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dimanche 30 septembre 2018

Mort du dessinateur français René Pétillon

René Pétillon (c) Rita Scaglia/Dargaud.

Ce sont les éditions Dargaud qui annoncent la triste nouvelle, survenue ce 30 septembre 2018.
"C'est avec une immense peine que les éditions Dargaud doivent annoncer la disparition de René Pétillon, emporté par une longue maladie. La tristesse et la douleur de voir disparaître un ami cher ne nous fait pas oublier le talent hors du commun de ce dessinateur à l'humour irrésistible et à l’élégance rare. 
Nos pensées vont à Marie-Noëlle, Jean-Marc, Claire et son petit-fils Corentin, ainsi que sa famille et ses proches."
Né le 12 décembre 1945 à Lesneven, dans le Finistère, René Pétillon a été un autodidacte, passionné de dessin, amateur des Marx Brothers et du magazine américain "Mad". D'une gentillesse pour les lecteurs qu'il a croisés égale à la férocité de son trait. Ses premiers dessins paraissent en 1968, dans "Plexus", "L'Enragé" et "Planète". Quatre ans plus tard, ce sera "Pilote" avec un premier récit de six pages intitulé "Voir Naples et mourir".

Jack Palmer.
(c) Dargaud.
Jack Palmer, son personnage fétiche, né en 1974, se baladera de "Pilote" à "L'Echo des Savanes", en passant par "Télérama" et "VSD". C'est le détective au gros nez qui lui vaudra la reconnaissance du très grand public en 2000, avec "L'Enquête corse". Prix du Meilleur album à Angoulême, "L'Enquête corse" est aussi adaptée au cinéma en 2004 et lui vaut d'être citoyen d'honneur de la ville de Bastia. Il sera le héros de quinze albums (Dargaud).

René Pétillon est aussi le scénariste du "Baron Noir", dessiné par Yves Got (Glénat), de Rochette pour les albums "Panique à Londres", "Scandale à New York" et "Triomphe à Hollywood" (Albin Michel), de Florence Cestac pour "Super Catho" (Dargaud) et beaucoup d'histoires courtes, une forme où il excelle, en bon humoriste.

En 1989, Pétillon est Grand prix du festival d’Angoulême.

Dans le "Canard enchaîné".
En 1993, il entre au "Canard Enchaîné", où il devient rapidement très présent et important. Son humour acéré, impitoyable, légèrement décalé et néanmoins pas dénué de tendresse fait mouche à tous coups. Il est sans conteste un des tous grands portraitistes de la société française. Plus de 11.000 dessins plus tard, en 2017, il met fin à sa collaboration avec l'hebdomadaire. Plusieurs recueils de ses dessins d'actualité sont publiés, dont "J'y suis!", "Sarkorama", "Un certain climat" et "Rencontres" (Dargaud).

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J'ai eu la chance de croiser René Pétillon deux fois, à Bastia chaque fois, aux Rencontres BD créées et pilotées alors par Dominique Mattei, dont la particularité était de mêler illustration jeunesse et bande dessinée.

La première fois, c'était en 2001, juste après la sortie de "L'enquête corse" et l'auteur se demandait avec un brin d'inquiétude quel sort allait lui être réservé sur place.

Voici ce que j'avais écrit le 23 avril 2001


Conviviales et passionnantes, les Huitièmes Rencontres BD viennent de se dérouler à Bastia, en Corse.


Un festival intelligent qui respire la bonne humeur.



Prenez une île, pas très grande, la Corse. Là, une petite ville, Bastia. Et là encore, une toute petite bonne femme, Dominique Mattei. Epaulée par un quatuor féminin, et soutenue par une solide équipe de bénévoles, elle organise - entre autres activités culturelles - les Rencontres BD de Bastia.

Les huitièmes du nom se sont déroulées début avril et ont vu se déplacer sur l'île de Beauté une belle brochette d'illustrateurs. Des ténors de la "vieille" génération BD, les Fred, Pétillon, Willem, Wolinski, etc., ceux de la "nouvelle", Blain, Boucq, Douzou, Gerner, Guibert, Rochette, Schuiten, Sfar, Stassen... sans oublier la jeune Marjane Satrapi. Rien que du beau monde qui encadrait Claude Ponti, un des meilleurs créateurs de livres pour enfants ("Adèle", "L'arbre sans fin", "Blaise" et autres poussins...).

Une telle affiche pouvait augurer d'un salon mondain, parlant haut, parlant bien. Eh bien, pas du tout. Si les conversations ont été sonores, c'est qu'elles étaient passionnées. Le vin corse n'explique pas seul la qualité des échanges. "Les Rencontres sont nées d'un travail de fond que nous avons fait sur le livre de jeunesse", explique Dominique Mattei. "Georges Lemoine s'est rendu à Bastia, Michel Gay, May Angeli, Michelle Daufresne... On a dû recevoir une bonne quinzaine d'auteurs ou illustrateurs jeunesse sur quatre-cinq ans, dans le cadre d'ateliers suivis d'expositions. Une année, on a invité des auteurs jeunesse et des dessinateurs de bande dessinée. C'était passionnant. On a aussi senti qu'il se passait des choses au niveau du public. On a poursuivi dans cette voie."

Comment se choisissent les invités? "Nous avons soit des hypothèses de travail, par exemple vérifier si des choses se mettent en place au niveau européen, soit des intuitions: les "Géographies imaginaires" nous trottaient en tête depuis deux ou trois ans. Ou bien nous avons envie de travailler sur la production de tel ou tel auteur parce que nous estimons que le public le rencontrera avec plaisir et avec bonheur."

Chaleur, simplicité, justesse, tel est le credo des souriantes rencontres bastiaises. L'attention et l'enthousiasme pour les créateurs de BD et d'images sont omniprésents. Entre rencontres informelles, débats percutants, séances de dédicaces bon enfant, on découvre les dix expositions montées pour l'occasion dans le curieux centre culturel Una Volta: posé sur la roche, il empile les étages et en réserve les surprises aux visiteurs.

En bas, les expos de Claude Ponti (150 magnifiques originaux retraçant sa bibliographie) et Jean-Marc Rochette, plus haut les planches donnant le "parti d'en rire" qu'ont pris Brétécher, Pétillon, Wuillemin, Willem, Wolinski et Batti, ou célébrant les 20 ans de Luc Leroi, héros de Jean-Claude Denis. Un petit détour par les exercices sur "Boîtes d'allumettes" qu'ont tentés huit artistes sous la houlette d'Olivier Douzou. Encore plus haut, d'autres grands de la BD livrent leurs carnets de voyage tandis que Yoann présente ses "petits animaux d'Australie". En majesté et en beauté, tout au sommet du bâtiment, une épatante scénographie de l'atelier Lucie Lom explore les "Géographies imaginaires": un géant au visage scarifié est couché sur une mer mouvante illustrée de symboles. Bercé par ce gisant muet, le regard se pose alors sur des planches d'ancêtres comme "Little Nemo" ou de leurs descendants, Pratt, Schuiten...

Cette abondance de victuailles culturelles est avidement gobée par des visiteurs enthousiastes et ravis (plus de 9.000 personnes en 2001). Ils circulent entre les cimaises, profitent des explications données par les hôtesses, guettent les illustrateurs et leurs généreuses dédicaces et regardent sans plus s'arrêter.

Cette échelle si humaine pour des rencontres culturelles de haute envergure laisse rêveur.

De bulles en bulles...


