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samedi 30 novembre 2024

Tortues, caïmans et fondant au chocolat

LU & approuvé
 
Deux reliures extérieures permettent de déplier les pages
et de créer de nouvelles images. (c) Les Grandes Personnes.
 
 
Pattes griffues ou palmées, becs aiguisés ou trompes baladeuses, corps lisses ou velus, ailés ou à crête dorsale, les monstres multicolores, plus surprenants les uns que les autres, s'activent dans "Animonstres", la nouvelle création d'Henri Galeron (Les Grandes Personnes, 14 pages carton découpées). Création à tout point de vue. Graphique évidemment, mais on connaît l'imagination de l'homme aux si fins pinceaux. Langagière aussi car l'auteur-illustrateur poursuit ici les jeux sur les mots et leur sonorité découverts dans son précédent opus, "L'arche que Noé a bâtie" (lire ici). Technique enfin car sa galerie de huit monstres permet, grâce à la facture de l'album carré, d'en créer soixante-quatre! Comment? C'est simple. Enfin plus simple à comprendre qu'à réaliser car tout trait allant dans le pli central doit fonctionner dans tous les autres dessins. Explication: le livre comporte deux reliures en extérieur et est donc composé de demi-pages qu'on manipule à sa guise, excepté la dernière qui tient le tout ensemble. Deux livres siamois en quelque sorte.

De part et d'autre de la césure centrale, deux livres à déplier à sa guise.
(c) Les Grandes Personnes.
 
Qui sont les "Animonstres"? Un Goulu-Globu, un Becu-Bohu, un Pelu-Palmu, un Kipu-Glandu et quatre autres du même tonneau, chaque demi-nom pouvant s'apparier avec un autre demi-nom. Que font-ils? Le grigou compte son or, un autre casse tout, un autre encore s'empiffre. Entre ces monstres aux caractéristiques nombreuses et colorées, quelques fils rouges. Des tortues, des caïmans et des fondants au chocolat! De quoi composer des centaines de scènes à imaginer à partir des textes et des apparences extrêmement détaillées des créatures. Des monstres animaux qui font frémir mais surtout rire. Et proposent de véritables exercices de logopédie.
 
Le Bécu-Pattu. (c) Les Grandes Personnes.











vendredi 29 novembre 2024

S'immerger dans l'œuvre de Gabrielle Vincent

Une scène d'"Ernest et Célestine et nous" dans "Patchwork".
(c) Éditions Daniel Maghen.

Quelle belle fin d'année pour les enfants! Et pour leurs parents! Et pour toute personne qui s'intéresse à l'œuvre de Gabrielle Vincent, le pseudonyme qu'avait choisi l'artiste peintre Monique Martin pour s'aventurer en littérature de jeunesse. D'abord plusieurs de ses albums pour enfants sont réédités chez Casterman, comme d'habitude pourrait-on dire tant on salue le travail de mémoire continu de l'éditeur. En album simple ou en recueil. Ensuite, un autre titre chéri revient chez Grasset Jeunesse.
 
Et enfin, merveille des merveilles, paraît le beau livre bien épais "Patchwork" signé Gabrielle Vincent (textes de Fanny Husson-Ollagnier, conception et réalisation Emmanuel Leroy & Vincent Odin, Éditions Daniel Maghen, 304 pages) dont le sous-titre, "Une biographie en images de la créatrice d'Ernest et Célestine", se montre particulièrement approprié. C'est en effet par ses images et ses dessins légendés de sa belle écriture ronde que l'artiste s'est toujours racontée. Cette autobiographie de grand format et au beau papier crème en témoigne. Une mine de beauté et de sincérité.

Une planche d'"Ernest et Célestine au jour le jour"
dans "Patchwork" (c) Éditions Daniel Maghen.
 
