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mardi 28 février 2023

Les 100 albums remarquables de dPictus

"Uit het kijken kwan het zien", album non encore traduit
de Paul De Moor et Ingrid Godon (c) Querido.

Tout au long de l'année, la plate-forme en ligne dPICTUS, composée d'éditeurs et d'agents internationaux de livres d'images, invite des spécialistes internationaux de l'album jeunesse et de l'illustration à mettre en avant leurs titres préférés selon leurs critères propres. Les titres qui sont mis en évidence par le plus grand nombre d'entre eux figurent alors dans l'exposition annuelle "100 Outstanding Picturebooks" (100 livres d'images exceptionnels). 

Plusieurs des douze spécialistes choisis cette année ont des noms qui sonnent familièrement à nos oreilles:
  • la Belge Brigitte Van den Bosch des Ateliers du Texte et de l'Image à Liège
  • la critique française spécialisée en littérature illustrée Sophie Van der Linden (lire ici), régulièrement présente en Belgique
  • l'incontournable Américain Leonard S. Marcus, historien de la littérature de jeunesse, auteur et critique
  • la Japonaise Yukiko Hiromatsu, auteure, critique et commissaire indépendante, grande habituée des jurys et des sélections (lire ici)
  • le professeur britannique d'illustration à Cambridge Martin Salisbury
  • la traductrice et éditrice coréenne Jiwone Lee
  • l'Italienne Ilaria Tontardini de l'association culturelle Hamelin
  • la Suédoise Ulla Rhedin, jurée de l'exposition des illustrateurs de Bologne et du prix Astrid Lindgren
  • l'Allemand Bernd Mölck-Tassel, habitué des prix et des jurys
  • le Vénézuélien Fanuel Hanán Díaz, familier des jurys de Bratislava et du prix Andersen
  • le professeur chinois Fang Weiping, critique et essayiste
  • l'Ukrainienne Yuliia Kozlovets, ancienne libraire, coordonnatrice d'un important festival à Kiev et membre du jury des BolognaRagazzi Awards 2022
La sélection des 100 titres remarquables de tous pays pour 2023 est déjà accessible en ligne (ici). Elle sera aussi présentée la semaine prochaine à la Foire du livre pour enfants de Bologne. 

Cent titres donc! Parmi eux, vingt-six sont connus du public francophone, qu'ils aient été créés en français ou qu'ils aient été traduits ou adaptés. Allez-vous les reconnaître? Réponses en fin de note.

Au passage, on remarque que les Fourmis rouges et MeMo placent quatre titres, La Partie deux, tout comme La Joie de lire et Saltimbanque, les autres éditeurs n'ayant qu'un titre sélectionné.


Par ordre d'apparition
  • "Mariedl, une histoire gigantesque", de Laura Simonati (Versant Sud, Belgique, 2022, lire ici)
  • "Fabuleux Paysages du système solaire", d'Aina Bestard (traduit de l'espagnol par Philippe Godard, Saltimbanque, 2022)
  • "Elle tourne comme ça", de Martine Laffon & Icinori (Les fourmis rouges, France, 2022)
  • "Uit het kijken kwam het zien" (De regarder à voir), de Paul De Moor & Ingrid Godon (Querido, Belgique, 2022)
  • "On ferait comme si", d'André Marois & Gérard Dubois (Comme des Géants, Canada, 2022, Grasset Jeunesse, 2023)
  • "Règlobus", de Pierre Alexis (La Partie, 40 pages, France, 2022, lire ici)
  • "Le livre bleu", de Germano Zullo & Albertine (La Joie de lire, Suisse, 2022)
  • "Les canards sauvages", d'Agnès Jolivard (Les fourmis rouges, France, 2022)
  • "31 boîtes", de Cécile Boyer (La Partie, France, 2022)
  • "L'âge de la forêt", de Charline Collette (La Joie de lire, Suisse, 2022) 
  • "Ma plus belle ombre", de Carl Norac & Gaya Wisniewski (MeMo, France, 2022)
  • "Ils l'ont tous vu!", de Margaret Wise Brown & Ylla (traduit de l'anglais par Lou Gonse, MeMo, France, 2022)
  • "Traversée", de Louise Heugel (Editions Courtes et Longues, France, 2023)
  • "Les frères Zzli", d'Alex Cousseau & Anne-Lise Boutin (Les fourmis rouges, France, 2022)
  • "L'imagier des sens", d'Anne Crausaz (Askip, Suisse, 2022)
  • "Le grand trésor", de Carl Norac & Julien Béziat (l'école des loisirs/Pastel, Belgique, 2022)
  • "La meute", de Sandra Le Guen & Maurèen Poignonec (Maison Eliza, France, 2022)
  • "La berlue", de Bérangère Mariller-Gobber (Voce Verso, France, 2022)
  • "La saison des provisions", de Fleur Oury (Les fourmis rouges, France, 2023)
  • "La nuit, tous les chats...", de Claire Garralon (MeMo, France, 2023)
  • "Un si petit jouet", d'Irène Cohen-Janca & Brice Postma Uze (Les éditions des Éléphants, France, 2022)
  • "Comme ça", de Claire Lebourg (MeMo, France, 2022)
  • "Souris des bois. Une année dans la forêt", de William Snow & Alice Melvin (traduit de l'anglais par Ramona Badescu, Albin Michel Jeunesse, France, 2022)
  • "Le bleu du ciel", de Maylis Daufresne & Teresa Arroyo Corcobado (Éditions Cépages, France, 2022)
  • "Trèfle", de Nadine Robert & Qin Leng (Saltimbanque éditions, 2023)
  • "Un oiseau, une fleur", de Cécile Roumiguière & Julia Spiers (Seuil Jeunesse, France, 2022)




