychiatrique voisin que dirige le père de Thierry et avec qui il passe ses journées.

Le livre commence en 2017 quand Thierry est rappelé pour le décès d'Emelyne, sa belle-mère qu'il n'a plus vue depuis quarante ans. "Emelyne est là dès le départ", fait remarquer l'auteur, "elle est l'élément déclencheur, elle est la passion. Tout arrive par sa faute sans qu'elle le veuille." On remonte tout de suite en 1977, été de tous les dangers, été de toutes les passions, où l'adolescent de 14 ans a été éloigné de sa maison. Août 1977, la mort d'Elvis, celle d'un infirmier qui en était fan... Un été dense et intense, empli de zones grises qu'il va bien falloir éclaircir un jour.

Pascal Voisine fait de beaux portraits des personnages principaux, Thierry, son père, sa belle-mère, et aussi des pensionnaires de l'hôpital psychiatrique, le gentil Francis dont on a déjà parlé, l'impressionnant Mains-de-Marteau et d'autres. On s'y croit. Il conduit un récit compliqué, sur quarante ans, qu'il a imaginé au fur et à mesure de l'écriture, dit-il. Un roman à suspense bien entendu puisqu'il s'agit de réunir les pièces d'un puzzle détenues par différents personnages. Et un roman de fuites, celle d'Emelyne notamment qui a aussi ses secrets, celle de Thierry dont la lâcheté va buter sur des vérités insoupçonnées.

Un premier roman ambitieux dont les intentions sont toutefois un peu trop visibles.

Et aussi
1. "Tout un monde lointain", Célia Houdart, P.O.L.
2. "Madone", Bertrand Visage, Seuil
3. "Point Cardinal", Léonor de Récondo, Sabine Wespieser Editeur
4. "Mon autopsie", Jean-Louis Fournier, Stock
5. "La beauté des jours", Claudie Gallay, Actes Sud
6. "Traité des gestes", Charles Dantzig, Grasset
7. "Une autre Aurélia", Jean François Billeter, Allia
8. "La nuit des enfants qui dansent", Franck Pavloff, Albin Michel
9. "Les amnésiques n'ont rien vécu d'inoubliable", Hervé Le Tellier, Le Castor Astral



Garder le meilleur pour la fin (de l'année): Hervé, ses questions et ses pensées

En bref pour ne pas les perdre, dix livres qui ont aussi fait 2017.


Hervé Le Tellier.

Vingt ans après sa première édition et quelques rééditions, revoici l'impeccable recueil d'Hervé Le Tellier, "Les amnésiques n'ont rien vécu d'inoubliable" (Le Castor Astral, collection "Galaxie", 208 pages), très légèrement modifié et complété d'un "avertissement au lecteur" par l'auteur lui-même! Se rappelle-t-on que ce petit bijou est parachevé d'un second titre particulièrement clair: "Mille réponses à la question "A quoi tu penses?""

Tout serait donc dit? Je pourrais aller danser, ou penser à ce que je pense? Juste rappeler que Hervé Le Tellier a publié un très beau roman en cette rentrée, "Toutes les familles heureuses" (JC Lattès, lire ici). Oui, je pourrais faire ça. Mais ce serait passer à côté du kaléidoscope flamboyant qu'est ce recueil agréablement présenté où se répète un bon millier de fois et en lettres anglaises la question "A quoi tu penses?"



Poliment, les réponses commencent toutes par "Je pense que..." Place ensuite à un festival de pensées fugitives, graves, anecdotiques, sincères, bêtes, inventives. Les thèmes? Infiniment variés et sautant de l'un à l'autre pour mieux raconter notre quotidien, sa réalité et ses rêves. Un vrai traité de sociologie contemporaine que ces "Amnésiques" particulièrement observateurs et sans pitié mais pas sans tendresse. Indispensables donc.

Quelques exemples au hasard des pages.

Le premier.
"Je pense à toi."


Le dernier, avec une question légèrement modifiée.

"Je pense à moi. Et toi?"


D'autres.
"Je pense que je ne saurais pas faire la différence entre un hermaphrodite et une hermaphrodite."

"Je pense que, souvent, la pluie vient après la pluie."

"Je pense que les Q majuscules ont une petite queue, alors que les petits q en ont une grande."

"Je pense que si j'avais un peu plus d'humour, la vie serait encore plus désespérante."

"Je pense que je suis né trop tôt dans un monde trop jeune."

"Je pense que je t'ai surprise hier matin à sentir tes chaussettes pour savoir si tu pourrais les remettre."


Et ainsi de suite encore plus de 990 fois!


