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vendredi 27 janvier 2023

La Belge Laura Simonati primée à Bologne


Les différents jurys de la Foire internationale du livre pour enfants de Bologne se réunissaient ces derniers jours afin de choisir les lauréats des BolognaRagazzi Awards 2023, partagés entre Fiction, Non-Fiction et Opéra Prima (Première œuvre), Prix New Horizons, album photographique et bande dessinée selon trois catégories d'âge. Voici leur verdict.
Jury BRAW: l'éditrice Doris Breitmoser (Allemagne), le graphiste et auteur Riccardo Falcinelli (Italie), la chercheuse Orna Granot (Israël) et la libraire Dee Lalljee (Grande-Bretagne).

De nombreuses récompenses, vingt-cinq au total, ont été décernées cette année, partagées entre prix et mentions spéciales. La création franco-belge remporte deux prix (Versant Sud et La Partie) et six mentions (Editions des Grandes Personnes, Editions Thierry Magnier, Grasset Jeunesse, Gallimard Jeunesse, L'articho, L'employé du moi).

Au total, ce sont 2.349 albums qui ont été soumis au jury par 644 éditeurs de 59 pays et régions du monde. Encore plus que l'an dernier, avec les premiers envois de livres du Bangladesh, de Chypre, de Macédoine, de Malaisie, de Porto Rico et du Venezuela.

Commençons par la dernière catégorie des BRAW car le prix Opéra Prima 2023 est attribué à l'album "Mariedl. Une histoire gigantesque", de Laura Simonati (Versant Sud, Belgique, 2022, lire ici). 

Ce que le jury en a dit:
"Une histoire inhabituelle, celle d'un être exceptionnellement grand. Inspirée d'une histoire vraie du Tyrol du Sud rural au XIXe siècle, la gigantesque protagoniste passe de l'invisibilité à la visibilité lors d'un voyage physique parallèle à son cheminement vers l'acceptation de soi. L'impressionnante technique d'impression utilisant une approche anti-technicolor et un mélange de marron, de vert foncé et de rose crée une sensation terre-à-terre et ancrée tout au long du livre, et la peinture de style folklorique naïf est très moderne dans son approche. L'interaction entre les images peintes et le lettrage à la main, présenté dans une séquence de doubles planches chacune avec une mise en page originale, permet au lecteur de partager l'histoire d'un point de vue personnel. C'est un début solide, et nous tenons à saluer la sélection audacieuse de sujets et d'artistes à venir."

Dans la même catégorie, une mention spéciale a été décernée à "The Blue: Bench" de mia (Studio Woom, Corée du Sud, 2022).










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Le prix BolognaRagazzi Award Fiction 2023 va à l'album "Todo lo que pasó antes de que llegaras" (Tout ce qui s'est passé avant que tu arrives) de Yael Frankel (Limonero, Argentine, 2022). Une auteure-illustratrice qui a déjà été traduite plusieurs fois en français: "Rien de rien" (Passepartout, 2014), "Quelle chance!" (La joie de lire, 2017), "Quatre désirs" (Rouergue Jeunesse, 2020), "L'ascenseur" (Obriart, 2021).

Ce que le jury en a dit:
"Avec des dessins enfantins minimalistes au crayon et au fusain, une retenue de forme et de couleur et l'utilisation de motifs orange et bleus, écrits et dessinés du point de vue d'un petit garçon attendant un nouveau frère, c'est un livre magnifiquement conçu. Le jeune narrateur s'adresse au bébé à naître avec des histoires, des pensées et des souvenirs significatifs, capturant délicieusement des moments de la vie familiale quotidienne avec un humour doux, une attention et une grâce qui ajoutent à sa force tranquille et à son authenticité. Chaque double page est une méthode enchanteresse pour exprimer l'universel dans le personnel, décrivant comment les familles font face au changement, avant l'arrivée d'un nouveau bébé."

