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dimanche 31 mars 2019

L'ébouriffante "Matriochka" de Géraldine Martin



Matriochka. Ces poupées russes colorées qui s’emboîtent, chères à l'auteure. Une histoire de mère(s) donc, mais pas que. Une histoire de femmes. D'une femme d'aujourd'hui, Héléna, en couple. Face à son enfant, Auguste. Face au père de cet enfant, Sylvain. Face à elle-même, à ses rêves, à ses désirs, à ses cauchemars, à la réalité. "Matriochka", la première nouvelle que publie Géraldine Martin, danseuse, comédienne, metteuse en scène, une nouvelle auteure belge à tenir à l'œil (Lamiroy, "Opuscule", 38 pages) est une petite bombe réjouissante. Elle porte le #83 de la collection, année de naissance de sa créatrice.

En cinq mille mots, marque de la collection "Opuscule", la nouvelle venue en littérature belge, nous emmène pour une journée au zoo. Drôle d'idée pour une nouvelle. Oui mais cette destination n'est que le point de départ d'un récit qui ira à plein d'autres endroits, entre fausses pistes et retournements de situation. Géraldine Martin s'embarque à fond dans le quotidien d'une jeune mère contemporaine, dévouée mais soucieuse d'elle-même et de l'égalité des sexes. En apparence car sa nouvelle est autre chose qu'une quête féministe. Maîtrise du scénario, plaisir de la phrase longue bien balancée, inventivité des situations, surprises sur fond de quotidien, réel ou rêvé, solde de comptes anciens s'entremêlent pour nous soumettre une histoire bien troussée, disséquant notre société d'aujourd'hui mais où premier, deuxième et troisième degré se donnent joyeusement la main.

Extrait.
"La désagréable impression d'en faire plus que son homme s'était insinuée en elle. Un monstre aux allures de mégère avait poussé à l'intérieur, une créature qu'elle haïssait et tentait de combattre. Et ce jour-là, pour une raison aussi anodine qu'un oubli de tétine, elle décida de ne pas lâcher l'affaire."

Géraldine Martin.

vendredi 29 mars 2019

Passa Porta Festival: le lecteur sous toutes ses coutures et l'actualité observée par les auteurs


C'est hier soir, jeudi, que s'est ouvert à Bruxelles le magnifique Passa Porta Festival, une fête des lettres et de la littérature (auteurs et lecteurs) très attendue par la qualité de sa programmation, qui a lieu tous les deux ans au moment du printemps (lire ici). Durant un week-end et les deux soirs précédents, plus de cent écrivains, penseurs, poètes, slameurs, illustrateurs, musiciens, investiront seize endroits bruxellois choisis, se baladeront dans les rues, mangeront, théâtreront... l'idée étant de "passer de la découverte à la curiosité littéraire". Et cela dans plusieurs langues, français et néerlandais bien entendu, mais aussi anglais, allemand, italien, espagnol, portugais, roumain, tamul... Passa Porta n'est-elle pas la Maison internationale des littératures?

Le programme complet se trouve ici.

Pour jeudi soir, il a fallu choisir la nuit slam avec Joëlle Sambi (FR), Amerah Saleh (EN), Loucka (EN), Aru Lee (EN) & Sefora Sam (EN) (Beursschouwburg, 22 heures, entrée libre) car la soirée d'ouverture avec Reni Eddo-Lodge ("Why I'm no longer talking to white people about race"), lecture et entretien est complète (Passa Porta, 20 heures).

