En bref pour ne pas les perdre, dix romans qui ont aussi fait 2017.
Né en Bulgarie en 1940, Franck Pavloff aime écrire sur des villes dont le nom est lié à l'Histoire mais qui vivent un nouveau destin aujourd'hui. Après Berlin et Barcelone, il nous emmène cette fois à Budapest. "Mes trois B", sourit-il. "La nuit des enfants qui dansent" (Albin Michel, 282 pages) est un sensible road-movie, un voyage initiatique dans une Europe hantée par les drames. Ceux du passé comme dans "L'enfant des marges" (lire ici), ceux d'hier et d'aujourd'hui dans ce nouveau roman.
Ce très beau récit s'ouvre sur une scène étonnante qui se déroule sur le côté suisse du lac de Constance. En deux temps, trois mouvements sont réunis les trois personnages principaux qui, eux, ne se connaissent pas encore. Il y a d'abord le jeune Zâl, qui pratique le slack (discipline entrevue à Barcelone) en parlant aux oiseaux qu'il élève. C'est-à-dire qu'il avance en funambule sur un élastique tendu entre deux supports, sans balancier. Des jeux de lumière accompagnent ses performances qui ont lieu dans des lieux tenus secrets jusqu'au dernier instant mais qui drainent un public inouï. Il y a ensuite le vieil Andras, arrivé au lac en taxi depuis l'Autriche et qui l'observe, tout en ruminant sans fin ses souvenirs d'une Hongrie qu'il a quittée vingt ans auparavant. Il y a enfin la toute jeune Téa qui semble très attirée par le jeune athlète suisse. Chacun fuit quelque chose. Chacun traîne derrière lui de lourds secrets, on le comprend vite.
Franck Pavloff va faire en sorte que ces poids se séparent de ceux qui les portent. Il mène son trio sur les routes de l'Europe avec Budapest et son festival musical en destination finale. "Ce qui se passe en Hongrie nous montre ce qui se passe par chez nous. Ce pays est le miroir grossissant de l’Europe", analyse-t-il. On sait donc qu'il sera aussi question des migrants dans ce roman. "Je veux refaire vivre les liens sociaux dans mes livres. L'opposition au franquisme dans le précédent, le soutien aux réfugiés dans celui-ci."
"Je veux", ajoute l'écrivain, "écrire sur des pays hantés par l'Histoire, qui sont la destination de la jeunesse d'aujourd'hui. Les enfants de mes amis vont à Budapest faire des fêtes dans des bars construits sur des ruines, sans savoir ce qui s'y est passé. Mais je remarque aussi que c'est comme si les cicatrices des villes étaient la raison de l'exubérance des plantes actuelles."
Le point central du livre est cette nuit où la jeunesse d'Europe se retrouve à Budapest lors d'un festival. "Cette nuit a aussi été le point de départ du roman", se souvient l'écrivain qui s'est rendu à ce festival de musique sur le Danube. "Cent mille jeunes s'y retrouvent. C'est l'occasion de montrer les fractures des personnages, leurs oppositions."
Si au début Zâl et Andras sont comme chien et chat, ils vont s'apprivoiser pour finir par révéler le lien qui les unit et même s'aimer. Ce chemin tortueux va les obliger à se délester de leurs carapaces respectives, au propre et au figuré. Son état d'orphelin pour le jeune, son passé et le poids de l'Histoire dont il se charge, on verra pourquoi, pour l'homme âgé. Sans que tout soit blanc ou noir. "J'aime bien que la psychologie de mes personnages soit ambiguë", rappelle Franck Pavloff.
Si Andras est dans le passé et Zâl dans le futur, les femmes du roman sont, elles, dans le présent. Téa, qui voue un amour total, complet, à l'adepte du slack. Sara, la Tzigane rencontrée à Budapest, qui aide qui il faut aider et donc beaucoup les migrants et un peu Andras.
Pour lire le début de "La nuit des enfants qui dansent", c'est ici.
Et aussi
1. "Tout un monde lointain", Célia Houdart, P.O.L.
2. "Madone", Bertrand Visage, Seuil
Franck Pavloff. (c) Samuel Kirszenbaum. |
Né en Bulgarie en 1940, Franck Pavloff aime écrire sur des villes dont le nom est lié à l'Histoire mais qui vivent un nouveau destin aujourd'hui. Après Berlin et Barcelone, il nous emmène cette fois à Budapest. "Mes trois B", sourit-il. "La nuit des enfants qui dansent" (Albin Michel, 282 pages) est un sensible road-movie, un voyage initiatique dans une Europe hantée par les drames. Ceux du passé comme dans "L'enfant des marges" (lire ici), ceux d'hier et d'aujourd'hui dans ce nouveau roman.