L'ouvrage commence par une évocation de la personne qu'était la discrète Monique Martin. Un puzzle composé au départ de témoignages de plusieurs de ses proches et de notes extraites de ses carnets. Il se structure ensuite en plusieurs chapitres brièvement introduits: L'Atelier, Les Gens, Bruxelles, Les Voyages, Les Animaux et Ernest et Célestine, cette dernière partie étant la plus fournie avec 130 pages. Imaginez, 130 pages de planches originales en couleur ou à l'encre sépia issues des 26 albums que compte la série. C'est un ravissement de vagabonder dans tant de beauté, tant de sensibilité. Ernest et Célestine sont si délicatement humains. Voir leurs attitudes, leur complicité, leur amour se décliner en de si belles pages qui laissent les traits respirer est un enchantement. Croquis au crayon et commentaires de l'auteur sur son travail ou ses personnages font percevoir l'artiste inquiète qu'elle a été et comment elle a transcendé ces craintes en des scènes de paix et de joie. Elle mariait bic, crayon, fusain, aquarelle et tout ce qui lui semblait idéal pour parvenir à représenter ce qu'elle avait en tête. A ce propos, l'index en fin d'ouvrage donne l'origine et la technique utilisée pour chacune des illustrations.
 
Certaines images paraîtront peut-être un peu étranges à qui connaît bien les livres de Gabrielle Vincent ou qui a visité ses expositions. Rappelons que deux ventes de ses dessins ont été organisées récemment par la galerie Daniel Maghen à Paris et qu'il était aussi possible de les voir en ligne. C'est tout simplement parce qu'elles figurent à bords perdus dans certaines pages. Leur recadrage peut étonner quand on isole une page mais il passe mieux quand on feuillette le livre. Et il faut bien avouer que la plupart des dessins apparaissent dans leur forme originelle. Pour le reste, il convient de saluer la mise en page qui entraîne le lecteur dans ce vibrant parcours en déclinant thèmes, genres et couleurs en une belle harmonie qui rend grâce au talent de l'artiste.
 
Double page de la partie Voyages de "Patchwork",
extraite de "Au désert". (c) Éditions Daniel Maghen.
 
Les chapitres précédents évoquent des aspects moins connus de l'art de Monique Martin. Les scènes d'atelier sont splendides et loin d'être académiques. Les portraits d'hommes, de femmes et d'enfants transpirent d'humanité, qu'ils soient au fusain, à l'encre ou à l'aquarelle. Les vues bruxelloises nous promènent en divers lieux de la capitale belge et bien entendu au Palais de justice où elle allait souvent écouter les procès. Ses voyages au Maroc, en Tunisie et en Égypte montrent une autre facette de son talent: croqueuse d'instants divinement aquarellés, qu'ils saisissent les hommes du désert ou des paysages de ville, de désert ou de mer. Quant à la partie sur les animaux, elle oscille entre le cirque et le merveilleux album qu'est "Un chien" (1982).
 
Carnet de voyage en Tunisie. (c) Éditions Daniel Maghen.
 
Il s'agit en effet d'un somptueux patchwork que ce beau livre composé à partir de quelques-uns des 10.000 dessins que Gabrielle Vincent a laissés, sans oublier ses peintures, ses carnets de travail et certaines de ses correspondances. Combien de lettres n'a-t-elle pas écrites? Allusion à la couverture cousue dans Ernest et Célestine, "Patchwork" est un formidable travail qui a su choisir de ne pas faire écrire un expert mais de laisser l'artiste se raconter à nous par ses illustrations et ses mots.

Études de femmes et vue de l'atelier dans "Patchwork". (c) Éditions Daniel Maghen.




Rééditions 2024

Mon petit Père Noël
Gabrielle Vincent
Grasset Jeunesse, 32 pages

Quelle belle idée de rééditer dans un format cartonné toilé cette fois, avec une image de couverture plus dynamique, un conte de Noël publié pour la première fois par l'éditeur en 1994. L'histoire n'a pas pris une ride. La touchante rencontre un 24 décembre de la jeune Magali et du Père Noël. Un tout petit Père Noël qui est descendu du ciel en parachute, les mains vides. La fillette qu'il croise par hasard n'en croit pas ses oreilles. Elle décide de lui venir en aide. N'écoutant que son grand cœur, elle court vers sa maison, fonce dans sa chambre et revient à l'homme en rouge avec sa poupée en cadeau. De quoi meubler la solitude du visiteur. Tendresse, humour et sensibilité sourdent de cet album magnifique.
 
