L'exposition est prolongée jusqu'au 14 janvier (finissage le jeudi 12 de 18 à 21 heures, en présence de l'artiste).
Première page animée de l'album. (c) Les Grandes Personnes). |
Tout simplement en hommage au prodigieux graphiste et auteur-illustrateur
américain Seymour Chwast, cofondateur des
Push Pin Studios, âgé aujourd'hui de 91 ans, et en clin d'œil à l'album
jeunesse à surprises de ce dernier "The house that Jack built" ("La maison que
Jack a bâtie", Random House, 1973). "Voici la maison que Jack a bâtie, Voici le malt qui était dans la maison
que Jack a bâtie, Voici le rat qui a mangé le malt qui était dans la maison
que Jack a bâtie...."
Chez Seymour Chwast, les dessins de la célèbre comptine britannique
apparaissent au lecteur en dépliant des volets carrés de taille croissante, le
texte étant imprimé au verso des rabats.
"The house that Jack built", par Seymour Chwast. |
Adepte des procédés techniques surprenants (lire
ici),
Henri Galeron décline à
sa manière l'idée de Seymour Chwast. En un procédé aussi simple qu'efficace,
celui de la page qui grandit à chaque tourne. La première page animée montre
l'arche découpée en languettes. Chaque fois qu'on tourne l'une d'elles, un
nouveau personnage entre en scène, le texte ritournelle et le dessin
s'agrandissant en conséquence.
L'album s'ouvre, comme chez Chwast, sur deux doubles pages de présentation.
D'abord, "Voici Noé" où un homme âgé et barbu, en salopette,
se tient à côté de sa boîte à outils. Ensuite l'arche, toutes portes ouvertes
et pont déployé, soutenue par des étais à côté desquels se trouve un gros
sac: "Voici l'Arche Que Noé a bâtie" et
"Voici le riz Qu'il faut embarquer sur l'Arche Que Noé a bâtie" (cfr image du haut).
Le calme apparent est perturbé quand
"Voici le rat Qui a grignoté le riz Qu'il faut embarquer sur l'Arche Que
Noé a bâtie". Inadmissible pour la survie de l'expédition en préparation! C'est alors que
démarre une folle farandole animalière, chaque nouvel arrivant s'en prenant au
précédent et le texte se compétant dans une formidable richesse de
vocabulaire. Quant aux images, ce sont autant de tableaux où sont chaque fois
mis en scène différemment les protagonistes. Peut-être pas des scènes de
bagarre mais des scènes d'intimidation réjouissantes à observer. Comme est
réjouissant à écouter, ou simplement entendre quand on est petit, le texte
répétitif aux consonances un peu rauques.
Comment pacifier ces neuf animaux bagarreurs? C'est évidemment Noé qui a la
solution. Une solution qui réconcilie tout le monde et invite une belle série
d'animaux qu'on n'avait pas encore croisés. Prodigieuse scène finale que la
fête enchanteresse qui clôt les prises de bec! Quel travail inouï pour
dessiner tout cela et arriver à la quatrième de couverture, joyeuse et
paisible.
(*) A ne pas confondre avec l'album de John Goldthwaite qu'a illustré Henri Galeron "L'Oubli de Noé" paru chez Harlin Quist en 1978 et réédité chez le même éditeur en 1998 sous le titre "Ceux que Noé a oubliés".
Pour mieux comprendre le procédé technique utilisé dans l'album
"L'arche que Noé a bâtie", regarder
cette
vidéo.
Rare, une exposition d'originaux
Une partie des dessins d'Henri Galeron exposés au rez. |
En parallèle à cette nouvelle sortie d'album en littérature de jeunesse,
Henri Galeron est
aussi au cœur d'une importante exposition de ses dessins originaux à la
très belle librairie-galerie Métamorphoses, dans le sixième arrondissement
à Paris,
"Henri Galeron, dessinateur. Les planches originales 1974-2017".
1974, année de la sortie de l'album "Le kidnapping de la cafetière"2017, année où a paru "ABCD".