dimanche 26 février 2023

Au-delà de l'assassinat d'Agnès, par Remedium

Fait divers atroce en France: Agnès, enseignante motivée, sacrifiant tout son temps à son métier, a été assassinée le 22 février dernier, en pleine classe, par un de ses élèves. Ce dernier a 16 ans, elle en avait 53. Indéfectible dénonciateur des violences dans le système scolaire - ou à la police - de son pays, l'enseignant et dessinateur français Remedium (lire ici), de son vrai nom Christophe Tardieux, ne pouvait se contenter des communications officielles. Des émotions de façade des politiciens. Alors il a écrit et dessiné un nouveau "Cas d'école" (d'autres ici), "L'histoire d'Agnès", qui n'élude pas les questions cruciales.

Il s'explique: "A la mort d'Agnès, beaucoup se sont empressés de la résumer à sa fonction d'enseignante. Une prof qui ne vivait quasiment que pour son métier, disparue dans un atroce fait divers. C'est oublier qu'elle était une femme comme les autres, avec une vie personnelle, des passions et un caractère apprécié de tous. Et qu'elle ne mérite nullement que son nom et son histoire sombrent dans l’oubli. Pour elle, voici "L'histoire d'Agnès", nouvel épisode de "Cas d'école"."





mercredi 22 février 2023

Symphonie pastorale en trois mouvements

Marie-Hélène Lafon. (c) Olivier Roller.

Ouvrir un livre de Marie-Hélène Lafon est l'assurance de trouver dans une langue superbe des situations terriblement humaines (lire ici). Il n'en est pas différemment avec son dernier roman en date, le magistral "Les Sources" (Buchet-Chastel, 128 pages). Dense, précis, bouleversant. Il se déroule dans le Cantal, la région de la romancière installée aujourd'hui à Paris, plus précisément dans la vallée de la Santoire. On y suit une famille, les parents, trois enfants, deux filles et un garçon. Une famille de fiction, mais on sait que l'inspiration de Marie-Hélène Lafon est souvent autobiographique.
"Il dort sur le banc. Elle ne bouge pas, son corps est vissé sur la chaise, les filles et Gilles sont dans la cour. Ils sont sortis aussitôt après avoir mangé, ils savent qu'il ne faut pas faire de bruit quand il dort sur le banc."

Dès les premières lignes, on sent une tension. Il, c'est le mari. Elle, la femme. Elle explique petit à petit leur vie. Et on perçoit tout de suite sa détresse.

"Dans trois semaines, le 30 juin, elle aura trente ans. Trente ans, trois enfants, Isabelle, Claire et Gilles, deux filles et un garçon, sept, cinq et quatre ans, une ferme, une belle ferme, trente-trois hectares, une grande maison, vingt-sept vaches, un tracteur, un vacher, une bonne, une voiture, le permis de conduire."

Les apparences sont souvent trompeuses, dit-on. Elles le sont ici. Derrière ce tableau attrayant, on découvre avec effroi combien la ferme isolée est une prison, avec un couvercle de mutisme, dont seul le permis de conduire permet de temps en temps l'évasion. Le mari est violent, extrêmement violent même, sourd à tout et à tous, même à Tante Jeanne. La jeune femme tellement déçue de ce qu'est devenue sa vie, est perdue mais déterminée. Mère louve soutenue par ses propres parents, elle fera un choix dont elle sait les conséquences définitives pour protéger et sauver ses enfants.

Marie-Hélène Lafon nous offre bien plus qu'un nouveau roman sur la violence domestique intrafamiliale. En découpant "Les Sources" en trois mouvements aux narrateurs différents, le week-end du samedi 10 et du dimanche 11 juin 1967 (juste après la Guerre des Six jours) par la mère, le dimanche 19 mai 1974 par le père et le jeudi 28 octobre 2021 par la fille cadette, elle élabore un récit fulgurant dont le centre est la maison, source plutôt que racine, ce qui s'y est passé et ce qui aurait pu s'y passer. Ses habitants nous disent tout de leur réalité, joies et souffrances, et de leurs rêves. L'auteure nous pose tout cela là, sidérant les lecteurs, sans jamais juger, en témoignage d'une famille à une époque. De ses mots magnifiquement assemblés, vidés de tout gras, elle nous attrape et nous emporte, liant indéfectiblement le destin de ses personnages au nôtre.




vendredi 17 février 2023

Le décès de la romancière Brigitte Smadja

Brigitte Smadja. (c) C. Crenel.