1994.
Un texte dialogué et des dessins entourés d'un filet peint composent une magnifique histoire dans des tons de neige et d'hiver, faisant ressortir les couleurs des deux personnages. Les plus attentifs remarqueront que la poupée Caroline est devenue Lila dans cette nouvelle édition, "le nom d'une amie épistolaire de Gabrielle Vincent à qui elle confiait apparemment beaucoup de ses secrets de "fabrication"", nous dit l'éditrice actuelle.
 


Ce 24 décembre, Lila a reconnu le Père Noël. (c) Grasset-Jeunesse.

 
Ernest et Célestine
Le sapin de Noël
Gabrielle Vincent
Casterman, 40 pages

Publié en 1995, cet album qui paraît dans une nouvelle édition cartonnée posait déjà la question des habitudes de Noël. Couper un sapin pour le décorer chez soi? Peut-être pas si on suit l'idée de Célestine qui a repéré, dans le grand parc enneigé, un petit sapin solitaire un peu tordu, et qui souhaite passer son réveillon avec Ernest, dehors, dans la neige, près de ce petit sapin.
 
"Le sapin de Noël". (c) Casterman.


Ernest et Célestine
Les plus belles histoires
Gabrielle Vincent
Casterman, 144 pages
 
Une nouvelle édition cartonnée d'un recueil conçu en 2019. On y trouve cinq histoires fondamentales du gros ours et de la petite souris, le B A BA d'Ernest et Célestine.
 
 
  • Ernest et Célestine ont perdu Siméon, la première (1981)
  • Ernest et Célestine - La cabane (1999)
  • Ernest et Célestine au musée (1985)
  • Ernest et Célestine - Un caprice de Célestine (1999)
  • Ernest et Célestine musiciens des rues (1981)
 
 
Ernest et Célestine
Bienvenue les enfants!
Gabrielle Vincent
Casterman, 40 pages

La réédition sous un autre titre de "Ernest et Célestine... et nous", paru en 1990, le seul titre où le duo est confronté à de vrais enfants. Un album que Gabrielle Vincent a imaginé à la suite d'une correspondance qu'elle a entretenue avec les enfants d'un ami. Les lettres y ont toute leur place! Célestine a déjà reçu trois missives  d'Antoine et elle voudrait le voir comme lui voudrait la voir. Le hic, c'est Ernest qui n'invite que ses amis et ne sort guère. Il en faut plus pour décourager la petite souris qui saisit papier et crayon pour envoyer un courrier à Antoine. L'histoire se développe de façon inattendue entre les rebuffades de l'ours et les surprises qu'amène Antoine, qui n'est pas seul dans sa fratrie.
 
"Bienvenue les enfants!". (c) Casterman.

 

Plus tôt dans l'année avaient reparu en grand format cartonné "La chambre de Joséphine", "La naissance de Célestine", "La tante d'Amérique" et "Le labyrinthe" de Gabrielle Vincent, toujours chez Casterman, éditeur que l'on bénit pour cela.
 

Créations 2024

Notre enthousiasme n'est pas le même pour ces albums qui charcutent l'œuvre originale. A-t-elle besoin d'être réinterprétée? Non, bien entendu. Les albums, que ce soient ceux d'Ernest et Célestine ou les autres se suffisent à eux-mêmes. Ils enchantent et élèvent leurs lecteurs.
 

Quel est l'intérêt d'un livre comme "Ernest et Célestine - L'album photo des jours heureux" (Casterman, 40 pages) où Fanny Husson-Ollagnier écrit un texte sur des images de Gabrielle Vincent, utilisées comme autant de photos? Où est la sincérité des histoires originales, qui disaient les jours heureux mais aussi les difficultés, qui disaient la vie tout simplement.

"L'album photo des jours heureux". (c) Casterman.

Pire encore est "Le calendrier de l'Avent - Ernest et Célestine" (texte de Fanny Husson-Ollagnier d'après l'univers de Gabrielle Vincent, Casterman). Un grand format cartonné en diptyque où 24 petits livres souples de 24 pages illustrées en quadri sont glissés dans des pochettes. Une histoire par jour pour attendre Noël.
 