Et aussi
1. "Tout un monde lointain", Célia Houdart, P.O.L.
2. "Madone", Bertrand Visage, Seuil
3. "Point Cardinal", Léonor de Récondo, Sabine Wespieser Editeur
4. "Mon autopsie", Jean-Louis Fournier, Stock
5. "La beauté des jours", Claudie Gallay, Actes Sud
6. "Traité des gestes", Charles Dantzig, Grasset
7. "Une autre Aurélia", Jean François Billeter, Allia
8. "La nuit des enfants qui dansent", Franck Pavloff, Albin Michel





Garder le meilleur pour la fin (de l'année): Budapest après Berlin et Barcelone

En bref pour ne pas les perdre, dix romans qui ont aussi fait 2017.


Franck Pavloff. (c) Samuel Kirszenbaum.

Né en Bulgarie en 1940, Franck Pavloff aime écrire sur des villes dont le nom est lié à l'Histoire mais qui vivent un nouveau destin aujourd'hui. Après Berlin et Barcelone, il nous emmène cette fois à Budapest. "Mes trois B", sourit-il. "La nuit des enfants qui dansent" (Albin Michel, 282 pages) est un sensible road-movie, un voyage initiatique dans une Europe hantée par les drames. Ceux du passé comme dans "L'enfant des marges" (lire ici), ceux d'hier et d'aujourd'hui dans ce nouveau roman.

Ce très beau récit s'ouvre sur une scène étonnante qui se déroule sur le côté suisse du lac de Constance. En deux temps, trois mouvements sont réunis les trois personnages principaux qui, eux, ne se connaissent pas encore. Il y a d'abord le jeune Zâl, qui pratique le slack (discipline entrevue à Barcelone) en parlant aux oiseaux qu'il élève. C'est-à-dire qu'il avance en funambule sur un élastique tendu entre deux supports, sans balancier. Des jeux de lumière accompagnent ses performances qui ont lieu dans des lieux tenus secrets jusqu'au dernier instant mais qui drainent un public inouï. Il y a ensuite le vieil Andras, arrivé au lac en taxi depuis l'Autriche et qui l'observe, tout en ruminant sans fin ses souvenirs d'une Hongrie qu'il a quittée vingt ans auparavant. Il y a enfin la toute jeune Téa qui semble très attirée par le jeune athlète suisse. Chacun fuit quelque chose. Chacun traîne derrière lui de lourds secrets, on le comprend vite.

Franck Pavloff va faire en sorte que ces poids se séparent de ceux qui les portent. Il mène son trio sur les routes de l'Europe avec Budapest et son festival musical en destination finale. "Ce qui se passe en Hongrie nous montre ce qui se passe par chez nous. Ce pays est le miroir grossissant de l’Europe", analyse-t-il. On sait donc qu'il sera aussi question des migrants dans ce roman. "Je veux refaire vivre les liens sociaux dans mes livres. L'opposition au franquisme dans le précédent, le soutien aux réfugiés dans celui-ci."

"Je veux", ajoute l'écrivain, "écrire sur des pays hantés par l'Histoire, qui sont la destination de la jeunesse d'aujourd'hui. Les enfants de mes amis vont à Budapest faire des fêtes dans des bars construits sur des ruines, sans savoir ce qui s'y est passé. Mais je remarque aussi que c'est comme si les cicatrices des villes étaient la raison de l'exubérance des plantes actuelles."

Le point central du livre est cette nuit où la jeunesse d'Europe se retrouve à Budapest lors d'un festival. "Cette nuit a aussi été le point de départ du roman", se souvient l'écrivain qui s'est rendu à ce festival de musique sur le Danube. "Cent mille jeunes s'y retrouvent. C'est l'occasion de montrer les fractures des personnages, leurs oppositions."

Si au début Zâl et Andras sont comme chien et chat, ils vont s'apprivoiser pour finir par révéler le lien qui les unit et même s'aimer. Ce chemin tortueux va les obliger à se délester de leurs carapaces respectives, au propre et au figuré. Son état d'orphelin pour le jeune, son passé et le poids de l'Histoire dont il se charge, on verra pourquoi, pour l'homme âgé. Sans que tout soit blanc ou noir. "J'aime bien que la psychologie de mes personnages soit ambiguë", rappelle Franck Pavloff. 

Si Andras est dans le passé et Zâl dans le futur, les femmes du roman sont, elles, dans le présent. Téa, qui voue un amour total, complet, à l'adepte du slack. Sara, la Tzigane rencontrée à Budapest, qui aide qui il faut aider et donc beaucoup les migrants et un peu Andras.

Les enfants qui dansent aujourd'hui peuvent-ils repousser les ténèbres de leurs aînés, c'est une des questions que pose ce prenant roman de Franck Pavloff dont l'écriture légère et imagée s'apprécie toujours autant.

Pour lire le début de "La nuit des enfants qui dansent", c'est ici.