Ce vendredi soir, Brexit ou pas Brexit, à la date fixée ou à une autre, ce sera "goodbye, hello", un concert littéraire qui termine aussi le Klarafestival. L'Aurora Orchestra britannique et le ténor Ian Bostridge interprèteront sous la direction de Nicolas Altstaedt "Les Illuminations", un cycle de lieder de Benjamin Britten composé sur des textes du poète français Arthur Rimbaud. Le concert débutera avec "The protecting Veil" de John Tavener et en toute fin de soirée, nous prendrons congé non sans un clin d'œil avec la symphonie "Les Adieux" de Haydn.
Entre les moments de musique, les deux géants de la littérature Jonathan Coe et Ali Smith lisent des extraits de leurs romans du Brexit. "Middle England" pour le premier, "Automne", sélectionné pour le Man Booker Prize en 2017, pour la seconde. Sulaiman Addonia, écrivain britannique aux racines érythréennes vivant à Bruxelles, y ajoutera une nouvelle inédite (en anglais, Bozar, 20:00-22:00).

Place ensuite au week-end qui risque d'être marathonien tant le programme est réjouissant et alléchant. Idée de parcours, en français principalement (et tant pis si les horaires se chevauchent).


Samedi

(c) Shamisa Debroey.
13:00-20:00 strange, surprising adventures Cinq dessinatrices, Jayde Perkin, Charlotte Dumortier, Sarah Cheveau, Denise Hermo et Shamisa Debroey, donnent leur propre lecture de Robinson Crusoé dans le White Cube. L'artiste VJ Aitor Biedma y crée, à partir de ces histoires, cinq îles magiques dans le White Cube (en français, néerlandais, anglais, Beursschouwburg).



14:00-15:00 Adeline Dieudonné rencontrera pour "La vraie vie" (lire ici) les jurés du Goncourt de la Belgique (lire ici) et la traductrice Marijke Arijs (Beursschouwburg).


14:00-16:00  Les bibliothèques idéales de six écrivains, qui confieront leurs lectures préférées: à 14 heures Lyonel Trouillot, à 14h20 Florence Noiville, à 14h40 Régis Jauffret, à 15 heures Nathalie Skowronek, à 15h20 In Koli Jean Bofane, à 15h40 Myriam Leroy (Tulitu).

14:00-15:00 writing in exileRussell Banks, Aslı Erdoǧan et Antonythasan Jesuthasan parlent de l'écriture en exil avec le journaliste Gie Goris. Des expériences de première main, à la fois fondamentalement différentes et identiques (en anglais, De Markten).

14:00-15:00 vinciane despret & caroline lamarche sur la place des animaux dans nos vies. Une philosophe et psychologue passionnée d'éthologie ("Quand le loup habitera avec l'agneau") et l'auteur du recueil de nouvelles "Nous sommes à la lisière" (La Bellone).

15:30-16:30 Concept inventé par l'illustratrice Shamisa Debroey, la Black Box offre de déposer anonymement ses réflexions les plus tourmentées dans une grande boîte où trois duos d’illustrateurs et de poètes mettent leur créativité au service de nos soucis. Ici avec Sefora Sam & Frederik Van den Stock. Les résultats seront présentés le soir au café du Beursschouwburg.

15:30-16:30 brecht evens dont les romans graphiques sont traduits dans le monde entier. Il s'entretiendra avec Goele Dewanckel et Dominique Goblet, deux illustratrices de renom de part et d'autre de la frontière linguistique (en français et néerlandais, Beursschouwburg).



15:30-16:30 marie ndiaye & ryoko sekiguchi sur la cuisine (La Bellone).

17:00-18:00 sur robinson Cinq auteurs belges francophones, Myriam Leroy, Emmanuelle Pirotte, Camille Pier en duo avec Joëlle Sambi et Aliénor Debrocq, ont écrit un court texte inédit en lien avec le personnage de Robinson. Chacun(e) lit cette création, illustrée en direct par l'auteur de bande dessinée Thierry Bouüaert (Beursschouwburg).

17:00-18:00 ali smith sur la politique littéraire et la littérature politique. Le dernier projet d'Ali Smith est un quatuor de romans liés chacun à une saison et évoquant chacun un grand sujet politique de notre temps. Elle dialoguera avec Annelies Beck sur la troisième partie, "Printemps", qui sortira pendant le festival (La Bellone, en anglais)

18:30-19:30 adeline dieudonné & lize spit Témoignages croisés de Lize Spit et Adeline Dieudonné qui ont marqué la littérature belge de leur premier roman, respectivement "Het smelt" et "La vraie vie" (en français et néerlandais, La Bellone).