Depuis deux jours, les réseaux sociaux pleurent la mort de Brigitte Smadja, immense écrivaine et éditrice, principalement en littérature de jeunesse, et femme solaire. Son décès est survenu le 15 février à Paris des suites très rapides d'un cancer. Elle était âgée de soixante-huit ans. Née à Tunis (Tunisie) en 1955, elle était arrivée en France avec sa famille à l'âge de huit ans.
"L'exil a été douleurs", disait-elle, "certes, mais il a été aussi et surtout une chance immense pour moi. En France, j'ai eu la possibilité de faire des études supérieures, d'enseigner, d'écrire, de choisir librement mon destin." Admise à l'ENS de Fontenay en 1974, elle sera reçue à l'agrégation de lettres en 1977. "Certains disent qu'ils ont été sauvés par des livres, moi, c'est l'école qui m'a sauvée parce que c'est l'école qui m'a donnée des livres."
Si on ne devait retenir que trois points chez Brigitte Smadja, ce serait, dans la soixantaine de textes pour enfants et pour ados qu'elle a publiés en trente ans, les deux romans "Le cabanon de l'Oncle Jo" et "Il faut sauver Saïd" (l'école des loisirs tous les deux, collection "Neuf", 1996 et 2003), ainsi que l'incroyable collection de textes de théâtre qu'elle a mise en place chez le même éditeur il y a quelque trente ans. Cette dernière fit annoncée à la Foire du livre de Bologne de 1995. Elle aligne aujourd'hui plus de cent soixante titres! A se demander comment Brigitte Smadja faisait pour exercer en parallèle et durant quarante ans son métier de professeur. Une prof adulée par ses élèves.
Mais Brigitte Smadja, c'est évidemment aussi la série des "Maxime", celle de "Ma princesse", celle des "Pozzis" (dix titres),  "Billie", "Ne touchez pas aux idoles", "Halte aux livres", "Ne touchez pas aux idoles", "La vérité toute nue", "Un poisson nommé Jean-Paul", "Le jour où tout a failli basculer" (tous à l'école des loisirs)...



Dans "Le Cabanon de l'oncle Jo", label 4 chouettes au prix Bernard Versele 1998 (Belgique), Brigitte Smadja raconte les vacances de son héroïne Lili. Pour des raisons trop longues à expliquer, la jeune fille ne peut pas partir en colonie de vacances et est envoyée à Saint-Denis, chez sa tata Denise, son oncle Jo et leurs sept enfants. Avec chaleur, Lili raconte cette famille: une mère expansive, des enfants très occupés et un père, muré dans un silence pesant depuis qu'il a perdu son travail. Lili est intriguée par l'oncle Jo. A quoi pense-t-il quand il reste des heures à la fenêtre, le regard perdu sur le terrain vague jonché de déchets? L'explication viendra bien vite, le jour où il disparaît! On le retrouve dans le terrain vague qu'il a décidé de transformer en magnifique jardin potager!

Ce roman attachant, à l'écriture alerte et sensible, est la chronique d'un été de jardinage, une période qui marquera Lili. En faisant son potager, son oncle a retrouvé parole, appétit et surtout le goût de se battre. La magnifique aventure de Lili ne durera malheureusement pas très longtemps, des promoteurs immobiliers et leur grue en ayant décidé autrement.
A noter que Lili est également l'héroïne des romans "Quand papa était mort" (Syros, 1996) et "La Tarte aux escargots" (l'école des loisirs, "Neuf", 1995), racontant deux épisodes précédents de sa vie.

Publié en 2003, à une époque où on ne parlait guère du harcèlement scolaire, "Il faut sauver Saïd", Prix Sorcières 2004, décrit de façon tranchante l'implacable verrouillage du destin d'un gamin des cités. Saïd se sent français, il aime l'école, la langue française, les dictionnaires, la beauté. Saïd se sent français mais on le dit arabe. Depuis qu'il est entré au collège, il souffre. Il ne peut plus faire ce qu'il aime, apprendre, découvrir, écrire, à cause de la bande de son cousin Tarek et de son frère Abdelkrim. Des caïds qui font la loi à l'école tout en se livrant à des trafics douteux. Des caïds qui sont aussi craints à la maison. 

Comment sauver Saïd, coincé par le  poids familial et le chantage qui s'exercent sur lui? Son pote Antoine, généreux, aimerait le faire mais il n'arrivera pas à comprendre la différence de cultures. Qui sauvera Saïd et les gamins de son espèce? Brigitte Smadja y répond dans un roman extrêmement émouvant.

Pour en lire le début en ligne, c'est ici.


