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jeudi 30 avril 2015

Etre mou et le rester, mais rire et sourire

Il fait froid, il fait gris, on se sent mou.

Voilà le jour idéal pour plonger dans le réconfortant et hilarant album "Les Mous" de Delphine Durand (Rouergue, 64 pages) qui, justement, n'entend surtout pas réveiller le mou en nous. Une véritable encyclopédie sur le sujet!
Certains se souviendront peut-être qu'on avait déjà entraperçu ces personnages peu communs dans le premier album jeunesse en solo de l'auteure, "Ma maison" (Rouergue, 48 pages), paru en avril 2000.

C'est ce que rappelle la quatrième de couverture du nouveau: "Et Gouniche?" Dans le précédent, on le rencontrait à différentes pages, tout rond et jaune. On y était aussi convié à inventer de "nouveaux mous"...
Je ne sais pas si vous l'avez fait, mais l'auteure-illustratrice ne s'en est pas privée. La preuve avec "Les Mous". Elle nous y rassure toutefois: si on n'a pas lu "Ma maison", ce n'est pas grave. Et j'ajoute qu'il est toujours temps de le faire (lire plus bas).

Ce nouvel album, sous forme de traité savant, nous conte donc "Les fabuleuses aventures des Mous". Et on se régale à découvrir en détail les particularités de ces personnages super mignons, tout ronds, totalement imprévisibles et tellement rigolos.

Qui sont-ils? Explication dans le texte.

In "Les Mous". (c) Rouergue.


Voilà pour les grandes lignes.
Et pour les petites? On apprend que le Mou de base, aussi dit mou classique (Classicus Moutus) coexiste avec d'autres sortes de mous qui nous sont présentées en des dessins légendés, sans qu'on ne parle là des mous particuliers et des mous aléatoires. Et qu'on n'oublie pas le Super Mou, le Superman ou Zorro local, qui protège contre les méchants. Un Super Mou qui serait moins mou que les autres en quelque sorte.

Le port du collier. (c) Rouergue.
Le premier chapitre réunit les caractéristiques générales du mou. Ce qu'il peut faire, à peu près tout sauf téléphoner, ranger et porter un collier. Ses expressions sont détaillées, utile en cas de rencontre, et ses comportements aussi. Plutôt aimable et placide, le mou peut toutefois aussi révéler le diable qui dort en lui. Sans oublier ses multiples contradictions, qui nous valent des pages diantrement savoureuses. Qu'est-ce qu'on s'amuse, tout en ayant aussi un petit coup de tendresse pour ces bestioles attachantes.

C'est tout le mode de vie des Mous, chapeaux, café, sac, blagues, habitat... qui défile en simples ou doubles pages aux apparences variées: Delphine Durand n'hésite pas à marier les techniques (dessin, ordinateur, photo, collage) pour mieux nous présenter ses protégés.

Le deuxième chapitre est consacré au cousin du Mou, le Dur. "Une sorte de mou, mais dur", précise l'auteure, aussi appelé Mou-Dur. A différencier évidemment du mou, du non-mou et du mou-pas-mou. Mais DD a des trucs qu'elle nous confie gentiment, ainsi que les précautions d'usage. Surtout que tous ces coquins se ressemblent. On aurait vite fait de confondre un non-mou et un mou. Entre autres.

En cas de mou poilu à la maison. (c) Rouergue.
Bref, aux présentations succèdent les modes de vie. Si les mous et les durs ne se comprennent pas, ils se tolèrent. Ils ont des comportements en commun, comme la pyramide, avec des résultats différents.
Plus on avance dans les pages, plus on s'amuse et plus on pense à la santé mentale de la créatrice. Comment autant de choses aussi parfaitement farfelues que bien pensées peuvent-elles sortir d'un cerveau humain? Est-elle une Moute? Une Dure? Une Non-Moute? Une Moute-Dure? Elle est en tout cas l'auteure d'un des albums les plus désopilants de la saison. Et ce n'est pas le troisième chapitre, "Avoir un mou chez soi" qui me détrompera. Quand on croit que c'est fini, il y en a encore. Et puis, la vraie fin du livre arrive, les meilleures choses en ayant une.