20:00-21:00 inside the black box pour voir le résultat de ce qui aura été mijoté durant la journée (voir plus haut, en français, néerlandais et anglais, Beursschouwburg)



Dimanche

10:30-11:30 la découverte de la poésie Karel Logist, Charlotte Van den Broeck, Zaïneb Hamdi et Anna Borodikhina dévoilent leur métamorphose de lecteur à poète au fil de vers nouveaux et anciens, du sonnet au slam (en français et en néerlandais, Beursschouwburg).

10:30-11:30 russell banks évoque the american dream to pieces. Voix majeure de la littérature, écrivain lucide à propos des Etats-Unis et du monde, Russell Banks évoquera avec Florence Noiville son œuvre, où il fait notamment exploser le "rêve américain" (en anglais, La Bellone).

10:30-11:30 helena janeczek & milena agus Entretien avec les deux lauréatesdu prestigieux Premio Strega et lectures de leur œuvre  (en anglais et italien, De Markten)

12:00-13:00 la découverte de la poésie ll
Paul Bogaert, Antoine Boute, Arno Van Vlierberghe et Lisette Lombé dévoilent leur métamorphose de lecteur à poète au fil de vers nouveaux et anciens, du sonnet au slam (en français et en néerlandais, Beursschouwburg).

12:00-13:00 ryoko sekiguchi performance culinaire et littéraire où l'auteure imaginera des amuse-bouche inspirés par des extraits de livres (Palace).

12:00-13:00 laura kasischke & lola lafon ou l'histoire revue par le prisme du roman. Dans leurs derniers romans respectifs, Laura Kasischke et Lola Lafon entremêlent avec brio fiction et documentaire historique autour de personnages féminins puissants (en français en en anglais, La Bellone).

12:00-13:00 marie ndiaye Depuis 1985 et la publication par Jérôme Lindon de "Quant au riche avenir", Marie NDiaye est une des voix de la littérature contemporaine ("Rosie Carpe", "Trois femmes puissantes", "La Cheffe". Entretien et lectures (De Markten).

13:30-14:30 david vann on family, violence and tragedy Entretien avec l'écrivain et lecture d'extraits de son oeuvre dont son nouveau roman "Un poisson sur la lune" par Yoann Blanc (en anglais, lectures en français, KVS).

13:30-14:30 marie modiano : pauvre chanson concert littéraire avec l'écrivaine et compositrice qui invite l'auteur-compositeur-interprète suédois Peter von Poehl et le violoncelliste français Sébastien Grandgambe (Ancienne Belgique).

13:30-14:30 paolo giordano
on love, ecology and grand ideals, entretien en anglais et lectures en italien, avec traductions sous-titrées (La Bellone).

13:30-14:30 maylis de kerangal entretien à propos de "Un monde à portée de main", roman qui se déroule à Bruxelles (Beursschouwburg).

15:00-16:00 guérilla: sieste sonore Ecouter, allongé dans la pénombre, le texte "Guérilla" de Véronique Bergen, dans les voix d'elle-même et Isabelle Wéry,  la musique de Pierre Jaqmin et la toile de Marcel Berlanger (De Markten).

15:00-16:00 la fête du prix des 5 continents L'écrivain haïtien Lyonel Trouillot, membre du jury du prix des 5 continents, converse avec les trois lauréats belges, Jean Marc Turine, Geneviève Damas et In Koli Jean Bofane (Espace Magh).

16:30-17:30 fatou diome & françois gemenne le concept de frontière (Espace Magh).

16:30-17:30 olga tokarczuk L'écrivaine polonaise évoquera ses deux grands romans, les magnifiques "Les Pérégrins" et "Les Livres de Jakob" (en anglais, Beursschouwburg).

16:30-17:30 jonathan coe Entretien avec l'auteur de "Middle England", premier grand roman du Brexit (en anglais, KVS).

