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mardi 19 février 2019

E1P2FDL 2 Depuis le banc d'un parc, un fils endeuillé parvient à devenir un homme

Encore un peu de Foire du Livre de Bruxelles, E1P2FDL

Au hasard de mes pérégrinations, entre rendez-vous fixés et rencontres de hasard.
L'édition 2019, la quarante-neuvième, la quatrième où l'entrée est gratuite, a été illuminée par le déploiement du Flirt Flamand et de l'espace européen qui n'ont pas désempli. Elle marquait les 50 ans de la Foire, créée en 1969. On a dénombré 72.000 visiteurs dans les allées de Tour & Taxis, dont 5.000 scolaires, au cours des quatre jours (du jeudi 14 au dimanche 17 février), soit 5 % de plus que l'an dernier.



Tout juste sorti en français, un autre roman jeunesse illustré venu de Flandres où il était paru en 2014, plutôt pour ados, le très délicat et subtil "Le banc au milieu du monde" de Paul Verrept, finement illustré par Ingrid Godon (traduit du néerlandais par Emmanuèle Sandron, Alice Jeunesse, "Le chapelier fou", 88 pages). Il y est aussi question d'un banc. Comme dans "La jeune fille et le soldat" d'Aline Sax et Ann de Bode (lire ici). Mais ce banc n'accueille qu'une seule personne, le narrateur, perdu dans la vie, dit-il, depuis que ses parents sont morts.


Le banc. (c) Alice Jeunesse.

Ce roman illustré se distingue aussi par l'originalité de son rapport texte-images. Pour ces dernières, Ingrid Godon a choisi de montrer aussi ce que le texte ne dit pas, ce qu'il suggère. Par exemple, le narrateur enfant en compagnie de ses parents au début, ou des images plus colorées et plus abstraites que les autres scènes en crayons de couleur au centre, ou encore une longue séquence sans texte vers la fin pour montrer le temps qui passe. "Le banc au milieu du monde" est en effet le livre d'un deuil, d'une tristesse, d'un chemin de vie, d'une introspection qu'il faut un jour affronter. Quand on est prêt. Quand le narrateur est prêt. On le suit dans un texte à la première personne, dont les mots évoquent différentes situations se déroulant près du banc, ou des souvenirs, laissant les émotions qui en émanent toucher le lecteur. S'il le veut, s'il est prêt.

La première double page du roman.(c) Alice Jeunesse.

On découvre le narrateur perdant son père enfant, perdant sa mère adulte. Des deuils qui lui causent de terribles chagrins à tel point qu'il se cloître dans la maison familiale vide désormais. Pour toujours? Non, jusqu'à ce que son corps réclame à manger et à boire. Jusqu'à ce que ce besoin primaire le fasse sortir de chez lui. Croiser ce banc qui l'invite à s'asseoir pour ne pas rentrer tout de suite chez lui.

Une mise en page soignée. (c) Alice Jeunesse.

Le banc. Le parc. D'autres humains. Des adultes, des enfants. Du temps passé à observer le monde mais aussi à réfléchir. Au temps qui passe ou au temps qu'il reste à vivre. A sa place sur terre. A ses choix de vie. A son passé, à son présent, à son futur. Le narrateur nous confie les rencontres qu'il fait autour de son banc. Les conversations relatent d'autres vies, souvent d'autres tracas. Elles sont l'occasion de mots assemblés avec talent. La poésie du quotidien, sa fantaisie, ses imprévus. Un brin de philosophie. Ainsi, cette remarque: l'amour entre deux personnes se fatigue-t-il un jour?

Le narrateur voit la jolie fille. (c) Alice Jeun.
Petit à petit, celui qui écoute bien devient celui qui parle le premier aux autres occupants du banc. Qui ouvre davantage les yeux. Qui voit la jeune fille jolie. Qui rigole en imaginant une scène avec deux frères assis aux deux bouts du siège. Qui a le courage d'affronter les ombres qui le hantent. Le fils grandit. Change de statut. Dépasse celui de fils. Pour cela, Paul Verrept passe aux lettres que le narrateur, qui restera anonyme, adresse à Anne, qui était à l'école avec lui. Une bouteille à la mer. Mais comme on sait, ce type de message atteint parfois son destinataire. "Le banc au milieu du monde" est un magnifique roman sur le deuil, la vie et l'amour. Remarquablement mis en pages, il est véritablement porté par l'écriture toute en nuances de Paul Verrept et les illustrations splendides d'Ingrid Godon qui est devenue la co-auteure du livre par la qualité de ses dessins, vignettes ou pleines pages, parallèles à l'histoire ou autonomes. Un très grand roman pour ados.


Rappel

E1P2FDL 1 "La jeune fille et le soldat", Aline Sax et Ann de Bode (roman enfant, La joie de lire, ici)

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