  • Les projets de Posy (Simmonds) . Bonne surprise de retrouver Posy Simmonds, empêchée de venir à la Foire du livre de Bruxelles. Dessinatrice de presse pour le "Guardian", auteur pour enfants ("Mariage en chocolat" notamment) et pour adultes (le superbe "Gemma"), la Britannique a plusieurs projets: pour les petits, "Lavande", le lapin le plus courageux du monde et, pour les grands, une histoire de rouge à lèvres!
  • 24 heures d'angoisse. Inquiétude pour les organisateurs: Schuiten avait envoyé ses originaux, ils n'arrivaient pas. Et pour cause! Si Bastia apparaissait sur l'enveloppe, nulle trace du mot Corsica. C'est donc à Bastia Italia que les précieuses planches ont été acheminées avant de revenir en France.
  • Le retour de Yoann. Yoann, Yoann, les enfants hèlent le créateur de "Toto l'ornithorynque", traduit dans huit pays (Allemagne, Italie, Portugal, Chine, Corée, Turquie... mais pas l'Australie). Serait-il si connu en Corse? Sans doute. Surtout, il y est venu en décembre pour des animations scolaires. Les enfants retrouvaient "leur" dessinateur. Cet ancien éleveur d'oiseaux, de hérissons, de serpents a été séduit par l'extraordinaire faune australienne. A tel point qu'un nouvel animal et une nouvelle légende apparaissent à chaque album de Toto. Mais on n'y a pas encore vu de kangourou.
  • Pétillon. Les 450 exemplaires de "L'enquête corse" de Pétillon se sont vendus comme des petits pains. Et ont été dédicacés par l'auteur, comme bien d'autres titres à lui... Dire que certains avaient craint que Pétillon ne soit snobé par les habitants, capables de dédaigner ceux qui se mêlent de leurs affaires!
  • Pétillon (bis). Il n'avait pas envie de quitter la Corse, l'ami Pétillon. Son retour avait donc été retardé. Mais, acte manqué?, il a failli louper le dernier vol pour le continent. Et c'est par une échelle posée sur la carlingue qu'il est entré, à la dernière minute, dans le dernier avion!


La seconde fois, c'est donc aussi à Bastia en 2006, comme je l'avais relaté ici.

Un dessin de Kroll pour les Rencontres BD de 2006.




samedi 29 septembre 2018

"L'émouvance des émouvants", un nouveau courant artistique né en Tunisie

L'émouvance des émouvants - Sadika Keskes.

Durant l'été 2018, un nouveau mouvement dans l'art contemporain a germé en Tunisie sous la houlette de l'artiste Sadika Keskes, épaulée par ses pairs, Houda Ghorbel, Wadi Mhiri, Mouna Jemal Siala et par Neïla Mhiri, responsable du département droit des arts. Fin septembre, ce nouveau courant artistique est officiellement né. Il se nomme "L'émouvance des émouvants". Voici son texte fondateur, présentant les tenants et les aboutissants de cette nouvelle forme de représentation artistique.

Il a été cosigné par 150 artistes dont, pour ceux que j'ai déjà eu le plaisir de croiser Hélé Béji, Rochdi Belgasmi, Hatem Bourial, Mahmoud Chalbi, Richard Conte, Riadh Fehri, Gérard Haddad, Achraf Hammouda, Fatma Kammoun, Jean-Claude Villain, Selim Zarrouki, Fawzia Zouari (liste complète ci-dessous).
Et je ne suis pas peu fière de figurer également parmi les signataires.
C'est un peu complexe mais a la mérite de poser clairement les enjeux de l'art contemporain et d'apporter des éléments de réponse et de réflexion.


De l'apologie du beau à l'éloge de l'émotion

dans l'art du contemporain


Tunis, le samedi 22 Septembre 2018,

13 juillet 2018, Espace Sadika, Côte de Carthage. Eclosion d'un geste, en mouvance, dans l'histoire de l'art en Afrique. Manifestement, les faits têtus et l'époque singulière en témoignent. Dorénavant, c'est ainsi, l'art contemporain devra composer avec cette influence artistique, présence en éveil, jaillissant de la terre ocre des origines et vers le monde. De cette douce argile matricielle, notre parcours et notre vision de l'art au contemporain s'emparent de la chance de l'éclat, entre proportions magiques, symphonie des arômes et volumes aériens. Notre souvenir le plus lointain: la beauté. Non pas celle classique et immuable, mais celle liée à l'artistique ainsi qu'à la genèse et à la vie intérieure de l'œuvre elle-même. Fallait-il en parler.

Aussi indéfinissable que son contraire, l'absence du beau, au-dedans, empêche de batifoler à quatre pattes sur un tapis. Et, alors, d'ancrer le saisissement qui en émane, sur ce sol en relief coloré de notre enfance. En harmonie avec ce soleil au vent chaud, de la tradition du Kilim à la céramique chez les Chemla, en passant par les motifs Bogolans, l'art africain aux origines tenaces a ses touches et ses notes inspirées. Et puis, du geste au souffle, jusqu'au rythme, il y a eu cette verve délicate de la
plume. En effet, nous avons bu la "Plaidoirie d'un renouveau en mouvement: Des frontières de l'art dit "contemporain" à son dépassement." (lire ici)

Pour le moins, nous avons été touchés par ces sept pages fulgurantes, article de fond visionnaire, de Me Mohamed Benkhalifa, politologue, avocat international et coach certifié. Ce prodrome attise et ranime, de plus belle, notre émotion créatrice sensible à l'écoulement du temps et au mouvement dans l'espace. Aussi, sommes-nous de ces artistes "en émouvance", comme Mohamed Benkhalifa - féru du Japon de Watsuji Tetsurō et d'Augustin Berque - aime à le dire, avec raffinement, en nous qualifiant, taquinerie bienveillante en filigrane, d'"émouvants qui, de concert, à même fréquence, sont et font émotion", qui, à la fois, en créant, puis en exposant l'œuvre se laissent en proie à l'émoi, agiles à s'émouvoir, en soi, pour créer, puis, adroits à émouvoir, émeuvent, par le créé, l'autre, les autres, au pouvoir potentiel de création. Ainsi, dans ses mots-étincelles, sommes-nous ces "émouvants" qui "ont à conquérir le monde dans sa chair" qui "n'acquiescent pas à l'expulsion du sens [et qui] osent la question du devenir de l'être, tel un Parménide d'Elée" et qui, "légers, à fleur d'eau comme l'écume [...] sont paisiblement déterminés à s'échouer sur la falaise du paradigme friable". Détaché de ce paradigme sans s'y attarder, le regard sublimé de Benkhalifa perçoit l'image comme "une surface sonore à l'onde saisissant sa profondeur", qu'elle soit cliché ou réalité, et discerne le quadrilatère du tapis, comme "un morceau de couleur", au delà de n'être qu'une simple ou pure forme. Dès lors, héritiers de cette couleur sonore, nous renouvelons nos vœux artistiques et relevons le défi. Alors, cher Mohamed, chiche! Nous nous définissons, bien volontiers, comme l'"Emouvance des émouvants".

Et, entre autres, nous avons comme référence ce film poignant "Par où commencer?", utilisant un alphabet de magie créatrice, pour énoncer et offrir, de Nacer Khémir, conteur, écrivain et réalisateur de grand talent affirmant, que "l'utopie, ce n'est pas l'irréalisable, mais l'irréalisé" et qui cite dans son film un Hadith: "Dieu est beau et il aime la beauté", tout en soulignant qu'ici, au berceau de l'humanité, "pour survivre, il faut ré-enchanter le monde en deuil d'enchantement". Cette survie repose sur sa vision stimulante ayant pour projet "une civilisation hospitalière ouverte sur le monde". Maître d'image, Khémir, comme Deleuze, comme nous, comme le prix Nobel Beckett, confirme que "ce qui comte dans l'image, ce n'est pas le pauvre contenu, mais la folle à l'énergie captée prête à éclater". Cette folie à l'énergie captée est tirée de notre puits d'inspiration, à l'eau artistique qui n'a pas fini de sourdre.