L'idée était bonne. Sauf que les mini-histoires sont terriblement fabriquées, à mille lieues du ton de Gabrielle Vincent même si elles utilisent les éléments scénaristiques de ses albums. Au mieux, elles peuvent servir à un quiz pour qui connaît bien l'œuvre. Il faudrait identifier les albums qui ont servi à composer ces histoires sans saveur, émotion ou sentiment.


jeudi 28 novembre 2024

La galerie Martel ouvre un espace à Bruxelles

La galerie Martel côté rue...
 
Simone Mattotti, fils de Lorenzo Mattoti, le dessinateur bien connu, et de Rina Zavagli-Mattotti, ouvre l'antenne belge de la galerie d'art de sa mère, la célèbre galerie Martel, née à Paris en 2008. Elle a la même ambition, défendre l'illustration, la peinture, la bande dessinée, l'animation.
 
... côté jardin.
Le lieu se trouve à deux pas de la place Flagey à Ixelles, dans le bas de la chaussée d'Ixelles, juste en face d'une antenne des Petits riens. La galerie bénéficie d'un très bel espace en enfilade, d'une large et sobre vitrine toute en verre et de deux petits jardins à l'arrière. Visiblement, on n'a pas lésiné sur l'huile de coude pour aménager les lieux. Le résultat en vaut la peine.




 
 
Pour l'ouverture, l'exposition est collective. Elle présente jusqu'au 7 décembre les œuvres de 41 artistes. Des grands noms de la bande dessinée et de la galerie, Lorenzo Mattoti bien entendu et Richard McGuire, Chris Ware, Crepax, Florence Cestac pour ne citer qu'eux, mais encore des artistes arrivés plus récemment, se partageant entre bande dessinée et littérature de jeunesse, Icinori  ou Manuele Fior par exemple. Et bien sûr, localisation oblige, des Belges. Six artistes, Brecht Evens, Dominique Goblet, Herr Seele, Brecht Vandenbroucke,Thierry Van Hasselt et Eric Lambé. Ce dernier aura les honneurs de la première exposition bruxelloise en solo, "19M2-Antipodes", autour de ses deux dernières parution (Sigaretten Edizioni et Casterman), du 14 décembre au 1er février 2025.

On nous signale que pour la plupart des artistes présents à cette exposition collective inaugurale, une de leurs œuvres est proposée aux cimaises mais que deux attendent dans l'ombre de la cave. On les trouvera toutes ici.

Artistes exposés
(par ordre alphabétique)
 
Pablo Auladell (Espagne) | Alex Barbier (France) | Enzo Borgini (Italie)
Nina Bunjevac (Canada) | Charles Burns (États-Unis) | Florence Cestac (France)
Daniel Clowes (États-Unis) | Guido Crepax (Italie) | Ludovic Debeurme (France)
Brecht Evens (Belgique) | Emil Ferris (États-Unis)
 Anke Feuchtenberger (Allemagne)
Manuele Fior (Italie) | Fred (France) | Gabriella Giandelli (Italie)
Dominique Goblet (Belgique) | Simon Hanselmann (Australie
Miles Hyman (États-Unis) | Icinori (France) | Yann Kebbi (France
Éric Lambé (Belgique) | Javier Mariscal (Espagne) | Franco Matticchio (Italie)
Lorenzo Mattotti (Italie) | Richard McGuire (États-Unis) | Hugues Micol (France)
José Muñoz (Argentine) | Giacomo Nanni (Italie) | Thomas Ott (Suisse)
Gary Panter (États-Unis) | Stefano Ricci (Italie) | Herr Seele (Belgique)
Miroslav Sekulić-Struja (Croatie) | Anna Sommer (Suisse)
Art Spiegelman (États-Unis)
Joost Swarte (Pays-Bas) | Tomi Ungerer (France)
Brecht Vandenbroucke (Belgique) | Thierry Van Hasselt (Belgique)
Chris Ware (États-Unis) | Zéphir (France)

De saison en Belgique, l'histoire de Saint Nicolas selon Thierry Van Hasselt.