Merci à Delphine Durand d'avoir si bien attrapé les caractéristiques du mou et de ses cousins, parfois révélatrices de notre quotidien, toujours en recherche de davantage de délires visuels et de jeux sur les mots, d'idées fantaisistes et d'images assorties.

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"Ma maison" (Rouergue, 48 pages, 2000), toujours disponible, est une lecture complémentaire idéale des "Mous". Delphine Durand tentait bien de refroidir son lecteur en prétendant que sa "maison ne paie pas de mine". Faux! Les intrépides et les curieux sont récompensés par une exploration jubilatoire. La maison est un véritable fouillis... bien pire qu'une chambre d'enfant. Mais un fouillis plein de surprises, plus agréables les unes que les autres, comme certaines chambres d'enfant...

L'univers de Delphine Durand séduit et réjouit. Ses habitants sympathiques et imprévus occupent des lieux attendus ou surprenants. Ses images sont autant d'histoires cocasses et divertissantes qui entraînent le lecteur dans des voyages allant bien plus loin que le bout de la chambre. L'humour est omniprésent, au premier comme au second degré. La couverture de l'album ne paie pas de mine? C'est pour mieux vous inviter à y entrer. Vous n'en ressortirez que pour le partager.

La première apparition de Gouniche dans l'album "Ma maison". (c) Rouergue.

mercredi 29 avril 2015

Expo écossaise de Floc'h chez Candide

Du bleu, du vert et du rouge.
C'est-à-dire?
C'est-à-dire un ciel, un paysage et un kilt.

Ce sont les premières doubles pages d'"Edimbourg" de Floc'h, ouverture du très beau livre que l'artiste français consacre à la ville écossaise (Louis Vuitton, "Travel book", 160 pages). Un format à l'italienne aux coins arrondis flambant de couleurs posées en aplats. Floc'h quoi.

Ce nouveau titre dans la remarquable collection de livres de voyage du bagagiste sera en vente début mai mais sera disponible dès ce mercredi soir (29 avril) à la librairie Candide (1 place Brugmann à 1050 Bruxelles). Il ne sera pas tout seul. Floc'h sera également présent pour le dédicacer, de 18 à 21 heures. Enfin, une série de reproductions issues de son travail pour ce livre seront exposées et en vente jusqu'au 18 mai.

Cours d'histoire. (c) Louis Vuitton.
Invitation au voyage, "Edimbourg" débute par un bref  cours d'histoire. Un peu à l'ancienne puisqu'un homme fort élégant transmet son savoir à sa fille tout aussi bien habillée. On remarquera au fil des chapitres que leurs tenues s'accorderont à leurs sujets de conversation.


Le tweed. (c) Louis Vuitton.
Les sujets justement.
En toute bonne logique écossaise, le premier à s'avancer est le "kilt". Il sera suivi du "golf", né à Edimbourg, du "tweed". Ensuite, on ira baguenauder dans la vieille ville puis dans la ville nouvelle. Non sans avoir entraperçu quelques sujets de "glorification" locale, peintres, philosophes, écrivains, Walter Scott et Arthur Conan Doyle évidemment sans oublier Robert Louis Stevenson. A noter que chaque sujet est introduit par une page graphique symbolique.

C'est une jolie balade que l'on effectue en compagnie des deux causeurs. Leurs conversations nous mènent en de multiples lieux de la ville qu'illuminent les splendides illustrations de Floc'h.

Edimbourg dans les couleurs de Floc'h. (c) Louis Vuitton.

Lecture faite, il me reste une question: comment donc appelle-t-on les habitants d'Edimbourg?