18:00-19:00 first time reader
Le festival se termine avec la présentation d'œuvres à paraître des cinq auteurs Thomas Gunzig, Lola Lafon, Jeroen Olyslaegers, Lize Spit et Olga Tokarczuk. Ils liront un extrait de leur prochain roman, encore à venir. (en français, néerlandais et anglais, Ancienne Belgique).


Les deux jours du week-end

14:00-18:00 human library  bibliothèque vivante A la Bibliothèque Vivante, on emprunte des livres vivants. Des personnes, en chair et en os, qui sont ou ont été victimes de préjugés, et sont prêtes à raconter leur histoire.Objectif? Lutter contre les stéréotypes et les préjugés (en français, en néerlandais, en anglais, Passa Porta).

sa 14:00-17:00 di 10:00-13:00 pêcher avec mathilde brosset L'auteure-illustratrice jeunesse propose une promenade en bord de mer avec la réalisation de cabanes de pêcheurs inspirées de ses albums. Peinture, collage et construction seront au programme de cet atelier d’illustration pour petits et grands (Le Wolf).




jeudi 28 mars 2019

Passa Porta Festival: le lecteur sous toutes ses coutures et l'actualité observée par les auteurs


C'est ce jeudi soir que s'ouvre à Bruxelles le magnifique Passa Porta Festival, une fête des lettres et de la littérature (auteurs et lecteurs) très attendue par la qualité de sa programmation, qui a lieu tous les deux ans au moment du printemps (lire ici). Durant un week-end et les deux soirs précédents, plus de cent écrivains, penseurs, poètes, slameurs, illustrateurs, musiciens, investiront seize endroits bruxellois choisis, se baladeront dans les rues, mangeront, théâtreront... l'idée étant de "passer de la découverte à la curiosité littéraire". Et cela dans plusieurs langues, français et néerlandais bien entendu, mais aussi anglais, allemand, italien, espagnol, portugais, roumain, tamul... Passa Porta n'est-elle pas la Maison internationale des littératures?

Le programme complet se trouve ici.

Pour ce jeudi soir, il faudra choisir la nuit slam avec Joëlle Sambi (FR), Amerah Saleh (EN), Loucka (EN), Aru Lee (EN) & Sefora Sam (EN) (Beursschouwburg, 22 heures, entrée libre) car la soirée d'ouverture avec Reni Eddo-Lodge ("Why I'm no longer talking to white people about race"), lecture et entretien est complète (Passa Porta, 20 heures).

A suivre...

vendredi 22 mars 2019

Ne pas se taire et dessiner contre l'oubli

Parce qu'être artiste, c'est aussi réagir à l'actualité, je reproduis ici les dessins que Remedium (lire ici et ici), lui-même enseignant, a créés sur sa page Facebook en hommage à Jean Willot, un professeur quinquagénaire du Val d'Oise qui n'a trouvé d'autre réponse que le suicide aux accusations fallacieuses dont il était l'objet.

Remedium: "Le 15 mars dernier, un professeur des écoles s'est suicidé suite à des accusations de violences dont il avait été l'objet. Devant l'envie de la hiérarchie d'étouffer l'affaire, il convient de mettre des mots sur cette histoire afin qu'elle ne tombe pas trop vite dans l'oubli. Beaucoup d'enseignants se sont attelés à cette tâche, relayant les témoignages des collègues de Jean. Voici ma modeste participation à ce mouvement. Parce que, être enseignant en 2019, c'est aussi ça."



















(c) Remedium.




vendredi 15 mars 2019

Depuis 50 ans, un futur homme et une future femme dialoguent chez Agnès Rosenstiehl

Dans "La naissance". (c) La ville brûle.