Et aussi
1. "Tout un monde lointain", Célia Houdart, P.O.L.
2. "Madone", Bertrand Visage, Seuil
3. "Point Cardinal", Léonor de Récondo, Sabine Wespieser Editeur
4. "Mon autopsie", Jean-Louis Fournier, Stock
5. "La beauté des jours", Claudie Gallay, Actes Sud
6. "Traité des gestes", Charles Dantzig, Grasset
7. "Une autre Aurélia", Jean François Billeter, Allia






Garder le meilleur pour la fin (de l'année): Aurélia, Nerval, Wen et Jean François

En bref pour ne pas les perdre, dix livres qui ont aussi fait 2017.


Jean François Billeter.

Dans "Une autre Aurélia" (Allia, 96 pages), Jean François Billeter compose un journal de deuil. Celui qui l'a pris de plein fouet au décès subit de son épouse, Wen, il y a cinq ans, le 9 novembre 2012. Ils se connaissaient depuis quarante-huit ans. Ce texte bref reprend une partie des notes qu'il a prises à ce moment, celles, douloureuses, du premier mois, particulièrement éprouvant, et une partie de celles, plus équilibrées, qu'il a rédigées ensuite, toujours datées pour marquer les moments de sa longue aventure. La dernière est du 16 avril 2017.

Le titre est une allusion à l'"Aurélia" de Gérard de Nerval où le poète raconte sa quête d'une femme inconnue et la folie qui s'empare de lui. Ce drame personnel lui ouvrit de nouvelles portes à la connaissance des "mystères de notre esprit", nota-t-il. Jean François Billeter raconte, lui, une femme qui a existé, qu'il connaît intimement, qui est bien présente, et un homme sain d'esprit même si cette mort le bouleverse complètement. Il parle bien sûr de lui et de Wen mais de façon universelle. "De tels bouleversements", écrit-il, sont riches en enseignements d'une portée plus grande. Ils nous apprennent de quoi nous sommes faits."

On lit cette succession de notes, parfois plusieurs par jour, la plupart du temps assez brèves, quelques lignes formant un court paragraphe, mais s'étendant de temps en temps sur l'espace d'une page. On y découvre une femme exceptionnelle et aussi humaine, un homme désemparé, plein de souvenirs, l'amour qui les a unis, les projets qu'ils ont eus. Pas d'exhibitionnisme dans la douleur mais l'impression qu'elle nous est donnée en partage, comme une étape avant une acceptation du destin et une capacité à vivre à nouveau. Parce que les épreuves, si on accepte de nous y confronter, nous apprennent "de quoi nous sommes faits". Avec le temps de l'apaisement, les notes s'espacent mais Wen reste toujours aussi présente. Quel couple que celui qui se dessine en filigrane!

Pour lire le début d'"Une autre Aurélia", c'est ici.


Et aussi
1. "Tout un monde lointain", Célia Houdart, P.O.L.
2. "Madone", Bertrand Visage, Seuil
3. "Point Cardinal", Léonor de Récondo, Sabine Wespieser Editeur
4. "Mon autopsie", Jean-Louis Fournier, Stock
5. "La beauté des jours", Claudie Gallay, Actes Sud
6. "Traité des gestes", Charles Dantzig, Grasset




Garder le meilleur pour la fin (de l'année): Charles et son encyclopédie gestuelle

En bref pour ne pas les perdre, dix romans qui ont aussi fait 2017.


Charles Dantzig.

Charles Dantzig est, on le sait, une encyclopédie à lui tout seul. Avec son air de dandy, il partage aimablement ses innombrables connaissances sur des sujets variés à la radio et dans ses livres. La littérature française, le tout et le rien, les chefs-d'œuvre (lire ici) ont déjà été abordés par l'écrivain. Le voilà qui s'intéresse aujourd'hui à un sujet beaucoup plus intime, beaucoup plus révélateur de l'être de chacun. Son "Traité des gestes" (Grasset, 408 pages) est une prodigieuse encyclopédie dont les propos extrêmement riches révèlent l'humain.

Charles Dantzig y étudie et analyse tous les gestes qu'il a repérés au cours de très nombreuses années d'attention au sujet. Mais l'écrivain (lire ici) est également un des sujets d'étude. Aussi, il écrit en "nous" et évoque ses souvenirs personnels en "je". Cela donne un ouvrage bien entendu érudit et lettré mais dont l'organisation en chapitres permet aussi bien un picorage au gré des pages qu'une lecture exhaustive. Gestes du corps, des mains, des yeux, des pieds, des femmes, des bébés, des sourds, gestes des métiers, gestes des émotions et des sentiments, gestes avec des objets... la liste est quasi infinie et combien passionnante. On dénombre plus de 150 entrées, commentées et enrichies de mille réflexions qui s'appuient sur la littérature, l'histoire, l'art et bien entendu l'observation personnelle. Comment est-il possible de passer à côté de tous ces gestes, souvent anodins en apparence mais tellement révélateurs de nous-mêmes?