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Et puisqu'il est beaucoup question de tabelle en Belgique ces derniers jours, prenons encore un exemple: le livre "Edimbourg" est vendu 45 euros en France et 49,80 euros en Belgique.
Incroyable? Oui!
Et donc une bonne raison de signer la pétition créée par le Syndicat des libraires francophones de Belgique pour réclamer "le même livre au même prix en France et en Belgique". A signer ici.








lundi 27 avril 2015

L'impérial "Monsieur" des Guillaume-Galeron

Spécial "copinage" pour Marie-Ange,
mais comme l'album est toujours disponible et est excellent,
pourquoi se priver?

"Monsieur" est cet album où Marie-Ange Guillaume (textes) et Henri Galeron (illustrations) célèbrent le chat absolu (Les Grandes Personnes, 18 pages cartonnées, 2008). Noir et blanc, les oreilles bien droites, ses yeux dorés fixés sur le lecteur mais les moustaches au repos, il s'avance, impérial sur ses pattes de velours, sur la couverture de l'album. "Monsieur" donne son nom à cet irrésistible album à la facture originale: un tout-carton non réservé aux bébés et de très grand format (25 x 39 cm).

Toujours pleines d'humour, décalées et en style hyperréaliste, les images d'Henri Galeron sont très à leur avantage sur ces vastes espaces de papier, le texte dont elles sont le contrepoint étant rejeté en bord de page pour laisser tout le loisir de les contempler.

"J'habite chez mon chat...." (c) Les grandes personnes.
Envahissant, "Monsieur"? Pas plus dans les illustrations que dans la vie. Pas du tout donc, enfin pas plus qu'un autre matou. Car tout le monde sait que c'est l'humain qui habite chez son chat et non l'inverse. Marie-Ange Guillaume en donne des preuves savoureuses, qui oscillent entre émotion et moquerie.

"Monsieur", grand prédateur... (c) Les grandes personnes.
L'auteure s'amuse à consigner les faits et gestes du héros à quatre pattes. Elle détaille ce qui lui appartient dans un appartement, conte ses exploits de prédateur, étale ses goûts artistiques, insiste sur son absence de convenance, dévoile sa manière de faire l'andouille en cas de bêtise, pointe son irrespect total pour le sommeil des autres alors que lui dort caché et en paix…

Il n'y en a que pour le chat, coutumier de ces disparitions que les humains craignent plus que tout, et c'est bien pour cela qu'on l'aime, ce "Monsieur", ainsi que tous ses congénères pleins de mystères.






"A l'intérieur", le terril selon Kitty Crowther

A la Maison Losseau, dans le cadre de Mons 2015.

"Carte blanche à Kitty Crowther", peut-on lire sur le panneau apposé à un des murs du jardin de la Guinguette littéraire qui vient de s'ouvrir à la Maison Losseau, à deux pas de la Grand-Place, dans le cadre de Mons 2015.

Allons voir.

Protections bleu vif sur les chaussures, on baisse la tête et on hausse les genoux pour entrer dans la petite pièce fermée qui a été confiée à l'imagination et aux pinceaux de Kitty Crowther, illustratrice jeunesse mondialement renommée depuis son Prix Astrid Lindgren 2010 - mais la Belgique connaît et aime depuis bien plus longtemps celle dont les albums pour enfants sont publiés majoritairement chez Pastel, branche belge de l'école des loisirs.

Donner carte blanche à Kitty Crowther dans une pièce toute noire, c'est se garantir une installation originale et haute en couleurs. En effet. L'artiste a peint sur les murs, mais aussi sur le plafond et sur le sol (d'où les protections pour les chaussures) une histoire que lui inspire le monde des terrils, entraperçu durant des déplacements en voiture pendant son enfance. Des hommes travaillent sous terre le jour... Qui prend leur place la nuit? Des gobelins? D'autres?

