Nombre total de pages vues

mardi 24 mai 2016

Colette, Rose-Marie, Aïko et Thomas à l'honneur

Les lauréats 2016. (c) Jean Poucet.

Fabrice Murgia.
Ce lundi 23 mai, c'était donc non seulement la fête à la grenouille le matin, celle de l'Autriche verte l'après-midi, mais en soirée la remise des prix littéraires de la Fédération Wallonie-Bruxelles de l'année. Ils étaient quatre lauréats cette fois, bien moins qu'en 2015 (lire ici), célébrés au Théâtre national. Un premier événement pour le nouveau directeur, tout fraîchement nommé, Fabrice Murgia.
Alda Greoli.
Autre nouvelle, à peine moins puisqu'elle est entrée en fonction le 16 avril dernier, la ministre de la Culture, Alda Greoli. Pas impressionnée cette dernière, et auteure d'une prestation fort sympathique. Elle ramasse les lunettes de l'une, s'emmêle l'écharpe avec l'autre. Dans son mini-discours, elle a commencé par remercier les "écrivains qui parfois nous inquiètent afin de faire de nous des citoyens debout". Ses mercis sont ensuite allés au personnel des bibliothèques, aux enseignants et aux libraires.

Le palmarès

Colette Lambrichs.
Le Prix du rayonnement des lettres belges à l'étranger (4.000 euros) va à Colette Lambrichs, éminente directrice littéraire aux parisiennes éditions de la Différence depuis 1976. En quarante ans de très bons services (2.000 titres publiés), on lui doit, entre autres, la publication de nombreux auteurs belges, les francophones Serge Delaive, Jacques Izoard, Stéphane Lambert, Marianne Sluszny, Jacques Richard (lire ici), William Cliff et d'autres et bien entendu le néerlandophone Tom Lanoye dont le dernier roman, le septième chez cet éditeur,  "Gaz, plaidoyer d'une mère damnée" (traduit par Alain Van Crugten, La Différence, 2016) est absolument bouleversant.
"En France depuis 44 ans et aux Editions de la Différence depuis 40 ans, je pratique la culture du mélange. Pour moi, un bon roman est un texte qui fait apparaître la réalité différemment. Aujourd'hui, on publie trop de livres qui se ressemblent. Je donnerai l'argent du prix aux éditions."


Rose-Marie François.
Le Prix triennal de prose en langue régionale endogène (2.500 euros) va Rose-Marie François pour "La Cendre. Lès Chènes" (MicRomania Editions, 2013), en français et en picard, son histoire de bébé pendant la Seconde Guerre mondiale. Une solide femme qui surprend souvent l'auditoire, et l'animateur de la soirée, David Courier, par ce qu'elle dit. Par exemple quand elle explique: "Je fais de la poésie surtout, du théâtre et de la prose. Ma langue n'est pas chronologique. J'écris sur des choses qui ne se sont pas encore produites." Ce sera encore plus fort lorsqu'elle se lancera dans une lecture en picard. Et dire que tout a commencé chez elle à la suite de la lecture de "La petite fille aux allumettes" quand elle était petite!
Ecoutons-la.

Deux mentions spéciales sont attribuées à Paul-Henri Thomsin pour "Avå lès vôyes" et à René Brialmont pour "Douda d'Êwe d’Oûthe."

Aïko Solovkine.
Le Prix de la première œuvre (5.000 euros) va à Aïko Solovkine pour son roman "Rodéo" (Filipson Editions, 2015), le dur portrait d'une jeunesse désenchantée, entre poésie et argot, au départ d'un fait divers.
Amatrice de littérature américaine (Richard Ford, McCarthy,..) et allemande (Elfriede Jelinek), elle confesse avoir été jeune chercher sa "ration de bouquins à la bibliothèque". Son roman, elle l'a écrit la nuit, parce qu'elle travaillait la journée. En trois mois, et debout, l'ordinateur posé sur une commode, pour ne pas tomber endormie. Mais quasi sans retoucher le texte qui avait jailli après une longue maturation en pensée.
Ecoutons-la.