Réfléchissons ensemble deux secondes. Qu'avez-vous fait, cher lecteur, chère lectrice, depuis que vous lisez cette note? Avez-vous penché la tête, plissé le nez, cligné des yeux, battu du pied? Avez-vous une cigarette entre les mains? Electronique ou classique? Etes-vous assis, debout? Savez-vous pourquoi? Savez-vous ce que cela pourrait signifier? On le réalise tout de suite, tout est geste chez l'être humain, geste signifiant ou geste manqué. Et tout geste a son sens ou sa raison. Mais on n'y prête pas attention. Dommage. Heureusement, Charles Dantzig est là pour nous éclairer et nous faire mieux nous comprendre, nous et nous dans nos relations aux autres, grâce à cet ouvrage incarné et passionnant où il se livre comme jamais.

Pour lire du début de "Traité des gestes", c'est ici.


Et aussi
1. "Tout un monde lointain", Célia Houdart, P.O.L.
2. "Madone", Bertrand Visage, Seuil
3. "Point Cardinal", Léonor de Récondo, Sabine Wespieser Editeur
4. "Mon autopsie", Jean-Louis Fournier, Stock
5. "La beauté des jours", Claudie Gallay, Actes Sud




vendredi 29 décembre 2017

Garder le meilleur pour la fin (de l'année): Jeanne, Rémy et Marina Abramović

En bref pour ne pas les perdre, dix romans qui ont aussi fait 2017.

Claudie Gallay.

L'épais volume qu'est le formidable "La beauté des jours", le dixième roman de Claudie Gallay (Actes Sud, 416 pages), a ceci de surprenant et d'agréable qu'il conte  de façon évocatrice et captivante mille petites choses du quotidien tout en ayant comme fils rouges la beauté de l'imprévisible et la force libératrice de l'art. Un mélange extrêmement réussi qui nous fait suivre Jeanne, postière de son état, mariée depuis longtemps à Rémy, mère de leurs deux jumelles étudiantes. Une eau tranquille en apparence mais qui peut s'avérer surprenante pour ses proches. Un peu pour elle aussi, sans doute.

Jeanne mène une vie d'habitudes. Cela lui convient. Elle en est heureuse. Mais Jeanne aime également le hasard, les surprises, l'inattendu. Elle a des singularités, comme guetter les voyageurs des trains du soir, attendre le renard du jardin, suivre l'un ou l'autre en rue, amasser de la documentation sur l'artiste serbe Marina Abramović, qu'elle a découverte quand elle avait dix-huit ans et qui la fascine. Une artiste qui n'hésite pas à engager son corps dans son travail, dans sa recherche artistique, à risquer une part d'elle pour vivre autrement. Un esprit audacieux, avide de liberté, qui résonne chez la sage quadragénaire qui lui écrit régulièrement des lettres.

Cet été-là sera-t-il celui où Jeanne saisira sa chance de vivre autrement? Si son mari aimant, Rémy, demeure l'élément stable, le reste tangue autour d'elle. Les filles sont en vacances, sa meilleure amie Suzanne ne se remet pas d'avoir été plaquée pour une autre, Jeanne a croisé en rue un amour de jeunesse. Sans oublier sa nièce Chloé, cette petite fille différente qui est comme une invitation à davantage de liberté pour elle...

Jeanne la songeuse est aussi fantasque, révélant à chacun la part enfouie de ses propres rêves. Elle réfléchit beaucoup, hésite sans cesse, se décide parfois et on ne peut qu'aimer cette figure lumineuse, soleil entre tous les personnages qui l'accompagnent. Claudie Gallay a composé un très beau roman, ambitieux, chaleureux et tendre, mêlant quotidien et art, célébrant constamment la beauté.

La romancière en écrit ceci.
"JE ME DEMANDE SOUVENT pourquoi certaines choses me touchent autant, ce qu'elles viennent bouleverser en moi pour me laisser à ce point troublée. Marina Abramović, je l'ai découverte il y a deux ans, un article dans "Télérama". Une femme qui part de sa vie pour raconter la vie des autres, et atteindre une sorte de vérité commune. Le roman a commencé comme ça. Il me semble que je suis encore à la table. Une sorte d'enchantement s'était emparé de moi. Après, j'ai tout lu sur elle. Lire ne suffisait pas. Il me fallait la partager. J'ai écrit – une première version qui racontait sa vie. Ça ne suffisait toujours pas. Jeanne est née de cette insuffisance à dire parfaitement la vérité de M. A. Elle est née parce que M. A. toute seule n'existe pas.
Jeanne est la figure lumineuse du livre. Dans son petit quotidien banal, elle a tout pour être heureuse, mais il y a ce que l'on montre et ce que l'on ne montre pas. Jeanne porte en elle une petite fille inconsolable. Quand elle retrouve Martin, elle sait qu'elle a le choix. Que fait-on de nos choix? Je partage avec elle des racines paysannes aux puissants attachements. Comme elle, quand j'envisage d'oser, je crois parfois que le ciel va me tomber sur la tête. Mais le ciel ne tombe pas. Ce sont les peurs qui nous figent.
Toujours, quelque chose manque à nos vies. Jeanne, anonyme provinciale, M. A., célèbre New-Yorkaise, il était improbable que les deux se rencontrent. Souvent la vie empêche cela: l'éducation, le milieu de naissance, les peurs incrustées. Nous sommes éduqués pour vivre une vie, et parfois nous voulons en vivre une autre. Notre marge de liberté est étroite. Étroite ne veut pas dire inexistante. C'est dans cet espace que Jeanne s'amuse, qu'elle joue. Avec ce roman, j'ai voulu mettre en lumière son extraordinaire capacité à percer la beauté du quotidien.
C'est dans cette marge aussi qu'elle décide d'oser, parce que l’art, quel qu'il soit – poésie, littérature, sculpture –, a un pouvoir curateur et rassurant."