"A l'intérieur" est une plongée particulièrement réjouissante dans le petit monde de Kitty Crowther qu'offre la Maison Losseau durant un mois (jusqu'au 24 mai, aux horaires de la Guinguette littéraire qui, elle, sera ouverte jusqu'au 26 septembre, infos ici). On se glisse dans la petite pièce sombre, tête baissée, genoux levés, on se remet droit et on se retrouve face à la richesse de son univers, à la fantaisie de son imagination. Êtres humains de tous les âges et de toutes les formes (jusqu'au squelette), animaux, plantes, apparaissent en une longue farandole sur les murs, pleins de couleurs, aisément reconnaissables. On est sous la terre mais on distingue aussi d'autres terriers. Sous nos pieds, c'est encore plus impressionnant. Des silhouettes de femme, d'enfant, se détachent sur le sol sombre. Des dessins au fusain, pour rappeler les mineurs. Rien de lugubre. Au contraire, une impression de paix dans ses silhouettes couchées entre diverses formes botaniques, enroulées de multiples façons. Le plafond accueille les silhouettes trop longues pour les murs et quelques suspensions à découvrir. Le temps de la visite, on est ailleurs, on est à l'intérieur...





"A l'intérieur", installation éphémère de Kitty Crowther pour Mons 2015.


Voilà une "Carte blanche" multicolore à ne pas manquer. Emotions et sensations garanties, bribes d'histoires qui entreront en résonance avec les vôtres.



La librairie éphémère.
Pour en prolonger la visite, d'autres activités sont proposées par la Guinguette littéraire: notamment la librairie éphémère tenue par dix libraires francophones (huit Belges, un Français, une Suisse) à l'ombre bienveillante d'un ginkgo biloba centenaire. Justement, cent livres y sont présentés, coups de cœur absolus de ces passeurs de livres.

Ainsi équipé, on aura l'occasion de s'installer bien à l'aise dans un des kiosques de ce magnifique jardin ou sur l'un des bancs au soleil.

Le jardin de la Maison Losseau.

D'autres activités pour tous les âges y sont prévues jusqu'à la fin septembre, rassemblées dans la brochure à télécharger ici.












vendredi 24 avril 2015

Une rose et un livre offerts ce samedi en librairie


Hier, jeudi 23 avril, c'était la date officielle de la San Jordi. Mais c'est demain, samedi 25 avril, qu'elle sera fêtée officiellement. En deux mots, ce sera le jour idéal pour se rendre en librairie  - et y retourner après bien entendu. On y achètera un ou des livres, on y recevra une rose et le très beau livre illustré "Une année dessinée". Pourquoi?

Parce que la tradition catalane veut que le 23 avril, jour de la San Jordi,  l'on offre un livre et une rose. Parce que depuis dix-sept ans,  l'association française Verbes (Marie-Rose Guarniéri de la librairie des Abbesses, dans le 18e à Paris) se mobilise pour la Fête de la librairie par les libraires indépendants, version française de la San Jordi catalane. Parce que cette année encore, le Syndicat des libraires francophones de Belgique s'associe avec dynamisme à cette action.

Samedi 25 avril donc, les libraires indépendants de France (plus de 450) et de Belgique (trente-cinq, liste ci-dessous) fêteront la San Jordi en offrant une rose et un livre à leurs lecteurs.

La petite histoire
Sant Jordi - Saint Georges en catalan - est connu notamment à travers "La Légende dorée" de Jacques de Voragine, pour avoir terrassé un dragon. Une légende raconte que du sang du dragon jaillit un rosier, une autre que la princesse sauvée des griffes du dragon offrit en remerciement à Saint Georges… un livre.
Célébré aujourd'hui dans près de quatre-vingts pays, Sant Jordi faisait au Moyen-Âge l'objet de joutes chevaleresques en Catalogne lors desquelles les dames se voyaient offrir des roses.
En 1926, la Chambre des Libraires de Barcelone désignait le 23 avril comme Jour du Livre. Cette date est également la date anniversaire de la mort de Cervantès, de Shakespeare et de l'Inca Garcilaso de la Vega, tous les trois disparus le même jour de la même année, en 1616. Sous le régime de Franco, c'était la seule manifestation où écrivains et intellectuels pouvaient défendre leur liberté d'expression avec un livre et une rose.
Le 15 novembre 1995, l'Unesco proclamait le 23 avril, Jour du livre et du droit d'auteur, contribuant ainsi à la promotion de la lecture, de l'industrie éditoriale et de la protection de la propriété intellectuelle.