Lors du vernissage, les œuvres apparaissaient sans cartel pour les identifier. Question d'esthétique, nous a-t-on dit. Il est vrai qu'un listing papier, réalisé selon l'ordre d'accrochage, est disponible. OK, suivons les murs. Evidemment, il y a les artistes qu'on reconnaît immédiatement. Mais il y a aussi ceux dont on doute du nom et ceux qu'on découvre. Une exploration ludique en quelque sorte. A ce petit jeu, j'ai eu la joie de tomber nez à nez avec une œuvre de Thomas Ott, le roi de la carte à gratter, d'autres de Franco Matticchio, la satisfaction d'identifier un dessin de Tomi Ungerer et le plaisir de découvrir le travail de Giacomo Nanni.

Carte à gratter de Thomas Ott. (c) Galerie Martel.

Encre et aquarelle sur papier et carte noire de Tomi Ungerer. (c) Gal. Martel.

Peinture acrylique sur feuilles de rhodoïd de Giacomo Nanni. (c) Galerie Martel.



Infos pratiques
Galerie Martel Bruxelles
Chaussée d'Ixelles, 337, 1050 Bruxelles
Du mardi au samedi de 14h30 à 19 heures
+32 2 721 79 57
contact@galeriemartel.com



mercredi 27 novembre 2024

Bingo! Deux Pépites belges à Montreuil

"Je t'explique..." (c) Editions Thierry Magnier.

En ce jour d'ouverture du 40e Salon du livre et de la presse de en Seine-Saint-Denis,
le palmarès des Pépites (sélections ici) vient de tomber. Incroyable! Les deux rencontres "Pépites" pré-salon organisées en Belgique (lire ici) ont donné deux Pépites. On peut dire qu'elles ont été prémonitoires mais pas qu'elles ont influencé le jury, 36 jeunes, âgés de 8 à 18 ans, sélectionnés suite à un appel à candidatures en France métropolitaine et dans les territoires ultra-marins.

Les lauréats des Pépites 2024

 
Pépite livre illustré 
 
Des siècles
et des siècles
Christophe Honoré
Gwen Le Gac
Thierry Magnier Éditions, 32 pages

Deux fois plus large que haut, l'album présente la conversation proche de la logorrhée entre un grand frère et sa petite sœur. Elle apparaît en une ligne de texte qui court sur toute la largeur des pages. L'aîné essaie de la convaincre de sa suprématie. Trois ans d'âge, c'est tout dire! Le format à l'italienne permet à l'illustratrice de déployer de très belles images dans la veine réaliste pour la forme. Pour le fond, c'est différent. Et c'est la raison pour laquelle cet album drôle prend tellement bien. Car dans son adresse à sa petite sœur, le grand frère multiplie les explications les plus abracadabrantes, parcourant de son ton grandiloquent toute l'histoire du monde jusqu'au big bang. C'est hilarant même si lui se croit cartésien. Et cela ne trompe pas la cadette qui répondra à cet incroyable monologue d'un simple mot.

"Je vais te dire..." (c) Editions Thierry Magnier.

 
Pépite fiction juniors
 
Mori

Marie Colot
Noémie Marsily
CotCotCot Éditions, 204 pages
 
"Dokusho a tanoshimo" (bonne lecture). A la fois roman graphique et docu-fiction, ce livre illustré épais de bon format nous emmène au Japon où la création d'une forêt urbaine par le botaniste Akira Miyawaki fait se rencontrer Mikiko et Kazuho. C'est à la fois un roman d'apprentissage avec une héroïne qui devient adolescente, une invitation à réfléchir à la place de la nature dans nos vies et un appel à créer divers écosystèmes dans l'actuel contexte d'urgence climatique. 
 
 
Pépite bande dessinée 
 
Hey Djo!

Marzena Sowa
Geoffrey Delinte
Gallimard Bande Dessinée, 168 pages

Ce sont les grandes vacances pour Djo. À 13 ans, il n'a aucune envie d'accompagner son père, camionneur, sur les routes de France. Alors que les paysages défilent, il découvre un monde à part, qui n'est pas sans danger... et se prend à apprécier la parenthèse estivale, entre grande aventure et sentiment de liberté.
 