Persuadés que, dans l'art contemporain labellisé, l'oubli de l'être et l'abandon, voire le bannissement de la beauté, même celle extraite de la laideur ou encore la récusation de l'exclamation du simple "c'est beau!" pour qualifier une œuvre du contemporain, sont des réalités froides, en déréliction, de la contemporanéité. Benkhalifa et Khémir, deux penseurs d'influence, sur la même longueur d'ondes, à nos yeux poètes lucides, interpellent notre conscience qui interroge.

L'art, dans son geste premier, ne réside-t-il pas dans une éthique de la responsabilité vis-à-vis des générations naissantes et futures? Face à son miroir aux mille et un imaginaires, quelle image éthique l'artiste renvoie t-il dans l'œuvre qu'il offre aux sens d'autrui? Serait-il un organe vital dans ce corps social en ces Temps hypermodernes, au point d'en devenir sa source d'inspiration et son essence? Qu'en est-il du beau et de l'émotion dans l'art au contemporain?

De prime abord, tel l'élixir obtenu par une solution cathartique, il s'agit, d'emblée, de donner accès aux forces libératrices des fragrances de l'art et de passer du dire au faire, dans un milieu en symbiose avec l'atmosphère sociétale. Pourvu que l'avoir ne disloque point l'être, avec ou sans avoirs.

Ainsi, l'avoir-sans-l'être ne saurait nourrir et faire sourire le corps de cette certaine saveur de l'art au contemporain qui nous anime. Reste à raffiner son palais dont il n'est plus à douter qu'il émettra alors des résonances aux phonèmes arborants, de noèse en noème, de nouveaux langages. Ceux-ci ne reproduisant pas, ils rendent lisible et actionnent le mystère de l'émotion qui meut, à son tour, l'alpha et l'oméga de l'imaginaire créatif, mouvement vertueux sujet à faire acte de création.

Lumière en couleurs, parfois baumes, souvent parfums, l'œuvre est la sève qui stimule les profondeurs et émeut les fors intérieurs, prompts à vagabonder dans les clairières riches de tous les possibles, de toutes les émotions, comme lieux des vulnérabilités qui ne craignent pas le mot amour. Partant de l'ontologie d'Heidegger et davantage en proximité avec l'éthique de Levinas, nous croyons que "seul un moi vulnérable peut aimer autrui". Aussi définissons-nous l'œuvre d'art comme une puissante énergie qui fait monde à même de sauver l'acte de création du solipsisme. Loin du fatalisme, de la vérité absolutiste et des obscurs du mortifère, ce monde répond aux murmures du vivant et à la transcendance de ce qui nous enveloppe, en se livrant à l'expérience des échappées altruistes, au risque des encontres qui déroutent les certitudes à bascule et, plus en avant, qui initient aux vertus du vivre ensemble en paix.

22 juillet 2018. Marche allégorique solidaire et poétique aux frontières du Maghreb fraternel, pour la levée des barrières brutes, au-delà du limes de l'art contemporain officialisé.

15 août 2018. L'imaginaire prend place à la Galerie Alain Nadaud, toujours à Gammarth. Parmi la cinquantaine de convives, se trouve présent, hors du temps, Paul Klee, ce maître-peintre ayant absorbé l'énergie de l'art du tapis tunisien. Son œuvre nous transporte dans son interprétation picturale perméable à la légèreté de l'être. Le monde des Arts de ce côté-ci de notre Mère Méditerranée, fait partie des hôtes. Les femmes en sont l'écrin. A l'envers du temps, tissage et métissage chevillés au corps, elles entrelacent inlassablement. Faiseuses de liens, elles agissent, avec la justesse de la trame, dans un continent propice à l'extase du renouveau. Aussi, à l'instar de ces déesses tisserandes, il est à rajouter à notre siècle le fil de laine tiré de la toison, présage annonciateur du grain de beauté qui manque au tapis de l'art contemporain. Tel Simonide de Céos, nous savons que le derme de cette toison est de pourpre et, au demeurant, pour nous autres, il se destine à l'incarnat rougissant sous l'effet de l'émotion spontanée, issue de l'entropie du nucléus; et comme ce poète lyrique, nous serons parmi les premiers à chanter les êtres et non les héros ou les dieux, avec nos épinicies mêlées de la sensualité du vrai. Celle-ci trouve ses tons dans l'impératif de la réappropriation contemporaine de la candeur du spectre esthétique.

L'art contemporain, sa définition, son utilisation, son rôle et ses limites occupent la place depuis 1945. Amorcé par des artistes d'alors, ces derniers ressentirent un foisonnement légitime et incontesté, et le besoin de poursuivre et d'innover, face à un quotidien d'une époque imprégnée par la négation de l'autre, dans une guerre qui aura brandi l'étendard de l'innommable crime contre l'humanité. Des opéras de Richard Wagner impuissants à humaniser, à une culture de la guerre froide et ses blocs qui eurent la peau dure, la tonalité du monde a changé. Bientôt 80 ans après la mort de Paul Klee, voyant les belles heures de l'art moderne décliner et annonçant l'avènement de l'art contemporain, l'accessibilité à la vigueur de l'art aux quatre coins de l'Afrique réside, aujourd'hui, dans le fait de renouer avec nos racines, pour s'élever vers la cime de l'universel.

Cependant, ce retour vers la source patrimoniale doit s'impliquer là où persiste une double fracture ouverte dans l'os de l'art contemporain de bon goût, en ayant en mémoire que Marcel Duchamp nous annonçait déjà que "le grand ennemi de l'art, c'est le bon goût" et, de surcroît, que "l'art est une chose beaucoup plus profonde que le goût d'une époque". La première fêlure réside entre l'œuvre se voulant émoi et entre la perception du public se voulant à émouvoir. Dans la fluidité d'un enrichissement mutuel, la seconde se loge entre le processus du duo création-imaginaire et entre la contribution de ce même imaginaire à faire société et, in fine, à bâtir une civilisation de l'authentique liberté.

Le souffle qui inspire notre approche du beau caresse le monde des éphémères dans son esthétique et sa poïétique. En outre et au-delà de l'effleurement, notre préoccupation artistique va des fibres du collagène côtoyant la chair de poule à la cellule intime hypodermique, là où réside un trésor caché dont il reste à exploiter le précieux gisement d'émotions crues. Certes, "Je pense donc je suis", mais comme Nietzsche, notre instinct se souvient que c'est le corps qui pense.

Aussi, bien encore dans notre temps qui se targue de la célérité et des mérites de la métamorphose, l'art a-t-il vocation à ouvrir la porte du miracle qu'est le rêve, de l'illisible au perceptible. Par ailleurs, l'émotion est origine et destination de la créativité, de l'enfant apprenant au sage parachevant, du premier cri à la naissance, jusqu'à la dernière larme de l'agonie des derniers instants. De la créativité foisonnante à la création effective, l'art est aussi à se vouer à l'être, alors même que l'émotion pointe.

La beauté est dévotion à l'œuvre d'émotion. Dans l'art, les courants aussi bien que les mouvements naissent, meurent, renaissent et s'éteignent, derechef, en imprégnant l'histoire de leurs expressions, formes et couleurs, en ne cessant, pour autant, de persister dans la course perpétuelle, entre naissance, apogée et fin d'une période artistique. Depuis les maniéristes jusqu'à l'art contemporain, la création artistique nous enseigne comme l'antique Epictète que "Raisin vert, raisin mur, raisin sec, tout est changement, non pour ne plus être mais pour devenir ce qui n'est pas encore". Animés par la praxis de la subtilité des nuances, nous avons la ferme volonté de contribuer à l'effort immémorial de l'art des lueurs, sans jamais nier le mérite des crépuscules et le clair-obscur fécond. Comme Paul Klee qui écrira, dans son journal, sur le geste artistique, en l'occurrence le dessin, qui "est si foncièrement différent de l'usage que l'on fait du ton et de la couleur", nous spéculons, qu'à propos, l'on pourrait "bien fort exercer cet art dans l'obscurité, dans la nuit la plus ténébreuse".