Le livre offert

Chaque année, le livre offert est différent. Cette fois-ci, c'est "Une année dessinée", œuvre collective (Les cahiers dessinés/Editions Association verbes, 380 pages). Un collector bien épais car il s'agit d'un éphéméride, tiré à 23.000 exemplaires et distribué gracieusement à l'occasion de cette journée. On y trouve un dessin par jour/page, ainsi que le saint du jour et presque autant de petites phrases, "faits et gestes de la librairie" indépendante, comme l'annonce le sous-titre de l'ouvrage.

L’œuvre d'une trentaine de dessinateurs, et pas des moindres, a été associée par séquences de quelques pages chaque fois au projet coordonné par Frédéric Pajak, directeur des Cahiers dessinés: Bosc, Chaval, El Roto, Pierre Fournier, Gébé, Anne Gorouben, Jean-Michel Jaquet, Kamagurka, Marcel Katuchevski, Martial Leiter, Nicolas Mahler, Micaël, Mix & Remix, Muzo, Noyau, Olivier O Olivier, Frédéric Pajak, Pascal, Posada, Anna Sommer,  William Steig, Saul Steinberg, Pierre Thomé, Tetsu, Topor, Corinne Véret-Collin. Du beau monde, que je vous disais.

Les textes ont été fournis par les libraires indépendants, miroirs de la vie en leurs lieux. Des faits, des gestes, des citations, des pensées, qui donnent une bonne idée de la profession, volontaire avant tout. Ainsi ces mots de la librairie Le goût des mots (Mortagne-au-Perche-: "En faisant les cartons de retour, ne pas pouvoir s'empêcher de mette de côté certains livres, romans, essais, albums jeunesse, qui sont passés entre les mailles du filet et qui nous interpellent in extremis, arrêter son travail pour les lire et peut-être les sauver... Nous ne sommes pas des machines."
Ou cette expérience venue de la librairie Livre aux trésors (Liège, Belgique comme il est précisé): "Deux jeunes clients assistant à une de nos animations ne se connaissent pas, on les présente l'un à l’autre car ils ont le même goût du voyage, ils discutent vivement de lectures, et partent ensuite faire la fête ensemble toute la nuit. On est heureux."

Une année en  librairie défile, en images et en mots, sous nos yeux éblouis.

A titre d'exemple, la Saint-Georges évidemment! (c) Cahiers dessinés/Verbes.


L'an dernier
Je m'inquiétais de l'avenir de la librairie indépendante en Belgique (lire ici).

Cette année
Je me réjouis de la création de Librel,  le Portail numérique des libraires francophones de Belgique, fort aujourd'hui de 31 libraires indépendants. Car la vente des livres, c'est l'affaire des libraires.

Je constate aussi la réapparition de ce fantôme récurrent qu'est la tabelle, vieille histoire qui empoisonne la Belgique depuis le passage à l'euro, c'est-à-dire depuis le 1er janvier 2002, à l'occasion du rachat par le groupe Editis de Volumen, les activités de diffusion-distribution du groupe La Martinière.

Première précision: la tabelle n'est pas une taxe comme cela s'écrit un peu partout, cet argent irait alors à l'Etat, mais une augmentation artificielle du prix des livres imposée par certains distributeurs.

Deuxième précision: Volumen (La Martinière, Seuil, L'Olivier, Métaillié, Don Quichotte, Points, Anne-Marie Metailié, Arléa, Bourgois, José Corti, Eres, Le Tripode, Minuit, Sabine Wespieser, Tallandier, Viviane Hamy, Zulma) ne pratiquait pas la tabelle, Interforum Benelux (Robert Laffont, Plon, Pocket, etc.), structure de diffusion d'Editis le fait.

On voit donc se profiler en Belgique l'explosion des prix, 15 % en moyenne, des ouvrages de plusieurs maisons françaises prestigieuses.

