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mercredi 13 avril 2016

Le soutien de ses auteurs à Geneviève Brisac


Le 5 avril est apparu sur la toile le blog "la ficelle", énigmatiquement sous-titré "Si ton cerf-volant est cassé, garde la ficelle".

S'y sont regroupés des écrivains de l'école des loisirs, démunis devant le changement de ligne éditoriale de la maison cinquantenaire.
Ils se présentent ainsi:
"Une grande maison d'édition jeunesse, L'Ecole des Loisirs, change de cap sans prévenir. Des auteurs de romans restent à quai, d'autres sont tombés à l'eau. Dans ce blog, des auteurs concernés prennent la parole pour donner leur point de vue. Ils souhaitent dire ce que L'école des Loisirs représentait pour eux; parler littérature jeunesse, celle qu'ils aiment et qu'ils veulent écrire; montrer leur soutien à ceux qui partent ou ceux qui restent; et pourquoi pas parler économie, politique éditoriale et politique au sens large. Bref, dialoguer, s'exprimer et dire à Loisirs."
Depuis le 5 avril, les billets-témoignages d'écrivains s'y succèdent. Dix à cette heure: Alice de Poncheville, Nastasia Rugani, Isabelle Rossignol, Claire Castillon, Fanny Chiarello, Coline Pierré, Gilles Barraqué, Charles Castella, Agnès Desarthe... Les lire devrait être réjouissnt. Vu les circonstances, c'est d'une tristesse absolue mais nécessaire. Tous racontent le passé avec Geneviève Brisac, la responsable des romans depuis 1989, écartée sans ménagement à la fin de l'année dernière (elle est officiellement toujours en place, mais en arrêt maladie). Un temps où la littérature avait le droit, même le devoir, d'exister pour les enfants. Chacun dit à sa façon une manière de faire magnifique, un souci des auteurs et des lecteurs. Humanité et talent professionnel.

Les lire est d'une tristesse absolue car ils disent le passé. Louis Delas, le nouveau directeur de l'école des loisirs, a défini pour "Livres-Hebdo" la ligne éditoriale des romans: "Nous publions des romans avec des personnages positifs et entreprenants auxquels il arrive des aventures qui permettent aux lecteurs de s'identifier et de se construire dans un monde complexe." Oui, on se pince. On tentera de ne pas se remémorer l'aventure qu'a été la publication de Robert Cormier ou des deux Christophe, Honoré et Donner... Maintenant, les machines sont réglées. Ecrivains, placez-vous dans les lignes désormais. Ne dépassez pas.

Quel sera l'avenir des romans à l'école des loisirs? On peut s'en inquiéter. Car peu répondent aux normes actuelles. Heureusement il reste deux milliers de livres formidables en collections Mouche, Neuf et Médium qui ont été publiés et souvent réimprimés. Pas tous hélas. Et j'attends avec impatience que le site renouvelé dernièrement de l'école des loisirs mentionne aussi les livres épuisés, par respect du lecteur, de l'étudiant, de l'amateur de littérature de jeunesse ou du chercheur dans ce domaine.

Je pensais à tort qu'avait été écarté du catalogue de l'école des loisirs le chef-d'œuvre qu'est "Le passage" de l'Américain Louis Sachar (traduit de l'anglais par Jean-François Ménard, 2000)  - alors que "Manuel de survie de Stanley Yelnats pour le camp du lac vert", qui y est lié l'est (Médium, 2004)! Je suis rassurée que c'est le résultat d'embrouilles avec le nouvel agent de Louis Sachar. Il a contacté Gallimard Jeunesse et signé avec cette maison en "ignorant" que la traduction française existait depuis plus de quinze ans à l'école des loisirs.

Je vous passe le détail des courriers entre les trois parties intéressées. Le résultat en est que "Le passage" de Louis Sachar est maintenant disponible chez Gallimard Jeunesse, en coédition avec l'école des loisirs (c'est écrit en tout petit sur la couverture), toujours donc dans la traduction de Jean-François Ménard. Ce serait évidemment bien que le site de l'école des loisirs l'indique même si la commercialisation du livre est assurée par Gallimard.

En tout cas, "Le passage" est un livre total, mêlant western, amour fou, trésor et apprentissage. Le dix-neuvième, à l'époque, que l'auteur avait écrit pour la jeunesse. Plébiscité par des centaines de milliers de lecteurs. Un texte superbe, admirablement construit où on découvre la vie, si on peut l'appeler ainsi, au camp du lac vert.

Un lieu loin de tout, cuit et recuit par le soleil qui en a fait disparaître la moindre goutte d'eau. Là, des jeunes qui ont eu maille à partir avec la justice creusent des trous. Tous les jours. Sous une impitoyable chaleur. Dimensions imposées: 1,5m de diamètre, 1,5m de profondeur. La taille d'une pelle. Dans quel but? Pour "se forger le caractère" sans doute mais aussi pour servir certains projets du directeur. Petit à petit, le lecteur découvre ce quotidien éprouvant. Des bribes d'existence se dévoilent à lui, croisant des destins, entrecoupées de pans d'autres vies qui se sont déroulées plus de cent ans auparavant. "Le passage" est un livre terriblement émouvant, mais aussi très drôle par moments. C'est un roman d'une qualité rare qui ouvre le lecteur aux autres et à lui-même. Un texte indispensable.


Et donc, je répète, n'oubliez pas de lire "la ficelle" régulièrement. C'est un parfait plaidoyer pour une belle littérature de jeunesse, exigeante et réjouissante.

Ci-après, un communiqué de l'école des loisirs
au sujet des romans de la maison.









2 commentaires:

  1. Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.

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  2. Belle mobilisation mais triste situation.
    Ecarter celle qui était l'âme de la maison d'édition pour faire le bonheur des lecteurs malgré eux, c'est désolant.

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