Encore une multiplication par trois, la famille Briard
Dans Le Soir du 31/01/2006.
"Brigitte Smadja aime se compliquer la vie. Dans ses livres du moins. En publiant par exemple simultanément trois piquants romans pour enfants, dans trois tranches d'âge: débutants, 9-12 ans et plus de 12 ans. Particularité: chacun met en évidence la réaction d'un des enfants Briard à la séparation probable des parents. "J'avais au départ", explique-t-elle, "l'idée d'écrire trois histoires sur trois enfants d'une même famille, vivant les mêmes événements de façon totalement différente." Ce projet n'a pas tenu la route à l'écriture mais l'auteur a conservé l'"idée d'un même événement - le divorce annoncé des parents - vécu du point de vue de chaque enfant, ce moment où tout bascule, où tout à coup la réalité ne correspond plus aux illusions."

Cela donne trois romans justes dans leurs tons différents, bien ancrés dans un temps de l'enfance. Ils mettent en évidence le lien d'une fratrie forte et le fossé qui s'est creusé entre adultes et enfants. "Dans la famille Briard, je demande... Joseph" (Mouche de l'école des loisirs, 2005), pour les plus jeunes, raconte un petit dernier tellement angoissé par ce qui arrive à ses parents qu'il envie sa copine aux parents unis. "Dans la famille Briard, je demande... Margot" (Neuf de l'école des loisirs, 2005), révèle une cadette qui s'isole dans ses histoires d'école, de sexe et d'amour pour ne pas voir le chagrin de sa mère. "Dans la famille Briard, je demande... Jenny" (Médium de l'école des loisirs, 2005), écrit au passé simple, une première pour Brigitte Smadja, raconte avec souffle un amour fou d'adolescente, une aînée qui, dans sa tête, est depuis longtemps loin de sa famille.


Hommages

l'école des loisirs
"Nous avons l'immense tristesse de vous annoncer le décès de Brigitte Smadja. Son départ précipité laisse un vide considérable dans nos cœurs.
Brigitte était une figure emblématique de la maison, autrice de nombreux romans dont les inoubliables "Il faut sauver Saïd" et "Le cabanon de l'oncle Jo", et directrice de la collection "Théâtre" depuis 28 ans, qui a permis de faire émerger de nombreux talents.­

Sylvie Ballul, sa collaboratrice et amie
"Pendant plus de 20 ans j'ai tâché d'épauler Brigitte dans son rôle d'éditrice. J'ai admiré sa profonde intelligence, sa vivacité quand elle révélait et guidait les auteurs de sa collection "Théâtre".
Un voile d'amitié a bien vite recouvert notre relation de travail. Nous prenions toujours le temps de parler de ses élèves, de nos enfants, de nos petits-enfants. Comment accepter la fin de cette intimité joyeuse?
Quand nous aurons séché nos larmes, nous réaliserons que l'esprit prévaut sur tout et que Brigitte continue à vivre dans toutes les œuvres qu’elle a laissées. Je vais relire tous les Pozzis."

Eric Pessan
"Brigitte Smadja nous a quittés, elle aura accueilli trois de mes pièces dans la merveilleuse collection théâtre qu'elle aura dirigée durant 28 ans, publiant des centaines de textes dans ce qui est la plus grande collection de théâtre à destination des enfants et des adolescents.
Je lui ai envoyé un petit message la semaine dernière, je lui disais "Tu peux être fière de cette collection, essentielle, diverse, magnifique, qui a montré que le théâtre jeunesse était de la littérature et qu'il pouvait aborder tous les sujets."
Je garde précieusement le temps passé dans son bureau, texte en main, à lire à voix haute mes manuscrits, réplique par réplique, pour savoir ce qui fonctionnait et ce qui était à retravailler.
On ne dit jamais assez aux gens à quel point on les trouve merveilleux."

Marie-Aude Murail
"Brigitte Smadja s'en est allée là où "Maxime fait des miracles", au paradis des écrivain.es. Voici la dernière photo que j'ai d'elle (la deuxième en partant de la droite). C'était lors d'une sympathique réunion de travail auteurs-éditeurs en septembre 2017 dans les locaux de notre commune maison d'édition, l'école des loisirs. 
Je présente mes condoléances à ses enfants et à toutes celles, tous ceux qui l'aiment, qui l'ont aimée."

Anaïs Vaugelade
"Il y aura sans doute des tonnes de choses à dire en souvenir de Brigitte Smadja. 
Moi, je veux juste raconter que pendant 23 ans nous avons partagé le même minibureau, à l'étage de l'école des loisirs, une cohabitation faite de manuscrits transférés et de post-it affectueux. Nous tombions rarement d'accord sur nos lectures et ça n'avait pas d'importance, j'aimais son sourire en tranche de soleil, ses petits cheveux d'enfant et les bijoux brillants qu'elle mettait à ses oreilles, et cette manière orientale qu'elle avait dans toutes ses affaires,  et sa voix  sa grosse voix rieuse de star des années 70, et oulalah rien qu'à évoquer cette voix j'éprouve le vide de sa disparition. Nous nous écrivions des petits mails il y a 10 jours encore, et voilà. C'est quand même incroyable la mort.
Elle est l'une de ces femmes spéciales, chatoyantes et inspirantes, Geneviève Brisac, Agnès Desarthe, Sophie Cherer, Sophie Tasma, Florence Seyvos, Marie Desplechin, Marie-Aude Murail, des intelligences supérieures, tout un bouquet qui avait fleuri là, dans les bureaux de l'école des loisirs. J'étais très jeune, pas encore 20 ans, elles étaient pour moi des figures d'accomplissement - en vérité, elles étaient si jeunes, elles aussi.
Un jour après un salon du livre, Brigitte et moi sommes montées ensemble dans un train. Elle m'a invitée à m'assoir à coté de sa place, m'a questionnée chaleureusement sur mes débuts en écriture, et elle a eu ce conseil: "c'est à force d'écrire qu'on écrit." Un peu plus tard, elle a basculé un pan de son châle parfumé sur sa tête. Elle avait besoin de dormir, puis ensuite, elle corrigerait les copies de ses élèves adorés de l'école Dupérré. J'ai regagné ma place. 
Repose dans notre affection, chère Brigitte."