Trois autres ouvrages figuraient au tour final du vote: les romans "Le dossier Nuts" de Joseph Annet (Memory Press) et "Today we live" d'Emmanuelle Pirotte (Le Cherche-Midi) ainsi que le recueil de nouvelles de Catherine Deschepper, "Un kiwi dans le cendrier" (Quadrature).

Thomas Gunzig.
Le Prix triennal du roman (8.000 euros) va  à Thomas Gunzig  pour son roman "Manuel de survie à  l'usage des incapables" (Au Diable Vauvert, 2013, Folio, 2015). Le Prix Rossel 2001 (pour "Mort d'un parfait bilingue", même éditeur) conte ici une société ultra-libérale à sa façon douce-amère, parfois absurde, parfois désinvolte, contrastes bienfaisants aux situations décrites.
Ecoutons-le.

Après la projection de la vidéo, le lauréat, fier et content d'avoir été choisi pour un prix triennal, n'avait plus rien à ajouter. Seulement copier Arno, "Putain, putain, c'est vachement bien..." et indiquer qu'il accorde de l'importance à tous les prix de lecteurs, d'où qu'ils soient.





lundi 23 mai 2016

Du nounours à la Grande Ourse

S'il y a une chose qui me manque dans le fait que mes enfants aient grandi - à deux, elles totalisent quasiment autant d'années que moi -, c'est les conduire le matin à l'école et découvrir, accrochées aux fils tendus entre les murs, les variations des enfants de la classe sur un thème choisi. Un sujet et plus de vingt déclinaisons attachantes. Un bonheur! En classes de maternelle surtout, mais à l'école primaire aussi.

Aujourd'hui, je me rattrape en consultant régulièrement le site du Muz, le musée des œuvres des enfants créé par Claude Ponti, dont j'ai régulièrement parlé (lire ici).

Justement, il présente en ce moment le projet artistique et culturel "Du nounours à la grande Ourse" qui a été organisé en mars 2014 dans la classe de Marie-Christine Joly, à l’école Maternelle Paul Dubois (Paris). En collaboration avec la plasticienne Violaine Laveaux,  les enfants de grande section se sont intéressés à la figure de l’ours. Et le résultat est splendide. Pas moins de six salles y sont consacrées, et à  raison. C'est à voir ici.

Le projet proposé à ces jeunes chasseurs-rêveurs? "Faire découvrir aux enfants de grande section l'œuvre de la plasticienne-photographe Violaine Laveaux et de les inviter à entrer en dialogue avec cette œuvre autour de la figure de l'ours. Amener les enfants à entrer dans un dialogue artistique que j'espère fécond: plastique mais aussi émotionnel, sensible et poétique, en faire une chambre d'échos, une caisse à résonances", en dit l'enseignante Marie-Christine Joly.

En voici un avant-goût, des ours, leurs pattes et la façon de passer de l'ours doudou à la constellation.


Un ours et des enfants, tous différents. (c) Le Muz.



Pattes d'ours par plusieurs enfants. (c) Le Muz.


Du nounours à la constellation. (c) Le Muz.




mardi 17 mai 2016

Henri Michaux, cinquante nuances de non

A lire les lettres de Henri Michaux (1899-1984), réunies, présentées et annotées par Jean-Luc Outers dans "Donc c'est non" (Gallimard, 192 pages), on découvre avec plaisir et curiosité combien l'écrivain, poète et peintre belge fut un Monsieur Non. Pas à la façon d'une femme politique belge, en retrait depuis peu de la scène, qui se contentait de répéter "non", "non", "non". Rien de cela chez Michaux qui décline ses refus de mille façons et crée une littéraire philosophie du non.

S'il se montre aussi peu collaboratif, ce n'est pas parce qu'il a mauvais caractère, quoique, c'est surtout parce qu'il ne tient pas à figurer dans la lumière. Cela, du début à la fin de sa vie, essentiellement par peur de l'enfermement. Evidemment, lui-même écrit souvent contre ceci ou cela. Mais cela n'explique pas tout. Henri Michaux déteste surtout la "vedettomanie". Prendre une photo de lui tient la croisade, enregistrer sa voix du rêve absolu. Le rééditer ou l'inscrire dans une anthologie? Il l'interdit. Lui attribuer un prix littéraire? Systématiquement hors de question - on verra si Joseph Andras qui vient de refuser le Goncourt du premier roman poursuivra et en littérature et dans son refus des récompenses. Autant d'interdictions que l'écrivain édicte jusqu'à sa mort.