La lumière aime à danser, avec intensité, au rythme des longs cycles de l'histoire de l'art; du suranné à l'inédit. Nos doigts déjà humectés, par la salive de la responsabilité, adhérent, d'ores et déjà, à la page qui n'attend que de se tourner, pour écrire le renouveau en mouvement. Il en sera dit plus encore, hors de nous-mêmes, quand l'imminent adviendra, non comme une agitation, mais dans la dimension du surprenant conquérant, dans l'instant, son espace-temps improbable. Le cordon qui lie l'être et le beau est fait d'émotion, "relais du soleil". Chaque nouvelle lune apporte son reflet irradiant. La prochaine est dans les aspirations de tous les mortels, communs dans leurs chairs à vif; et ce, face à un certain art contemporain sur la défensive et accablé par sa respiration post-conceptuelle de l'entre-deux, en fin d'équilibre. Aussi, au risque de perdre son pourpre, il est à oser le rouge-sang de vie dans l'Afrique des Arts. Cette partie capitale de la planète, entre créativité en ébullition et charisme en suspens, est pourtant prête à magnifier l'inaccompli, celui de René Char qui "bourdonne d'essentiel". Affriolés par ce poète de la lucidité, notre intuition artistique au ventre, habités par la conviction que l'émotion est matière, nous aspirons à vivre et à faire vivre à nos semblables l'expérience du Bien-être "d'avoir entre scintiller la matière-émotion instantanément reine".

Originaires nés, destinataires adoptés ou encore acteurs de la prospérité et du rayonnement de l'Afrique, nous, membres de la famille des arts africains, d'ici et d'ailleurs, sommes convaincus que l'art ravit et délivre, par poussées intuitives entre évasions, pulsations, flux et reflux, quand l'être, la vie des autres, la nôtre comprise, contournent l'avilissement des sens. Cette histoire de l'Afrique des Arts, née ici en nos terres, vouée à "ré-enchanter" le monde, legs précieux s'il en est, siège en nos entrailles opiniâtres. Éloigné du poncif, le meilleur est là. Le pire est de mourir vivant sans l'ardeur qui saisit et étreint le bien-fondé de la beauté. De l'ontologique à l'éthique, dans sa marche  impassible, la créativité qui s'embrase, avec le désir-feu, de l'apologie du beau à l'éloge de l'émotion se veut assurément une artère sensitive à irriguer en plein cœur.


De Sadika Keskes, artiste-souffleuse de verre

et Neïla Mhiri, responsable du département droit des arts, Houda Ghorbel, artiste-plasticienne, Wadi Mhiri, artiste-scénographe, Mouna Jemal Siala, artiste visuelle

et par ordre alphabétique, les signataires suivants:
Lynda Abdellatif, artiste plasticienne, Hédia Abdelkefi, professeur des universités à Tunis El Manar, littéraire, Khaled Abida, artiste plasticien, Jaleleddine Abidi, acteur culturel, Pierre Agostini, vice-président du Conseil économique, social-culturel et environnemental de Corse, président de l'association Cantu in Paghjella, Meriem Ait El Hara, artiste plasticienne, Houda Ajili, artiste-peintre, Alihossi Ggbenohin Alofan, artiste plasticienne, Opa Amadou, artiste plasticien, Rachida Amara, artiste-graveur, Hachemi Ameur, artiste plasticien, miniaturiste et enlumineur, Marie-José Armandoartiste plasticienne, Sarra Attia, artiste plasticienne, Florence Aubain, artiste plasticienne, Abdeslem Azdem, artiste plasticien, Yosri Bahrini, artiste sculpteur, Sami Bchir, artiste-peintre, Helé Béji, écrivain, Ghada Belabed, artisteplasticienne, Rochdi Belgasmi, artiste chorégraphe, Aida Bel Hadj Slimane, designer, Noutayel Belkadhi, artiste plasticien, Sami Ben Ameur, artiste plasticien, Ikram Ben Brahim, artiste plasticienne, Salah Benjkan, artiste plasticien, Hichem Benkhélifa, artiste photographe, vidéaste, Farah Ben Mansour, artiste plasticienne, Hamadi Bennya, artiste sculpteur, Liliya Ben Romdhane, artiste performeuse, Sanaa Bensaid, artiste-peintre, Mohamed Ben Soltane, artiste plasticien, Estrella Besada, traductrice, Sonia Ben Slimane Besada, artiste plasticienne, Brigitte Bollé, co-directrice de la Foire d'art contemporain et de design de Paris, Myriam Errais Borges, critique d'art, Houari Bouchenak, photographe, Alexandra Boucherifi, artiste plasticienne, chercheur, Mahmoud Bouchiba, artiste plasticien, Ines Boudidah, artiste plasticienne, chercheur, Mohamed Boudjimar, chef d’entreprise, acteur culture, Hédia Bouhjila, artiste-peintre, Yosra Bouhouche, designer, Noureddine Boumaaza, artiste plasticien, Kenza Bourennane, artiste plasticienne, Hatem Bourialjournaliste, Ahlem Boussandel, artiste-peintre, George Camille, artiste plasticien, Marianne Catzaras, artiste photographe, Lucie Cauwe, journaliste, Mahmoud Chalbi, artiste photographe, poète, Samia Kassab Charfi, professeur des universités à Tunis, littéraire, écrivain, Belhassen Chtioui, artiste graphique, Guy Cloutier, écrivain poète, Richard Conte, artiste plasticien, professeur des universités à Paris 1 et au CNAM, Meriem Dachraoui, artiste expressionniste, Paul Da Costa, artiste plasticien, Kaouther Darghouth, artiste-peintre, Saïd Debladji, Enseignant des arts à l'université de Mostaganem, artiste plasticien, Alia Derouiche, artiste graphiste, Gabriel Depascale, artiste plasticien, Agnès de Puymege, acteur culturel, Gérard de Puymege, écrivain, Khalifa Ababacar Dieng, artiste-scénographe, Jean-Baptiste Djeka, artiste plasticien, Ali Djerbi, architecte, artiste photographe, Nesrine El Amine, commissaire d'exposition, artiste visuelle, Bilel El Mekki, artiste plasticien, Riadh Fehri, musicien compositeur, Jean Michel Fickinger, photographe, Bernard Filippi, artiste plasticien, Mouna Fradi, artiste plasticienne, Ariel Français, écrivain, Sabah Garani, acteur culturel, Clément Gbegno, artiste plasticien, Taher Ghalia, archéologue, Aymen Gharbi, co-fondateur du festival Interférence de Tunis, curateur et architecte, Amor Ghdamsi, artiste plasticien, critique d'art, Michel Gilberti, artiste-peintre, photographe, Nomen Gmach, artiste plasticien, photographe, Hama Goro, acteur culturel, Antoine Graziani, poète, Françoise Graziani, professeur des universités en Corse, littéraire, directrice de la chaire Paul Valéry, Mehdi Hachid, artiste visuel, Gérard Haddad, psychanalyste, écrivain, Adnene Hadj Sassi, artiste-peintre, Amyra Hammamy, artiste plasticienne visuelle, Achraf Hammouda, artiste chorégraphe, Mourad Harbaoui, artiste-peintre, Besma Hlel, artiste plasticienne, Khoubeib Jellouli, artiste chorégraphe, Fatma Kammoun, artiste plasticienne, Selima Karoui, artiste visuelle, Mohamed Kchaou, artiste sculpteur, Awatef Khadraoui, maître assistante à l'Université de Monastir, critique d'art, Lyes Khelifati, galeriste, Mehdi Kriaa, artiste plasticien, Lazhari Labter, journaliste, poète et éditeur, Chawki Lahmar, artiste architecte, Héla Lamine, artiste plasticienne, Jean Lancri, artiste-plasticien, critique d'art, Mychèle Leca, Dany Leriche, artiste plasticienne, acteur culturel, Atef Maatallah, artiste plasticien, Brigitte Manoukian, artiste photographe, Jamel Matari, artiste designer, photographe, Karim Mazouz, banquier, Jenny Mbaye, maître de conférences en culture et industries créatives à Londres, Jean Jacques Mbiya, artiste-plasticien, Djamel Meskache,  commissaire d'exposition, enseignant et éditeur, Jneïna Messaoudi, artiste plasticienne, Ismahan Mezouar, artiste peintre, Adel Mhadhebi, designer, Samira Missaoui, artiste tapissière, Helen Modini, mécène, Moez Mrabet, acteur culturel, Amira Mtimet, artiste plasticienne, Mustapha Nedjai, artiste plasticien, Brayek Neffati, artiste plasticien, Abdias Ngateu, artiste plasticien, Valentina Ghanem Pavlovskaya, artiste plasticienne, Refka Payssan, artiste multimédia, bloggeuse et journaliste, Clara Puente, artiste plasticienne, Fatma Ressaissi, assistante à l'université de Monastir, Wafa Rezg, artiste plasticienne, Leila Rokbani, artiste plasticienne, Faten Rouissi, artiste plasticienne, Faouzia Sahly, agent d'art, Sonia Said, artiste plasticienne, Sana Braham Sanhaji, artiste plasticienne, Michela Margherita Sarti, artiste plasticienne, Zohra Hachid Sellal, artiste plasticienne, Leila Selmaoui, artiste-peintre, Karim Sergoua, artiste plasticien, performeur et scénographe, Leila Shili, artiste-peintre, Syrine Siala, architecte, acteur culturel, Othman Taleb, artiste plasticien, Sana Tamzini, artiste plasticienne, Hélène Tissières, critique d'art, Marwen Trabelsi, artiste photographe, vidéaste, Olfa Trabelsi, designer, Nathalie Trembla, pianiste, Samir Triki, artiste plasticien, Joseph L. Underwood, professeur des universités à Kent, historien d'art, Indrasen Vencatachellum, acteur culturel, Jean-Claude Villain, écrvain, critique d'art, Kamel Yahiaoui, artiste plasticien, Majed Zalila, artiste plasticien, Sélim Zarrouki, auteur-illustrateur, Ahmed Zelfani, artiste plasticien, Faouzia Zouari, écrivain, Nadia Zouari, artiste plasticienne, Zied Zouariartiste-musicien.