Le début de "La beauté des jours" peut être lu ici.

Et aussi
1. "Tout un monde lointain", Célia Houdart, P.O.L.
2. "Madone", Bertrand Visage, Seuil
3. "Point Cardinal", Léonor de Récondo, Sabine Wespieser Editeur
4. "Mon autopsie", Jean-Louis Fournier, Stock






Garder le meilleur pour la fin (de l'année): Egoïne, la salle de dissection et Fournier

En bref pour ne pas les perdre, dix romans qui ont aussi fait 2017.


Jean-Louis Fournier. (c) Ulf Andersen.

Ce pourrait être la dernière blague de l'année: Fournier est mort.
Mais c'est heureusement une
BLAGUE
BLAGUE
BLAGUE
Jean-Louis Fournier n'est pas mort. La preuve? L'écrivain publie l'hilarant roman "Mon autopsie" (Stock, 194 pages) où il raconte sa dissection par le menu.

Autodérision un jour, autodérision toujours. De l'humour à fond et aussi une bonne dose de tendresse, presque de reconnaissance envers l'existence. Après avoir donné plusieurs récits personnels, excellents, où il évoquait ses fils handicapés, sa femme, sa mère, il ne restait à Jean-Louis Fournier que de devenir son propre matériau d'écriture. Il le fait à sa manière, avec sa désinvolture, en racontant sa mort et surtout sa dissection, morceau par morceau. Le texte est impeccable, découpé en courts chapitres qui sont autant d'éléments de son autobiographie. "J'ai plein d'amis en ce moment qui écrivent leurs mémoires ou des livres de souvenirs", me confie-t-il. "Comme je ne veux pas faire comme tout le monde, que j'ai toujours été le mauvais élève de la classe, je me suis dit que j'allais raconter mon autopsie."

La manière de son autobiographie n'est pas sérieuse, bien entendu. Fournier ne se refera pas et c'est comme ça qu'on l'aime. "C'est une entreprise périlleuse et inhabituelle qu'une autopsie et une histoire d'amour entre un vieux mort et une jeune docteur. Un mort n'a pas d'arme pour séduire. Il ne peut ni toucher ni faire rire. Ma seule chance était qu'elle lise mes livres et qu'ils lui plaisent."

"Mon autopsie" raconte, scalpel battant, les faits saillants de l'existence de l'auteur en regard des organes examinés, mais finalement rien de sa relation avec la doctoresse Egoïne. "Mort, on ne peut rien cacher à personne. C'est pire qu'un strip-tease. J'ai utilisé au sens premier, au pied de la lettre, des expressions françaises comme savoir ce qu'il a dans le ventre, ce qu'il a dans le cœur, ce qu'il a dans la tête. Dans le livre, il y a de l'émotion et des pirouettes pour faire rigoler. L'humour est la seule arme que nous ayons pour supporter la vie. Comment les gens sans humour survivent-ils?"

Un sujet inconvenant? Pas du tout si on accepte le parti-pris de l'humour. "Je me suis beaucoup amusé à écrire ce livre", confirme Jean-Louis Fournier. "J'imaginais que j'étais mort, ce qui n'était pas si désagréable. Et je l'ai vraiment terminé la veille du jour de Pâques, jour de ma résurrection. J'avais une autre fin, que j'ai aujourd'hui oubliée, mais qu'un club de lecture à qui je l'avais soumise n'a pas retenue."

Un roman qui célèbre une femme aussi. "J'ai toujours été fou des femmes. Depuis que j'ai dix ans. Le vieillard que je suis ne peut plus approcher les petites jeunes filles. Alors je vais dans les musées. Je passe pour un amateur d'art plutôt que pour un vieux dégoûtant."

Super Fournier, ne change rien.

Pour lire les dernières pages de "Mon autopsie", c'est ici.