Il avait fait pareil pour ses lettres: "Laissez-moi mourir d'abord" avait-il indiqué. Trente ans après son décès, en voici une centaine, choisies par Jean-Luc Outers qui, s'il n'a jamais rencontré Henri Michaux, connaît très bien son œuvre et sa vie. Il nous les présente in extenso dans l'ordre chronologique de leur envoi, de 1931 à 1984. Il les a choisies parce que toutes disaient non d'une manière ou l'autre. Et ces refus successifs campent un portrait en creux extrêmement intéressant de leur auteur - quelques correspondances figurent aussi dans les pages. En plus de constituer une fort agréable lecture.

Si Jean-Luc Outers a pris soin de replacer les différents courriers dans leur contexte, on peut aussi se référer à la page que Gallimard, le "gros" éditeur de Michaux, consacre à l'écrivain et peintre (ici). Mais on n'oubliera pas que l'homme de lettres adorait être publié en tout petit tirage chez de tout petits éditeurs.

De tout cela, il sera question ce mercredi 18 mai à 20 heures à Passa Porta au cours de la soirée littéraire "Donc c'est non: Henri Michaux par Jean-Luc Outers". Plusieurs lettres seront lues par le comédien Bruno Marin tandis que Jean-Luc Outers répondra aux questions de Nadine Eghels sur le recueil qu'il vient de publier et le long travail de recherche que ce dernier a nécessité. Infos ici.

Pour feuilleter le début du livre, c'est-à-dire lire le texte de Jean-Luc Outers sur son sujet à l'exception de la dernière page (pas de lettre donc), c'est ici.

Un exemple.
"Cher ami,
Si un inconnu m'avait envoyé une lettre à propos de cette anthologie de poètes belges j'aurais été fort à l'aise pour répondre. J'aurais refusé catégoriquement.
Mais c'est toi. Donc je suis un peu embarrassé. Mais il s'agit de moi. Donc je ne le suis pas. JE N'AI AUCUNEMENT L'INTENTION D'ACCEPTER. (...)"

Un autre.
"Monsieur,
Je me souviens parfaitement de vous et de notre entretien.
Mais vous prononcez maintenant le mot qui me fait tout oublier et que j'ai en horreur: Conférences.
N'en parlons plus. Croyez-moi - cela mis à part - cordialement vôtre."


Rappelons aussi qu'une exposition "Henri Michaux Face à face" se tient en ce moment à la bibliothèque Wittockiana, et ce jusqu'au 12 juin. Renseignements ici.
Avec le plaisir de voir que l'affiche montre le portrait gravé sur bois de Henri Michaux suggéré par Gaston Gallimard pour son premier livre publié à la NRF, "Qui je fus" (1927). Une proposition qui, sur un exemplaire dédicacé, fut rayée d'une croix et complétée d'un "non" rageur.








lundi 16 mai 2016

Découvrir Paula Becker est une splendeur

Autoportrait de Paula Becker, en 1906, à Paris.

Regardez bien ce tableau, en bas duquel il est écrit: "J'ai peint ceci à l'âge de trente ans / le jour de mon 5e anniversaire de mariage / P. B.". Magnifique, non? Il a été peint à Paris en 1906 et est l'œuvre de Paula Becker, immense artiste allemande encore à découvrir dans la sphère francophone. Il montre une femme moderne, originale, terriblement moderne, terriblement originale. Paula Becker était pressée de vivre, de peindre, d'aimer, de s'amuser, de découvrir, de se promener, de lire, comme si elle devinait qu'elle avait très peu de temps à vivre. Elle mourut à 31 ans, quelques jours après avoir donné naissance à sa fille Mathilde.