Trois mentions spéciales Fiction 2023 vont aux albums

"噔噔噔"
(Thump! Thump! Thump!), de Yu Yi, illustré par Wang Zumin (21st Century Publishing Group, Chine, 2022)
"Spinne spielt Klavier"
(Spider joue du piano), de Benjamin Gottwald (Carlsen Verlag GmbH, Allemagne, 2022)

"이사가"
(S'en aller) de Ji Yeon Lee (NCSOFT Corporation, Corée du Sud, 2022)
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Le prix BolognaRagazzi Award  Non Fiction 2023 récompense l'album "Winner, Art of Protest" de De Nichols, illustré par by Diana Dagadita, Saddo, Olivia Twist, Molly Mendoza, Diego Becas (Big Picture Press (Bonnier Books UK), UK, 2021).

Ce que le jury en a dit: 
""Tout est Art. Tout est Politique". Combinant photographie, conception graphique, citations significatives, haut niveau de savoir-faire et reliure exquise, toutes les couches d'"Art of Protest" inspirent l'expression politique artistique. Hommage à l'art en tant que protestation, cette mise en page innovante comprend des affiches, des infographies et une utilisation intelligente de la composition, promouvant l'art en tant que protagoniste et manifestant. Dans les pages, l'invitation à "Essayez ceci..." est un encouragement puissant mais doux avec une gamme d'exemples graphiques, se terminant par un appel à l'action stimulant "À vous. Notre monde en ce moment est mûr pour le changement… » Ceci est un livre rempli de mission et de but."

Deux mentions spéciales Non Fiction 2023 vont aux albums

"Woven of the World"
(Tissages du monde), de Katey Howes, illustré par Dinara Mirtalipova (Chronicle Books, USA, 2022)

"Ogledalo bez mana"
(Le miroir sans défaut), d'Agata Lučić (Mala zvona d.o.o., Croatie, 2022).











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Le Prix New Horizons 2023, prix spécial du jury, est octroyé à "El bolso" (La bourse) de María José Ferrada, illustré par Ana Palmero Cáceres (Alboroto Ediciones, Mexique, 2021).

Ce que le jury en a dit: 
"Lisez ce livre les yeux fermés! Pour découvrir le trésor de la bourse, plongez dans ce livre comme si vous cherchiez dans un sac pour découvrir ce qu'il y a dedans. Le concept de base est la notion accessible de parcourir un sac sans regarder. La joie de ce livre est une invitation pour les lecteurs valides et malvoyants à lire ensemble. Le rythme lyrique de la langue correspond aux images tactiles, et le texte réduit, le graphisme simple, les images tactiles et le braille transforment un format humble en un produit charmant qui se réjouit du quotidien. L'inclusion de l'alphabet braille inspire tout le monde à lire ce livre par le biais du toucher, et ce simple acte le rend particulièrement spécial."


D'autres distinctions

La catégorie spéciale 2023 est la photographie.
Jury: Walter Guadagnini (Italie), Laurence Le Guen (France) et Junko Yokota (Japon).

Le prix est donné à l'album "Seen and Unseen: What Dorothea Lange, Toyo Miyatake, and Ansel Adams's Photographs Reveal about the Japanese American Incarceration" d'Elizabeth Partridge, images de Lauren Tamaki (Chronicle Books, USA, 2022)

Ce que le jury en a dit:
"Le jury a sélectionné ce livre pour la manière dont la photographie joue un rôle déterminant dans la narration de cette histoire. À travers des textes explicatifs, des questions stimulantes, des documents, des photographies et des illustrations originales, les lecteurs se voient proposer un ensemble complexe de façons de donner un sens à ce qui s'est passé dans le camp. Les travaux de trois photographes offrent des perspectives différentes: Lange, à travers son objectif de protestation contre l'incarcération, Miyatake, à travers sa caméra cachée et un point de vue d'initié en tant qu'Américain d'origine japonaise, et Adams, à travers sa photographie de paysage et son accent sur la loyauté des Américains d'origine japonaise. en tant que citoyens américains. Ce livre rend hommage au pouvoir de la photographie pour documenter et révéler des circonstances qui ont été gardées sous séquestre et cachées à la vue du public pendant la guerre."