Rappel
La tabelle grève à hauteur de 10 ou 30 % l'exportation des livres français vers le marché belge. Or, la part de marché belge du livre français s'élève à 13 % et 70 % des livres achetés en Belgique proviennent de France… L'enjeu est donc considérable pour les consommateurs et les maisons d’édition.
La tabelle est un héritage des anciens taux de change appliqués dans la distribution des livres, du temps de la monnaies non unique. A l'époque, on comptait 6,8 francs belges pour un franc français. Cette équivalence incluait les taux de change et les frais de transport.
A l'arrivée de l'euro, on a cru que les livres français seraient vendus partout au prix indiqué en quatrième de couverture. C'était oublier, en Belgique, les distributeurs, placés dans la chaîne du livre entre l'éditeur et le libraire. Quoi? Délaisser cette aubaine? Il n'en était pas question. Et ceci explique la présence sur certains ouvrages d'étiquettes mentionnant un prix en euros belges plus important que l'original en euros français. Entre 10 et 30 % d'augmentation selon les maisons d'édition. Ce qui est lourd pour le portefeuille du candidat acheteur. Certains préfèrent filer de l'autre côté de la frontière acheter leurs livres, là où existe, depuis plus de trente ans, la loi sur le prix unique du livre.
Il y a eu dans notre Royaume une tentative de contourner cette manœuvre: en permettant aux libraires belges de s'approvisionner directement chez les éditeurs français. Dans ce cas, le prix imprimé est celui qui est pratiqué en librairie. Mais cela ne concerne de loin pas toutes les publications, certaines maisons françaises imposant de passer par leur distributeur belge, celui qui facture la tabelle. C'est le cas pour Hachette et ses filiales, Grasset, Fayard, etc., via Dilibel. C'est le cas de Robert Laffont et les siennes, via Interforum. Là, c'est cher mais c'est simple.
Où les choses se compliquent encore, c'est quand un libraire de petite taille ne veut pas commander en France alors que l'éditeur le lui permet. Il s'adresse alors à un distributeur belge et vendra le livre plus cher que certains de ses collègues. Exemple : Actes Sud permet la vente directe depuis la France mais est aussi distribué par la Caravelle qui facture les livres plus cher.
Et comme rien n'est simple dans notre pays, à cause notamment d'absence de loi sur le prix unique du livre, on peut aussi vendre de nouveaux livres à prix très diminués. Ce que font chaînes de librairie ou les grandes surfaces, qu'elles soient culturelles ou pas, avec les best-sellers.
Les diverses tentatives de légiférer chez nous n'ont jamais abouti. Mais le grand perdant de l’affaire est le lecteur.

2015 semble toutefois une plus grande année de résistance à la tabelle. Les auteurs ne sont pas les derniers à se bouger. Ils sont aujourd'hui plus de cent cinquante à avoir signé une "Lettre" faisant le point de la situation à l'occasion de la vente de Volumen à Editis. La page Facebook Pour en finir avec la tabelle a été créée. On ne saurait être plus clair.