Paula Becker fut une précoce et éloquente représentante de l'expressionnisme allemand. Une des peintres les plus inspirées de l'art moderne. Et pourtant, son nom ne vous dit probablement rien. Elle ne vient pourtant pas de loin, d'Allemagne, de Dresde et Worpswede. Elle fut la grande amie du poète Rainer Maria Rilke, séjourna régulièrement à Paris. Mais sa vie fut courte, de 1876 à 1907, et sa carrière artistique réduite, à peine dix ans. Néanmoins quelle richesse, quelle profondeur, quelle puissance dans son œuvre, moderne et résolument en avance sur son temps (en vrac ici).

Si je vous parle de Paula Becker aujourd'hui, c'est pour trois raisons, qui sont une exposition et deux livres.

On peut actuellement découvrir son œuvre au Musée d'art moderne de la ville de Paris qui présente la première monographie qui lui est consacrée en France. L'exposition "Paula Modersohn-Becker, L'intensité d'un regard" (une centaine de dessins et de peintures) est accessible jusqu'au 21 août (à regarder en bref ici). Un double nom dans l'intitulé car Paula Becker prit le nom de son mari, le peintre de paysages classiques Otto Modersohn, après leur mariage, en 1901. Elle signait souvent ses tableaux de ces seules trois initiales, P M B. Ses tableaux? Quelques paysages, beaucoup de natures mortes qui n'ont de mortes que le nom, et, surtout, de fulgurants portraits, saisissant l'essentiel, à contre-courant de leur temps, sensibles et expressifs. Des ouvriers, des femmes au travail, des mères à l'enfant. Sans oublier les nombreux autoportraits, parfois nus, une première, qu'elle a réalisés tout au long de sa vie. Les connaisseurs savent toutefois que, vingt ans après son décès, un musée dédié à Paula Modersohn-Becker fut créé à Brême par un mécène.

Personnalité originale et forte, Paula Becker n'eut pas une vie banale. Elle la consignait dans son journal et dans les nombreuses lettres qu'elle échangeait avec sa famille ou ses amies dont la sculptrice Clara Westhoff, l'épouse de Rainer Maria Rilke. Ce sont ces écrits notamment, les tableaux ainsi que les lieux où elle a vécu qui ont permis à deux romancières, Marie Darrieussecq cette année et Maïa Brami l'an dernier, de raconter cette vie brève. La première a choisi la voie de la biographie, la seconde celle du roman. Les deux livres se complètent fort bien et font irrésistiblement penser que c'est immensément dommage que cette merveilleuse artiste n'ait pas davantage vécu.


"Etre ici est une splendeur, vie de Paula M. Becker" de Marie Darrieussecq (P.O.L., 152 pages) est un livre magnifique, portant l'enthousiasme de l'auteur pour son sujet. Plus qu'un intérêt, presqu'une passion, écho à celle qui animait la jeune peintre. Marie Darrieussecq nous la raconte par bribes, comme autant de coups de pinceau composant un portrait qui se précise de plus en plus. De paragraphe en paragraphe, on suit l'itinéraire d'une jeune fille puis jeune femme, morte il y a un peu plus de cent ans, et à laquelle on s'attache comme si on pouvait la rencontrer un jour. Oui, il est vraiment dommage qu'elle n'ait pas vécu plus longtemps mais Marie Darrieussecq lui compose un formidable tombeau. Un texte très personnel dont elle s'efface jusqu'à l'ultime chapitre où elle révèle le chagrin qui l'a conduite à écrire ce prenant livre biographique.

Dans un récit plein de vie, on suit Paula de jour en jour, depuis son enfance, dans son quotidien, en famille d'abord, avec son mari et ses amis ensuite. Le dessin, la peinture, l'apprentissage, les projets fous avec Clara, les rencontres, Otto Modersohn qui l'intéresse, Paris, Berlin, Worspwede, Rilke, la peinture encore et toujours, le mariage, les doutes,  la petite fille venue avec Otto, son désir de rompre pour être seule et avancer, ses réflexions sur l'art, ses autoportraits, sa grossesse, la naissance de sa fille. Les fleurs dans les cheveux et les promenades. Les grandes questions et les riens du quotidien comme le rôti à cuire ou le riz au lait. Une existence toujours portée par une furieuse envie de vivre qui perle à chacune des phrases de Marie Darrieussecq. Quelle paire elles auraient fait, ces deux-là!