Deux des trois mentions spéciales photographie ont été attribuées à des albums français:

"Qui veut jouer avec moi?"
de Claire Dé (Éditions des Grandes Personnes, France, 2022)

"Cache-cache cauchemars"
 de Jean Lecointre (Editions Thierry Magnier, France, 2018)

"O adeus do marujo"
(L'adieu au marin), de Flávia Bomfim (Pallas Editora, Brazil, 2022)











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Bande dessinée
Jury: Roel Daenen, Igort (pseudonyme de Igor Tuveri) et Bill Kartalopoulos.

Jeunes lecteurs

Le prix récompense "Whose Sock?" (A qui la chaussette?) de Sun Jun (Hsin Yi Publications,China, 2020).

Ce que le jury en a dit:
""A qui chaussette?"  adapte la répétition et la variation d'un récit classique des premiers lecteurs au format de bande dessinée avec une précision immaculée alors qu'un petit chat noir recherche le propriétaire d'une chaussette jaune inhabituelle. Un parcours d'étage en étage d'un immeuble peuplé d'une ménagerie humoristique de personnages anthropomorphes qui représentent la diversité des communautés urbaines. Le livre lui-même regorge de gags et d'inventions graphiques qui permettent une lecture et une relecture riches alors même que le personnage principal poursuit son objectif. Sun Jun fait un excellent usage de la couleur limitée partout."

Deux mentions spéciales vont à 

"Après les vagues"
de Sandrine Kao (Grasset Jeunesse, France, 2022)

"O primeiro dia"
(Le premier jour) de Henrique Coser Moreira (Planeta Tangerina, Portugal, 2022)











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Lecteurs moyens

Le prix va à "Un matin" de Jérôme Dubois, illustré par Laurie Agusti (La Partie, France, 2022).

Ce que le jury en a dit:
""Un Matin" commence par un rêve dans lequel le personnage principal — et le lecteur — sont doucement entraînés: toutes les couleurs du monde — et donc le livre — ont mystérieusement disparu, et le monde est réduit au noir et blanc. En plus de l'abstraction rigoureuse du dessin, le livre offre au lecteur un élément de choix: à la fin de chaque "section", c'est à nous de choisir parmi différentes options narratives au fur et à mesure que nous décidons vers quelle page se tourner. Cette histoire ludique et poétique offre au lecteur un véritable élément d'interaction alors que nous rejoignons les auteurs pour déterminer le chemin que prendra cette histoire. Une narration visuelle immaculée se tisse à travers des illustrations richement détaillées qui font des clins d'œil subtils à toutes sortes de références (reconnaissables) de la culture pop, invitant davantage à la relecture et à la réexpérimentation. Chaque aspect de ce livre est conçu pour soutenir une expérience de lecture surprenante, efficace et finalement unique, à la fois visuellement et narrativement passionnante (où sont passées les couleurs?)."

Trois mentions spéciales ont été décernées aux albums

"그림자 극장"
(The Shadow Theater) de Kyu-Ah Kim (Bear Books Inc., Corée du Sud, 2022)

"House of Dracula"
de 5unday, illustré par Heedae Yun (Dogbooks, Corée du Sud, 2022)

"Le monde des animaux perdus"
de Noémie Weber (Gallimard Jeunesse, France, 2022)











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Jeunes adultes

Le prix va à "坂月さかな作品集 プラネタリウム・ゴースト・トラベル" (Planetarium Ghost Travel The Art of Sakatsuki Sakana) de Sakana Sakatsuki (PIE International Inc., Japan, 2021).

Ce que le jury en a dit: 
"Sakana Sakatsuki est à l'avant-garde d'une nouvelle vague de récits fantastiques qui adaptent les tropes de la science-fiction pour traiter les sentiments subtils d'un présent incertain. Surprenant par sa délicatesse et son innovation, Sakatsuki synthétise des éléments stylistiques du manga avec des éléments de la culture occidentale pour raconter l'agitation et la solitude d'un jeune voyageur de l'espace. À la fois épique et intime, "Ghost Travel" exprime et réexprime le cœur tonal de sa vanité narrative dans une variété de styles visuels et de langages esthétiques. Il s'agit notamment d'illustrations en couleurs accompagnées de petits textes poétiques et de séquences BD monochromes qui introduisent son univers narratif."