Arnaud Cathrine
"Brigitte Smadja. Autrice, éditrice. Une femme qui va nous manquer. Tristesse."

Antonin Crenn
"Je suis fier de dire à ma prof: Je suis écrivain moi aussi. Et elle m'encourage. Elle me donne confiance en moi." Quelques souvenirs pour un hommage (ici).

Arnaud Tiercelin
"Je garderai de vous ce coup de téléphone il y a quelques années d'une grande délicatesse et je me souviendrai de tous vos conseils éclairants pour écrire peut-être un jour dans la belle collection Théâtre de l'école des loisirs. 
Adieu, merveilleuse Brigitte Smadja."

Jacques Descorde
"Il y a quelques années, 11h, un matin de juillet. Au bout du fil, Brigitte Smadja, éditrice directrice de la collection théâtre à l'école des loisirs, d'une voix décidée m'annonce qu'elle est en train de lire ma (première) pièce et qu'elle la trouve formidable et qu'elle me rappelle dans l'après-midi même pour me dire si oui ou non elle désire la publier puis, à 15h, elle rappelle pour me demander si je suis libre le lendemain 10h pour un entretien. À 10h, le lendemain donc, Brigitte Smadja et sa collaboratrice me lisent à voix haute la pièce (j'ai le coeur à 200) puis nous échangeons. À 11h30, Brigitte Smadja me demande d'aller voir Sylvie, l'administratrice, dans le bureau au bout du couloir, pour signer mon (premier) contrat d'édition et toucher un chèque d'avance sur les droits d'auteur. À 12h30, je sors des bureaux de l'école des loisirs, quartier Saint Sulpice à Paris sous un soleil immense et je ne sais si je dois crier ou pleurer un bon coup.
Merci Brigitte pour toutes ces émotions. Merci merci merci de m'avoir accompagné et soutenu. Mais Brigitte, partir à 68 ans, c'est vraiment trop tôt. Tu vas me/nous manquer."

Marc Vincent Howlett
"J'apprends avec douleur le décès de Brigitte Smadja. Ses anciens étudiants et ses nombreux lecteurs savent tout ce qu'ils lui doivent."

Actes Sud
"Nous avons appris avec tristesse le décès de Brigitte Smadja survenu le 15 février 2023 des suites d'un cancer. Elle était âgée de soixante-huit ans.
Autrice de livres pour enfants publiés à l'école des loisirs, maison d'édition dans laquelle elle a longtemps dirigé une collection sur le théâtre, Brigitte Smadja avait publié six romans chez Actes Sud : "Le Jaune est sa couleur" (1998), "Des cœurs découpés" (1999), "Mausolée" (2001), "Une éclaircie est annoncée" (2004), "Natures presque mortes" (2006) et "Le Jour de la finale" (2008).