Pour lire le début de "Etre ici est une splendeur", c'est ici.


La reconnaissance de Paula Becker avait déjà été entamée l'an dernier par la publication du beau roman de Maïa Brami, "Paula Becker, La peinture faite femme" (Editions de l'Amandier, 140 pages, 2015). Il paraît dans la collection "Mémoire vive" qui entend, par le biais de la fiction et non de la biographie, faire revivre des figures et des existences méconnues, injustement oubliées. Un roman vraisemblable vu le nombre de pièces à disposition qui ont permis de l'élaborer.

Dans ce livre enlevé, Maïa Brami fait part de son admiration pour Paula Becker, qu'elle a découverte l'année de ses trente ans. Une artiste immense qu'elle raconte de façon personnelle et vivante. Elle lui rend hommage et détaille plusieurs moments marquants de sa courte existence, le choc durant son enfance, sa découverte de l'œuvre de Cézanne, ses doutes, ses joies, sa maternité... Elle voit en elle la peintre bien entendu, mais aussi la femme originale et croquant la vie. L'avant-gardiste qui célèbre les corps, idée neuve à l'époque. Ses portraits sont aussi incroyables de force que sont réduits les regards de ses personnages. Dans chaque chapitre, la romancière émet des hypothèses sur le pourquoi des choix de Paula. Et elle a sans doute raison car elle connaît bien son sujet. Mieux, elle l'aime. Son texte écrit au présent est entrecoupé d'extraits de lettres et du journal de Paula Becker. Il ne suit pas la ligne du temps mais passe plutôt d'une idée à l'autre. En fin d'ouvrage, une chronologie apporte des précisions historiques au lecteur curieux. Maïa Brami nous conte superbement une vie oubliée jusqu'ici.

Les deux livres se complètent fort bien. Je ne sais pas dans quel ordre il faut les lire. Personnellement, j'ai commencé par le roman de Maïa Brami, et j'ai été enchantée de poursuivre cette exploration de la vie de Paula Becker dans la biographie de Marie Darrieussecq.














mercredi 11 mai 2016

école des loisirs, ficelle et autres objets volants













Ting! Un mail entre à l'instant dans ma boîte. C'est un nouveau communiqué de l'école des loisirs, daté du 10 mai. Pas difficile de deviner qu'il concerne à nouveau les "romans" que publie la maison de la rue de Sèvres (on peut le lire ici). En effet, depuis le 5 avril (lire ici), un blog intitulé "la ficelle" publie chaque jour un texte de romanciers et de romancières de l'école des loisirs contant ce qu'était d'écrire pour, et avec, Geneviève Brisac - ou de traduire pour elle. Autant de témoignages qui font à la fois chaud au cœur, vu l'attention portée à des auteurs de livres destinés à des enfants ou à des ados et à leur public, et froid dans le dos puisque, depuis le congé de maladie de l'éditrice historique à la fin de l'an dernier, plusieurs contrats de romans signés ont été déchirés par Arthur Hubschmid, un des co-fondateurs de la maison parisienne née en 1965, un dénicheur d'albums hors pair, qui est aujourd'hui celui qui décide de l'avenir des textes qui lui sont présentés.

J'imagine bien que les textes de "la ficelle" ne doivent pas faire plaisir à tout le monde. Ils disent un passé et un présent et s'inquiètent pour l'avenir. Jamais, ils n'ont remis en question le personnel de l'école des loisirs. Si le communiqué du jour de cette denière est moins langue de bois que le précédent (il rend notamment nommément hommage à Geneviève Brisac), il est de nouveau, et c'est sans doute logique, à côté de la  vraie question, l'avenir des auteurs remerciés ou en voie de l'être.