Trois mentions spéciales ont été attribuées à 

"Aujourd'hui"
de Loïc Froissart (L'Articho, France, 2021)

"Avant l'oubli"
de Lisa Blumen (L'employé du moi, Belgique, 2021)


"Night Night"
de Chivas Leung (Studio Mary, Hong Kong, Chine, 2022)




mercredi 25 janvier 2023

Rétro 2022 avec des sujets d'actualité

Parfois, on lit des albums pour enfants et on y trouve un écho discret de sujets d'actualité. Surpêche, surproduction, suractivité, monde contemporain... Quatre albums fort réussis qui peuvent aussi être lus simplement pour eux-mêmes.

Robin des mers


Olo, naissance d'un héros
Didier Lévy
Pierre Vaquez
Sarbacane, 40 pages
dès 4 ans

Format à l'italienne pour cette histoire se déroulant sous la mer. Lors d'une promenade, le requin Olo tombe sur l'épave d'un paquebot. Débordante d'outils, la salle des machines comble de joie le bricoleur. Dès le lendemain, il devient Doc Olo, réparateur en tous genres. Des pinces de crabes bloquées aux pieuvres emmêlées... Il travaille aussi à domicile en cas de besoin. Ce sont ces déplacements qui lui font découvrir les gigantesques filets dérivants des chalutiers. "Olo prend un malin plaisir à cisailler leurs mailles, libérant à chaque fois des milliers de poissons." On imagine la fureur des chats pêcheurs qui mettent sa tête à prix et finissent par le capturer. Comme si Olo allait se laisser faire!

La "manière noire", technique de gravure en taille-douce sied parfaitement à ces scènes dans les profondeurs marines où évoluent des dizaines de poissons splendidement représentés et des machines à la Jules Verne. Un album qui marie humour, surpêche et écologie dans un récit plein de péripéties prenantes. 

Doc Olo et les filets... (c) Sarbacane.


Victime de lui-même


La soupe Lepron
Giovanna Zoboli
Mariachiara Di Giorgio
traduit de l’italien
Les fourmis rouges, 48 pages
dès 5 ans

Quel bonheur de découvrir ces images à l'ancienne d'un lièvre célébrant une campagne merveilleuse en préparant chaque année en famille une soupe de légumes! Et quels légumes! Ils sont merveilleusement représentés, à la fois scientifiquement précis et charmants, tout comme les innombrables membres de la famille de Monsieur Lepron qui s'en occupent. Et quelle soupe! Peut-être bien la meilleure du monde. Une soupe qui résiste à toutes les imitations.

Quelle surprise alors quand l'album aux illustrations toujours douces et classiques nous montre l'usine de soupe Lepron. Finie la bucolique campagne. On est dans le commerce et le marketing maîtrisés. Au point que tout le monde dans le monde veut de la soupe Lepron, l'originale ou ses variantes. Monsieur Lepron assure. Jusqu'au jour où il n'assure plus. Trop de soucis, trop de réclamations. Surtout trop peu de satisfactions. Le maître des soupes prendra alors une grave décision, sourd aux pressions extérieures mais en accord avec lui-même. Enfin apaisé, il pourra refaire sa divine soupe, pour ses proches, une fois par an.

Il me semble que c'est le premier album de fiction pour enfants qui aborde de manière aussi franche, même si elle est imagée, les questions du capitalisme, de la mondialisation, de la simplicité et du bonheur. Une réussite tant dans le texte qui se déroule parfaitement dans une agréable mise en pages que dans les images aussi expressives que détaillées.

Chaque année, Monsieur Lepron prépare une soupe. (c) Les fourmis rouges.


Vite, vite, vite


Poulette
Clémence Sabbagh
Magali Le Huche
Les fourmis rouges, 32 pages
pour tous, dès 4 ans 

Attention, album hilarant! On suit Gervaise, poulette overbookée dans ses mille activités quotidiennes. Que ce soit au travail ou en vacances, la poulette court tout le temps. Un texte dynamique, plein d'allusions aux gallinacées en diverses postures, et des illustrations pétulantes en rendent divinement compte. On rigole vraiment devant ce poulailler affairé.