 
Pépite fiction ados
 
La Danse sauvage d'Harmonie Stark

Sigrid Baffert
Jean-Michel Payet
l'école des loisirs, 288 pages

Ambiance far-west dans ce roman à lire avec chapeau Stetson et chaussé de bottes de cow-boy. On est dans l'Ouest du XIXe siècle pour une histoire de rage et de vengeance. Que fuient Petit, le minot, Grand, avec sa jambe blessée, et la jument, Captain Wynn? Pourquoi La Vipère a-t-elle tiré à la Winchester sur le vieux Fillmore et mis le feu à la grange? Tous les autres du refuge sont-ils morts dans l'incendie?


Pépite d'or
désignée par un jury de critiques littéraires pour récompenser le meilleur livre de l'année.

Bianca et la Forêt des parents égarés
Marie Boisson
Misma, 192 pages, novembre 2023

Bianca vit avec sa tante Clémentine et son cousin Julien depuis que ses parents ont disparu un jour sans que personne ne sache ni où ni pourquoi. Bianca en a marre ne pas savoir et qu'on ne réponde jamais à ses questions ! Elle décide de fuguer pour partir à leur recherche. Une adresse notée sur un post-it la conduit jusqu'à La Forêt des Parents Égarés. Mais elle n'y trouve pas ses parents. On lui conseille alors de se rendre au Bureau des Problèmes à Résoudre et au Bureau des Affaires Résolus. Mais avant d'y arriver, Bianca traversera bien des épreuves et rencontrera des personnages tous plus farfelus les uns que les autres.



mardi 26 novembre 2024

Un palmarès très très féminin aux Espiègles 2024

"1, 2, 3... sommeil!" de Bernadette Gervais. (c) Les Grandes Personnes.
 
Ne dites plus Grand prix triennal de littérature de jeunesse, appellation datant de 2006, dites Espiègle du couronnement de carrière en littérature de jeunesse.
 
Depuis l'an dernier, les prix littéraires en Belgique francophone ont changé d'identité et ont été renommés les Espiègles. En référence à "La légende d'Ulenspiegel", le roman de Charles De Coster paru en 1867, considéré comme l'acte fondateur de la littérature belge francophone. Sait-on que certains de ces prix ont été créés il y a 100 ans, en 1924, récompensant des auteurs en catégories roman, poésie, théâtre et essai. On a parlé ensuite des prix littéraires de la Communauté française, puis de la Fédération Wallonie-Bruxelles. D'autres catégories se sont ajoutées, la littérature de jeunesse en 2006, la bande dessinée en 2017. En 2023, ils ont été renommés Les Espiègles.

La sérigraphie de Laura Simonati.
L'édition 2024 voit la proclamation de dix noms pour neuf prix, tous n'étant pas annuels. Nouveauté, un trophée est offert aux lauréat·e·s. Pour l'édition 2024, c'est l'autrice Laura Simonati, lauréate de l'Espiègle de la première œuvre en littérature de jeunesse en 2023, qui a été choisie  afin de réaliser une image imprimée inédite autour du mot "Espiègles".

Un palmarès quasiment entièrement féminin, huit lauréates et une association française très féminine, pour un lauréat!


L'Espiègle du couronnement de carrière en littérature de jeunesse (15.000 euros) donc est attribué cette année à l'excellente Bernadette Gervais. Joie immense de voir récompensé un si grand talent qui a mûri tout en restant accessible aux enfants. Créer des livres pour les enfants a toujours été son ambition. Elle en rêvait déjà à quinze ans comme elle nous le confiait dans une interview pour la revue 64_page (lire ici).
 