Je comprends évidemment que les équipes soient déroutées devant cette situation inédite mais faut-il utiliser leur désarroi pour communiquer? Ceux qui semblent les plus perdus dans cette affaire ne sont-ils pas les auteurs dont le manuscrit accepté a ensuite été refusé et ceux qui craignent ne plus être entendus dans cette maison d'édition, dont il n'est pas fait ici mention?  La seule personne incriminée sur "la ficelle" est Arthur Hubschmid, pour les choix qu'il fait aujourd'hui et pour son attitude actuelle. Je n'ai lu aucune remise en cause de son passé d'éditeur d'albums de qualité. Je comprends aussi que le cas des auteurs ne se règle pas dans un texte public. Mais alors pourquoi communiquer?

Moralité: quand tu veux communiquer sans rien dire, tourne sept fois la ficelle dans ta bouche ou ton cerf-volant t'échappera.




mardi 10 mai 2016

Hommage à Simon Leys ce mardi à Passa Porta

Simon Leys.


Pour tout savoir sur Simon Leys (1935-2014, lire ici), de son vrai nom Pierre Ryckmans, essayiste, romancier, c'est ce mardi 10 mai à 20 heures à Passa Porta (renseignements et réservations ici).  Le sinologue a marqué les esprits par son amour de la Chine et ses prises de position sur le régime de cette dernière.

La soirée se déroulera en deux parties. D'abord, l'interview par Jérôme Colin de Philippe Paquet, un historien belge spécialiste de la Chine qui vient de publier une formidable et magistrale biographie, "Simon Leys, Navigateur entre les mondes" (Gallimard, 672 pages), sélectionnée pas plus tard qu'hier pour le prix Goncourt de la biographie. Cette première biographie sur Leys s'appuie sur une abondante correspondance avec lui et des écrits inédits.

Ensuite, on assitera à la projection d'un documentaire, l'entretien filmé mené en 2004 par Jean-Luc Outers et Jacques De Decker avec Simon Leys, intitulé "Simon Leys, la Chine, la littérature et la mer".
Pour s'y préparer, c'est ici.




Ces deux éléments de la soirée donneront ensuite lieu à une discusssion entre les auteurs présents.







lundi 9 mai 2016

Isabelle Wéry pour la dernière des soirées Portées-Portraits de la saison ce lundi soir


Il fait beau, il fait chaud, c'est le moment idéal pour découvrir ce lundi 9 mai dès 19 heures le petit jardin de la Maison Autrique en ouverture de la dernière soirée Portées-Portraits de la saison (pour rappel: lecture en musique par des acteurs). Ce sera rock à souhait puisque l'auteur contemporain accueilli aujourd'hui sera la Belge Isabelle Wéry, accompagnée de sa "Marilyn désossée" (Maelström, 180 pages, 2013), prix de la littérature de l'Union europénne 2013.

Isabelle Wéry. (c) Alice Piemme.
De son dernier roman en date, la Liégeoise écrit:

"J'aime trop la langue.
Celle aux 18 muscles.
Je la veux contorsionniste.
Qu'elle parle un français animal.
Qu'elle claque aux oreilles, moite et sauvage.
Et que les mots flaquent du stylo.
Comme un alcool de corps.
Oui, l’écriture, comme un alcool de corps."

En effet, physiquement, la langue est capable de mille prouesses et certains logopèdes spécialisés dans ce domaine en font entrevoir les merveilles. Et littérairement, elle est encore capable de bien plus. Isabelle Wéry reprend à propos de "Marilyn désossée": "Je crois que j'ai écrit un road-movie traversant la vie d'une fille, Marilyn Turkey, qui aimerait bien être et homme et femme, puis animaux et quelque chose de végétation."

On peut avoir un aperçu de son livre ici.

C'est donc un OLNI (objet littéraire non identifié) qui clôture la saison de ces soirées littéraires orchestrées par Geneviève Damas. Ce soir, des extraits percutants du texte d'Isabelle Wéry, présente dès 19 heures pour une rencontre avec le public, seront lus par Audrey d'Hulstère accompagnée par Sarah Dupriez au violoncelle. La mise en voix sera assurée par  Emmanuel Dekoninck.

La lecture sera suivie de l'annonce de la saison prochaine et du verre traditionnel.