La course effrénée de Gervaise s'arrête quand un ouragan fait s'envoler son camp de vacances de poulettes. Sur la plage, elle rencontre trois minuscules bestioles locales. Alfred, Bernard et Anémone vont lui faire découvrir le plaisir de la lenteur, la beauté de la nature, diverses façons d'oublier le temps, de savourer l'instant. Gervaise rentrera chez elle, différente, changée, ralentie, à l'écoute d'elle-même. Un album contemporain qui épingle joyeusement les adultes mais pourrait certainement se doter d'un second tome similaire, pointant les agendas des enfants d'aujourd'hui.

Même en vacances, Gervaise s'agite. (c) Les fourmis rouges.


Retourner le temps


L'univers à l'envers
Henning Wagenbreth
traduit de l'allemand par Clément Benech
Les Grandes Personnes, 40 pages
pour tous, dès 8 ans

L'approche de ce livre aux illustrations éclatantes n'est pas facile. Comme il présente un univers à l'envers, les titres sont à l'envers aussi. Il faut s'y habituer pour parvenir à les déchiffrer. Mais cela fait partie du jeu. Les textes par contre sont écrits à l'endroit et en rimes de surcroît! Au début, on rigole à l'idée de déclencher son réveil pour s'endormir, de se lever épuisé le soir, de déposer les viennoiseries à la boulangerie... Dans cette logique, les bûcherons façonnent les arbres, les archéologues enterrent des vestiges et les animaux reprennent vie après être passés à la boucherie!

Mais d'autres chapitres qui reflètent l'état actuel de notre monde font moins rire, tant on a alors envie de remonter le temps. Les illustrations puissantes d'Henning Wagenbreth sont accompagnées de textes plutôt tragi-comiques que comiques. Elles nous imposent de nous réveiller, avec ou sans réveil, et de considérer ce que nous faisons de notre planète et de ses habitants. Un album qui pique.

La "vie quotidienne" à l'envers. (c) Les Grandes Personnes.


Il faut sauver le "Journal des poètes"

Premier numéro, daté du 4 avril 1931.

"Lorsque paraissent, le 4 avril 1931, dans une presse bruxelloise, quatre feuilles inédites, en format A3, sommairement agrafées et regroupées sous le nom de "Journal des Poètes", l'historiographie revuiste ne sait pas encore l'importance de ce nouveau périodique pour la diffusion et la promotion de la poésie, belge ou étrangère.

L'époque, en effet, regorgeait de revues qui défendaient et illustraient la littérature contemporaine, belge ou française. Du moderniste "Ça ira!" à l'académique "Thyrse", en passant par la doyenne "Revue générale", le champ littéraire belge foisonnait en périodiques, de tous genres, de tous styles et de tous formats."
Ainsi Primaëlle Vertenoeil entame-t-elle l'histoire du "Journal des Poètes" sur le site qui lui est dédié (ici). Dans le premier comité de rédaction, on trouve, entre autres, les noms de Maurice Carême et de Norge.

Au cours des ans, le "Journal des Poètes" va changer de rythme de parution, de nombre de pages, de personnes qui le portent. Son nom va être associé à des biennales de poésie, à une Maison de la poésie, s'ouvrir au monde... Et puis il va petit à petit s'effacer avant qu'Yves Namur, poète et éditeur, le reprenne en 2014 aux éditions du Taillis Pré. Dans la continuité de ses prédécesseurs mais en modifiant le format, aujourd'hui plus proche du livre que du journal.

Aujourd'hui, en 2023, à huit ans du centenaire, s'il veut passer le cap du nombre à trois chiffres, le "Journal des poètes" a besoin de soutien. Comprenez, il a besoin d'abonnés. Yves Namur, qui en est le directeur, lance un appel aux lecteurs et aux lectrices de poésie.