Depuis une dizaine d'années, la Bruxelloise publie en solo, une petite vingtaine de titres de tous les formats et pour tous les âges. Précédemment, durant un quart de siècle, elle avait imaginé et illustré une centaine d'albums en duo avec Francesco Pittau. Un solo où elle fait des flammes et remporte prix sur prix, à Paris, à Bologne, en Belgique. Pépite d'or 2020 du Salon de Montreuil pour "ABC de la nature" (Les Grandes Personnes, lire ici), mention spéciale Non-fiction 2022 de la Foire du livre jeunesse de Bologne pour son imagier très personnel "Des trucs comme-ci, des trucs comme ça" (Les Grandes Personnes, lire ici), prix IBBY Belgique francophone 2022 de l'album belge pour le magnifique "Petite et Grande Ourses" incitant à ne pas se résigner quand on est maltraité (La Partie, lire ici). Mais Bernadette Gervais peut aussi célébrer le quotidien, ouvrir à la beauté, faire rêver ou découvrir. Avec la particularité que rien n'est jamais gratuit chez elle, qu'elle s'adresse aux bébés ou aux enfants de maternelle ou de début d'école primaire. Avec l'autre particularité que chacun de ses albums est une prouesse technique si ce n'est un défi. On sait que le pochoir est sa manière favorite et qu'elle la maîtrise à la perfection mais elle est aussi une très bonne photographe et a l'art de composer ses pages en jouant admirablement du rapport texte-images.
"Mon public est celui des petits, un créneau que j'apprécie. Mon dessin s'adresse plutôt aux 1 à 6 ans. J'aime les bouquins qui ont du sens mais qui restent des livres pour enfants. Aujourd'hui, on trouve beaucoup de livres graphiques où les auteurs se sont surtout fait plaisir. Moi, en créant un livre, je pense toujours à l'enfant qui va le lire. Je veux que ce que je fais soit lisible par lui, qu'il y prenne du plaisir. Mais que le livre soit très graphique."
In 64_page #14
Beaucoup d'albums de Bernadette Gervais ont déjà été évoqués ici. Pour les retrouver, il suffit de cliquer ici et de les faire défiler.

Attardons-nous sur les deux titres qui ont paru cette année.


Dans "Où est passé le vent?" (La Partie, 56 pages), Bernadette Gervais invite les enfants de classes maternelles à regarder la nature. Que se passe-t-il quand le vent disparaît? Texte ritournelle en page de gauche et image en page de droite posent les questions à propos d'éléments du quotidien: "Petit Nuage,/ Sais-tu où est passé le vent?/ "Il a disparu./ Je ne peux plus atteindre/ la montagne!"" Le jeu de question-réponse se poursuivra onze fois. Sont interrogés Petit Bateau, Petit Oiseau, Petite Carillon, Petite Eolienne, etc. Leur inertie témoigne avec force de la raison d'être du vent. La réponse viendra finalement d'un petit garçon qui va décoincer ce sacré vent... et les onze immobilisés de se mouvoir à nouveau en autant de doubles pages, "Merci le vent!", que clôture une large illustration finale les rassemblant tous en un imagier coloré et muet.
 
"Sais-tu où est passé le vent?" (c) La Partie.

"Merci le vent!" (c) La Partie.
 
 
 
Dans "1, 2, 3... sommeil!" (Les Grandes personnes, 48 pages), Bernadette Gervais aborde le rituel du coucher. A sa façon, douce, poétique et inventive. Texte en page de gauche, image en page de droite encore une fois, on entre tout de suite dans le vif du sujet . "1, 2, 3.../ le soleil/ se couche/ couche/ couche" avec la particularité que les mots pâlissent de ligne en ligne, comme s'ils sombraient dans le sommeil, en face d'un flamboyant coucher de soleil. La nature est très présente dans cet album du soir, le soleil bien entendu, dont on sait qu'il se couche, mais aussi les nuages, les oiseaux, la lune, les papillons qui se cognent à la fenêtre quand la lumière est allumée. Vient ensuite le quotidien, les jouets à ranger, le pyjama à enfiler, les dents à brosser, le doudou à attraper, l'histoire à écouter, les baisers à compter tout comme les étoiles... "1, 2, 3.../ je m'endors/ dors/ dors". Un sommeil paisible, veillé par la lune, célébré par les somptueuses gammes chromatiques des images en pochoir, posées sur des fonds unis qui jouent avec elles.