Plus de cent cinquante dessins originaux balayant quarante-trois ans de
création, remarquablement accrochés, figurent aux cimaises du rez et du
sous-sol, ou encore en vitrine. Principalement des couvertures de Folio,
mais aussi des couvertures de la défunte collection Mille Soleils de
Gallimard Jeunesse ou du Livre de poche. Des documents précieux
comme des esquisses de dessin ou des courriers reçus, ou, rareté absolue,
une couverture refusée. Egalement des affiches et des originaux de
plusieurs albums jeunesse publiés aux Grandes Personnes, dont le récent
abécédaire "ABCD" (lire
ici). Et si toutes les lettres ne se trouvent pas dans les vitrines de la
galerie, c'est que sept d'entre elles trônent en bon ordre dans la vitrine
à front de rue.
En vitrine côté rue. |
Quelle aubaine de découvrir de près tant originaux de ce maître de
l'illustration qu'est
Henri Galeron,
mêlant hyperréalisme, imagination, humour en un talent fou. Une aubaine
car l'homme expose peu, pour ne pas dire très peu. De près car
Henri Galeron
dessine toujours un sur un. L'original d'un Folio est donc à la taille du
livre en format de poche.
Une des vitrines. |
Toutes collections confondues,
Henri Galeron pense
avoir réalisé entre 400 et 450 couvertures de livres. Souvent tellement
marquantes que même si Gallimard a décidé de recourir désormais à des
photos pour les couvertures de sa collection de poche, on en a tous
plusieurs fixées dans notre rétine. "Le pont de Londres", de Céline, "La
peste", de Camus", "Comment fais-tu l'amour, Cerise?" de René Fallet, "Les
mains sales" de Sartre, "La place" d'Annie Ernaux, "Les cerfs-volants", de
Romain Gary, "La main coupée" de Cendrars, et tant d'autres...
Des dessins qui témoignent du travail de recherche du dessinateur qui a lu le livre avant d'en illustrer la couverture, tapis rouge pour le futur lecteur ou évocation subtile d'une lecture déjà faite. "Une couverture doit être comme une affiche", estime Henri Galeron. "Elle doit être appréhendée d'un coup."
Comment le Provençal monté à Paris qui travaillait aux jeux éducatifs chez
Nathan est-il arrivé à créer autant de couvertures? Par une succession de
rencontres. En 1967, le numéro 131 du remarquable magazine "Graphis"
s'intéressait à la littérature de jeunesse et consacrait un article à
l'éditeur américain Harlin Quist; une publicité de ce dernier renseignait
une adresse parisienne. Pas d'éditeur à l'adresse mais il se savait que le
Français François Ruy-Vidal travaillait alors avec l'éditeur américain.
Henri Galeron
rencontre Ruy-Vidal qui lui propose de publier chez lui, chez
Grasset-Jeunesse en réalité. Il y fera deux livres avant de passer chez
Harlin Quist, abordé à la Foire du livre de Francfort et qui deviendra son
éditeur de l'époque (huit livres en solo, six en collectif).
A la même époque, en 1972, Gallimard lance la collection Folio, rachetée au
Livre de poche et dont la maquette est confiée au célèbre Massin. Le
graphiste doit faire naître cinq cents couvertures en deux ans, c'est-à-dire
entre vingt et vingt-cinq par mois.
Henri Galeron en
réalisera une à deux par semaine. Le voilà chez Gallimard. Du côté des
adultes certes, mais Massin règne aussi sur les couvertures du département
jeunesse fondé par Pierre Marchand et Jean-Olivier Héron qui publient Roald
Dahl et Jacques Prévert notamment... Ainsi que les célères documentaires
"Premières découvertes". On n'arrêtera plus Galeron.
De fil en aiguille, le dessinateur fera des livres avec Patrick Couratin,
Jacques Binsztok et Brigitte Morel au Seuil Jeunesse et chez Panama puis
avec la dernière aux Grandes Personnes, avec François David chez Motus, des
couvertures de disques, des affiches, des décors d'opéra, des timbres. Et
Galeron de préciser:
"L'exposition ne montre qu'une des techniques que j'utilise, une de mes
époques."
Une précision qui ne doit pas faire hésiter à foncer admirer ces originaux
qui ont marqué l'histoire de l'illustration française.
Sur le site de la librairie Métamorphoses (ici), quelques-uns des dessins exposés et une interview vidéo d'Henri Galeron.
A noter qu'il sera présent à la librairie-galerie Métamorphoses ce samedi 17
décembre de 15 à 19 heures (17, rue Jacob, 75006 Paris). L'exposition se
poursuit jusqu'au 7 janvier.
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