Et aussi
1. "Tout un monde lointain", Célia Houdart, P.O.L.
2. "Madone", Bertrand Visage, Seuil
3. "Point Cardinal", Léonor de Récondo, Sabine Wespieser Editeur


Garder le meilleur pour la fin (de l'année): Mathilda, Laurent, Solange et les autres

En bref pour ne pas les perdre, dix romans qui ont aussi fait 2017.


Léonor de Récondo (c)  Emilie Dubrul-Sabine Wespieser Editeur.

Pour son cinquième roman, "Point Cardinal" (Sabine Wespieser, 224 pages), Léonor de Récondo n'a pas choisi un sujet facile. Carrément casse-gueule même. Mais elle nous entraîne magnifiquement à la découverte de Laurent qui aimerait mieux être Mathilda. Les premières pages sont particulièrement bluffantes et réussies. Il y a quelque temps que Laurent, heureux dans son ménage avec Solange et père de deux ados, se doute qu'il est une femme dans un corps d'homme. Au début, il se travestit en cachette. Mais il sait bien que ce n'est qu'un leurre. Il lui faudra du temps, de courage, de l'audace et un coup de pouce du destin, pour avancer dans son destin.

Ce qui est magnifique dans cet excellent roman, c'est que c'est justement un roman. Avec tout ce qu'une écriture, un ton, une approche littéraire peuvent apporter de suppléments au simple récit journalistique. Léonor de Récondo bichonne tous ses personnages. Elle nous les fait entendre, ne les juge pas et permet à chacun d'avancer à son rythme. On est aux côtés de Laurent/Mathilda qui sent qu'il ne peut plus reculer, de Solange qui ne comprend pas mais tente de faire au mieux, des enfants qui ont leurs réactions à eux, des collègues de travail qui préfèrent l'incrédulité à l'empathie. "Point Cardinal" a pour titre ce moment où on est obligé d'être soi, quitte à changer de sexe. Un romain inoubliable.

Pour lire le début de "Point Cardinal", c'est ici.

Et aussi
1. "Tout un monde lointain", Célia Houdart, P.O.L.
2. "Madone", Bertrand Visage, Seuil



Garder le meilleur pour la fin (de l'année): Madone, Hildir et Alba la couturière

En bref pour ne pas les perdre, dix romans qui ont aussi fait 2017.

Bertrand Visage. (c) Ulf Andersen.

Bertrand Visage écrit fort bien mais peu. Son nouveau et merveilleux roman, l'envoûtant "Madone" (Seuil, 169 pages) se déroule, comme la plupart de ses livres, dans une Italie qu'il connaît bien pour y avoir longtemps vécu. Son précédent, "Intérieur Sud", date de 2008! Avant, il avait publié "Un vieux cœur" (2001), "L'Education féline" (1997), "Hôtel Atmosphère" (1998), "Bambini" (1993), "Rendez-vous sur la Terre" (1989), "Angelica" (1988). Son premier roman, "Tous les soleils", date de 1984 et obtint le Prix Femina.

 Après neuf ans d'attente, la curiosité était grande. Elle n'a pas été déçue. "Madone" est une merveille de livre qui se déroule dans une petite ville d'un sud brûlant. La chaleur arrête tout, garde les gens chez eux. Sauf cette jeune femme qui apparaît à certaines heures dans la rue, s'assied sur des marches et allaite son bébé. Personne ne pose de question. Mais un matin de mai, son lait s'arrête. Madone, puisque c'est le surnom qu'elle a reçu, ne s'est même pas rendu compte qu'elle a été frôlée par Hildir Hildirsson, un géant blond islandais, capitaine d'un cargo arrêté là depuis six mois.

Tout le roman, écrit à la manière d'un conte, raconte comment Madona va tenter de savoir pourquoi son lait s'est tari. Alba, la vieille couturière, l'aide. Les personnages se croisent, parfois sans le savoir. On les découvre ainsi que leur passé et leurs rêves d'avenir. Tout s'entrelace, tout interfère sans qu'on n'en prenne conscience. Tout n'est pas absolument logique. Comme dans les contes. Raison pour laquelle ce roman musical interrogeant l'amour et le désir d'enfant, tout en sensualité et surprises, mystères et hasard, s'avère captivant de bout en bout. Un récit improbable qu'on suit avec délices sans jamais en douter.


Et aussi
1. "Tout un monde lointain", Célia Houdart, P.O.L.












Garder le meilleur pour la fin (de l'année): Gréco, Eileen Gray, la villa, Louison et Tessa

En bref pour ne pas les perdre, dix romans qui ont aussi fait 2017.


Célia Houdart.

"La littérature, pour mettre le désordre là où l'ordre s'installe", lit-on sur le signet glissé dans le nouveau roman, le cinquième, de Célia Houdart, "Tout un monde lointain" (P.O.L., 200 pages). Vaste et engageant programme qui fait rêver autant que cet excellent roman où on retrouve tout de suite la petite musique de l'auteure (lire ici), à la fois légère et grave, virevoltant entre les lieux et les gens.

