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lundi 4 mars 2019

E1P2FDL 7 Pour un ours, "time is honey"

Encore un peu de Foire du Livre de Bruxelles, E1P2FDL 

Au hasard de mes pérégrinations, entre rendez-vous fixés et rencontres de hasard.
L'édition 2019, la quarante-neuvième, la quatrième où l'entrée est gratuite, a été illuminée par le déploiement du Flirt Flamand et de l'espace européen qui n'ont pas désempli. Elle marquait les 50 ans de la Foire, créée en 1969. On a dénombré 72.000 visiteurs dans les allées de Tour & Taxis, dont 5.000 scolaires, au cours des quatre jours (du jeudi 14 au dimanche 17 février), soit 5 % de plus que l'an dernier.


Huit heures du matin. (c) Hélium.

Aujourd'hui, un album jeunesse drôlement enlevé, mêlant joyeusement quelques humains accueillants, un gros ours sympathique, le temps qui passe, une horloge à apprivoiser, quelques pizzas dont s'empiffrer et diverses activités dans une folle ronde autour du cadran. Sans heure d'hiver ni heure d'été. On pourrait en faire une devinette. Quel est l'album sur le temps qui tourne qui ajoute le "R" du mot "rire" à un vêtement classique bien connu en Tunisie, le "burnous", pour aboutir à un "burn-ours" extrêmement bien amené?


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La réponse est l'impeccable album grand format "L'ours contre la montre" de Jean-Luc Fromental et Joëlle Jolivet (Hélium, 56 pages), avec ses belles couleurs qui pètent. Le duo bien rodé (lire ici, ici et ici) pratique l'humour comme un art de vivre et de créer mais ne cesse néanmoins de se renouveler. On notera au passage que l'illustratrice a abandonné ses linogravures habituelles le temps de cet album au profit de dessins joyeux et enlevés, terriblement expressifs, donnant à aimer les personnages, saisissant les détails des décors.

L'album évoque en finale un "burn-ours", déclinaison oursique du trop connu "burn-out", mais il s'agit avant tout d'apprendre à lire l'heure de façon originale, gourmande et humoristique. Après il sera question de savoir comment gérer ce temps soudainement maîtrisé. D'apprendre à prendre le temps.


Deuxième séance contre la montre. (c) Hélium.

Tout commence à 7 heures un matin dans une famille citadine. Un garçon est en bas des lits superposés, un gros ours orange en haut mais cela n'étonne heureusement personne. Les ennuis commencent tout de suite car l'ours ne sait pas ce que c'est qu'un réveil et se rendort. On imagine le désastre quand il déboule à 8 heures à la table du petit déjeuner. Jeté hors de la cuisine, il se réfugie dans un bain moussant et ne voit pas les enfants partir pour l'école. Evidemment, il rate le bus de 8h15, arrive non sans péripéties à l'école à 9 heures et se voit refuser l'ouverture du portail.

Un répit de courte durée. (c) Hélium.

Pauvre ours, il est toujours à côté de la plaque. Dehors quand les élèves sont en cours, en classe quand les élèves sont en récréation. "Ces histoires d'horaires, ça le dépasse carrément". La preuve dans le reste de la journée à l'école, cantine fermée à 13 heures quand il s'y présente, cours de musique à 15 heures et non de gymnastique. A 16h30, notre héros rate de nouveau le bus et est encore contraint de rentrer à pied. Repas sautés et marches contraintes lui creusent fameusement l'estomac.

La famille comprendra où il a disparu quand la police l'appelle à 8 heures du soir pour signaler que l'ours est au poste de police et pourquoi il y est. Une seule solution, apprendre à l'"idiot en pelisse" à lire l'heure. Le week-end va y suffire, à grand renfort de pizzas et de patience, d'énervement et de rires. Autant de scènes croquignolettes que Fromental nous détaille d'un impitoyable humour et que Jolivet traite successivement avant de nous offrir une magistrale double page faisant référence à plusieurs œuvres d'art en rapport avec les montres ou le temps.

Week-end d'apprentissage. (c) Hélium.

La suite de l'histoire va nous montrer combien connaître l'heure peut aussi être dangereux. Car notre ours, maître du temps, n'est plus maître de son temps. Tout fier de ses acquis, il est d'une ponctualité sidérante quand il n'est pas largement à l'avance. Désormais, les matins et l'école sont tout différents et notre héros d'une bonne humeur inextinguible dont on prend connaissance dans des scènes toujours aussi finement croquées.

Les choses se corsent quand l'ours reçoit un agenda-pro et une montre-chrono. Car le planning de sa semaine se révèle plus que serré. Et donc plus que rempli. Voilà notre bon gros qui court "comme le lapin d'Alice, avec effroi, avec délice, toujours pressé d'arriver quelque part..." Un rythme infernal qui aura raison du héros pour qui "time" n'est plus "honey". Il fait un "burn-ours".

Un planning d'enfer. (c) Hélium.


Envoyé se reposer seul à la montagne, face à des paysages sublimes de vide, l'ours va enfin se retrouver face à lui-même. Il va se requinquer, réfléchir à cette vie où "le cadran peut perdre ses aiguilles". Un jour de balade, il rencontre une ourse sans montre... Philosophe, amoureux, disponible, il est capable d'énoncer sa nouvelle manière de vivre:

"On dit que le temps c'est de l'argent.
Mais pour les ours comme pour les gens,
le bonheur, c'est de savoir prendre le temps
d'écouter son cœur battant."

Une opinion qu'il viendra faire partager à la famille qui l'avait accueilli.

Avec ses formules fortes, ses démonstrations hilarantes, ses changements de rythme, ses illustrations très réussies, "L'ours contre la montre" traite merveilleusement des choix qu'on fait par rapport au temps qui passe, qui coule ou qui file. Un excellent album pour les enfants à partir de 5 ans.



Rappel

E1P2FDL 1 "La jeune fille et le soldat", Aline Sax et Ann de Bode (roman enfant, La joie de lire, ici)
E1P2FDL 2 "Le banc au milieu du monde", Paul Verrept et Ingrid Godon (roman ado, Alice Jeunesse, ici)
E1P2FDL 3  "Ceci est ma ferme", Chris de Stoop (récit, Christian Bourgois, ici)
E1P2FDL 4  "Mon bison", Gaya Wisniewski (album jeunesse, MeMo, ici)
E1P2FDL 5 "Et puis", Icinori (album jeunesse, Albin Michel Jeunesse, ici)
E1P2FDL 6 "La nuit de Berk" (album jeunesse, l'école des loisirs/Pastel, ici)



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