vendredi 28 septembre 2018

L'été de tous les (im)possibles d'Antoine

Mathieu Pierloot. (c) Julien Lambrechts.

Le roman pour ados contemporain, cette "terra incognita" à propos de laquelle les meilleurs spécialistes mondiaux s'interrogent pour en trouver le chemin d'accès. Comme s'il y avait des recettes! Alors qu'il suffit d'écrire juste. C'est ce que le Belge Mathieu Pierloot a fait avec son excellent "Summer Kids" (l'école des loisirs, Médium, 158 pages). Un roman pour ados moderne, mêlant playlists et textos, sur le sujet éternel de l'amour. Une écriture exigeante et en même temps régalante.

Les "Summer Kids", ce sont Antoine, le narrateur, Mehdi et Alice, trio d'inséparables devenue quatuor avec l'arrivée en classe, dix ans plus tôt, d'une nouvelle, Hannah. Hannah avec qui Antoine vient de rompre après 423 jours de relation amoureuse. Le "Summer" est celui qui se présente quand le bac est en poche, les études secondaires terminées, et qu'il s'agit pour ces grands ados, ces pas encore adultes, de trouver dans quelle voie supérieure ils vont s'orienter. Les choses sont encore plus compliquées pour le narrateur, confronté également au nouveau compagnon de sa mère, plutôt dans le genre new age, aux absences répétées de cette dernière, à l'adolescence de son petit frère, à l'invisibilité de son père, et, surtout, à ce chagrin d'amour qui le terrasse et à ses piètres tentatives d'en sortir par l'alcool ou des sorties tumultueuses. Sans compter ce petit boulot d'été qu'il a pris dans une maison de retraite et qui va le cogner à l'univers de la vieillesse. Un texte dont l'écriture a été accompagnée par l'album "Post-Everything" de Sylvain Chauveau, en dit l'auteur, enseignant et scénariste par ailleurs.

Pour Mathieu, cet été-là, ce n'est ni "Sea, sex and sun" ni "Sea, sex and rock'n roll". Ce sera un été de tous les possibles dont les épisodes s'enchaînent, au fil des dialogues, des rencontres du narrateur avec de merveilleux personnages secondaires et des événements pas toujours attendus. Amour, chagrin, angoisses, questionnements, résistance, rien de vraiment révolutionnaire sous le soleil, sauf l'écriture Pierloot, fine, dynamique, lumineuse, proche des personnages, avec un sens impeccable de la formule et de l'ellipse, qui élève ce roman pour ados, à mille lieues de toute caricature, loin au-dessus des autres. Jusqu'aux bienvenues notes d'espoir en finale.

Compléments

Le roman mentionne plusieurs chansons et morceaux qu'il est possible d'écouter sur Spotify ici, ici et ici.

"Summer Kids" reprend sans le mentionner les personnages d'"En grève" paru en 2016 dans la même collection. Alors qu'il n'est absolument pas nécessaire d'avoir lu le premier pour apprécier le second. Un second qui pourrait devenir deuxième puisque Mathieu Pierloot a en tête un troisième épisode.


mercredi 26 septembre 2018

Claire Schvartz, Révélation Livre Jeunesse 2018

Claire Schvartz.

En septembre, on apprenait la création de la Révélation Livre Jeunesse (lire ici), un partenariat ADAGP-Charte des auteurs et illustrateurs jeunesse.

Hé bien, c'est Claire Schvartz, née à Rennes (Bretagne) en 1984, qui en est la première lauréate. Graphiste et illustratrice, elle est l'auteur de l'album "Le gravillon de pavillon qui voulait voir la mer" (Les fourmis rouges, 2017).

Elle recevra donc une dotation de l'ADAGP de 5.000 euros et bénéficiera d'un portrait filmé et diffusé sur le site d'Arte.

Félicitations à elle et à sa maison d'édition.





Les premières pages du "Gravillon..." (c) Les fourmis rouges.



Annulation de la matinée de rencontres prévue le 2 octobre autour de "La Petite Fureur"

DERNIÈRE MINUTE! 
Suite à l'annonce des perturbations dans les transports publics et des mouvements de grève prévus pour le mardi 2 octobre en Belgique, le Wolf a pris la décision d'annuler les rencontres prévues le matin du 2 octobre dans le cadre de "La Petite Fureur".
D'autres rencontres seront organisées le vendredi 12 octobre de 10h30 à 12h30. Leur programme sera annoncé prochainement.



"La Petite Fureur", c'est ce concours littéraire de la Fédération Wallonie-Bruxelles qui s'adresse aux enfants de 3 à 13 ans, en déclinaison de l'opération "La fureur de lire". Depuis presque vingt ans, "La Petite Fureur" (de lire) leur présente douze titres de livres, dus à des auteurs, des illustrateurs, des traducteurs de la Communauté française.

"La Petite Fureur" propose aux jeunes lecteurs de choisir jusqu'au 1er mars 2019 un des douze livres sélectionnés et d'en prolonger la lecture par un dessin, un collage, une poésie, une chanson, une adaptation théâtrale... Tout est permis sauf les réalisations en 3D. Et on constate avec plaisir que 5.000 enfants participent chaque année à ce concours. Inscription en ligne obligatoire, plus d'infos ici.