"1, 2, 3... sommeil!" (c) Les Grandes Personnes.



L'an dernier sortait "Mes saisons" (Les Grandes personnes, 56 pages), où Bernadette Gervais nous emmène en balade au fil des saisons, à la découverte d'une faune et d'une flore changeante et foisonnante. Des pages superbement composées avec de si belles illustrations au pochoir colorées et de superbes photographies en noir et blanc. Des pages dont les assemblages incitent à regarder ce qui est à côté de nous.

"Mes saisons" (c) Les Grandes Personnes.

Quelques titres.



Suite du palmarès

L'Espiègle de la première œuvre de littérature en langue française
(ex Prix de la première œuvre en langue française)
depuis 1997, 5.000 euros
Éléonore de Duve pour "Donato" (José Corti, 2023) 
 
Un premier roman qui fait le portrait d'un grand-père venu des Pouilles travailler dans les mines belges, un aïeul peu bavard qui voit ici son histoire magnifiquement portée par la littérature.
Ce texte a fait l'objet d'une très belle performance de l'autrice, accompagnée de Zen My Nguyen (Radio Hito), à la Maison Poème.

L'Espiègle de la première œuvre en littérature de jeunesse
(ex  Prix de la première œuvre en littérature de jeunesse)
depuis 2019, 5.000 euros
Charlotte Pollet pour "Tout le monde a un teckel sauf moi" (Biscoto, 2023).
 
Des images toutes en rondeur et très épurées qui font sourire et rire, incitant l'enfant lecteur à les examiner de près pour découvrir le teckel présent à chaque page. Assa, l'héroïne, les voit, ces chiens saucisses, alors lui aussi! Un album qui fut un des dix finalistes du prix IBBY Belgique francophone 2023 de l'album drôle (lire ici et ici)

 
 
 
L'Espiègle de la bande dessinée ou prix Atomium – Fédération Wallonie-Bruxelles
remis dans le cadre du BD Comic Strip Festival (anciennement Fête de la BD), 10.000 euros
Léonie Bischoff, qui, depuis, a aussi reçu le Grand Prix de l'Académie Victor Rossel de bande dessinée (lire ici et ici).
 

L'Espiègle de la première œuvre en bande dessinée
(ex  Prix de la première œuvre en bande dessinée)
depuis 2019, 5.000 euros
Adlynn Fischer pour "L'été du vertige" (La ville brûle, 2023).


L'Espiègle (triennal) de théâtre en langue française
(ex Prix triennal de théâtre)
depuis 1926, tous les trois ans, 8.000 euros
Marie Darah pour "Depuis que tu n'as pas tiré" (MaelstrÖm reEvolution)
et
Céline Delbecq pour "À cheval sur le dos des oiseaux" (Éditions Lansman) 
 

L'Espiègle du rayonnement des littératures francophones à l’étranger
(Prix Léo Beeckman)
(ex Prix du rayonnement des lettres belges à l'étranger)
depuis 1998, désormais triennal, 4.000 euros
L'asbl "Les mal coiffés", créée à l'initiative de Nicole Maymat et Dominique Beaufils, organisatrice de la Biennale des illustrateurs de Moulins (France). La septième édition de ce magnifique festival biannuel aura lieu du 13 au 23 novembre 2025 (lire ici). Des rencontres auxquelles nous avons souvent participé (lire ici).


L'Espiègle de la première œuvre de littérature en langue régionale (œuvre non publiée)
(ex Prix de la première œuvre en langue régionale endogène)
depuis 2017, 1.000 euros
Jean Colot pour "Vîve li progrès!"

L'Espiègle (triennal) de théâtre en langue régionale
(ex Prix triennal de théâtre en langue régionale) 
depuis 2000, tous les trois ans, 8.000 euros
Nicole Goffart pour "Li vwès dès sondjes" 

 
Palmarès de l'ex Grand prix triennal en littérature de jeunesse

2021 Anne Herbauts (lire ici)
2018 Thomas Lavachery (lire ici)
2015 Anne Brouillard (lire ici)
2012 Benoît Jacques (lire ici)
2009 Rascal
2006 Kitty Crowther