Mai 68 a incontestablement apporté un coup de neuf à la littérature de jeunesse. Un vent frais qui a fait tomber quelques murs de la bien-pensance, a vivifié les esprits et a permis la création d'albums qui ne verraient sans doute plus le jour aujourd'hui, cinquante ans plus tard... Parmi ceux-ci, l'œuvre merveilleuse et abondante d'Agnès Rosenstiehl, née à Paris en 1941, qui révolutionne le genre par son fin trait noir, son graphisme épuré et ses textes minimalistes, par ses héroïnes espiègles et libres également. Ses livres ont peu à peu disparu des rayons des librairies au fil des non-réimpressions. Heureusement, Marianne Zuzula des Editions La ville brûle a eu la bonne idée de rééditer trois livres en noir et blanc de la créatrice de Mimi Cracra, ses trois premiers, "De la coiffure" (1967), "La naissance" (1973) et "Les filles" (1976). Génial, ils n'ont pas pris une ride.


Le deuxième, "La naissance" (La ville brûle, 52 pages), apparaît dans un format légèrement réduit par rapport à la version originale parue au Canada à La Presse en 1973 - en France au Centurion Jeunesse en 1977 -  mais dans la couverture de l'époque (la réédition chez Autrement Jeunesse en 2008 en avait banni la cadre). Le texte et certaines images ont été très légèrement modifiés pour suivre les évolutions de la société. "En effet, "La Naissance" a été écrit en 1972", explique Marianne Zuzula, "dans une France où une famille, cela ne pouvait être autre chose qu'un père, une mère et des enfants: la loi Veil n'avait pas été votée, les familles mariées étaient, plus encore qu'une norme, une évidence. L'homosexualité n'était pas dite, l'homoparentalité n'était pas envisagée, la PMA n'existait pas (Amandine, le premier bébé éprouvette français, est née en 1982). Agnès Rosenstiehl et moi avons donc retravaillé le texte, sans rien enlever de ses qualités et de sa force, mais en reformulant, en précisant les choses afin d'ouvrir le champ des possibles, des modèles de familles possibles, des amours possibles... Car comment parler d'amour et de sexualité sans parler de liberté?"

"La naissance" parle donc d'amour aux enfants. Sans tabou, avec justesse, avec art. Un petit garçon et une petite fille rentrent de l'école. Ils discutent. Lui annonce qu'il sera grand frère. Elle répond le peu qu'elle sait d'une grossesse. Ensuite, ils partagent leurs informations, souvent obtenues du papa ou de la maman. La rencontre des parents, l'amour, les baisers, le désir, la grossesse, la vie à deux, le corps masculin et le corps féminin, l'embryon et le fœtus, la naissance, pour en revenir à l'avenir des deux enfants qui sera avec enfants ou pas.

L'ouverture aux autres modes de vie. (c) La ville brûle.

Guère de différences entre les deux éditions. Le marié a disparu d'un dessin. La mise en pages tient parfois mieux compte du pli central pour mettre les illustrations en valeur. Le texte est parfois légèrement modifié pour être plus compréhensible ou s'ouvrir aux nouveaux modes de vie en famille, à l'allaitement par la maman ou aux biberons du papa... Mais l'album d'Agnès Rosenstiehl demeure un chef-d'œuvre qui répond clairement et franchement aux questions que se posent les enfants. L'auteure-illustratrice aborde autant la sexualité que l'amour dans ses diverses formes. Avec une telle légèreté qu'on admire la facilité qu'elle offre. Quant aux dessins, ils sont suffisamment réalistes pour être explicites et tellement simples et évidents qu'ils permettent toutes les identifications. Cet album est véritablement magnifique et indispensable par sa légèreté de ton dans un sujet essentiel.

Heureuse réédition qui remplace celle de 2008 par Autrement Jeunesse, maison d'édition qui a été fermée et pour laquelle Agnès Rosenstiehl avait beaucoup travaillé en tant qu'éditrice, y créant notamment une formidable collection de peinture pour les plus jeunes.

1977. (c) Le Centurion.
2018. (c) La ville brûle.















L'album "La naissance" pourrait-il encore être créé aujourd'hui? Pas sûr tellement l'époque où nous vivons est devenue pudibonde. Alors que les enfants ont toujours autant besoin qu'on leur explique avec naturel les choses de la vie.