Guillaume Malaurie 
"Brigitte! Brigitte! 
Brigitte Smadja vient de mourir. Tout ça fut très brusque, très violent. D'autant plus inadmissible que Brigitte est la vie même. 
Je l'avais rencontrée en khâgne au Lycée Jules Ferry et elle pétillait sur tout ce qu’on frôlait: le théâtre qui se faisait à la Cartoucherie, Molière et Céline qui étaient au programme… Brigitte fut une prof de français qui a marqué des générations d'élèves. Des bons. Des moins bons. Des perdus de vue.  
Elle ne donnait pas des cours: elle exerçait un magistère.  Il suffisait de se balader avec elle pour voir se précipiter dans ses bras un ancien lycéen ou une ancienne lycéenne les yeux humides.  Les larmes en coin. Et les écouter dire leur dette, leur certitude que leur vie avait bougé. Que ses mots avaient su leur parler.
Physiquement Brigitte n'avait pas bougé. Elle était la jeunesse et ses livres (l'école des loisirs) visaient la jeunesse. Il suffit de lire "Il faut sauver Saïd" pour comprendre sa certitude républicaine que tout à chacun, qu'il soit privilégié ou misérable, garde toujours un ressort intime pour appréhender le beau, l'altérité, la connaissance. Déplier ce ressort, elle savait faire. Déclencher l'appétit, elle savait. Parce qu'elle savait donner. Rentrer généreusement dans le lard si nécessaire. Alterner une juste ou injuste colère et une tendresse.  
Brigitte a continué à travailler jusqu'au bout pour sa collection de théâtre. Elle était curieuse de tout mais se méfiait des modes. Très tôt dans les années soixante-dix alors que nous nous infligions la lecture de romans abstraits supposément nouveaux et d'avant-garde et certainement indigestes, elle n'hésitait pas à dire au milieu de l'indifférence, du scepticisme et de l'ignorance générale que l'un des plus grands si ce n'est le plus grand auteur français du XXème siècle, c'est Simenon. 
Elle avait raison. Elle a raison. De toute façon, le rire en cascade de Brigitte avait raison de tout. On n'arrêtait pas cette cascade. Brigitte qui ne répond plus au téléphone, c'est comme une pièce de notre maison qui aurait disparu. C'est inadmissible. La cascade reste. 
On n'arrête pas une cascade qui nait quelque part en Tunisie, passe par Naples,  inonde Paris et fait un stop Chez Carlotta Maria Iommetti de... Dieppe. A tous ses proches, à son fils et à sa fille, à sa petite fille Clémence et son petit-fils Marcel, à ses frères, à Caroline sa presque sœur et Patrice et à Olivier, et aussi à Françoise bien sûr, un immense "abbraccio". 
Une certitude: vous n'êtes pas seuls à l'heure du vide. Vous n'imaginez pas combien nous sommes. Elle même dans ses derniers moments était stupéfaite du nombre de messages qui affluaient. En cascade."

Véronique Soulé
"[TRISTESSE] – Brigitte Smadja s'en est allée, emportée par la maladie... Grande autrice pour la jeunesse, pour les adultes aussi; éditrice infatigable de théâtre jeune public, elle dirigeait la collection "Théâtre" à l'école des loisirs, qu'elle a créée en 1995 et dans laquelle elle a publié nombre d'auteurs et autrices de théâtre.
J'ai eu la chance de la rencontrer très vite après la publication de ses premiers romans pour la jeunesse, édités chez Syros, quand elle n'osait pas encore signer de son prénom Brigitte et se faisait appeler Émilie... Pour moi, c'était presque ma première interview (malheureusement, je n'ai pas gardé l'enregistrement), et pour elle, sa toute première... avec sa voix si radiophonique, et sa présence si chaleureuse!
Depuis, d'autres rencontres ont suivi, à la radio, à Bobigny, en tables-rondes, en journées d'études mais cette première fois, je m'en souviens encore..."

Emile Lansman
"J'ai toujours eu beaucoup d'estime et de respect pour Brigitte Smadja. Sous sa direction, la collection théâtrale de l'école des loisirs, pionnière avec quelques autres, a transcendé le genre, donné une autre image du jeune lecteur de théâtre, imposé de nouveaux auteurs qui comptent aujourd'hui dans le panorama, et pas seulement pour le jeune public car elle ne se fixait pas vraiment de limites. 
Je n'ai jamais senti qu'elle voyait en moi un concurrent. Au contraire, elle avait plaisir à me dire qu'elle se réjouissait de voir des noms qui avaient échappé à sa vigilance apparaître dans notre catalogue. 
J'ai un vrai chagrin aujourd'hui d'apprendre que nous ne la croiserons plus et n'entendrons plus sa voix passionnée et si singulière. Salut Brigitte et merci pour tout ce que tu as apporté au domaine qui nous était cher en commun. Je suis certain que beaucoup d'auteur(e)s partagent ma tristesse aujourd'hui."


Extrait de "Mon écrivain préféré" (à télécharger ici), écrit par Sophie Chérer en 2003.
"Brigitte Smadja, c'est d'abord une voix. Une voix grave, rauque, rocailleuse, une voix de fumeuse. Une voix forte, haute, qui porte, une voix de stentor. Une voix pressée, une voix en retard, une voix qui va droit au fait et qui passe du coq à l'âne, une voix de femme, de mère, de fille, de sœur, d'amie, de voisine, de prof, de directrice de collection, de spectatrice de théâtre, de voyageuse, de témoin de mariage, de lectrice et d'’écrivain qui, à la question:
– Comment faites-vous pour concilier une vie de femme, une vie de mère, une vie de fille, une vie de sœur, une vie d’amie, une vie de voisine, une vie de prof, une vie de directrice de collection, une vie de spectatrice de théâtre, une vie de voyageuse, une vie de témoin de mariage, une vie de lectrice et une vie d'écrivain? répondrait:
– Oh là là là là, j'en sais rien! Faut que je file!"

Brigitte a filé. Adieu notre chère amie.








mardi 14 février 2023

Roméo et Juliette à Bizerte en 1921

L'armée blanche quittant la Crimée.