Si les titres sont choisis pour 2018 (à noter que les catégories d'âge ne sont qu'indicatives), une matinée de présentation "live" du concours est organisée au Wolf le mardi 2 octobre prochain, de 10h30 à 12h30.
Et plusieurs auteurs de la dix-neuvième édition seront présents: Anne Brouillard, Marie Hooghe. Anaïs Lambert, Maurice Lomré, Rascal, Elis Wilk. 
Quelques classes seront également accueillies pour des rencontres (gratuit/sur inscription ici)
Entrée libre. Réservation souhaitée : info@lewolf.be

La sélection 2018

Catégorie 3-5 ans

"Ma famille verte"
Thomas Lavachery
l'école des loisirs/Pastel, lire ici

"Chemin"
Anne Brugni
L'Articho

"Pas de géant"
Anaïs Lambert
Editions des Eléphants, lire ici

Catégorie 6-8 ans

"Poèmes pour mieux rêver ensemble"
Carl Norac (texte)
Géraldine Alibeu (illustrations)
Actes Sud Junior

"La forêt d'Alexandre"
Rascal
A pas de loups

"La grande forêt"
Anne Brouillard
l'école des loisirs/Pastel, lire ici

Catégorie 9-11 ans

"Stig & Tilde, L'île du disparu"
Max de Radiguès
Sarbacane

"Ma mamie en poévie"
François David (texte)
Élis Wilk (illustrations)
CotCotCot Editions

"Je te vois, et toi?"
Goeminne Siska (texte)
Alain Verster (illustrations)
Marie Hooghe (traduction)
Versant Sud

Catégorie 12-13 ans

"Spinder"
Simon Van der Geest (texte)
Maurice Lomré (traduction)
La Joie de lire

"Le tour de Belgique de Monsieur Iou"
Monsieur Iou
Rue de l’Échiquier / Le Grand Braquet

"Josette"
Martine Godart et Vincent Raoult
Lansman Editeur




mardi 25 septembre 2018

Un roman qui a du chien et des Barbie

Véronique Bergen. (c) A. Trellu.
Le temps, le temps, le temps, quel mur sur lequel l'humain butte inexorablement.
Le temps de lire évidemment, toujours trop court par rapport à la pile.


En haut de celle-ci, "Tous doivent être sauvés ou aucun", le nouveau roman de la Belge Véronique Bergen (ONLIT Editions, 265 pages). Surprenant, épatant, qui vous happe dès la première ligne, qui vous secoue comme une balle dans la gueule d'un berger allemand. Un roman mordant comme les chiens qu'il met en scène. Car oui, ce sont des chiens qui prennent la parole dans ce texte d'une richesse infinie, d'une virtuosité régalante. Et ces points de vue inversés sont formidables.

"Tous doivent être sauvés ou aucun" commence par le récit d'un chien, forcément abandonné par les humains dont il s'occupait. Devenu solitaire, devenu errant, passant la parole à d'autres narrateurs canins, Falco évoque les grands événements de l'Histoire à travers de célèbres congénères. D'abord, on a souvent oublié le rôle de tous ces toutous pas toujours traités comme ils le méritaient. Ensuite, on savoure les phrases qui se jouent des expressions où interviennent peu ou prou des canidés. Enfin, on découvre le point de vue des quatre-pattes sur nous, bipèdes occupant la planète. Quelle claque, quelle virtuosité!

En dénonciatrice de la folie humaine, on rencontre d'abord Laïka, victime de la conquête spatiale. Mais à la mode Bergen. Ce formidable texte, qui joue sur les mots, les sons, les situations (ah cette poupée Barbie) donne trop envie de dévorer le reste du livre afin d'éprouver les mêmes satisfactions littéraires. Mais le temps, le temps, le temps... De découvrir les destins des "riot dogs", ces chiens des insurrections grecques, de Blondi, le berger allemand d'Hitler, ceux des expéditions polaires, celui d'une tribu d'Indiens d'Amazonie, ceux de Marie-Antoinette... D'examiner ce miroir de notre futur qui nous glisse en douce: stop ou encore?

Véronique Bergen sera ce mardi 25 septembre à 19 heures à la librairie Tropismes (11 Galerie des Princes, 1000 Bruxelles). Elle s'entretiendra avec Sami El Hage, libraire.


lundi 24 septembre 2018

"Portées-portraits" avec Ariane Le Fort ce lundi

Ariane Le Fort.

Ce lundi 24 septembre, le remarquable cycle de soirées littéraires en musique Portées-Portraits, organisé par Geneviève Damas et sa compagnie Albertine, fait sa rentrée à  la Maison Autrique (1030 Bruxelles). Et c'est Ariane Le Fort qui l'inaugure avec son dernier roman en date, "Partir avant la fin" (Seuil, 174 pages).
Cette nouvelle saison est intitulée "Reculer les murs". Pour inviter chacun à sortir de ses zones de confort et à investiguer des territoires inconnus. Pour découvrir des auteurs contemporains le temps d'une lecture-spectacle, plusieurs fois par an. En effet, à "Portées-Portraits", des comédiens donnent à entendre des extraits de livres "coups de cœur", accompagnés par des musiciens. 

Ce lundi soir, "Partir avant la fin" d'Ariane Le Fort, sera lu par Véronique Biefnot dans une mise en voix d'Emmanuel Dekoninck, avec Olivier Colette au piano. La lecture-spectacle débutera à 20h15 (durée 1 heure 15) mais une rencontre avec l'auteure est organisée sur place à 19 heures. Un roman qui arrive cinq ans après le précédent, dans le tempo habituel de l'écrivaine née à Mons en 1960. Un roman sans gras comme écrit Ariane Le Fort.

"Partir avant la fin", c'est l'histoire d'une femme loin dans la cinquantaine qui vivote sa vie. Léonor a une sœur, Violette, et une mère fort âgée qui rêve d'en finir mais de belle façon. Elle a aussi une fille adulte qui vit sa vie d'adulte. Mais l'intrigue est ailleurs dans ce roman en deux parties qui portent les noms de deux hommes, Nils et Dan. Nils, l'homme que Léonor vient de rencontrer et pour qui elle éprouve une attirance d'ado, avec qui elle redécouvre le sexe et son corps, avec qui elle a un comportement d'amoureuse inquiète, sans savoir ce qui viendra ensuite. Dan, l'Américain qu'elle aime depuis quarante ans et qu'elle retrouve épisodiquement à New York la plupart du temps. Pas cette fois-ci, Dan et elle ont programmé un séjour de dix jours à Budapest. Oui, mais Nils?

Ce mauvais timing est également bousculé par l'état de la maman qui perd la mémoire autant que ses forces. Qui veut partir avant la fin. A moins que ce ne soit Léonor? Ariane Le Fort triture à sa façon, à la fois crue et sensible, drôle et triste, les paradoxes de la vie telle qu'on ne les prévoit pas. Un roman qui est une chanson douce qui résonnera à l'oreille de nombreuses femmes de 57 ans ou environ.

Romans d'Ariane Le Fort

  • 1989 "L'eau froide efface les rêves" (Editions Régine Desforges)
  • 1994 "Comment font les autres?" (Seuil)
  • 1999 "Rassurez-vous, tout le monde a peur" (Seuil)
  • 2003 "Beau-fils" (Seuil, prix Rossel)
  • 2010 "On ne va pas se quitter comme ça?" (Seuil)
  • 2013 "Avec plaisir, François" (Seuil)
  • 2018 "Partir avant la fin" (Seuil)



Pratique
Ce lundi 24 septembre
A la Maison Autrique, chaussée de Haecht, 266 à 1030 Bruxelles.
Rencontre avec l’auteur à 19 heures
Lecture-spectacle à 20h15
Prix des places: 8 € (permettant de visiter toute la maison)
Renseignements et réservation conseillée:
02/245.51.87 ou albertineasbl@gmail.com
www.compagniealbertine.be


dimanche 23 septembre 2018

Quelle heure est-il, Docteur Monde?

