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vendredi 31 août 2018

C'est septembre, c'est rentrée scolaire

Première dessin de "L'école, Maman & moi". (c) Seuil Jeunesse.

Ce n'est pas un scoop.
Les enfants rentrent à l'école en septembre et les éditeurs prévoient des livres pour les accompagner. Sur des tons divers, humoristique, tendre, informatif... Sélection.


Piquant


L'école, Maman & moi
Clothilde Delacroix
Seuil Jeunesse, 88 pages

"L'école et moi, on s'est jamais bien comprises..." La phrase initiale de cet épais album particulièrement rigolo donne le ton. On va suivre les savoureux dialogues d'une maman lapine et de sa fille à l'occasion d'une rentrée scolaire qui leur remet en mémoire les précédentes.

L'écolière est la narratrice des scènes évoquées avec un humour piquant et une fausse naïveté qui fait mouche à tous les coups. On découvre par le texte et surtout par les impeccables images dialoguées une succession de scènes qui pourraient bien avoir été vécues par tous les lecteurs. Leur ton joyeux ne cache ni leur tendresse ni leur connivence avec ceux qui lisent l'album. Quelques exemples: retourner à l'école le lendemain?, faire le mort pour ne pas y aller, s'isoler dans une maison de Kaplas, fuir la récré et établir des stratégies pour y échapper, puis d'autres méthodes pour s'y faire apprécier...

La multiplication des scènes drôles et la complicité de la fille et de la mère, qui ne sont dupes ni l'une ni l'autre de leurs stratégies respectives rendent cet album vraiment irrésistible. Clothilde Delacroix établit un excellent rapport texte-images. L'usage des phylactères dynamise les scènes croquées avec talent et établit un contre-temps agréable aux brèves phrases de texte. Excellent. Dès 5 ans.

Panne d'oreiller. (c) Seuil Jeunesse.


Privé


C'est bien trop long à raconter
Isabelle Damotte et Monica Barengo
Møtus, 44 pages

Qu'elle paraît grande la maîtresse qui figure en couverture de cet album en tons sépias d'une belle douceur! Une image qui continue en quatrième de couverture. Sans doute est-ce comme cela que les débutants à l'école, hauts comme trois pommes qu'ils sont, la perçoivent. N'ont-ils pas l'air un peu étonnés?

Grande mais charmante, cette maîtresse qui apprivoise ses petiots dans cet album qui s'adresse en "tu" à une jeune écolière à l'allure très sage. Le texte poétique se pose sur ces très belles images aux teintes sourdes évoquant plusieurs moments d'une journée en classe, déballage des affaires, écriture, dessin, lecture, jeux, cantine, copains, en proposant chaque fois les impressions de plusieurs enfants. On navigue ainsi jusqu'à l'heure de la sortie où la journée de classe de la petite fille - qu'on pourra nommer grâce à son manteau accroché au porte-manteau -, une journée appréhendée mais habilement domptée, n'est pas racontée à la maman. Parce que "c'est bien trop long à raconter" comme le dit le titre ou parce que les enfants ont aussi droit à leur vie privée à l'école? Dès 4 ans.


Scène de classe. (c) Møtus.

Tendre


La rentrée de Pinpin
He Zhihong
Seuil Jeunesse, 32 pages

Pinpin est un jeune pingouin qui passe sa première journée à l'école. Et ce n'est pas facile pour lui. Il est triste. Sa maman lui manque. Mais dans sa classe, il y a d'autres animaux qui tous vont venir le consoler. Chacun à son tour, le tigreau, l'ânon, le girafeau, le bébé hippopotame viennent lui raconter comment ils font quand leur maman leur manque à eux. En fait, chacun pense à un moment agréable qu'il a eu en sa compagnie et le met en pratique avec Pinpin. Ce qui incite le petit nouveau à faire de même.

Cela donne une très belle série de deux doubles pages, la première présentant le bébé animal en joie avec sa maman, la seconde le même bébé faisant de même avec Pinpin dans le décor de la classe qui se précise d'image en image. Les aquarelles tendres et douces tout en étant diablement expressives de He Zhihong confèrent une charmante atmosphère à cet album rassurant. Dès 3 ans.

Le souvenir du petit hippopotame. (c) Seuil Jeunesse.


Ouvert


Un ours dans ma classe!
John Lavoignant et Csil
Saltimbanque éditions, 40 pages

Il y a un nouveau dans la classe des jeunes enfants et même s'il a un petit cartable, il est terriblement impressionnant. En effet, c'est un ours, géant à côté de  ses camarades. Dario les effraie par sa stature et sa réputation. Pas de chance pour le héros du livre, la maîtresse installe le nouveau à côté de lui! Mais petit à petit, les événements de la journée, la visite d'une abeille, le menu de la cantine, le chemin vers la piscine, la séance de natation, le retour à l'école puis à la maison, vont permettre à l'ours de montrer sa vraie nature et de se faire ainsi hautement apprécier par les gamins. Jusqu'à la scène finale où le gamin découvre qui sont les nouveaux voisins venus s'installer dans la forêt près de la maison familliale.

Agréablement illustré aux crayons de couleurs sur fond blanc, dans une mise en page moderne et réussie, cet album est un bon plaidoyer contre les idées préconçues et pour les amitiés insolites. Dès 5 ans.

A la piscine. (c) Saltimbanque éditions.



Original


L'école fait sa rentrée
Adam Rex et Christian Robinson
traduit de l'anglais
par Véronique Mercier-Gallay
Little Urban, 32 pages

On parle toujours de la rentrée du point de vue des enfants, parfois de celui des maîtresses. Mais de celui de l'école, du bâtiment? Ici justement, où la rentrée est vécue par une nouvelle école qui vient d'être construite. Elle porte le nom de Frederick Douglass, un abolitionniste américain né esclave.

L'école a tout à apprendre mais le concierge la guide: les enseignants vont arriver, puis les enfants, l'avertit-il. La réalité est différente. Il y a des enfants partout, beaucoup plus que l'école ne l'imaginait, ils touchent à tout, certains rebelles ne l'aiment pas. C'est vraiment dur pour l'école de vivre ce qu'elle vit et d'entendre ce qu'elle entend. Surtout qu'elle n'est pas au bout de ses peines. Son alarme incendie se déclenche! Elle s'en excuse auprès des enfants. Lors du déjeuner, elle commence à se détendre, riant de sa trouvaille "Me voilà couverte de lait et de crottes de nez". Ensuite c'est séance de dessin et affichage même si la punaise dans le mur la pique un peu et enfin le départ des enfants. Pour l'école, c'est l'heure du bilan avec le concierge, bien meilleur qu'elle ne l'avait imaginé. Comme quoi, les écoles peuvent aussi s'apprivoiser.

Un texte original et intéressant porté par la très belle peinture style années 50 de Christian Robinson (lire ici et ici). Dès 5 ans.

Première journée d'école pour l'école. (c) Little Urban.


Historique


Merveilleuse école
Hélène Lasserre et Gilles Bonotaux
Seuil Jeunesse, 32 pages

Comment était l'école quand Papi Panda était petit? C'est ce qu'il va raconter à ses deux petits-enfants qu'il y conduit le jour de la rentrée scolaire. Si le bâtiment n'a pas beaucoup changé, l'atmosphère s'est totalement modifiée entre l'image d'aujourd'hui et celle d'hier. Chacun des six sujets, la rentrée, la classe, la cantine, la récré, la gymnastique, la kermesse, est ainsi traité en tableaux comparatifs regorgeant de personnages et de détails à inventorier pour mesurer l'évolution de l'école en quelques générations. Dès 6 ans.

La rentrée aujourd'hui. (c) Seuil Jeunesse.



Sans oublier...


... les albums de Jean-Luc Englebert et Fleur Oury sur le sujet "Un ours à l'école" (Pastel) et "Premier matin" (Les fourmis rouges), flanqués de quelques autres (lire ici).





jeudi 30 août 2018

Les 4 finalistes du Nobel alternatif sont connus


Faute de Prix Nobel de littérature 2018, la Nouvelle académie (New Academy) a mis en place un prix littéraire alternatif au début de l'été. Quatre finalistes devaient être choisis sur les 47 écrivains proposés, trois par les votes des internautes (30.332 au total), un par des bibliothécaires (lire ici).

Ces finalistes sont aujourd'hui connus. Il s'agit de deux femmes, francophones toutes les deux, et de deux hommes.

J'ai nommé


Maryse Condé (née en 1937 à Pointe-à-Pitre, Guadeloupe), publiée chez JC Lattès.

Kim-Thuy_foto-Benoît-Levac.jpg



Kim Thúy (née en 1968 à Saigon, Vietnam, arrivée au Canada en tant que réfugiée en 1978), publiée chez Liana Levi.




Haruki Murakami (né en 1949 à Kyoto, Japon), publié chez Belfond.





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Neil Gaiman (né en 1960 à Portchester, Grande-Bretagne), publié au Diable Vauvert.








Maintenant, c'est à un jury de spécialistes de travailler et de choisir le/la lauréat/e dont le nom sera communiqué le 12 octobre et qui sera convié(e) à une réception le 9 décembre. Juste avant la dissolution de l'éphémère académie.




vendredi 24 août 2018

Francis Tabouret, cowboy des mers

Francis Tabouret à la librairie Joli Mai.

Prenons une destination, mettons Fort-de-France dans les Antilles - treize jours de traversée depuis Rouen. Choisissons un mode de transport, tiens, oui, pourquoi pas un porte-conteneurs? Ajoutons-y un jeune gaillard au métier peu connu, convoyeur de chevaux par exemple. Sauf que cette fois, aux huit chevaux habituels s'ajoutent huit taureaux et quinze moutons. A l'arrivée, on a un épatant récit, "Traversée", écrit par Francis Tabouret (P.O.L., 152 pages).

Ce natif du Vaucluse a exercé différents métiers, régisseur de spectacles équestres, chauffeur routier, convoyeur et soigneur d’animaux…, tous ayant en commun le déplacement et les voyages. Arrivé à la trentaine, Francis Tabouret s'est lancé dans l'écriture. Il a publié ses premiers textes dans les revues "Le Tigre", "Papier Machine", "La Moitié du Fourbi". Sorti en début d'année, "Traversée" est son premier livre.

Et quel livre! A la fois récit de voyage, journal de bord, carnet de notes et de réflexions, le tout pareillement passionnant. On passe  une petite quinzaine particulièrement dépaysante à bord du porte-conteneurs le Fort-Saint-Pierre. De la fin septembre au début octobre 2014. Rarement treize jours et treize nuits auront été aussi finement détaillés. D'une plume élégante et précise, Francis Tabouret raconte tout ce qu'il vit, qu'il voit, qu'il ressent, dont il se souvient. Son quotidien à bord bien entendu, et celui des animaux qu'il convoie, la marche du navire, les tâches de l'équipage, sa rencontre avec les deux autres passagers. Il glisse de l'un à l'autre avec une aisance parfaite.

Il nous dit tout, et, curieusement vu le sujet, c'est prenant en diable. L'auteur a le don de nous faire partager ce qui l'intéresse et le ton pour nous scotcher à son expérience de jeune marin, "Notes éparses, petites impressions, monde picoré", écrit-il à propos de son métier. Et c'est justement cette présence qui confère un charme infini à son récit à la première personne, divisé en journées de navigation. Tabouret a autant le sens de l'observation que celui de la formule pour poser sur le papier ce qui passe devant lui, vrombissement des moteurs, défilement du paysage, quotidien en mer, et bien entendu, changement de comportement d'une bête pouvant révéler un début de maladie.

"Traversée" est un récit terriblement riche en informations sur la vie à bord d'un porte-conteneurs, sur le comportement de trois sortes d'animaux et sur les êtres humains dans leur diversité. Une merveille qui attend le lecteur curieux et audacieux. Il ne sera vraiment pas déçu.

Pour lire en ligne le début de "Traversée", c'est ici.

Francis Tabouret sera ce samedi 25 août à Namur (Belgique) à l'occasion de l'Intime festival.



mercredi 22 août 2018

2018, année bucolique en littérature de jeunesse

Que vois-je? Cette note est la millième que je publie!
Allez hop, septuple rasade de vert (pour mes 7 ans).
Une sélection de 21 titres, tous en jeunesse sauf le dernier.

Il pleut, et alors? (c) Maison Eliza.


Réjouissant


Dans le jardin
Irene Penazzi
Maison Eliza, 48 pages

Un grand format aux crayons de couleurs, un joli papier mat, des coins arrondis, pas de texte si ce n'est le nom des arbres de ce jardin magique en pages de garde. Un décor enchanteur dont prennent possession trois enfants, deux filles et un garçon, et un chat. On va les suivre de séquence en séquence, en ouvrant bien les yeux car ce sont les images, fort attachantes, qui parlent. Le jardin est une mine d'objets que le trio utilise selon son inspiration et un paradis pour les nombreux oiseaux qui y volettent. Une fontaine, un abreuvoir, une brouette, des cageots, de la vaisselle, un fauteuil, un chariot, une cuisinière, un hamac, des outils de jardinier, des outils de bricoleur, un capharnaüm joyeux qui permet des tas de choses plaisantes. Ramasser les œufs des poules, nourrir les oiseaux, faire des crêpes, planter, arroser, lire à l'abri de la tonnelle ou des vélums, organiser un aqueduc pour récupérer l'eau de pluie, bricoler un monstre,.. et évidemment jouer avec la balle rouge emportée au début de l'histoire.

Les saisons passent et le jardin continue à offrir ses mille ressources à ces gamins qui savent les dénicher. Un album sensible, à l'humour délicat, que chacun peut interpréter à sa guise et qui célèbre les plaisirs simples de la nature. Dès 3 ans.

Ce jardin est un paradis. (c) Maison Eliza.


Ensoleillé


Eté
David A. Carter
traduit de l'anglais
Gallimard Jeunesse, 14 pages animées

Génie des livres animés graphiques, l'Américain David A. Carter s'est aussi lancé dans un cycle des saisons en relief. "Eté" le clôture avec son soleil qui brille tout au long de longues journées, ses fruits qui n'attendent que d'être dégustés, ses légumes récoltés, tandis que l'auteur attire l'attention du lecteur sur les petits animaux qui se cachent dans les pages. Un album lumineux et plein de mécanismes astucieux pour mettre son propos en valeur. Dès 3 ans.

Plaisir d'observer les images. (c) Gallimard Jeunesse.


Observateur


Le pré aux vaches
Rémi Farnos
La joie de lire, 18 pages carton

Dans ce grand format en doubles pages cartonnées illustrées à bords perdus, une colline, quelques vaches placides mais curieuses et une foule d'humains très actifs. C'est, découvre-t-on dans les images, dès la couverture, et au travers des commentaires des laitières sans savoir ce que se disent les "envahisseurs", un groupe d'artistes qui veut créer une œuvre d'art dans un pré!

Leur partie de campagne est truffée d'épisodes originaux et rigolos. Les réflexions des vaches sont savoureuses et l'évolution de leur pensée encourageante. Les illustrations sont efficaces et plaisantes. Voilà une première approche de l'art pour les plus jeunes car l'installation en cours fait des clins d’œil à des artistes célèbres comme Mondrian, Klein, Buren, César, Picasso, Hirst, entre autres - on retrouve les œuvres en quatrième de couverture. L'amour est peut-être dans le pré, l'art y est aussi désormais. Dès 18 mois.

Que se prépare-t-il dans le pré? (c) La joie de lire.


Temporel


Papillon de jour
Christian Merveille et  Ian De Haes
Alice Jeunesse, 32 pages

Joli rythme dans cet album qui s'ouvre et se ferme sur des séquences d'images sans texte, correspondant au lever et au coucher du jour. Entre les deux, les rencontres que le papillon, né le matin, va faire durant son unique journée de vie, et les différentes questions qui seront posées. En leur centre, la notion du temps, ignorée par le héros qui sait qu'il est éphémère mais qui entend vivre son existence à fond. Entre poésie et philosophie, une inventive invitation à vivre le moment présent. Dès 4 ans.

Pour feuilleter l'album, c'est ici.


Aventurier 


Si gourmand
Florent Pigé
HongFei, 32 pages

Dans ce petit format presque carré et agréablement stylisé, un cacatoès très gourmand poursuit différentes sortes de mangeaille: un papillon, une mouche, une araignée, un ver... mais aussi la queue d'un serpent. Le héros s'amuse à goûter tout ce qui passe à proximité de son bec, un flocon de neige par exemple, et se réjouit quand la nourriture vient toute seule à lui. Il peut se montrer malin, commettre quelques erreurs mais essaie toujours de se faire pardonner, parce que, pour lui, l'amitié est sacrée. Gourmand mais trop sympa, le cacatoès.

Dans les tons bleus, "Si gourmand" est le deuxième titre de la trilogie que Florian Pigé consacre aux tout-petits, après "Si petit" (lire ici) et avant "Si curieux" qui paraîtra à la fin du mois d'août. D'une grande beauté comme le précédent et très lisible lui aussi. Dès 18 mois.

Les yeux plus gros que le ventre? (c) HongFei.


Amical


Sous mon arbre
Jo Witek et Christine Roussey
De La Martinière Jeunesse, 30 pages

Voilà déjà le huitième tome de la série qu'ont lancée Jo Witek et Christine Roussey en 2011. Après "Le ventre de maman" (2011), "Les bras de papa" (2012), "Ma boîte à petits bonheurs" (2014), "Mes petites peurs" (2015, lire ici), "Ma petite chambre" (2016), "Mes petits cadeaux" (2017), "Allez, au nid" (2018, lire ici). Sept ans après, 1,5 million d'exemplaires de la série ont été vendus dans le monde.

Cette fois, dans un agréable système de pages à trous de taille dégressive, la jeune narratrice nous explique tout ce qui la lie à "son" arbre, son "grand copain" plus que centenaire. Il est à la fois son confident, son meilleur supporter, celui où elle fait de la balançoire, où elle prend son goûter, son lieu pour compter quand elle joue à cache-cache, celui qui a froid l'hiver, son sorcier, son abri, son indicateur des saisons qui passent, son modèle pour être, elle aussi, un petit arbre. Une sympathique énumération de ce qui lie une petite fille à son arbre, portée par un graphisme attrayant, bien en phase avec les propos, dont les multiples couleurs se posent superbement sur le fond blanc. Une ode à la nature toute en tendresse. Dès 4 ans.


Poétique


Sur un arbre caché
Constantin Kaïtéris et Joanna Boillat
Møtus, 72 pages

Après l'excellent "Un jardin sur le bout de la langue" sur les fruits et les légumes (lire ici), voici un nouveau recueil du même duo, consacré aux arbres et à la forêt. Bonheur que de lire ces trente-trois poèmes extrêmement variés, unis par le fil rouge des superbes illustrations en noir et blanc.

Ici, Constantin Kaïtéris joue sur les sons, là sur les sens mais ses phrases sont toujours légères et captivantes. De l'enfant qui commente un dessin d'arbre à l'arbre inconnu en passant par la manière d'entrer dans une forêt, la machine à respirer, la forêt de conte, les cœurs gravés, les arbres exotiques sans oublier les poèmes consacrés à une espèce d'arbre particulière, platane, cerisier, poirier, orme, sapin, chêne, cognassier, saule pleureur, tilleul, marronnier, baobab, il y en a de tous les tons pour tous le goûts, tous étant très plaisants à découvrir.

De son côté, Joanna Boillat a su entrer en résonance avec les textes en proposant des dessins au crayon noir, délicats, tendres, parfois drôles, qui sont de véritables tremplins pour l'imagination.

Un ouvrage qui invite à se nicher sous les feuillages, à entrer dans la forêt, à écouter battre le cœur des arbres tout en étant enraciné dans la réalité, comme l'évoque le texte "Ecrit sur un arbre".
"Pour écrire sur les arbres
il faut du papier
pour avoir du papier
il faut des arbres
C'est pourquoi
pour chaque arbre coupé
plantez un poème
pour chaque poème lu
imaginez un arbre."
Dès 6 ans.

(c) Møtus.


Observateur


Regarde!
Corinne Dreyfuss
Seuil Jeunesse, 30 pages carton


Prendre un enfant par la main, non pour l'emmener vers demain comme le chantait Yves Duteil, mais pour l'inviter au jardin, lui apprendre à regarder la nature, à l'apprécier et à la respecter. Ce cartonné de moyen format invite le lecteur à une lecture interactive: suivre le trajet des fourmis, gratter la terre, ramasser les graines, éloigner l'oiseau gourmand, tasser la terre et ainsi de suite. Au fil des pages agréablement illustrées, c'est un manuel complet de jardinage qui se déploie, tendre et ludique. Dès 1 an.

La première double page. (c) Seuil Jeunesse.


Bourgeonnant


Bonjour printemps
Didier Lévy et Fleur Oury
Seuil Jeunesse, 40 pages

Que se passe-t-il dans la maison qu'habitent la jeune narratrice et ses parents, une famille blaireau? Un matin, tout ce qui était en bois dans le logis s'est mis à bourgeonner, à pousser, à grandir. La maison s'élève petit à petit comme un arbre. Va-t-elle aussi fleurir? Il faut bien regarder les exquises illustrations aux crayons de couleurs de Fleur Oury ("Premier matin", Les fourmis rouges, lire ici) pour découvrir tous les changements, minuscules au début, de plus en plus visibles ensuite, dont les multiples familles de différents animaux qui viennent s'installer en voisins.

Le texte savoureux de Didier Lévy apporte d'autres indications, comme le fait que le ventre de maman blaireau s'arrondit, tout comme celui de papa. Seule l'héroïne ne change pas, selon ce qu'elle observe. Ce qui lui vaut quelques solides cauchemars que ses parents calment avec douceur. Tranquillisée, rassurée, elle se met aussi à changer jusqu'à la tendre finale, l'arrivée d'un bébé qui fait d'elle une grande sœur.

Beaucoup de délicatesse et une agréable fantaisie pour cet album consacré à un grand bouleversement de vie sans être heureusement un livre-médicament. Tout au contraire. Dès 3 ans.

Tout change dans la maison. (c) Seuil Jeunesse.

Le fait que tout change dans la maison à cause de l'arrivée prochaine d'un bébé fait évidemment penser à l'excellent album d'Anthony Browne "Tout change" (traduit de l'anglais par Isabel Finkenstaedt, Kaléidoscope, 1990).


Générationnel


Mon arbre
Mélanie Edwards et Emilie Angebault
Albin Michel Jeunesse, 32 pages

Belle histoire de transmission familiale que cet arbre que le grand-père plante dans le jardin à la naissance du petit-fils nouvellement sur terre. Pour le narrateur, il s'agira d'un marronnier dont le pied est garni, à chacun de ses anniversaires, d'une nouvelle pierre. Au fil des années, le garçon et l'arbre poussent, ce dernier étant le témoin complice des anniversaires successifs, des bagarres de marrons, des moments partagés entre le vieil homme et son petit-fils. Jusqu'au jour où Grand-Père meurt. Mais le marronnier qu'il a planté accompagne toujours le héros qui, de jeune homme devient père et puis grand-père à son tour. Bien entendu, il plantera un arbre pour chacun de ses petits-enfants, d'essence chaque fois différente, perpétuant ce geste d'amour. Cette belle histoire de vie est portée par les illustrations dont les détails font apparaître chaque année un petit lutin complice, actif à sa manière dans le récit, ainsi que d'autres personnages en taille mini. Dès 4 ans.

Soixante ans. (c) Albin Michel Jeunesse.


Interrogatif

 

Combien d'arbres?
Barroux
Kaléidoscope, 32 pages

A la question "Combien d'arbres faut-il pour faire une forêt?", les occupants du lieu ont tous leur réponse et sa justification. 1.500 pour le cerf, le roi de la forêt, 500 pour l'ours, 85 pour le renard, 40 pour le renard, 4 pour la souris, et 1 seul pour la fourmi qui remporte pour sa réponse le titre de reine d'un jour. Au-delà des réponses, ce qui est amusant dans cet album prônant finement l'écologie, c'est la manière dont les protagonistes entrent en scène. Chacun arrive à son tour dans la clairière, à l'occasion d'une phrase ritournelle, et donne sa réponse à la question initiale. Une réponse qui sera commentée par les animaux précédents et balayée par un nouvel arrivant. Voilà l'occasion d'approfondir quelque peu le sujet des arbres. Les animaux et leur décor forestier sont agréablement représentés en une technique mixte de peinture et de découpages. Le dernier décompte mène à une nouvelle interrogation, tout autant philosophique, exquise pirouette à cet album plus ample qu'il ne pourrait y paraître. Dès 4 ans.

Première confrontation d'idées. (c) Kaléidoscope.


Rangé


Tout en ordre
Christoffer Ellegaard
Les fourmis rouges, 36 pages

Monsieur Toutenordre porte bien son nom. Il n'est heureux que quand tout est parfaitement rangé. Chaque jour, il nettoie, brique et astique sa grande maison, son jardin, sa piscine, tout ce qui est à sa portée. Tout est impeccable mais quelque chose le chiffonne: la forêt au bout de son jardin. Elle lui paraît sale et en désordre total. C'est donc une fameuse aubaine pour Monsieur Toutenordre! Dans la forêt, il s'en donne à cœur joie. Il taille, ratisse, élague, bétonne le sol… et s'installe tranquillement près de sa piscine, content du travail accompli. Il est le seul à en être content car un groupe d'animaux très en colère envahit sa table et lui fait part de multiples doléances: l'araignée a perdu sa toile, le ver de terre ne peut plus creuser le sol... Monsieur Toutenordre découvre ainsi que la forêt est habitée. Plein de regrets, il répare les dégâts qu'il a causés. La forêt redevient comme elle était avant et Monsieur Toutenordre comprend qu'elle a son ordre à elle et se met même à l'apprécier. Et en bon voisin, il invite tous ses nouveaux copains à une fête dans son jardin.

Christoffer Ellegaard a un très beau travail graphique à la gouache dans des couleurs intenses, plein de détails à découvrir, et organisé en lignes architecturales épurées. Les mosaïques de vignettes sont le contrepoint d'images pleine page très plaisantes. Au-delà de ses illustrations, maison ultra-clean, forêt luxuriante, il plaide de façon drôle et intelligente pour un peu de désordre et de fantaisie dans une vie bien rangée. Et met intelligemment en scène le lien entre l'homme et la nature. Dès 5 ans.

Monsieur Toutenordre n'est pas pleinement satisfait. (c) Les fourmis rouges.


Voyageur


Panthera tigris
Sylvain Alzial et Hélène Rajcak
Rouergue, 32 pages

Qu'est-il préférable? Le savoir scientifique ou l'expérience du terrain? Démonstration parfaite dans cette excellente histoire de Sylvain Alzial où un savant extrêmement cultivé découvre un jour qu'il ne connaît rien à propos du tigre du Bengale. Piqué au vif, il monte une expédition pour découvrir in situ, dans la jungle indienne, le redoutable Panthera Tigris. Un chasseur de la région l'accompagnera. Et c'est là que l'histoire devient vraiment cocasse. Car chaque fois que le guide autochtone tente d'avertir le savant, l'érudit le coupe et étale toutes ses connaissances théoriques. On sent le danger arriver... En effet, rencontrée, la bête s'avère particulièrement féroce, ce que savent tous les gens du coin. L'illustratrice Hélène Rajcak partage son travail en deux. Elle suit le savant en pages de gauche avec des gravures didactiques en noir et blanc alors qu'en page de droite, elle dessine en couleurs l'expédition en cours. Jusqu'à ce que le tigre du Bengale, en orange fluo, fasse voler au sens propre les cadres dans lesquels le savant et le récit l'avaient soigneusement rangé. Un album pour rire et réfléchir. Dès 5 ans.

Première rencontre entre le savant et son guide. (c) Rouergue.


En coupe


Le jardin de Jaco
Marianne Dubuc
Casterman, 32 pages

Bonne idée que de raconter ce qui se passe dans un jardin au moyen d'images en coupe. On voit donc en même temps ce qui ce passe sur terre, là où vivent Monsieur Lutin, grand jardinier devant l'Eternel, et un insecte, le petit Jaco, et ce qui se passe sous terre, là où habitent Yvette la taupe, la famille Mulot, Paulo le ver de terre et Colette la fourmi. Tout ce petit monde cohabite en harmonie, sans se douter de ce qui va lui arriver à partir du jour où une graine atterrit dans le jardin de Jaco, non sans avoir écrabouillé son chapeau au passage.

En effet, une racine perce l'écorce de la graine, creusant de plus en plus le sol et causant des dommages aux logis souterrains, tandis que, à l'air, la progression de sa pousse éblouit Monsieur Lutin et Jaco. Pour l'équipe sous terre, c'est la catastrophe. Et elle décide d'agir de manière définitive, aveugle aux atouts que la plante devenue grande peut lui apporter. Il faudra la médiation du petit Jaco pour sauver cette dernière. Un album qui, sous couvert d'amusement, permet d'observer l'évolution d'une graine qui germe, et montre que des points de vue opposés peuvent finalement s'accorder. Dès 4 ans.

Là où tout commence. (c) Casterman.


Exotique


Lison à la campagne
André Bouchard
Seuil Jeunesse, 64 pages

Lison, la petite citadine, découvre la campagne et c'est extrêmement rigolo. En quinze séquences de quatre pages, André Bouchard nous raconte, surtout par l'image, un peu par le texte, les aventures de la petite fille. Lison découvre successivement le silence, les insectes, les arbres, le coq qui chante, les grands espaces, la pluie... La citadine est totalement dépaysée à la campagne mais toujours aussi originale et impertinente. Un album piquant par moments, drôle, touchant et juste à toutes les pages. Dès 4 ans.

Oui, mais qui réveille le coq? (c) Seuil Jeunesse.


Sage


Le Maître du jardin
Danielle Dalloz
et Damien Schoëvaërt-Brossault
Kaléidoscope, 32 pages animées

"L'humanité appartient à celui qui veille sur l'autre avec amour et sagesse", telle est la conclusion de ce prenant livre animé inspiré d'un conte arménien. L'histoire est simple mais nourrie de mille détails: du rosier Anmahakan naîtra une rose sublime et belle qui donnera au Maître du jardin une jeunesse éternelle. Bien entendu, le roi despotique du lieu entend en profiter. Il convoque les douze plus grands jardiniers pour faire fleurir le rosier miraculeux. Mais tous échouent… et finissent aux oubliettes! Un jour, un jeune homme se présente au palais: "Majesté, mon nom est Samvel. Je veux prendre soin d'Anmahakan." Le roi doute mais l'autorise à prendre soin de son rosier. On découvre alors la méthode de Samvel, celle de l'amour. Et la merveille a lieu. Le rosier fleurit. Va-t-il pour autant donner la vie éternelle au roi despotique? C'est à voir.

Une rose aux pouvoirs miraculeux quand elle fleurit. (c) Kaléidoscope.

Ce beau conte est fort bien mis en phrases et en images grâce à un système de découpes qui font surgir des éléments en relief et des rabats à déplier pour découvrir le texte. De plus, il fait réfléchir grâce à son propos sur l'amour, le don face à la colère et l'exigence. Pour tous.

Un bourgeon apparut. (c) Kaléidoscope.


Stylé


Plantes vagabondes
Emilie Vast
MeMo, 64 pages

Quelle classe que cette évocation, stylisée mais scientifiquement exacte, de la manière dont quatorze végétaux voyagent à la conquête du monde. Il y a celles qui s'envolent, celles qui rampent, celles qui tombent, celles qui s'agrippent, celles qui sont mangées, celles qui sautent, celles qui sont plantées, celles qui flottent, celles qui creusent, et bien sûr, celles qui ne demandent qu'à être cultivées. Voilà un documentaire qui est un livre d'art, ou un livre d'art qui est un documentaire. Une merveille, aussi séduisante que captivante. Pour tous.

De superbes séquences informatives. (c) MeMo.













Savant


Drôle d'encyclopédie végétale
Adrienne Barman
La joie de lire, 200 pages

Voilà de quoi réjouir les amateurs de plantes, et/ou les curieux! Il y a plus de 750 espèces rassemblées dans des planches remarquablement dessinées, associées par genre ou par combinaison d'idées - un index final permet de toutes les retrouver. Une classification qui n'appartient qu'à Adrienne Barman et tant mieux. Ses planches hautes en couleurs réunissent chaque fois diverses plantes mises en scène avec humour où gambadent aussi quelques espèces animales. Ses familles de plantes dépassent la cinquantaine, allant des acidulées aux vivaces, en passant par les amoureuses de l'eau, les aromatiques, les colorantes, les empoisonneuses, les épicées, les géants, les indécises, les patriotiques, les tachetées, les utiles... Autant de promesses de découvertes pour l'esprit jardinier et pour l'œil amateur de belles choses. Un recueil original et magnifique. Pour tous dès 6 ans.


(c) La joie de lire.


Annuel


C'est de saison!
A chaque mois ses fruits
et ses légumes
Fanny Ducassé
De La Martinière Jeunesse, 64 pages

Manger des tomates insipides en hiver, venant de loin, mais pourquoi donc? Alors qu'il y a plein de bons fruits et légumes de saison qui ne demandent qu'à être goûtés et appréciés. C'est le credo que déploie Fanny Ducassé dans ce documentaire superbement illustré, qui commence par une liste de fruits et de légumes à trouver selon les mois de l'année, et il y a le choix! Ensuite, c'est le feu d'artifice! Une double page par mois de l'année reprend les fruits et légumes à trouver à cette période, les saisons étant représentées par une double page évoquant une activité typique. Les illustrations sont de toute beauté et donnent mille choses à voir avant qu'une brève carte d'identité ne présente plus en détail les fruits et légumes rencontrés. Pour tous, dès 4 ans.

En mai, mange ce qu'il te plaît. (c) De La Martinière Jeunesse.


Agricole


Tête-bêche
Ariadne Breton-Hourcq et Laurence Lagier
MeMo, 96 pages

Etrange au premier abord mais incitant à l'observation ensuite, cet album met en images épurées vingt-deux verbes de l'agriculture sauvage. "L'agriculture sauvage est douce et facile", écrivait en 1975 l'agriculteur japonais Masanobu Fukuoka, le pionnier de cette approche. Des formes élémentaires en noir et blanc s'additionnent pour composer des animaux, des insectes, des outils et des gestes de l'agriculture avant de donner lieu à une scène en couleurs qui les reprend de manière active. On découvre ainsi tranquillement dans l'organisation du travail et le rythme des saisons. Voilà un livre qui  incite à l'observation et à la rêverie.

Page récapitulative en couleurs. (c) MeMo.

Page schématique en noir et blanc. (c) MeMo.


Sauvage


Billebaude n°12: Cueillir
Anne de Malleray
Glénat, 96 pages

La revue "Billebaude" a la particularité de traiter ses sujets en leur faisant faire un pas de côté. Ce numéro intitulé "Cueillir" examine le retour du "sauvage" dans nos assiettes, principalement grâce à la pratique, redécouverte, de la cueillette dont plusieurs manières de faire à travers le monde sont présentées. Qui dit cueillette dit aussi herboristerie, autre discipline ancestrale parfois taxée de sorcellerie. Qu'en est-il? La revue fait le point sur ces connaissances d'hier avant de rejoindre le présent et les nouveaux cuisiniers qui invitent les herbes dans leurs préparations culinaires - dix recettes sont en outre proposées. Enfin, la Galerie est consacrée à un herbier du Museum d'histoire naturelle de Paris et s'accompagne d'une histoire des herbiers en France. Bonne cueillette que ce "Cueillir".