Le nouveau roman de Didier Decoin, bientôt 78 ans, nous emmène à Bizerte, au nord de la Tunisie, il y a un siècle. Un fameux saut dans l'espace et dans le temps que nous propose "Le nageur de Bizerte" (Stock, 450 pages), épais, lettré et très descriptif - on pourrait en faire un film rien qu'en le lisant. Il nous conte avec moult détails la rencontre dans la lagune de Bizerte d'une jeune Ukrainienne en robe blanche installée à bord d'un des bateaux de la flotte russe ayant fui la révolution et les bolcheviks et d'un jeune bouchkara (docker) tunisien, nageur à ses heures, qui travaille au port, sur fond d'une vérité historique oubliée ou méconnue.

Un roman né de quasi rien, d'un nom posé un jour, il y a plusieurs années, sur un bout de papier. "Le roman a commencé tout à fait par hasard", me confesse Didier Decoin, homme au plus de cinquante livres, romans, essais, littérature jeunesse, de passage à Bruxelles. "Un jour de réunion à l'Académie Goncourt (NDLR: il en est membre depuis le 6 juin 1995 et la préside depuis le 20 janvier 2020), j'ai écrit sur un bout de papier le nom de Tarik Aït Mokhtari. Tahar Ben Jelloun (NDLR: juré Goncourt) qui passait derrière moi me déclare: "C'est un nom tunisien, ça, mais le "Aït" indique que c'est le nom d'un Tunisien berbère!"

Rentré chez lui, l'écrivain fonce sur son ordinateur et entame des recherches sur internet à propos des Berbères de Tunisie. Il est ferré par les infos qu'il pêche. Il lit des livres en rapport avec le sujet qu'il croit tenir, dont celui d'Anastasia Manstein-Chirinsky (1912-2009), "La dernière escale: le siècle d'une exilée russe à Bizerte" (Tunis, Sud Éditions, 2000, 309 pages), autobiographie de référence contant l'incroyable destin de la dernière survivante de la communauté russe installée en Tunisie il y a juste un siècle, dans le sillage de l'évacuation, depuis la Crimée, des navires de l'escadre de la mer Noire pendant la guerre civile russe. "Cela sert à ça, la littérature, trouver des sujets inattendus", commente-t-il. "Il y a quand même 7.000 Russes blancs qui sont arrivés à Bizerte en 1920-21 et y ont séjourné plusieurs années souvent." L'occasion de lui glisser dans l'oreille l'expression tunisienne "se sentir comme un Russe blanc à Bizerte"

Didier Decoin tenait sa toile de fond, les Russes exilés dans le port de Bizerte sous la protection de la France. Il avait son théâtre. "Je suis obsédé par l'idée de l'arrachement, de l'exode de personnes qui n'ont rien demandé à personne. Tous mes livres en parlent d'une manière ou d'une autre, mais de façon souvent détournée. Moi qui suis casanier comme un vieux chat, cela m'interpelle. Je me suis dit qu'il fallait que, cette fois, je parle vraiment d'un exode. Mes deux personnages principaux parlent français, Yelena parce qu'elle est cultivée, Tarik parce qu'il est Tunisien et que la Tunisie est alors sous protectorat français. J'ai voulu qu'ils se rencontrent pour la première fois comme dans la scène du balcon de Roméo et Juliette. Lui est en bas, il nage dans la mer, elle est en haut, à bord d'un navire de guerre chargé de Russes blancs qui ont fui devant les Bolcheviques."

Le cuirassé Georguii Pobedonossets où se trouve Yelena.

"Le nageur de Bizerte" oscille entre les scènes de janvier 1921 à Bizerte et celles de la fin 1920 en Ukraine. Ce roman, Didier Decoin l'avait entamé dès 2019. Sans imaginer ce qui se passerait le 24 février 2022. "La guerre en Ukraine a été un mauvais coup pour moi. Dans ma version initiale, Yelena était Russe et éprouvait ce sentiment de supériorité qu'éprouvent souvent les Russes vis-à-vis des Ukrainiens. Avec l'opération de Poutine, je ne pouvais pas maintenir une héroïne russe. Yelena Maksimovna est donc devenue ukrainienne. C'est le pouvoir du romancier mais un effet collatéral de l'"opération militaire spéciale" de Poutine du 24 février. L'Ukraine est au demeurant un très beau pays."

Donnant alternativement la parole à Yelena et à Tarik, le roman détaille l'exil précipité des premiers et l'accueil souvent intéressé des seconds. Sauf quand l'amour, ou au moins l'attirance, s'en mêle entre les deux personnages principaux qui auront un destin digne du film "Titanic". On découvre aussi la vie de la communauté amazigh de Bizerte alors, ce qui pourra paraître étonnant aux connaisseurs de la Tunisie. "Auparavant", explique Didier Decoin, "il y a eu un nid berbère au nord-est de la Tunisie. Aujourd'hui encore, les Amazighs sont très actifs dans leurs revendications. Leur drapeau est très beau, leur nourriture délicieuse, leurs fêtes de mariage somptueuses, sans oublier la manière dont ils célèbrent le premier jour de l'an. C'est une vraie fête, avec de la fierté, des revendications, ce n'est pas pour rien que les Amazighs s'appellent les "hommes"."