L'abonnement pour l'année 2023 porte sur quatre numéros (plus de 500 pages).
Différents tarifs sont proposés:
  • Belgique = 40 €
  • Abonnement de soutien = 70 €
  • Abonnement bienfaiteur = 100 €
  • Le numéro: 12.50 €
Pour le paiement: ÉDITIONS LE TAILLIS PRÉ, 23, rue de la Plaine,
B – 6200 Châtelineau (Belgique)
IBAN : BE54 3600 4341 6697

Les envois d'inédits, soumis au comité de lecture, sont à adresser au rédacteur en chef, Jean-Marie Corbusier (j.m.corbusier@outlook.com).

mardi 24 janvier 2023

Au paradis de Caroline


Sous le pseudonyme de Kro, enfileuse des perles épistolières de Madame Irma (lire ici), on trouve donc Caroline Wlomainck, auteure d'une redoutable première nouvelle dans la célébrissime collection "Opuscule" des éditions Lamiroy où elle occupe la 273e place. Donnant alternativement la parole à Camille et Max qui se disputent une xième fois, "Little paradise" nous glisse les mots d'une femme qui veut encore croire à la passion et à l'amour même si elle sait que le jeune bébé est un volcan pour son couple et ceux d'un homme qui se révèle tel qu'il est.

Ce jour-là, Max a claqué la porte et est parti. Et les vacances dans le Sud prévues? Camille décide de prendre quand même la route avec le petit Sam. Destination, leur mas en Provence, acheté deux ans plus tôt et dénommé "Little Paradise". Si on ne va évidemment pas révéler ce que l'un et l'autre expriment à tour de rôle, on va tout de même signaler qu'on est là face à une nouvelle noire, très noire même, de très haute qualité.

D'autres "Opuscules" ici.



lundi 23 janvier 2023

Rétro 2022 de pierres en cailloux

"Amours" de Michel Galvin. (c) Rouergue Jeunesse.

On a beau savoir et expérimenter régulièrement l'amour des enfants pour les cailloux de toutes tailles et de toutes formes, il est étonnant de voir combien d'albums sont consacrés à ces pierres et ces galets. Voici une demi-douzaine de titres, emmenés par le maître de l'art minéral (lire ici).

Vers galants


Amours
Michel Galvin
Rouergue jeunesse, 40 pages
dès 5 ans

Si le coq peut être amoureux d'une pendule, Roger le vieux pneu peut bien l'être d'Olga la raquette olympique trouée et Léon le bidon de Gertrude la brosse. Les faits se déroulent dans un lieu désolé ponctué d'objets hétéroclites mis au rebut et de pierres de tailles diverses. Un décor de cailloux, de falaises, de taches d'huile et de peinture bien dans la ligne de ceux que nous a déjà présentés Michel Galvin dans ses albums précédents. Seuls signes de vie et discrets indices géographiques du lieu, les deux manchots qui s'activent sur la décharge au fil des pages. Ils vont être ceux qui sortent le lieu de sa sinistre vocation. Ils vont remplacer la mort et l'oubli par l'amour et la poésie, indifférents aux injures que se lancent lors de leurs perpétuelles bagarres les habitants ennemis du lieu, les Comanches et les Sanmanches.

Il fait froid, il neige, tout a l'air bien désespéré et, tout d'un coup, un dénouement inespéré. Michel Galvin nous convie à sa façon elliptique à réfléchir aux grandes choses de la vie.

Gertrude a entendu Léon. (c) Rouergue Jeunesse.


Conversation


Tchao Caillou!
Giuseppe Caliceti
Noemi Vola
traduit de l'italien par Laetitia Cordonnier
CotCotCot éditions, 44 pages
dès 3 ans

Les innombrables illustrations aux feutres et aux crayons de couleurs conviennent merveilleusement à ce dialogue entre un enfant diablement éloquent, accompagné de son animal domestique tout aussi démonstratif, et un caillou. Les dessins sont d'une expressivité folle et accompagnent les délicieux échanges entre réalisme, poésie et nonsense. La pertinence de l'enfance qui interroge avec ses références, porte pour entrer, raison du premier silence, disposition intérieure et d'autres questions tout aussi justes et les réponses sages ou imaginatives, pratiques ou philosophiques du caillou. Origine du monde, peur de finir et autres sujets existentiels apparaissent en une merveilleuse alchimie dans cet album original et réussi, tant grâce à son sujet qu'à ses impeccables dessins.

Un enfant et un caillou dialoguent. (c) CotCotCot éditions.