L'armée est consultée. (c) Editions Notari.

L'indignation est facile, l'action beaucoup moins. C'est ce que pointe avec un solide humour noir l'album jeunesse de l'artiste portugaise Catarina Sobral, publié en français, "Comment ça, il a renoncé?" (Editions Notari, 36 pages). Un grand format dont le graphisme fait penser à celui du duo hongrois Eva Janikovszky (1926-2003) pour les textes et Laszlo Réber (1920-2001) pour les illustrations (lire ici), avec ses petits bonshommes rigolos et colorés posés sur le papier.

L'heure est grave. (c) Editions Notari.
Bel aboutissement pour un album entamé il y a trois ans sur un coin de table dans un restaurant à Bologne! Car il est un appel vibrant à trouver des solutions par rapport à la nature qui se déglingue. Le texte évoque tout de suite, sur fond noir, "le jour où le monde a renoncé". Bouf, d'un coup, ce dernier a disparu, excellente allégorie. Plus de plantes, plus d'animaux, plus d'océans ni de continents. Il faut donc que les humains cherchent des solutions. Oui, mais où?

En autant de doubles pages aux fonds de différentes couleurs, l'artiste convoque successivement les politiciens, l'armée, les scientifiques aérospatiaux, les astronautes, les philosophes, les écologistes, les physiciens, les cuisiniers, les fabricants d'hologrammes, sans oublier le meilleur joueur de football du monde. Quelle solution proposent-ils? C'est un fameux brouhaha chaque fois entre les intervenants et l'occasion de remarquables commentaires de la part de ceux qui passent par là.

Constatations, et solutions? (c) Editions Notari.

Simples mais solidement campées, les images sont très intéressantes par leur composition qui juxtapose les orateurs ainsi que par leur sobriété aussi expressive que les dialogues entre les personnages. Les remarques et les réflexions valent le détour. Voilà le développement durable abordé de front dans ce qu'il a de plus alarmant. Mais des solutions seront esquissées en finale par la population après le rapport des spécialistes sur leurs diverses cogitations. Et le monde pourrait peut-être revenir. Une fable judicieuse pour ouvrir les yeux sur l'état de la planète dont le propos inquiet est tempéré par un humour omniprésent. A partir de 8 ans.






jeudi 20 septembre 2018

Le Petit Prince filmé à New York

La bande-annonce en anglais

Recevoir un mail personnalisé de New York, de la société The Creative Shake, cela n'arrive pas tous les jours. Voyons voir. Qu'apprenons-nous? Qu'un film tiré du "Petit Prince" de Saint-Ex' est en tournage à New York, avec des acteurs et dans des décors réels! Ce sera "La couleur du soleil", réalisé par Paola Sinisgalli. On trouve au générique du long-métrage le nom de Philippe Petit, artiste français habitant à New York aujourd'hui, célèbre pour ses performances aériennes. Pour le reste, le film semble se vouloir une adaptation contemporaine du classique entré dans le domaine public.

Une scène de "La couleur du soleil".


Je vous laisse découvrir le message new-yorkais, avec ses fautes d'orthographe, de traduction et son sens commercial.

"Cher Lucie,

Je me permets de vous contacter car je pense qu'il vous intéresserait de savoir qu'un long métrage intitulé "La Couleur du Soleil" sera tourné à New York, constituant ainsi la première adaptation cinématographique à prises de vues réelles du classique intemporel d'Antoine de Saint-Exupéry: "Le Petit Prince".

Ce roman de renom a été traduit dans plus de 300 langues et dialectes et a été vendu à près de 200 millions d'exemplaires dans le monde entier depuis sa publication - à New York - en 1943. En 2015, après plus de 75 ans de publication continue, le livre est entré dans le domaine public dans la plupart des pays du monde.

Inspiré du lieu de naissance de l'histoire, Paola Sinisgalli - créatrice, écrivaine et directrice - a entrepris son adaptation cinématographique. "La Couleur du Soleil", qui sera son premier projet de long-métrage, est une réinvention du conte, prenant la ville de New York comme toile de fond. La jungle urbaine se prête incroyablement bien au voyage du Prince; un melting pot de culture et de personnages serpentant dans cette métropole tentaculaire que ces derniers appellent leur maison.

Ce projet a déjà suscité l'’intérêt de plusieurs acteurs de talent, come Luis Guzmàn ("Le Conte de Montecristo", "Miami Vice", "Narcos"), Michael Imperioli ("Les Sopranos", "Les Affranchis", "Summer of Sam") et Philippe Petit ("Man on the Wire", "The Walk", "Mondo"). Guzman et Imperioli sont auditionnés pour les rôles du Roi Latin - un chef de mafia portoricain qui sera le premier à accueillir le Prince quand il arrive dans la ville - et l'homme d'affaires - un trader de Wall Street qui est en charge de la gestion des étoiles dans le ciel. Alors que ces deux rôles sont reconnaissables dans l’histoire originale, le personnage de Philippe Petit se base sur une illustration non publiée trouvée dans le manuscrit original, qui est à la librairie-musée de Pierpont Morgan à New York. En plus de ses talents d’acteur, Petit est connu dans le monde entier pour sa marche sur câble entre les Tours Jumelles en 1974. Sa participation au projet a d'autant plus de sens que son père, Edmond Petit, était aussi un pilote et a servi aux cotés d'Antoine de Saint-Exupéry pendant la deuxième guerre mondiale.

La réalisation de "La Couleur du Soleil" est rendue possible grâce à la passion du public et à leur généreux soutien financier. Vous pouvez retrouver le démarrage de sa campagne ici. Sur ce lien, vous trouverez toutes les informations nécessaires ainsi que des mises à jour exclusives. Le site internet du film est www.TheColorOfTheSunFilm.com.

Vous trouverez également certaines bandes annonces qui parcourent le monde :

https://www.youtube.com/watch?v=v0YYjpp_u1U (en français)

https://www.youtube.com/watch?v=MfDxfxj4zD0 (en anglais)

https://www.youtube.com/watch?v=W9z0NcVOm-0 (en anglais)

Tout comme l'histoire qui s'en est inspiré, le film n'est pas seulement pour les enfants ou pour les adultes, mais pour tous. "La Couleur du Soleil" va captiver le public en les embarquant dans un voyage inoubliable à travers les 5 quartiers de New York, avec des personnages remarquables.

La vision de Paola Sinisgalli promet de souffler un vent frais sur le célèbre conte en lui donnant une dose de modernité, tout en restant fidèle à l'intrigue et aux personnages originaux. Les thèmes centraux d'humanité, d'enfance et de la vie sont explorés avec créativité et confiance et nous rappellent d'apprécier les petites choses de la vie.

La ville de New York est instrumentalisée pour devenir le contexte idéal pour explorer ces thèmes. La solitude du Pilote, juxtaposée au capharnaüm de la ville, livre une vision aigre-douce de l'âge adulte et des choses insignifiantes dont nous remplissons nos journées. Le désert dans le livre original n'a pas tant une portée visuelle mais représente plutôt l'état émotionnel internalisé du protagoniste; un vide à remplir et enrichir alors qu'il rencontre un petit garçon mystérieux qui changera sa vie en lui révélant le véritable sens de la vie."


La version filmée de la dédicace.


mercredi 19 septembre 2018

Les générations estampillées VM orphelines

Reçu après l'exposition à Seed Factory en 2001.