Didier Decoin.
Ce nouveau roman permet aussi à l'écrivain de contenter sa passion ancienne pour les bateaux. "La France s'est bien comportée dans cette affaire pour une fois, j'ai plaisir à le rappeler. La flotte russe arborait en effet le pavillon tricolore bleu-blanc-rouge comme protection. Mais les bateaux sur lesquels les exilés sont arrivés à Bizerte via Constantinople sont vieux et abîmés, ce sont des épaves flottantes. Je les ai vus dans un petit bout de film sur la flotte russe que m’a montrée la Marine française. Si on ne leur a pas tiré dessus, ils n'ont pas été épargnés par les terribles tempêtes tunisiennes. Ils devaient manœuvrer alors qu'ils étaient comme des châteaux gothiques avec des tourelles et des débords partout. Rien à voir avec les bateaux de guerre actuels, tout lisses."

Le sujet historique est adouci par l'arrivée d'un Américain nommé Agustin Ottomar, qui se déplace dans une élégante Torpedo de couleur jaune. "Il est l'élément perturbateur du récit. Américain, il veut épouser la sœur de Tarik, Chadia, parce que, photographe de cartes postales, ces cartes exposées dans tous les tourniquets d'Amérique, il a fait une photo de "l'orbe de son sein gauche". Mais Tarik défend l'honneur de sa sœur... Ils méritent toutefois une recherche, ces photographes d'hier, fabricants de cartes postales."

Bref, amateur de phrases longues, de descriptions précises, d'explications détaillées constantes, de mots rares, d'emportements verbaux louchant vers le lyrisme, "Le nageur de Bizerte" qui convoque nombre d'écrivains russes ou autres, est pour vous.









vendredi 10 février 2023

Mario Vargas Llosa: "Le roman sauvera la démocratie ou s’abîmera avec elle et disparaîtra"

Mario Vargas Llosa et Daniel Rondeau de l'Académie française.

A l'Académie française, forte aujourd'hui de trente-cinq membres (sur quarante), le jeudi est jour de réunion. Votes, sélections, réceptions, séances publiques... Il n'en a pas été autrement ce jeudi 9 février, jour où Daniel Rondeau a solennellement reçu sous la Coupole Mario Vargas Llosa, né le 28 mars 1936 à Arequipa (Pérou), au fauteuil de Michel Serres, décédé le 1er juin 2019, le fauteuil n° 18. L'écrivain péruvien nationalisé espagnol en 1993 avait été élu en force le 25 novembre 2021, au premier tour de scrutin. Dix-huit voix pour lui sur vingt-deux votants, une seule pour un autre candidat (Frédéric Vignale), un vote blanc et deux votes nuls. L'effet prix Nobel de littérature qui lui fut attribué en 2010 après de nombreuses autres distinctions littéraires de renom, Prix Prince des Asturies en 1986, Prix Planeta en 1993, Prix Cervantes en 1994, Prix mondial Cino Del Duca en 2008?

Tout de suite, on avait fait remarquer que le nouvel élu, romancier et essayiste, dépassait de plus de dix ans la limite d'âge fixée à 75 ans en 2012 - au dépôt de candidature - et qu'il n'avait jamais rien écrit en français - sa langue unique d'écriture est l'espagnol - même s'il le parlait couramment. A ce propos, Mario Vargas Llosa a expliqué son amour ancien avec la culture française, qui l'avait poussé à immigrer à Paris à 23 ans, en 1959. Il y passera huit ans avant de parcourir l'Europe plusieurs années puis de voyager encore entre l'Europe, le Pérou et les Etats-Unis.

Une semaine avant sa réception, le 2 février, Mario Vargas Llosa fut installé en séance, entouré de ses deux parrains, Florence Delay et Amin Maalouf. Il a reçu le jeton de présence de l'Académie française, frappé de la devise "À l'Immortalité" et gravé à son nom.

Enfin, un mot du Dictionnaire lui a été attribué, "Xérès", et il a été invité à se prononcer sur la définition proposée: 
"Xérès: (se prononce kséresse, gzéresse ou réresse) n. m. {XVIe siècle. Tiré de Jerez de la Frontera, nom d'une ville située au cœur d'une grande région vinicole en Andalousie, où l'on produit ce vin.}
Vin blanc, sec ou doux, produit dans la province de Cadix (on écrit aussi Jerez). Les Anglais ont appelé le xérès "sherry". Les manzanillas sont des xérès. Une sauce au xérès. Du vinaigre de xérès."
Si dans son discours d'entrée au quai de Conti, Mario Varags Llosa a pris clairement position contre Poutine, au cours des mois précédents, l'écrivain s'était prononcé publiquement à plusieurs reprises pour des personnalités d'extrême-droite, au Pérou, au Brésil... Sans doute ici aussi faut-il séparer l'homme de l'œuvre littéraire qui est immense (publiée chez Gallimard à l'exception de son dernier libre en date).    


Voici le discours d'entrée de Mario Vargas Llosa, traditionnellement consacré à l'éloge de son   prédécesseur, le philosophe Michel Serres (ici) et le discours de réception de Daniel Rondeau (ici). La vidéo de la cérémonie peut être vue ici.