 

Positiver


Le rocher bleu
Jimmy Liao
traduit du chinois par Chun-Liang Yeh
HongFei, 148 pages
dès 7 ans

Ce formidable album pour les enfants sachant déjà lire déploie en finesse et en détail un hymne à la résilience. Un rocher bleu vivait heureux dans une forêt du bout du monde. Après des milliers d'années, un terrible incendie le brûla mais les pluies lui redonnèrent vie. "Il se mit à luire, d'une lumière douce et délicate." Pas longtemps. Les hommes le coupèrent en deux et emportèrent une de ses moitiés. Un voyage inouï commençait pour le rocher bleu. Considéré comme un trésor, il fut transformé en sculpture par ses propriétaires  et porté aux nues. Jusqu'au jour où il lassa, fut oublié et où un élément bleu près de lui lui rappela sa moitié restée là-bas et où il vola partiellement en éclats.

Chaque fois, le plus gros bloc restant est récupéré par des admirateurs qui le transforment en ceci et cela jusqu'à ce qu'un événement imprévu intervienne. Attitude rare, le rocher bleu apprécie ses transformations, une dizaine au total, qui le font rapetisser. "Sans cesse brisé, le rocher bleu est constamment remodelé. On le chérit comme un trésor, puis on finit par l'oublier." Si ces rétrécissements l'endurcissent, ils n'entament en rien sa détermination à se retrouver lui-même, ce qui lui sera permis en toute fin de cet album dont le texte suggestif est porté par des illustrations puissantes balayant tout le spectre des interventions humaines.

Le rocher bleu est coupé en deux. (c) HongFei Editions.


Aladin entendu


Pourvu que l'on danse comme un jour de chance
Natali Fortier
Rouergue Jeunesse, 40 pages
dès 5 ans

Comment faire voyager un caillou? En le gardant dans le soulier où il s'est glissé, pardi! Après cette suggestion, Natali Fortier convie un apprenti comédien pour introduire son histoire. "Toi, pour me remercier de m'avoir libéré, je t'offre ma gratitude éternelle et un vœu à exaucer", la phrase au génie de la lampe d'Aladin, Omar l'a répétée des centaines de fois, sans savoir que des tas de cailloux l'avaient entendue et s'étaient mis à rêver.

Les cailloux ont entendu la phrase. (c) Rouergue Jeunesse.

Dès lors, les cailloux dessinés en têtes vont se compléter de traits et de couleurs pour devenir, sur le papier, une foule de personnages complets, habillés et bien décidés à réaliser leurs aspirations. Etre coiffeur pour le chauve Paolo, être un délicieux Petit Poucet mangé par l'ogre pour Armand, danser toutes les danses pour Albertine, etc. Chaque souhait est agréablement écrit, jouant sur les mots, leurs sons et leurs sens, et prolongé par un splendide collage de cailloux complétés de dessins et mis en scène. On se glisse avec un infini plaisir dans ces différentes suggestions jusqu'à la finale qui ramène tout le monde sur terre, là où les cailloux sont au mieux. Surtout qu'ils peuvent contempler le ciel. Une très plaisante balade entre rêve et réalité.

Les rêves de Paolo. (c) Rouergue Jeunesse.


Caillou doudou


Au fond de ta poche
Hervé Eparvier
Fred Benaglia
Glénat Jeunesse, 40 pages
dès 4 ans

Un album sympathique où un jeune papa explique tout tout tout des cailloux à sa fille, leur histoire, leur beauté, leurs qualités, etc., tout simplement parce qu'il souhaite prendre cette forme pour l'accompagner discrètement en se glissant au fond de sa poche, la protéger si nécessaire. Une charmante déclaration d'amour paternel joyeusement illustrée.

Un papa discrètement protecteur. (c) Glénat Jeunesse.


Sisyphe


En route!
Isabelle Simon
Kilowatt, 40 pages
dès 2 ans

Dans ce petit format, les cailloux s'assemblent en personnages qui se préparent pour une journée d'aventure, chacun à sa mode, chacun selon son caractère. Mais voilà que la rivière sort de son lit et emporte la ribambelle. Laquelle réapparaît un peu plus loin, toute  chamboulée par l'eau mais prête à de nouveaux assemblages et à de nouvelles aventures. Un recommencement joueur et enjoué.


La ribambelle avant et après. (c) Kilowatt.