Ce nouveau livre se déroule dans le sud, à Roquebrune-Cap-Martin, durant l'été. Après un intriguant prologue, on plonge dans l'histoire de Gréco. Agée, elle fut ensemblière et cultive l'art en général et une admiration pour l'architecte et designer irlandaise Eileen Gray en particulier. Par chance, elle habite tout près de la villa E.1027 que cette dernière a construite. Tous les jours, elle se promène sur le sentier qui la longe, espérant même l'acquérir. Quelle ne sera pas sa surprise de découvrir qu'un couple de jeunes gens s'est installé dans la villa blanche!

Gréco est âgée mais pas psycho-rigide. Elle va rencontrer les deux squatteurs, leur parler. Ils vont s'apprivoiser, s'opposer, se découvrir, guetter ensemble la "femme à la fenêtre". Chacun des trois va apprendre des deux autres. Gréco la pudique va ainsi nager nue avec ce couple et aimer le faire.
Tout n'est pas rose évidemment dans ce superbe roman qui entrecroise les histoires des uns et des autres, celles du passé et du présent, sans jamais perdre son lecteur.

On peut le dire. C'est une histoire d'amour imprévu qui réunit les trois. A la manière d'Harold et Maude. Gréco va aussi se souvenir de son passé enfoui comme si la jeunesse de Tessa et Louison lui en donnait enfin l'occasion. L'écriture magnifique, précise et sans gras de Célia Houdart nous emmène à la rencontre de ces personnages attachants, dans des lieux de toute beauté, que ce soit la villa E.1027 ou la nature environnante. "Tout un monde lointain" séduit en enchante, et, suivant la consigne initiale, met le désordre de la littérature là où l'ordre aurait pu s'installer.


Pour lire le début de "Tout un monde lointain", c'est ici.

samedi 23 décembre 2017

Quatre valeurs sûres pour le sapin, ou ailleurs

Rescapés des problématiques tournées postales bruxelloises mais arrivés bien tard par rapport à leur date d'envoi, quatre albums jeunesse à ne pas manquer.


Les poussins de Claude Ponti sont coureurs de livre. (c) l'école des loisirs.

Le Ponti de l'année


La course en livre
Claude Ponti
l'école des loisirs
216 pages

"Il y a des poussins partout!", disent à l'endroit et en miroir (un procédé qui sera souvent habilement mis à profit) les grosses bibiches à tête de rat qui apparaissent en pages 53 et 55 de ce nouvel album en très épais format très à l'italienne. Elles ont raison. Il y a vraiment des poussins partout dans ce nouvel opus de Claude Ponti (lire ici) dont les pages vont à gauche de 1 à 107 et, à droite, de 107 à 1. La preuve qu'on peut prendre le livre à l'endroit ou à l'envers. Pas pile par le milieu. Il s'y trouve la porte de sortie...

Pages 54 et 54. (c)  l'école des loisirs.

Il y a des poussins partout et ils courent dans tous les sens. Un peu plus bronzés que précédemment, ils épiloguent sur le vrai et le faux, décryptent le livre en général et le leur en particulier, jouent avec les mots, les chiffres et les lettres grecques, jouent tout court, sautent, mangent, dorment, font π π et kk ou les β. Les poussins dont Blaise racontent, observent, expérimentent, croisent de drôles de personnages et de drôles de fleurs.

L'album joue avec tous les éléments de la page, dont le pli central donnant lieu à de belles variations sur la symétrie. Il repose sur un socle souvent d'herbe, parfois de sable qui court tout le long du bas des pages Si cette stabilité peut toutefois être elle aussi bousculée, elle reste présente même quand le livre se lit parfois tête en bas. "La course en livre" est un merveilleux hommage à la liberté. On ne le lire jamais complètement tant il est foisonnant et offre des interprétations variées. C'est un plaisir de papier, à déguster à son aise en laissant libre champ à son imagination du jour. Pour tous.


Pages 3 et 105. (c) l'école des loisirs.

Pages 4 et 104. (c) l'école des loisirs.


Pour feuilleter quelques pages de "La course en livre", c'est ici.


Le Bachelet de l'année


Une histoire d'amour
Gilles Bachelet
Seuil Jeunesse
32 pages

En France, on dit gants Mapa, en Belgique, gants de ménage. Peu importe finalement, deux gants de caoutchouc sont les héros de cette histoire d'amour, follement romanesque et terriblement drôle.