Luc Van Malderen qui s'est éteint ce 14 septembre 2018 à l'âge de 88 ans a été un artiste exceptionnel. S'en rappelle-t-on assez? Ses gravures influencées par le monde industriel sont dans toutes les rétines. Luc Van Malderen (VM) fut un artiste original, graphiste, photographe, sémioticien (spécialiste de l'étude des signes, des symboles et de leur signification) et théoricien de l'image. S'il influença plusieurs générations de graphistes, les poussant à explorer le vocabulaire graphique, il révéla aussi de nombreux illustrateurs à eux-mêmes. Il fut en effet le directeur du département de communication visuelle de l'ENSAV La Cambre entre 1962 et 1994. Et ses élèves gardent des souvenirs émus du pédagogue passionné qu'il fut.

Luc Van Malderen

En octobre 2001, toutes générations confondues, 79 anciens étudiants de l'Atelier de communication graphique de La Cambre rendaient hommage à leur ancien prof et ami, Luc Van Malderen par une exposition présentée à Seed Factory (Auderghem, Bruxelles).

Voici ce que j'en avais écrit à l'époque.

"Combien de ses 2.400 "petits lapins", comme les appelle affectueusement Luc Van Malderen, sont-ils venus jeudi soir fêter leur ancien prof (32 ans de carrière)? Plus de 300 sûrement, serrés comme des sardines dans le superbe espace d'exposition de Seed Factory (une ancienne graineterie industrielle) mais bien décidés à rendre hommage au fondateur de l'Atelier de communication graphique de La Cambre. Et surtout à lui redire leur profonde amitié filiale.

Du beau monde, le gratin du graphisme et de l'illustration, curieux de découvrir l'exposition "Générations-vm". Sous ce pluriel et ces initiales énigmatiques se niche le touchant hommage rendu par plusieurs générations d'étudiants à un bonhomme hors du commun. Pétulant, rigolo, plein d'entrain et de curiosité. Uniquement habillé de noir, durant sa première année d'enseignement, en 1962, parce qu'"on ne chahute pas quelqu'un en deuil", selon son aveu. Un pédagogue enthousiaste qui "ouvre les têtes, qui ouvre les robinets du crayon", glisse un de ses élèves.

"Un croisé des deux dimensions", sourit son ami, le graphiste et sculpteur Michel Michiels. Un passionné de sémiologie, d'architecture industrielle. Un immense producteur d'images mais aussi de mots: "Entre être et paraître, il y a place pour la comédie humaine". Ou: "Les enfants jouent; c'est leur travail. Ce serait bien de faire jouer les adultes en prétextant un travail urgent". Ou encore, en peu de mots: "C'est en pensant qu'on devient pansu".

"Luc Van Malderen n'est pas quelqu'un de banal", explique Jean-Manuel Duvivier qui a repris le flambeau de l'atelier de La Cambre et est un des organisateurs de l'exposition. "Nous ne voulions pas de portraits de Luc", explique-t-il. "Nous sommes partis de ses textes, de ce qu'il a écrit en relation avec sa peinture et sa pédagogie et nous avons proposé aux anciens étudiants de les illustrer." Septante-neuf d'entre eux ont répondu à l'appel, graphistes, publicitaires, illustrateurs, peintres, photographes, etc. Leurs créations témoignent à merveille de l'esprit d'atelier qui a toujours prévalu chez Van Malderen. "Autant de discours qui sont sur les murs", affirme Michel Michiels, premier diplômé et propriétaire des lieux.

L'œil glisse sur les cimaises bien garnies, épingle les grands noms du graphisme contemporain. Cocorico! Tant d'anciens élèves et des amis, comme le photographe Christian Carez, qui ont illustré les écrits de Van Malderen en lui glissant quelques private jokes. Franck Sarfati, par exemple, le patron du bureau de graphisme Sign, décline avec sobriété la "cotation évolutive vm", du petit point au gros point. Dans une vidéo, Anthony Huerta, pionnier du travail informatique, évoque les "trois feutres magiques". On lit encore les noms de Marc Lemer, responsable des dessins animés chez le cinéaste américain Steven Spielberg, Philippe Van Duynen aux campagnes de pub remarquées, Olivier Wiame, créateur des affiches du Théâtre de Poche. Des noms connus en littérature de jeunesse aussi, Mario Ramos, Josse Goffin, David Merveille, Pascal Lemaître, Jean-Louis Lejeune, Quentin Van Gijsel.
Enfin, on découvre le travail de tous les graphistes anonymes qui rendent notre quotidien visuel moins banal."


"Un subtil mélange d'amour et de rigueur"

ENTRETIEN

Nom. Luc Van Malderen.

Naissance. En 1930.

Qualités. Graphiste, artiste, sémiologue, conférencier et professeur de communication graphique.

Présence à La Cambre. 32 années, de 1962 à 1994.

Particularité. Tout ce qu'il a choisi de faire l'amuse.


Comment réagissez-vous à l'hommage qui vous est rendu?

J'ai découvert cette exposition peu de temps avant vous. C'est magnifique, comme vivre un rêve éveillé. Je veux tout lire, tout voir. Mais je suis déjà malade à l'idée que d'anciens étudiants n'aient pas été prévenus.


Qu'est-ce qui vous frappe le plus dans l'expo?

Le plus étonnant pour moi qui ai été enseignant pendant 32 ans, est de voir qu'aujourd'hui, toutes les générations de mes étudiants sont réunies en même temps. Certains d'entre eux ne se connaissaient même pas et se découvrent ici.


C'est quoi la pédagogie Van Malderen?

J'ai toujours mélangé l'amour et la rigueur. Je ne laissais rien passer à mes étudiants. J'exigeais énormément d'eux. Moi-même, j'ai continué à créer dans le domaine de l'enseignement. Onze universités américaines m'ont invité et m'ont accueilli avec des trompettes.


Vous avez dit plusieurs fois que vous aviez de la chance...

Effectivement, j'ai eu beaucoup de chance. D'abord, pouvoir faire ce que je voulais. Ensuite, d'avoir eu dans mes étudiants des groupes très intéressants, avec de vrais créateurs.


 Le dessin de Philippe de Kemmeter pour l'expo "générations-vm" en 2001.


Les 12 lauréats du concours "émergences!"


Rappelez-vous! Le 17 avril dernier, la Charte des auteurs et illustrateurs jeunesse (1.400 auteurs jeunesse) lançait le concours de nouvelles "émergences!", adressé à tous les auteurs et autrices débutant(e)s ou en voie de professionnalisation (lire ici).

Aujourd'hui, douze lauréat(e)s ont été sélectionnés parmi les 62 candidatures reçues. Il s'agit de

  • Lilie Bagage 
  • Gaël Bordet 
  • Stéphane Botti 
  • Judith Bouilloc 
  • Damien Galisson 
  • Pierre-François Kettler 
  • Aylin Manço 
  • Gilles Monchoux 
  • Delphine Pessin 
  • Betty Piccioli 
  • Laura P. Sirkoski 
  • Frédéric Vinclère


Ils recevront:

  • un parcours de formation avec des auteur(e)s confirmé(e)s comme Marion Achard, Sophie  Adriansen, Mathieu Sylvander, Emmanuel Trédez, Flore Vesco et Séverine Vidal. 
  • la parution d'un recueil réunissant les douze nouvelles en novembre.
  • des rencontres privilégiées avec des éditeurs pendant le salon du livre de Montreuil.
  • des événements littéraires de valorisation des textes en 2019.


Le jury était composé des auteurs et autrices Clémentine Beauvais, Marie-Aude Murail et, pour la Charte, Camille Brissot et Guillaume Nail, des professionnels de la littérature jeunesse Valérie Beaugier et Marilyne Duval pour les bibliothèques de Montreuil, Emmanuelle Chesnel, professeure de Lettres et présidente du Festival du Livre jeunesse de Cherbourg, Tom Lévêque, blogueur, Charlotte Rigaux, libraire chez Millepages Jeunesse (Vincennes), Céline Robert, responsable des librairies Leclerc au niveau national.