Que dire alors de cette autre merveille qu'est le petit format carré "Les filles" (La ville brûle, 52 pages) où un petit garçon et une petite fille discutent... des filles. Agnès Rosenstiehl le publia en 1976 aux Editions des Femmes mais qui le sait? Et même, qui connaît ce livre? Il n'avait jamais été réédité!

"Moi, je suis une fille, tu connais?", commence l'héroïne. "Montre", lui répond un blondinet. Et les voilà partis pour se dénuder, se montrer l'un l'autre leur sexe, le toucher, se chatouiller, jouer au pipi le plus loin, se bagarrer pour de rire... Des intérêts universels, tellement bien mis en scène. Comment être choqué? Pas plus que quand la demoiselle à la sombre chevelure explique à son camarade qu'elle aura ses règles plus tard. La deuxième partie de l'album est délicieuse aussi quand elle explique ce qu'aiment faire les filles, bousculant tellement son comparse qu'elle en rate presque un goûter préparé par lui. C'est mal connaître ces enfants qui se jaugent et montent sur leurs grands chevaux pour mieux se réconcilier et s'aimer.

"Les filles". (c) La ville brûle.

Les images sont délicieuses encore une fois dans leur liberté et leur vérité, dans le plaisir qu'elles disent et dans celui qu'elles donnent. Le ton extra avec cette féministe en herbe qui joue à être dire. Et l'album s'achève sur l'idée de parler des garçons.


"Les filles". (c) La ville brûle.



 Avec son format tout en hauteur, "De la coiffure" est le premier album pour enfants qu'a publié Agnès Rosenstiehl. C'était aux Editions des Jumeaux en 1969. Il sera repris aux Editions des Femmes en 1977, puis à La ville brûle (48 pages) en 2018. Voilà un livre éminemment graphique qui n'est que plaisir. On y voit toutes les coiffures avec des cheveux longs et même ultra-longs dont rêve une petite fille aux cheveux courts. Aucun regret mais une jubilation infinie devant les merveilles que permet l'imagination. Les propositions se succèdent à bon rythme, de plus en plus extravagantes et on se prend à y croire tellement elles semblent évidentes dans cette autre merveille d'album. Que le noir et blanc est beau quand il est de cette qualité.

La premier et modeste proposition. (c) La ville brûle.

La réalité. (c) La ville brûle.



mercredi 13 mars 2019

Qui veut influencer l'écriture du nouveau roman pour ados de Bertrand Puard?



Bertrand Puard est cet écrivain jeunesse qui est notamment auteur de la trilogie romanesque à suspense pour ados "L'archipel" (Casterman, lire ici). Pour rappel, "Latitude", le tome 1, est sorti en février 2018, "Longitude", le tome 2, fin août 2018 et "Altitude", le tome 3 final, en février 2019.








Aujourd'hui, ou plutôt après-demain, car c'est le 15 mars que l'affaire commence, Bertrand Puard propose, avec son éditeur Casterman et Franceinfo, aux amateurs de romans ado d'intervenir sur le cours de son prochain roman "Ctrl+Alt+Suppr".

De quoi y sera-t-il question?
D'un empire technologique plus puissant que Google, qui contrôle le monde entier.
D'une entreprise secrète qui lutte contre l'influence de l'argent et des fake news.
D'un adolescent solitaire avide de sensations fortes.
De la fille d'un ministre un peu trop scrupuleux.

Comment cela se passera-t-il?
Chaque vendredi pendant huit semaines, soit les 15, 22, 29 mars, 5, 12, 18, 26 avril et 3 mai, Bertrand Puard publiera sur le compte Instagram des Editions Casterman "Let's read" (@romanscasterman) et sur la page www.ctrlaltsuppr-lelivre.fr un épisode de son nouveau roman "Ctrl+Alt+Suppr" en permettant à ses lecteurs d'influer sur le prochain chapitre.
Les lecteurs pourront chaque fois lire en ligne le début du nouvel épisode et influencer la suite de l'intrigue.