Infos pratiques

Lundi 9 mai 2016 à 20 h 15
Maison Autrique, chaussée de Haecht, 266 à 1030 Bruxelles.
8 € (qui vous donne l’occasion de visiter toute la maison)
renseignements et réservation conseillée : 02/245.51.87 ou albertineasbl@gmail.com




dimanche 8 mai 2016

Les mères, héroïnes plutôt que saintes

Chaque année à cette époque, c'est la même chose. L'un ou l'autre éditeur français publie l'un ou l'autre album pour enfants en lien avec la fête des mères. En précisant bien que ledit livre sortira la veille ou l'avant-veille dudit jour. Comme si le monde entier fêtait les mamans à l'heure française, soit le dernier dimanche de mai au mieux. Alors qu'en Belgique, en Suisse, au Québec, c'est le deuxième dimanche de mai. Le 8 donc, cette fois.

Quand le livre n'est pas très intéressant, je profite de ce décalage pour dire: désolée, à la date fériée belge, le livre n'était pas disponible en librairie. Et hop, emballé, pesé. Mais quand il est intéressant? Dois-je en parler à la date prévue pour la fête ou lors de sa sortie véritable, alors que Belgique, Suisse et Québec se préparent à ce moment à la fête des pères (respectivement le 12, le 5 et le 19 juin comme en France)?

En ce qui concerne "La déclaration des droits des mamans" d'Elisabeth Brami pour le texte et Estelle Billon-Spagnol pour les illustrations (Talents hauts, 40 pages), j'ai tranché. Ce sera aujourd'hui, même s'il n'arrive en librairie que le 19 mai. Parce qu'il est temps d'entendre aussi la voix des mamans en tant qu'êtres humains. On sait que tout le monde voudrait pour des raisons diverses qu'elles soient des saintes. Non, elles entendent aussi être incarnées, vivre.

Et les quinze articles de la déclaration de leurs droits font rudement du bien. Cela remet gentiment les pendules à l'heure, permet de considérer d'un nouvel œil ces héroïnes du quotidien. Cela ouvre mille discussions nécessaires et fécondes pour mettre en place de meilleures relations dans la famille. Elisabeth Brami ne mâche pas ses mots tout en précisant dès l'entame que ces droits sont valables pour les mamans comme pour les papas. Estelle Billon-Spagnol décline les affirmations de la première en de croquignolets dessins pleins de mots et d'humour. Qu'on s'amuse en détaillant les scènes parfois dantesques, parfois simplement réalistes, dessinées avec force et légèreté.

Exemple.

"Article 1
Les mamans comme les papas ont le droit de ne pas être parfaites, de ne pas tout savoir sur tout, de se tromper, d'oublier, de faire des bêtises et parfois, de lâcher un gros mot. Elles n'ont pas de super-pouvoirs."

Les illustrations attenantes sont craquantes, entre la maman qui a oublié la sortie des classes, celle qui a prolongé la cuisson des pâtes jusqu'à l'obtention d'une purée, celle qui jure parce que sa gym lui a fait perdre de vue l'anniversaire de son enfant, celle qui ne rassure pas la petite qui a le hoquet, celle qui monopolise les toilettes... et encore il faut voir les tenues de ces super-mamans!

Article 1 des droits des mamans. (c) Talents hauts.

Cet énergique rapport texte-images se poursuit au cours de l'énoncé des quatorze droits suivants, ayant trait aux activités père/mère, au vocabulaire, aux émotions, aux activités en solo, au partage des tâches, au respect de la vie privée, au travail, à l'apparence, à la fatigue, au divorce, à la liberté, à une nouvelle union, à de nouveaux enfants même... Une bienfaisante déclaration des droits qui touche à pas mal d'aspects d'une existence, sous couverture bleue et non rose bien entendu.

Cette dernière couleur, un rouge rosé, est réservée à la couverture de "La déclaration des droits des papas", des mêmes Elisabeth Brami et Estelle Billon-Spagnol (Talents Hauts, 40 pages, en librairie le 19 mai), pendant masculin du précédent tout aussi percutant et réussi. Car les papas, comme les mamans, ont le droit de ne pas être parfaits, de s'occuper des tout-petits, d'être de mauvaise humeur ou émus, d'être des papas-poules...