L'album commence par une brève introduction.
"Cupidon le petit dieu joufflu de l'amour, envoie ses flèches où bon lui semble. Certaines, parfois atteignent le cœur de personnages remarquables et provoquent des histoires pleines de passions et de drames qui font les grands romans et les films en cinémascope. Mais la plupart viennent toucher le cœur des gens ordinaires et sont à l’origine de mille et mille histoires toutes belles, mais toutes simples, telles que l'histoire de Georges et Josette."
Georges et Josette, il était écrit que ces deux-là devaient se rencontrer. Lui est maître-nageur, elle adepte de nage synchronisée. Un jour, à la piscine, ce fut le coup de foudre entre eux!

Rencontre de Georges et Josette et coup de foudre. (c) Seuil Jeunesse.

Bien sûr, le lecteur remarque tout de suite le décalage entre le texte et les illustrations voulu par Gilles Bachelet (lire ici). Car la piscine que lui s'imagine est bien différente de celle que présentent les amoureux. Pareil pour le pique-nique à la campagne, le tour à la fête foraine... Superbement construites, les images ne sont composées que des objets qu'on trouve dans une maison et principalement dans une cuisine.

Une petite soirée à la maison. (c) Seuil Jeunesse.

L'histoire d'amour se poursuit dans le romantisme le plus parfait, toujours confronté à la cocasserie des dessins. Tout est à y regarder de près. Voyage de noces, installation, occupations diverses, pêche et tricot, promenade du chien.... Il ne manque que le bébé qui, bien sûr, va arriver et générer d'autres situations que vont décrire de nouvelles compositions ménagères. Viendront ensuite d'autres bébés, ainsi que des situations plus difficiles. Mais le bonheur et la joie l'emportent.

Josette croit qu'elle est enceinte. (c) Seuil Jeunesse.

Au fond, c'est la vie d'une famille comme tant d'autres que nous raconte Gilles Bachelet à travers Georges et Josette avec, en filigrane, leur immense amour qui prend des formes multiples selon qu'il s'applique à eux ou à leurs enfants. C'est parfois bon de le rappeler. Un album pour rire et être ému. A partir de 4 ans.


Le Bernard & Roca de l'année


La malédiction de l'anneau d'or
Fred Bernard 
François Roca
Albin Michel Jeunesse
48 pages

Superbe conte, puissamment déployé, que cette amitié entre deux orphelines racontée par Jack, un corbeau qu'a sauvé Cornélia. Cette dernière est aveugle, a de longs cheveux noirs et paraît une bourrasque à côté de la calme et rousse Virginia. Rien ne semble pouvoir séparer les deux amies qui s'épaulent et se complètent merveilleusement. Rien? En grandissant, les deux orphelines vont peu à peu s'intéresser, comme toutes leurs condisciples, à un homme mystérieux nommé Génius la main froide. Il vient régulièrement conseiller les pensionnaires de l'orphelinat et est le seul homme avec qui les jeunes filles sont en contact!

Jack poursuit son récit qui devient plus inquiétant quand Cornélia et Virginia découvrent l'anneau d'or et sa légende. Qui devient carrément angoissant quand les deux jeunes filles se disputent et se séparent. Le sortilège serait-il en train d'agir? Réponse dans ce magnifique récit où l'on retrouve l'héroïne d'"Anya et le tigre blanc" (même éditeur, 2015, lire ici). Le texte de Fred Bernard est splendide et donne de l'élan aux somptueuses scènes campées par François Roca, toutes en jeux de lumière et de nuit. A partir de 6 ans.

Cornélia, Virginia et Jack le corbeau. (c) Albin Michel Jeunesse.

La réédition de l'année


La drôle de petite bibliothèque
Dorothy Kunhardt
Garth Williams
traduit de l'anglais par Olga Kent
MeMo
12 mini-livres (8 cm x 6 cm environ)
de 24 pages

Douze histoires farfelues sont réunies dans ce petit coffret, délicieuses, signalant à peine qu'elles ont été écrites et illustrées aux Etats-Unis en 1949. On pourrait dire une histoire par mois car elles s'intéressent à différents éléments du calendrier, Saint-Valentin, Pâques, 1er avril, Halloween, Noël. Il sera toutefois difficile de résister à l'envie de les lire toutes à l'affilée tant elles sont délicieuses, remarquablement illustrées par plus de deux cents minuscules peintures. En tout cas, on est drôlement content d'en avoir enfin la traduction française, tant elles consignent avec joie, humour et imagination les petits événements du quotidien. Que ce soit la visite aux grands-parents, l'amie imaginaire ou un pique-nique plutôt fou.

Version originale des "Tiny Nonsense Stories".

Théodore. (c) MeMo.
Le côté burlesque de Dorothy Kunhardt est bien nécessaire aujourd'hui et les illustrations minutieuses de Garth Williams sont un régal. A noter que les personnages principaux apparaissent toujours dans un décor propre en couverture alors que c'est un couple ou une paire d'adultes qui circule devant un mur ou une palissade que l'on découvre en quatrième de couverture. A partir de 4 ans.


Les douze petits livres recto et verso. (c) MeMo.