Comment cela se terminera-t-il?
Le 19 juin paraîtra la version finale de la Saison 1 de "Ctrl+Alt+Suppr", livre écrit par Bertrand Puard avec ses lecteurs. Les deux tiers auront été diffusés sur le web par épisode et le dernier tiers sera inédit (Casterman, 288 pages). Dès 12 ans





samedi 9 mars 2019

Prix littéraires à l'Académie de Belgique (ARLLFB)

Carl Norac.
Amin Maalouf.
Sébastien Ministru.
Sophie Creuz.



L'Académie royale de langue et de littérature françaises de Belgique décerne trente prix littéraires. Ils lui sont confiés par autant de fondations qu'il y a de prix. Ces prix sont attribués à des rythmes variables: quatre prix annuels, onze biennaux, six triennaux, quatre quadriennaux, quatre quinquennaux et un décennal.

Ce samedi 9 mars, l'ARLLFB a décerné, en séance publique, ses 14 prix littéraires 2018. Dix ont été attribués à des hommes, quatre à des femmes.


Palmarès

Prix Léopold Rosy
triennal, destiné à l'auteur d'un essai en langue française.
Laurent de Sutter, pour son essai "Après la loi" (PUF)

Prix Quinot-Cambron
biennal, destinée à un essai.
Jacques Dubois pour son essai "Le roman de Gilberte Swann" (Seuil).

Prix Verdickt-Rijdams
annuel, pour un ouvrage portant sur le dialogue entre les arts et les sciences.
Vinciane Despret pour son essai "Au bonheur des morts" (La Découverte).

Prix Emmanuel Vossaert
biennal, destiné à un écrivain belge pour un ouvrage en prose ou en vers, et plus spécialement un essai de caractère littéraire.
Sandrine Willems pour son essai "Devenir un oiseau" (Impressions nouvelles)

Prix André Praga
biennal, destiné à une œuvre théâtrale créée à la scène ou à la télévision.
Alex Lorette pour sa pièce de théâtre "Géographie de l'enfer" (Lansman)

Prix Franz De Wever
annuel, attribué à un auteur belge âgé de moins de 40 ans pour un recueil de nouvelles.
Zoé Derleyn pour son recueil de nouvelles "Le goût de la limace" (Quadrature)

Prix Henri Cornélus
triennal, international, attribué à l'auteur d'un recueil de nouvelles publié en français.
Etienne Verhasselt, pour son recueil de nouvelles "Les pas perdus" (Le Tripode).

Prix André Gascht 
biennal, attribué à un critique.
Sophie Creuz pour son travail de critique littéraire à "L'Echo" et à "Musiq3".

Prix Émile Polak
biennal, destiné à un poète belge de moins de 35 ans.
Célestin de Meeûs pour son recueil de poésie "Ecart-Type" (Tétras Lyre)

Prix Nicole Houssa
triennal, destiné à un poète originaire de Wallonie, pour un premier volume de vers publié ou non.
Sébastien Fiévry pour son recueil de poésie "Solitude Europe" (Cheyne)

Prix Albert Mockel
Décerné alternativement à un poète qui n'est pas membre de l'Académie et à un poète qui en fait partie.
Carl Norac pour l'ensemble de son œuvre poétique.

Prix Sander Pierron
Attribué à un écrivain belge pour un roman ou un recueil de récits.
Sébastien Ministru pour son (premier) roman "Apprendre à lire" (Grasset)

Prix Félix Denayer
annuel, destiné à un auteur belge pour l'ensemble d'une œuvre ou pour une œuvre en particulier.
Stefan Liberski pour son roman "La cité des femmes" (Albin Michel)

Prix Nessim Habif
Grand prix de la francophonie décerné à un écrivain dont les œuvres sont écrites en langue française.
Amin Maalouf pour l'ensemble de son œuvre (Grasset)