Ce très beau récit s'ouvre sur une scène étonnante qui se déroule sur le côté suisse du lac de Constance. En deux temps, trois mouvements sont réunis les trois personnages principaux qui, eux, ne se connaissent pas encore. Il y a d'abord le jeune Zâl, qui pratique le slack (discipline entrevue à Barcelone) en parlant aux oiseaux qu'il élève. C'est-à-dire qu'il avance en funambule sur un élastique tendu entre deux supports, sans balancier. Des jeux de lumière accompagnent ses performances qui ont lieu dans des lieux tenus secrets jusqu'au dernier instant mais qui drainent un public inouï. Il y a ensuite le vieil Andras, arrivé au lac en taxi depuis l'Autriche et qui l'observe, tout en ruminant sans fin ses souvenirs d'une Hongrie qu'il a quittée vingt ans auparavant. Il y a enfin la toute jeune Téa qui semble très attirée par le jeune athlète suisse. Chacun fuit quelque chose. Chacun traîne derrière lui de lourds secrets, on le comprend vite.
Franck Pavloff va faire en sorte que ces poids se séparent de ceux qui les portent. Il mène son trio sur les routes de l'Europe avec Budapest et son festival musical en destination finale. "Ce qui se passe en Hongrie nous montre ce qui se passe par chez nous. Ce pays est le miroir grossissant de l’Europe", analyse-t-il. On sait donc qu'il sera aussi question des migrants dans ce roman. "Je veux refaire vivre les liens sociaux dans mes livres. L'opposition au franquisme dans le précédent, le soutien aux réfugiés dans celui-ci."
"Je veux", ajoute l'écrivain, "écrire sur des pays hantés par l'Histoire, qui sont la destination de la jeunesse d'aujourd'hui. Les enfants de mes amis vont à Budapest faire des fêtes dans des bars construits sur des ruines, sans savoir ce qui s'y est passé. Mais je remarque aussi que c'est comme si les cicatrices des villes étaient la raison de l'exubérance des plantes actuelles."
Le point central du livre est cette nuit où la jeunesse d'Europe se retrouve à Budapest lors d'un festival. "Cette nuit a aussi été le point de départ du roman", se souvient l'écrivain qui s'est rendu à ce festival de musique sur le Danube. "Cent mille jeunes s'y retrouvent. C'est l'occasion de montrer les fractures des personnages, leurs oppositions."
Si au début Zâl et Andras sont comme chien et chat, ils vont s'apprivoiser pour finir par révéler le lien qui les unit et même s'aimer. Ce chemin tortueux va les obliger à se délester de leurs carapaces respectives, au propre et au figuré. Son état d'orphelin pour le jeune, son passé et le poids de l'Histoire dont il se charge, on verra pourquoi, pour l'homme âgé. Sans que tout soit blanc ou noir. "J'aime bien que la psychologie de mes personnages soit ambiguë", rappelle Franck Pavloff.
Si Andras est dans le passé et Zâl dans le futur, les femmes du roman sont, elles, dans le présent. Téa, qui voue un amour total, complet, à l'adepte du slack. Sara, la Tzigane rencontrée à Budapest, qui aide qui il faut aider et donc beaucoup les migrants et un peu Andras.
Les enfants qui dansent aujourd'hui peuvent-ils repousser les ténèbres de leurs aînés, c'est une des questions que pose ce prenant roman de Franck Pavloff dont l'écriture légère et imagée s'apprécie toujours autant.
Et aussi
1. "Tout un monde lointain", Célia Houdart, P.O.L.
2. "Madone", Bertrand Visage, Seuil
3. "Point Cardinal", Léonor de Récondo, Sabine Wespieser Editeur
4. "Mon autopsie", Jean-Louis Fournier, Stock
5. "La beauté des jours", Claudie Gallay, Actes Sud
6. "Traité des gestes", Charles Dantzig, Grasset
4. "Mon autopsie", Jean-Louis Fournier, Stock
5. "La beauté des jours", Claudie Gallay, Actes Sud
6. "Traité des gestes", Charles Dantzig, Grasset
7. "Une autre Aurélia", Jean François Billeter, Allia
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire