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mercredi 27 avril 2016

Venir écouter l'Italien Giorgio Fontana


La jeune littérature italienne traduite en français est un bonheur dont il serait bête de se passer. Quand je dis jeune, je veux évoquer les écrivains nés dans les années 80 et après. Pas que leurs prédécesseurs (Erri De Luca, Goliarda Sapienza, Umberto Eco, Antonio Tabucchi, Stefano Benni, Alessandro Baricco, Andrea Camilleri et tous les autres) ne me plaisent pas, mais c'est un autre sujet. Pas non plus que je snobe les auteurs plus âgés entrés tard en littérature, comme Milena Agus, Francesca Melandri, Niccolo Ammaniti, Michela Murgia, Giancarlo di Cataldo, Sandro Veronesi... Non, mais il faut reconnaître qu'il y a une nouvelle littérature italienne formidablement intéressante qui bouleverse nos codes d'écriture.

Cette jeune littérature italienne traduite en français, ce sont par exemple Paolo Giordano et sa "Solitude des nombres premiers" (Seuil, 2009), le collectif Wu Ming traduit chez Métailié ou Paolo Di Paolo (Belfond, lire ici) qui inscrit aussi l'histoire récente dans ses pages de fiction. Et bien sûr Giorgio Fontana, trente-cinq ans depuis le 22 avril, en résidence tout ce mois à Bruxelles, dans le bel appartement de Passa Porta, afin d'y poursuivre l'écriture de son nouveau roman. Pour le découvrir ou mieux le connaître, une rencontre publique entre Giorgio Fontana et l'écrivaine belge Nathalie Skowronek est organisée ce jeudi 28 avril à 20 heures à Passa Porta. Renseignement ici.

Giorgio Fontana.
Ce sera l'occasion d'entendre le Milanais parler de ses livres, quatre romans à ce jour, dont les deux plus récents sont traduits en français par l'excellent François Bouchard, "Que justice soit rendue" (Seuil, 2013), le livre qui le fit connaître hors d'Italie et qui traite de la lutte contre le crime organisé et de la faillibilité de l'Etat de droit, et "Mort d’un homme heureux" (Seuil, 2016), tout juste paru.

Dans ce dernier roman en date, qui se passe en 1981, l'année de sa naissance, Giorgio Fontana choisit de nouveau d'affronter l'histoire récente de son pays, avec notamment les assassinats perpétrés par les Brigades rouges. Mais le magistrat qu'il met en scène frappe par sa profonde humanité, teintée d'un idéalisme qui lui sera fatal.

Le début de "Mort d'un homme heureux" est à lire ici.





vendredi 22 avril 2016

Fête de la librairie et dictionnaire suspendu


Le 23 avril, c'est la San Jordi (patron des libraires), la fête annuelle de la librairie indépendante, du livre et du droit d'auteur. L'occasion pour les libraires de participer à l'opération "un livre, une rose", directement importée de la tradition catalane. En effet, ce jour-là, les clients se voient offrir une rose et un livre. Coup de chance, en cette année de quadricentenaire de la mort des écrivains William Shakespeare et Miguel de Cervantes, l'événement sera célébré le jour dit, le 23 avril tombant un samedi. Pour les éditions précédentes, lire ici et ici.

Cette dix-huitième édition de la journée concerne plus de 480 libraires indépendants en France, en Suisse et en Belgique francophone. Trente-neuf chez nous si j'ai bien compté. Car cette année encore, le Syndicat des libraires francophones de Belgique s'est associé à l'action de l'association Verbes qui est à la base de la Fête de la Librairie par les libraires indépendants. L'évènement est devenu, sous l'égide de l'Unesco, la Journée mondiale du livre et du droit d'auteur.

Si le choix de la rose est laissé aux libraires, le livre offert ce samedi est commun à tous, permettant chaque année de découvrir un ouvrage d'un genre original. Cette année, le choix s'est porté sur "Amour & Psyché" (traduit du latin par Paul Vallette, Editions Diane de Selliers, 160 pages), qui est extrait de l'"Âne d'or" ou "Les Métamorphoses" d'Apulée, auteur latin du IIe siècle de notre ère. Un récit initiatique en format de poche illustré par les reproductions de 44 vitraux de Psyché, créés entre 1542 et 1544 et conservés au musée Condé de Chantilly. Ils sont peints en dégradés de gris, rehaussés de jaune d'argent et font l'objet d'un chapitre explicatif. Le livre est préfacé par Pascal Quignard: normal, l'"Ane d'or" est un de ses textes préférés.

Le 23 avril sera donc l'occasion de se rendre dans une librairie indépendante pour se rendre compte de la place irremplaçable du libraire dans la chaîne du livre. C'est aussi le jour qu'a choisi le Syndicat des libraires francophones de Belgique pour lancer l'opération "dictionnaire suspendu". A l'image du "café suspendu" ou du "sandwiche suspendu".

L'idée est de fournir des dictionnaires aux réfugiés qui demandent asile un peu partout en Europe. Des dicos qui seraient autant de mots de bienvenue, d'accueil, de ponts entre leurs langues et la nôtre, entre leurs pays et le nôtre.

Dès samedi, il sera possible de laisser la somme de son choix dans une urne posée sur le comptoir des libraires francophones de Belgique, qui, sensibles à cette situation de détresse, lancent cette action de solidarité. L'argent rassemblé permettra, en concertation avec les différents centres et collectifs citoyens, d'offrir des dictionnaires en grande quantité.

Pour le reste, où en est-on?
La librairie indépendante est toujours fragile.
Quant à la tabelle, on approcherait d'une décision sur son sort mais le départ de la ministre de la Culture Joëlle Milquet entraînera sans doute l'obligation d'un nouveau tour de carrousel.

Les libraires indépendants belges participants

  • Tropismes, Galerie des Princes, 11, 1000 Bruxelles
  • Tulitu, Rue de Flandre, 55, 1000 Bruxelles
  • Candide, Place Brugmann, 1-2, 1050 Bruxelles
  • Les yeux gourmands, Avenue Jean Volders, 64A 1060 Bruxelles
  • Librairie Jaune, Rue Léopold 1er , 499, 1090 Bruxelles
  • U.O.P.C.,  Avenue Gustave Demey, 14-16, 1160  Bruxelles
  • La Licorne, Chaussée d'Alsemberg, 715, 1180 Bruxelles
  • A Livre Ouvert-Le Rat conteur, Rue St Lambert, 116, 1200 Bruxelles
  • L'Ivre de Papier, Rue St Jean, 34, 1370 Jodoigne
  • Au P'tit Prince, Rue de Soignies, 12, 1400 Nivelles
  • Graffiti, Chaussée de Bruxelles, 129, 1410 Waterloo
  • Le Baobab, Rue des Alliés, 3, 1420 Braine-l'Alleud
  • Livre aux Trésors, Place Xavier Neujean, 27A, 4000 Liège
  • La Parenthèse, Rue des Carmes, 24,  4000 Liège
  • Pax, Place Cockerill, 4, 4000 Liège
  • Librairie Siloë, Rue des Prémontrés, 40, 4000 Liège
  • Le Long Courrier, Avenue Laboulle, 55, 4130 Tilff
  • Autre chose, Rue Albert 1er, 40, 4280 Hannut
  • La Dérive, Grand Place, 10, 4500 Huy
  • Au fil d'Ariane, Rue Henri Hurard, 5, 4800 Verviers
  • Les Augustins, Pont du Chêne, 1, 4800  Verviers
  • Au fil d'Ariane 3, Avenue de Spa, 59, 4802 Heusy
  • Pages après pages, Rue Dr Henri Schaltin, 7,  4900 Spa
  • Au fil d'Ariane 2, Rue Catherine André, 2, 4960 Malmedy
  • Papyrus, Rue Bas de la Place, 16, 5000 Namur
  • Point-Virgule, Rue Lelièvre, 1, 5000 Namur
  • Antigone, Place de l'Orneau, 17, 5030 Gembloux
  • DLivre, Rue Grande,  67A, 500 Dinant
  • Molière, Bld Tirou, 68, 6000 Charleroi
  • Librairie Croisy, Rue du Sablon, 131, 6600 Bastogne
  • Du tiers et du quart, Rue de Neufchâteau, 153, 6700 Arlon
  • Le point virgule, Grand Place, 21, 6700 Arlon
  • Le Temps de lire, Rue du Serpont, 13, 6800 Libramont
  • Oxygène, Rue St Roch, 26, 6840 Neufchâteau
  • Leto, Rue d'Havré, 35, 7000 Mons
  • Polar & Co, Rue de la Coupe, 36, 7000 Mons
  • Ecrivain Public, Rue de Brouckère, 45, 7100  La Louvière
  • Librairie de la Reine, Grand Place, 9, 7130 Binche
  • Chantelivre, Quai Notre-Dame, 10, 7500 Tournai






jeudi 21 avril 2016

La Jungle en festival à Liège ce week-end


Jungle est un mot qui, de ces jours, se prononce surtout associé à celui de Calais. Hélas. Mais de ce vendredi 22 avril au dimanche 24 avril, il pourra s'associer beaucoup plus joyeusement à ceux de "festival" et de "Liège". C'est en effet durant ces trois jours que se tiendra la première édition du Festival Jungle, dédié à la littérature jeunsse et à l'image contemporaine, en huit lieux liégeois pouvant constituer un circuit.

Pour quels Mowgli? De tous âges! Jeunes lecteurs, parents, familles, enseignants, bibliothécaires, prescripteurs, auteurs, illustrateurs et éditeurs. Bref, tous ceux et celles qui s'intéressent à ces domaines artistiques vivants.

Aux manettes-lianes,  l'auteur-illustrateur Vincent Mathy, l'expert Michel Defourny, son centre de littérature pour la jeunesse, les Ateliers du Texte et de l’Image (lire ici), la librairie Livre aux Trésors et l'asbl Tapage. La principauté pur sucre.

A vivre aventureusement (ou pas), des expositions, des ateliers, des rencontres, des signatures, de la musique (une boum pour enfants) et du cinéma (trois films d'animation pour enfants). Essentiellement durant le week-end car le vendredi sera consacré au verrnissage itinérant des différentes expositions (visibles jusqu'au 21 mai). L'expo interactive d'Aurélien Débat, en provenance de Fotokino à Marseille, le travail sur la couleur de Victor Hussenot (lire ici), trois artistes de la maison d'édition norvégienne Magikon Forlag, les jouets du designer des années 60 Fredun Shapur, une sélection de livres animés choisis par Michel Defourny dans son fonds et les œuvres publiées pendant la première année de Ding Dong Paper.

Durant le week-end, les événements vont se bousculer, notamment des ateliers pour enfants mais aussi quelques-uns pour grands, gratuits mais sur inscription: dessiner en papier découpé comme Chris Haughton ou avec des cachettes de papier comme Atak (lire ici), explorer les formes avec Aurélien Débat, les jardins avec Anne Brugni, donner des coups de tampon à la ville, composer un dessin de jungle collectif géant en rue à la craie, écouter Delphine Bournay lire "Grignotin et Mentalo"...

Quatre rencontres sont également prévues, avec les éditions Magikon Forlag et celles des Grandes Personnes en la personne de Brigitte Morel, avec les artistes Atak et Chris Haughton.

En signature à la librairie et ailleurs, on aura le plaisir de rencontrer en plus des précités les artistes Pierre Bailly, Kitty Crowther, Fanny Dreyer, Bernadette Gervais, José Parrondo.

Une belle façon d'aller voir plus loin que son pré carré et de découvir la création belge ou française, mais aussi celle de Grande-Bretagne, d'Allemagne et de Norvège. A vos lianes!
Le détail des activités, jour par jour, se trouve ici.

NB: tous les dessins sont des créations de Vincent Mathy pour le Festival Jungle.



mercredi 20 avril 2016

Traverser les murs et le temps avec Lionel

Il y a à Montreuil, juste à côté de l'espace où se déroule en fin d'année le salon du livre jeunesse, une friche industrielle où se dresse une vieille ossature métallique. Chaque année, je la regarde, si étrange, si seule dans cette rue animée. J'imagine qu'on avait la même impression en passant le long des restes de l'usine Stein, à Lys-les-Lannoy, près de Roubaix, l'ex-fleuron du lieu, avant leur rénovation en logements tout neufs.

La charpente métallique de Stein en 2012. (c) Editions Light Motiv.

Cette image de Montreuil m'est spontanément venue, mutatis mutandis, en lisant le magnifique récit photographique "La traversée des murs" que signent Eric Le Brun et Yves Morfouace pour les photos, Olivier de Solminihac pour le texte (Editions Light Motiv, 110 pages, distribution Pollen). Un beau grand format carré où les superbes photos disent un lieu et des gens. Leur fierté d'en être, leur détresse ensuite, ainsi que leurs combats. L'usine Stein a eu une longue histoire qui s'est arrêtée à sa fermeture en 2003. Plus personne n'avait besoin de ses soudures expertes, réputées dans le monde entier. Et l'amiante utilisée dans les locaux a été un autre argument pour tout arrêter. Le lieu est resté en friche longtemps, perdant peu à peu ses éléments et son identité au fil des ans. Allait-il disparaître? Non, il a été décidé de le convertir en logements. D'en faire un éco-quartier.

Statactites de glace sur un mur en 2010. (c) Editions Light Motiv.

C'est tout cela que raconte très délicatement Olivier de Solminihac en un texte découpé en plusieurs chapitres mais centré sur la personne fictionnelle de Lionel. L'écrivain se glisse dans la peau de ceux qui ont fait la gloire de la pépite industrielle, mais qui avaient aussi une vie à eux, ou au café Le Flint. Une histoire qui se terminera mal pour eux, malgré tous leurs combats. La mise à l'arrêt des "Stein" comme on les appelait n'est toutefois pas celle du lieu appelé à renaître autrement quelques années plus tard. L'ouvrage offre de traverser les murs et le temps et de découvrir l'endroit complètement réaménagé. Un nouveau château en remplacement de l'ancien?

Un soudeur (c) Editions Light Motiv
Photos et texte se complètent subtilement en ce prenant récit magnifiquement illustré. Quelle présence, quelle fierté! Les deux photographes ont suivi les cinq années de la renaissance, de 2009 à 2014. L'auteur a fait œuvre de témoin et de romancier. Après avoir découvert les photographies, il s'est rendu sur place et a rencontré d'anciens salariés. Une démarche qui lui a permis de raconter l’histoire des "Stein", entre fiction et réalité.

"La traversée des murs" est bien plus qu'un simple beau livre. C'est un hommage et un encouragement au travail des hommes d'hier et d'aujourd'hui, pile dans la ligne du film "Demain". Même si on ne connaît pas le lieu, on vit à travers les "Stein", reconnus ici dans leur dignité d'humains.





lundi 18 avril 2016

Kitty Crowther en livre et en expo

Chic! Après le superbe album "Mère Méduse" en 2014 (lire ici), Kitty Crowther nous propose une nouvelle aventure pour les plus jeunes (à partir de 3/4 ans), la huitième de sa série "Poka & Mine" entamée en 2005. Vous savez, Poka et Mine, ces deux insectes qui forment un duo épatant et vivent de sacrées aventures au départ de la vie de tous les jours. Fort bien mené, l'album "Un cadeau pour Grand-Mère" (l'école des loisirs/Pastel, 48 pages) revient à un imaginaire ancré dans le quotidien.

Mine trouve un cadeau. (c) edl/Pastel.
Mine est enchantée d'avoir trouvé un joli cadeau pour sa Grand-Mère Dorée au si joli nom. C'est un coquillage plein de couleurs. Mais Mine se s'est pas aperçue que la carapace était habitée par un redoutable joueur de cartes.
Elle le découvrira la nuit suivante et vivra alors avec Poka et une belle série de bernard-l'hermitte arrivés entretemps pour récupérer leur Bercarte une réjouissante aventure. Terriblement vivante dans les très beaux dessins aux crayons de couleurs, l'histoire se finira quand même en cadeau apprécié par la mère-grand.

Pour feuilleter "Un cadeau pour Grand-Mère", c'est ici.

Exposition à Ixelles


Le dessin de l'affiche de l'expo à Ixelles est extrait de "L'enfant racine".

Le superbe travail de Kitty Crowther, prix Astrid Lindgren 2010, est exposé du 19 au 30 avril à la Bibliothèque d'Ixelles (19 rue Mercelis),  aux heures d’ouverture de la bibliothèque (inscriptions et renseignements au 02-515.64.45 ou à la bibliothèque).

On y verra plusieurs originaux de l'album étrange et initiatique "L'enfant racine" (l'école des loisirs/Pastel, 2003, non disponible), ceux de "Poka & Mine au cinéma" (lire ci-dessous) et une partie de ceux de l'album "Le petit homme et dieu" (l'école des loisirs/Pastel, 2010), sur les relations père-fils.

A noter que le mercredi 27 avril (de 15h30 à 17 heures) aura lieu un atelier pour enfants de 7 à 10 ans autour de l'œuvre de Kitty Crowther, animé par Emilie Seron.

A épingler encore, l'interview de Kitty Crowther par Thomas Lavachery le jeudi 28 avril à 18h30.

L'occasion d'évoquer le nouvel album pour enfants de Thomas Lavachery, "Roussette et les Zaffreux" (l'école des loisirs/Pastel, 32 pages). L'histoire d'une jeune fille rousse et orpheline à l'époque des châteaux-forts, pourchassée par les uns et les autres et qui va découvrir l'aide que vont lui apporter d'impressionnantes créatures rampantes que Roussette appelle d'abord les zaffreux. Une nouvelle vie commence pour elle qui n'est pas une sorcière mais une "fille comme les autres".

Pour feuilleter "Roussette et les Zaffreux", c'est ici.


Récapitulatif des "Poka & Mine"

Le grand Poka et la petite Mine sont les deux insectes sans bouche nés il y a déjà plus de dix ans des crayons de couleurs de Kitty Crowther. Ils interprètent joliment les événements du quotidien dans une délicate série basée sur la vie quotidienne des enfants. D'épisode en épisode, leurs histoires s'enrichissent et se densifient, n'hésitant pas à plonger dans une fantaisie très séduisante. Dès 3/4 ans.

"Le réveil"
2005
Matin difficile dans "Le réveil" malgré un petit-déjeuner servi au lit et d'autres stratégies, jusqu'à la pirouette finale, tendre et drôle.

"Les nouvelles ailes"
2005
Que faire en cas d'accident d'aile? Réparer, remplacer? "Les nouvelles ailes" de Mine sont celles d'un papillon. A tester, jusqu'à jolie finale ici aussi.


"Au cinéma"
2006
Aller "Au cinéma" parce qu'on s'ennuie, c'est la bonne idée de Poka. Mais Mine met beaucoup de temps à se préparer, on va comprendre pourquoi. Une tendre sortie.

"Au musée"
2006
On est toujours le petit ou le grand d'un autre. Confirmation dans "Au musée" (d'art tribal). Si Mine a besoin des toilettes, expérience fréquente chez les enfants en visite, et les déniche seule, elle ne trouve plus le chemin pour en revenir. Un puceron en larmes la fera grandir d'un coup.


"Au fond du jardin"
2007
Mine cueille des fleurs pour Poka "Au fond du jardin". Se sentant observée depuis un arbre, elle ira vite y voir de plus près. Et découvrira dans une maison secrète une araignée malade, Arto. Ce qui permettra ensuite de mémorables séances de tricotage de pulls entre amis. Quatre manches pour le duo, six pour Arto ! Les crayons de couleurs délicats de Kitty aiguisent le charme des situations créées.

"Le football"
2010
L'épisode commence de façon bucolique par une promenade de Poka et Mine "sous les ombellifères". Il se poursuit dans un savoureux rapport texte-images: devant des enfants qui jouent au foot, Mine veut en faire aussi. Ce n'est pas un sport de garçon! Mais les premiers temps sont durs. Les garçons de l'équipe de foot ne sont pas du tout sympas avec elle. Heureusement, Poka veille... De gracieux dessins et une jolie pirouette finale sur le thème du masculin-féminin.

"A la pêche"
2013
Episode moins réaliste dans cette partie de pêche qui aboutit dans la grotte d'une dame verte. Oga accueille Mine, envoie chercher Poka et fait découvrir au duo un monde inconnu où on s'abreuve et se nourrit de mousse verte. Une rencontre délicatement traitée, donnant confiance, et une belle aventure dans un monde inconnu servie par de superbes dessins. Tout est à regarder, pour autant de joies.





mercredi 13 avril 2016

Le soutien de ses auteurs à Geneviève Brisac


Le 5 avril est apparu sur la toile le blog "la ficelle", énigmatiquement sous-titré "Si ton cerf-volant est cassé, garde la ficelle".

S'y sont regroupés des écrivains de l'école des loisirs, démunis devant le changement de ligne éditoriale de la maison cinquantenaire.
Ils se présentent ainsi:
"Une grande maison d'édition jeunesse, L'Ecole des Loisirs, change de cap sans prévenir. Des auteurs de romans restent à quai, d'autres sont tombés à l'eau. Dans ce blog, des auteurs concernés prennent la parole pour donner leur point de vue. Ils souhaitent dire ce que L'école des Loisirs représentait pour eux; parler littérature jeunesse, celle qu'ils aiment et qu'ils veulent écrire; montrer leur soutien à ceux qui partent ou ceux qui restent; et pourquoi pas parler économie, politique éditoriale et politique au sens large. Bref, dialoguer, s'exprimer et dire à Loisirs."
Depuis le 5 avril, les billets-témoignages d'écrivains s'y succèdent. Dix à cette heure: Alice de Poncheville, Nastasia Rugani, Isabelle Rossignol, Claire Castillon, Fanny Chiarello, Coline Pierré, Gilles Barraqué, Charles Castella, Agnès Desarthe... Les lire devrait être réjouissnt. Vu les circonstances, c'est d'une tristesse absolue mais nécessaire. Tous racontent le passé avec Geneviève Brisac, la responsable des romans depuis 1989, écartée sans ménagement à la fin de l'année dernière (elle est officiellement toujours en place, mais en arrêt maladie). Un temps où la littérature avait le droit, même le devoir, d'exister pour les enfants. Chacun dit à sa façon une manière de faire magnifique, un souci des auteurs et des lecteurs. Humanité et talent professionnel.

Les lire est d'une tristesse absolue car ils disent le passé. Louis Delas, le nouveau directeur de l'école des loisirs, a défini pour "Livres-Hebdo" la ligne éditoriale des romans: "Nous publions des romans avec des personnages positifs et entreprenants auxquels il arrive des aventures qui permettent aux lecteurs de s'identifier et de se construire dans un monde complexe." Oui, on se pince. On tentera de ne pas se remémorer l'aventure qu'a été la publication de Robert Cormier ou des deux Christophe, Honoré et Donner... Maintenant, les machines sont réglées. Ecrivains, placez-vous dans les lignes désormais. Ne dépassez pas.

Quel sera l'avenir des romans à l'école des loisirs? On peut s'en inquiéter. Car peu répondent aux normes actuelles. Heureusement il reste deux milliers de livres formidables en collections Mouche, Neuf et Médium qui ont été publiés et souvent réimprimés. Pas tous hélas. Et j'attends avec impatience que le site renouvelé dernièrement de l'école des loisirs mentionne aussi les livres épuisés, par respect du lecteur, de l'étudiant, de l'amateur de littérature de jeunesse ou du chercheur dans ce domaine.

Je pensais à tort qu'avait été écarté du catalogue de l'école des loisirs le chef-d'œuvre qu'est "Le passage" de l'Américain Louis Sachar (traduit de l'anglais par Jean-François Ménard, 2000)  - alors que "Manuel de survie de Stanley Yelnats pour le camp du lac vert", qui y est lié l'est (Médium, 2004)! Je suis rassurée que c'est le résultat d'embrouilles avec le nouvel agent de Louis Sachar. Il a contacté Gallimard Jeunesse et signé avec cette maison en "ignorant" que la traduction française existait depuis plus de quinze ans à l'école des loisirs.

Je vous passe le détail des courriers entre les trois parties intéressées. Le résultat en est que "Le passage" de Louis Sachar est maintenant disponible chez Gallimard Jeunesse, en coédition avec l'école des loisirs (c'est écrit en tout petit sur la couverture), toujours donc dans la traduction de Jean-François Ménard. Ce serait évidemment bien que le site de l'école des loisirs l'indique même si la commercialisation du livre est assurée par Gallimard.

En tout cas, "Le passage" est un livre total, mêlant western, amour fou, trésor et apprentissage. Le dix-neuvième, à l'époque, que l'auteur avait écrit pour la jeunesse. Plébiscité par des centaines de milliers de lecteurs. Un texte superbe, admirablement construit où on découvre la vie, si on peut l'appeler ainsi, au camp du lac vert.

Un lieu loin de tout, cuit et recuit par le soleil qui en a fait disparaître la moindre goutte d'eau. Là, des jeunes qui ont eu maille à partir avec la justice creusent des trous. Tous les jours. Sous une impitoyable chaleur. Dimensions imposées: 1,5m de diamètre, 1,5m de profondeur. La taille d'une pelle. Dans quel but? Pour "se forger le caractère" sans doute mais aussi pour servir certains projets du directeur. Petit à petit, le lecteur découvre ce quotidien éprouvant. Des bribes d'existence se dévoilent à lui, croisant des destins, entrecoupées de pans d'autres vies qui se sont déroulées plus de cent ans auparavant. "Le passage" est un livre terriblement émouvant, mais aussi très drôle par moments. C'est un roman d'une qualité rare qui ouvre le lecteur aux autres et à lui-même. Un texte indispensable.


Et donc, je répète, n'oubliez pas de lire "la ficelle" régulièrement. C'est un parfait plaidoyer pour une belle littérature de jeunesse, exigeante et réjouissante.

Ci-après, un communiqué de l'école des loisirs
au sujet des romans de la maison.









mardi 5 avril 2016

La romancière Meg Rosoff lauréate ALMA 2016


"Nooooooo! Oh my God! It is amazing! I cannot believe that!" 
Ce sont les mots de la romancière Meg Rosoff quand l'ALMA (Astrid Lindgren Memorial Award) lui apprend ce mardi 5 avril qu'elle est la lauréate 2016 du Prix Astrid Lindgren (5 millions de couronnes suédoises soit environ 580.000 euros).
A écouter ici.

Meg Rosoff.
Née le 16 octobre 1956 à Boston, deuxième de quatre sœurs, l'écrivaine américaine est installée à Londres depuis 1989. Elle a longtemps travaillé, notamment dans la publicité et l'édition, avant d'entrer en littérature de jeunesse. A 47 ans. C'était en 2004 avec "How I live now", traduit en français chez Albin Michel en 2006 sous le titre "Maintenant, c'est ma vie". Un premier roman qui se fait à juste raison remarquer (lire ci-dessous).

Depuis Meg Rosoff a écrit six autres romans pour ados, qui nous parviennent en français via Albin Michel Jeunesse ou Hachette Jeunesse, des albums pour enfants et un roman en littérature générale, ces derniers non traduits.

Le jury a apprécié que les romans de Meg Rosoff s'adressent à la fois aux sentiments et à l’intellect. Que sa prose étincelante décrive la recherche humaine de sens et d'identité dans un monde étrange et singulier, ne laissant jamais le lecteur indifférent. Que ses livres constituent une œuvre à la fois courageuse et pleine d'humour et soient tous très différents.

"Meg Rosoff décrit des adolescents à la frontière entre l’enfance et la vie adulte, confrontés à des épreuves difficiles dans la recherche de leur moi, parfois à la limite, voire au-delà, de l’intolérable. Ses personnages principaux, aux prises avec leur propre identité et leur sexualité, se retrouvent involontairement dans des situations chaotiques. Tout comme Astrid Lindgren, Meg Rosoff fait preuve d’une empathie et d’une loyauté totales envers les jeunes. Le monde des adultes apparaît tout au plus à la périphérie. Son style est toujours concret et vivant, qu’il s’agisse de décrire un paysage, des vêtements ou des aliments dans un garde-manger. Elle agrémente la noirceur avec humour pour aboutir à un chef d’œuvre stylistique."

Meg Rosoff a déclaré:
"Je suis bouleversée et profondément honorée  d'être la lauréate du Prix Astrid Lindgren pour 2016. Enfant, je me suis inspirée de Fifi Brindacier - désespérée de grandir assez courageuse pour naviguer sur les sept océans, assez forte pour soulever un cheval, assez peu conventionnelle pour vivre selon mes propres règles."



J'avais épatée par le premier roman de Meg Rosoff, "Maintenant, c'est ma vie" (traduit de l'anglais par Hélène Collon, Albin Michel Jeunesse, 2006; Le livre de poche jeunesse, 2008), qui a été adapté au cinéma en 2013, d'où sa nouvelle couverture. Il met en scène Daisy, une ado face à la vie, à cet âge entre "petit" et "grand" que l'auteure raconte avec finesse .

Le père de la narratrice a voulu éloigner une adolescente qui gênait sa nouvelle vie en l'expédiant passer l'été chez ses cousins anglais. Il a ainsi involontairement sauvé la vie de cette ado mal dans sa peau, quasi anorexique, rongée par l'absence de sa mère (morte en lui donnant le jour), ravagée parce que son père a refait sa vie avec une nouvelle compagne et un nouveau bébé à naître.

Ce premier roman ne fait pas dans la dentelle - la jeune fille doit affronter une longue guerre qui se déclare soudain sur sa terre d'exil - mais l'auteure a suffisamment de talent pour qu'on se laisse happer par son histoire, pour qu'on se mette à aimer son héroïne. Quelle force dans cette quête intiatique ponctuée d'épreuves! Les faits se situent à une époque indéterminée, légèrement postérieure à la nôtre, avec téléphones portables, attentats terroristes, déclaration de guerre et fermeture de frontières.

Mais revenons au début. Elizabeth, dite Daisy, se retrouve expédiée pour l'été de ses 15 ans chez sa tante Penn, la sœur de sa mère dont elle sait trop peu de choses. Une arrivée en fanfare: pas d'adulte pour attendre la New-Yorkaise à l'aéroport de Londres mais Edmond, son cousin de 14 ans, une clope au bec, la clé de la Jeep en mains.

Dès cet instant, Daisy va passer de surprise en surprise. D'abord, en rencontrant les habitants de la vieille baraque branlante où elle va séjourner, Osbert l'aîné des enfants, Isaac le taiseux jumeau d'Edmond, Edmond lui-même et Piper la dernière, sans compter quelques animaux - tante Penn n'apparaîtra que beaucoup plus tard. Ensuite, en expérimentant une autre façon de vivre, quasiment en autarcie. Livrée à elle-même, Daisy est amenée à réfléchir, à ouvrir ses yeux plus loin que son cadre habituel. Entre elle et Piper naît une profonde amitié, qui se développera encore pendant la partie de la guerre où elles seront séparées des autres et qu'elles devront affronter à deux, luttant à chaque instant pour leur survie. Auparavant, Daisy aura découvert l'amour avec Edmond, dans tous les sens du terme. Une première expérience d'amour adolescent, pur et sans tabou, qui marquera à jamais son existence: les derniers mots du livre sont aussi ceux du titre!

Ce premier roman bouleversant, maîtrisé de bout en bout, a fait entendre une nouvelle voix originale et juste. Meg Rosoff ne semble pas avoir complètement tenu la note dans les suivants, "Si jamais" et "Ce que j'étais" publiés chez Hachette Jeunesse (2007 et 2008). Depuis, d'autres titres sont à nouveau sortis chez Albin Michel, "La ballade de Pell Ridlay" et "Au bout du voyage" (2012 et 2014), un bon signe sans doute.

Les lauréats ALMA précédents

2015 Praesa (lire ici)
2014 Barbro Lindgren (lire ici)
2013 Isol
2012 Guus Kuijer (lire ici)
2011 Shaun Tan
2010 Kitty Crowther
2009 Tamer Institute
2008 Sonya Hartnett
2007 Banco del Libro
2006 Katherine Paterson
2005 Philip Pullman et Ryôji Arai
2004 Lydia Bojunga
2003 Maurice Sendak et Christine Nöstlinger

Ce n'est pas pour rien que le Astrid Lindgren Memorial Award est aujourd'hui considéré comme l'équivalent jeunesse du prix Nobel de littérature, détrônant les prix Andersen de l'IBBY de cette appellation. Il est le prix en littérature de jeunesse le plus important au monde.




lundi 4 avril 2016

Les prix Andersen arrivent à quatre heures

Et voilà, quelques jours après le 2 avril, date de naissance de Hans Christian Andersen et à cet effet journée internationale du livre pour enfants, l'IBBY vient de proclamer ce 4 avril à Bologne les lauréats des deux prix Andersen 2016. Il s'agit de l'Allemande Rotraut Susanne Berner pour l'illustration et du Chinois Cao Wenxuan pour le roman.

De ce dernier, je ne dirai rien puisque je n'ai pas lu l'unique de ses titres traduit en français, "Bronze et Tournesol" (traduit du chinois par Brigitte Guilbaud, Picquier Jeunesse, 2010). Une nouvelle édition sera disponible en librairie le 19 mai prochain. Mais l'éditeur est de qualité. A noter que le livre est sorti en 2005 en Chine. L'auteur est né en janvier 1954 à Yancheng, une ville du nord-est de la province du Jiangsu. Il est à la fois professeur de littérature chinoise à l'université de Pékin et auteur à succès de livres pour enfants, avec à son compteur plus de cinquante romans et nouvelles.


Rotraut Susanne Berner. 
Née le 26 août 1948 à Stuttgart, Rotraut Susanne Berner est plus connue du public francophone puisqu'on découvre son important  travail dès 1987 et "Les deux froussards" de Gudrun Mebs (Casterman). Elle est aussi l'illustratrice du célèbre roman "L'enfant du dimanche" de Gudrun Mebs (Gallimard Jeunesse, 1988). "Marie Martin", toujours avec la même, sort en 1990 chez Gallimard et reçoit le prix Bernard Versele en catégorie 4 chouettes en 1992.

Des albums apparaissent alors, toujours de qualité mais un peu boudés par le public. Notamment "L'Aventure" (Editions du Sorbier, 1996, épuisé), en solo, où Louison, la jeune chatte souriante, envoie son ballon dans une la maison voisine, peu rassurante, occupée par un chien peu sympathique et son perroquet. Le livre ressortira sous le titre de "Tania et le ballon rouge" (lire plus bas).


Ou ce conte inédit de la poétesse américaine Sylvia Plath,  "Ça-ne-fait-rien", (Gallimard, Folio cadet, 1998) qui montre comment Maximilien Nix, 7 ans, dit Max, parvient à obtenir un costume pour tous les jours de l'année. Il deviendra plus tard "Le rêve de Max" (Gallimard).



A partir de cette époque, Rotraut Susanne Berner sera principalement traduite en français chez deux éditeurs, La joie de lire qui le fait toujours, le Seuil Jeunesse qui a abandonné en cours de route. Elle-même se partage entre deux styles, les albums pour les tout-petits, souvent des imagiers où cohabitent plein de mini aventures (la série des "Tommy" ou les livres des saisons)  et les albums pour les grands de maternelles, beaucoup plus grinçants ou énigmatiques malgré leur apparence enfantine.


























"La princesse arrive à quatre heures" a connu deux versions, la première au Seuil Jeunesse, en 2001. Le titre y précise qu'il s'agit d'une histoire d'amour due à l'Allemand Schnurre. Difficile de résister à une telle annonce. Les premières pages découpent une longue fresque: une maison (cheminée fumante) au milieu de fleurs, roses et cactées confondues, un trottoir où apparaît un gamin photographe étrangement chapeauté d'un béret à queue d'animal, l'entrée du zoo, but de la promenade et les premières cages. Parfois bizarrement peuplées: lion, singe et ours y règnent seuls mais d'autres abris regroupent plusieurs espèces. Fin de la fresque, début du texte, avec la présentation d'une hyène puante aux yeux larmoyants. A partir de ce moment, le lecteur est cuit. Comment mettre en doute la parole de l'infect animal qui annonce à son visiteur qu'elle est une princesse ensorcelée et que seule une invitation à prendre le café pourra la délivrer? Comment être insensible aux dessins exquis de Rotraut Susanne Berner qui racontent les préparatifs du goûter? Quatre heures arrivent. La hyène sonne à la porte. Découvre, apparemment émue, les mille attentions dont elle a été l'objet. Et en profite au-delà de toute raison. L'hôte, dont toute la maison respire l'amour qu'il porte aux animaux du zoo, attend le prodige promis. En vain, car la hyène n'est qu'une menteuse. Mais le garçon ne le savait-il pas déjà dans un petit coin de sa tête? Plus que lui, c'est le lecteur qui est "attrapé" par cet album très réussi.

Ce livre formidable ressort en 2012 à La Joie de lire dans une version revue et titré cette fois "La princesse vient à quatre heures" (traduit de l’allemand par Marion Graf). La nouvelle traduction est plus enlevée mais qui irrite l'oreille quand elle dit "l'hyène" (forme autorisée) plutôt que "la hyène". Le titre a été modifié: "vient" remplace "arrive". Surtout il a perdu son sous-titre, "une histoire d’amour", si alléchant, au profit d'un alignement des noms des deux auteurs.  Demeure la fresque de plusieurs pages muettes ouvrant cette histoire de cache-cache où un gamin invite chez lui une hyène, répugnant animal, qui serait une princesse ensorcelée.

Dans "Chapeau!" (Seuil Jeunesse, 2003) album en boucle et sans texte, Rotraut Susanne Berner réussit à traiter le thème du chapeau volant après l'immense Tomi Ungerer !Tout commence un jour de grand vent où une rafale emporte le haut-de-forme du héros. On suit le couvre-chef de page en page. Sa course folle traverse des paysages aussi différents qu'un pont sur l'eau ou un arboretum. Avec toujours ce sens du détail qui enrichit l'histoire ou modifie l'apparente normalité des choses qui caractérise l'illustratrice allemande: un oiseau différent sur chaque branche du saule, des animaux familiers ou ceux du zoo qui construisent des historiettes parallèles, des personnages qui réapparaissent à différents endroits. Simple, pseudo-naïf et réjouissant. Pour les tout-petits.


Dimanche en famille. Tania la petite chatte se retrouve coincée dans un dimanche d'adultes. Heureusement, elle a reçu un cadeau, une balle qu'elle teste immédiatement. "Tania et le ballon rouge" (Albin Michel Jeunesse, 2003) est un plaidoyer pour la lecture. Car la balle de Tania atterrit chez un voisin, un chien bougon nanti d'un oiseau noir peu amène. Va- t-elle récupérer son bien? Oui, si elle montre ce qu'elle sait faire : du judo, des crêpes et aussi... la lecture ! Un album très réussi où tout est à regarder. Dès 4 ans. (, 48 pp., 10 euros.)·

Simple d'apparence, le trait caractéristique de Rotraut Susanne Berner, recèle en réalité d'innombrables finesses, détails importants et malices diverses qui lui donnent une vraie richesse. Dans "Ah non! Et alors?" (Seuil Jeunesse, 2005), deux poules, une noire et une blanche, discutent. Discutaillent. Se chamaillent presque. A chaque proposition de l'une, l'autre trouve un prétexte d'obstruction. Se promener? Il y a "un "nuage! Pourtant, un parapluie est là. Sans manger? Pourtant, un pique-nique est là. Plutôt lire? Pourtant, le bouquin peut accompagner... Et ainsi de suite. Ponctuées par les illustrations expressives, les répliques se succèdent à chaque double page. Drôles, un peu amères aussi tant elles épinglent ces humains qui s'interdisent on ne sait trop pourquoi les plaisirs à leur portée. Mais Rotraut Susanne Berner ne fait pas de morale, sa pirouette finale rétablissant l'équilibre le prouve: elle célèbre la grande amitié entre deux poules qui se connaissent, s'apprécient et se respectent.

Moins démonstratif mais tout aussi peu conventionnel est l'album "Les trois vœux de Barbara" (La joie de lire, 1997) de Franz Hohler et Rotraut Susanne Berner, réédité en 2006. On y fait la connaissance d'une demoiselle mécontente. Barbara, 7 ans environ, a de la peine à l'école, aussi bien en lecture, en écriture, en calcul qu'en gymnastique ou en dessin! Pas assez jolie à son goût et en manque d'amies. Si elle pouvait faire un vœu, elle choisirait de "ressembler à une princesse" et d'"être la meilleure de sa classe".
Justement, une nuit, elle reçoit la visite d'une fée qui lui offre un vœu. Et Barbara choisit des souliers bleus, ceux que sa mère lui a refusés au magasin un peu plus tôt. A la récré suivante, elle est l'élève la plus rapide de la classe et devient amie avec Alex. La fée viendra encore deux fois. Chaque fois, Barbara écoutera son désir du moment, un stylo rouge et un perroquet! Des souhaits apparemment peu raisonnables mais qui lui permettent de grandir, en suivant son propre chemin. Une histoire bienfaisante, tendre et juste.



L'annonce a aussi été l'occasion pour Wally De Doncker, le président de l'IBBY d'émettre un appel à toutes les bibliothèques de donner des cartes d'accès aux enfants réfugiés, comme cela se fait à Lampedusa. "Pour que chaque enfant ait accès aux livres et à la lecture!", a-t-il martelé.