Article 1 des droits des papas. (c) Talents hauts.

Voilà  deux albums pour enfants qui devraient bien entendu être lus par les parents. Non, être père ou être mère n'oblige pas à être un(e) saint(e), même si de multiples pressions, venant de toutes parts, le suggèrent. Il ne s'agit pas de s'indigner mais de comprendre, de dialoguer et de résister. Et vivent les héros et les héroïnes du quotidien!





vendredi 6 mai 2016

L'insolite du quotidien dans des vues aériennes

Hier, jour de l'Ascension, j'ai donc pris un peu de hauteur comme il se doit. Et, surprise, j'ai constaté que j'y avais été précédée par deux albums pour enfants. Effet "drones" ou "selfies à perche", ces deux créations françaises toutes récentes montrent leur sujet d'en haut. Et c'est très sympa.

"Vu d'en haut", de Marie Poirier (Les Grandes Personnes, 38 pages) est un album cartonné carré destiné aux tout-petits. Sans texte, ce premier album affiche de belles couleurs. Celles de l'été, que l'on découvre  d'en haut d'abord en plan large. Un zoom de plus en plus rapproché permet de distinguer deux petits chapeaux ronds perchés sur des vélos. Vers où roulent-ils entre les arbres?

Les cyclistes en route. (c) Les Grandes Personnes.
Des vues aériennes vont suivre  les deux enfants de lieu en lieu dans leurs petits bonheurs estivaux, le bac à sable, le goûter, la piscine, les jeux avec le chat et les blagues de ce dernier. Tout est vu d'en haut bien entendu. A peine si des bras ou des jambes émergent parfois des larges chapeaux de soleil. Mais les différentes occupations peuvent être resituées sans peine dans le plan large initial.

Le goûter vu d'en haut. (c) Les Grandes Personnes.
Voilà un album tout en ronds et formes simples, au graphisme résolument moderne, joyeux et bienfaisant avec son beau jaune lumineux, drôlement bien agencé aussi. Simple mais adroitement pensé avec son principe de doubles pages à l'exception des quatre où la couleur de fond varie entre gauche et droite. Pour le plaisir des couleurs posées en aplats, du graphisme et de l'histoire à se raconter comme on la veut.


En format à l'italienne, l'album simplement titré "Les livres" de Christos et Lili Chemin (Møtus, 36 pages) est aussi fait de vues aériennes. Si les images sont également en aplats, en tons plutôt neutres, on est ici à l'intérieur, plus précisément dans une vaste bibliothèque.

Entrée dans la bibliothèque. (c) Møtus.
La maman de Vladimir, un chaton noir, l'y emmène pour la première fois. On voit leur silhouettes déambuler entre les étagères, graphiquement symbolisées par des suites de livres posés sur les planches. Un labyrinthe peut-être mais surtout une rigueur qui n'emballe guère le fiston: ces livres, ils ne sont même pas beaux, même pas fantastiques, même pas mobiles comme les images sur la tablette de papa. Même d'en haut, on voit bien que Vladimir est déçu. Sa maman a beau affirmer que la beauté des livres est intérieure.

... à l'imagination. (c) Møtus.
De la construction...









Heureusement, une petite chatte vient distraire le grognon. A eux les constructions de livres, simples ou plus imaginatives qui leur permettent de se jouer déjà une fiction. Pendant que les petits poursuivent leur récit, maman a trouvé le livre qu'elle cherchait. Elle commence à le lire à son petit public. Une histoire extraordinaire que Vladimir voit pour de vrai dans sa tête! Il n'en revient pas. Sa maman aurait-t-elle une baguette magique? Inutile, lui dit la chatte blanche en lui tendant le bouquin...

Bien sûr, cet album est un plaidoyer agréable pour la lecture. On ne saurait le lui reprocher. Mais il propose en plus un traitement graphique aussi intéressant que réussi, surtout qu'il s'agit d'un premier livre. A suivre.