Mais revenons à la journée festive de demain. Voici la liste des librairies belges indépendantes qui participent à  la San Jordi.
  • Tropismes libraires, Galerie des Princes, 11, 1000 Bruxelles
  • Tulitu, Rue de Flandre, 55, 1000 Bruxelles
  • Candide, Place Brugmann, 1-2, 1050 Bruxelles
  • Les yeux gourmands, Avenue Jean Volders, 64A, 1060 Bruxelles
  • Librairie Jaune, Rue Léopold 1er , 499, 1090 Bruxelles
  • U.O.P.C., Avenue Gustave Demey, 14-16, 1160 Bruxelles
  • La Licorne, Chaussée d'Alsemberg, 656, 1180 Bruxelles
  • A Livre Ouvert-Le Rat conteur, Rue St Lambert, 116, 1200 Bruxelles
  • Agora, Place Agora, 11, 1348 Louvain-la-Neuve
  • L'Ivre de Papier, Rue St Jean, 34, 1370 Jodoigne
  • Au P'tit Prince, Rue de Soignies, 9, 1400 Nivelles
  • Graffiti, Chaussée de Bruxelles, 129, 1410 Waterloo
  • Le Baobab, Rue des Alliés, 3, 1420 Braine-l'Alleud
  • Livre aux Trésors, Place Xavier Neujean, 27A, 4000 Liège
  • La Parenthèse, Rue des Carmes, 24, 4000 Liège
  • Pax, Place Cockerill, 4, 4000 Liège
  • Librairie Siloë, Rue des Prémontrés, 40, 4000 Liège
  • Le Long Courrier, Avenue Laboulle, 55, 4130 Tilff
  • La Dérive, Grand Place, 10, 4500 Huy
  • Les Augustins, Pont du Chêne, 1, 4800 Verviers
  • Pages après pages, Rue Dr Henri Schaltin, 7, 4900 Spa
  • Au fil d'Ariane, Rue Catherine André, 2, 4960 Malmedy
  • Papyrus, Rue Bas de la Place, 16, 5000 Namur
  • Point-Virgule, Rue Lelièvre, 1, 5000 Namur
  • Antigone, Place de l'Orneau, 17, 5030 Gembloux
  • DLivre, Rue Grande, 67A, 5500 Dinant
  • Libre à toi, Avenue de Forest, 30, 5580 Rochefort
  • Librairie Croisy, Rue du Sablon, 131, 6600 Bastogne
  • Du tiers et du quart, Rue de Neufchâteau, 153 A, 6700 Arlon
  • Le Temps de lire, Rue du Serpont, 13, 6800 Libramont
  • Oxygène, Rue St Roch, 26, 6840 Neufchâteau
  • Leto, Rue d'Havré, 35, 7000 Mons
  • Polar & Co, Rue de la Coupe, 36, 7000 Mons
  • Ecrivain Public, Rue de Brouckère, 45, 100 La Louvière
  • Chantelivre, Quai Notre-Dame, 10, 7500 Tournai 


Dernière minute

Une pétition pour demander que les livres soient au même prix en Belgique et en France vient d'être créée. Vous pouvez la signer ici.



mardi 21 avril 2015

Le Prix triennal jeunesse à Anne Brouillard

Anne Brouillard.

Joie  immense! Anne Brouillard est la quatrième lauréate du Grand prix triennal de littérature de jeunesse de la Fédération Wallonie-Bruxelles. Le secret a été officiellement levé dans la soirée de ce mardi 21 avril par la ministre de la Culture, Joëlle Milquet.

Ce prix récompense tous les trois ans un(e) auteur(e) ou un(e) illustrateur(trice) issu(e) de la Fédération Wallonie-Bruxelles, dont l'ensemble des publications constitue déjà une œuvre. Il se veut à la fois une marque de reconnaissance et un encouragement.

Le Grand Prix est décerné par le/la ministre de la Culture sur proposition d'un jury indépendant. Il ne fait l'objet d'aucun acte de candidature. Sa dotation est de 15.000 euros.


Anne Brouillard, donc.

Aussi discrète que productive: une bonne quarantaine d'albums pour la jeunesse depuis son premier, "Trois chats", album muet paru chez Dessain en Belgique, au Sorbier ailleurs, en 1990 - il reparaîtra ensuite avec une typo de couverture légèrement modifiée. Un ouvrage qui fut tout de suite remarqué par les Critiques de livres pour enfants de la Communauté française de Belgique qui lui attribuèrent une mention - le prix étant allé à Claude Ponti pour "Pétronille et ses 120 petits" (l'école des loisirs).

Anne Brouillard est née le 12 juillet 1967 à Louvain (Leuven), d'un père belge et d'une mère suédoise. Elle a fait des études d'illustration à l'Institut Saint-Luc à Bruxelles, d'où elle sortie en 1989. Depuis? Des livres, principalement des albums, des peintures, quelques expositions... Un travail magnifique sur la nature et la place que s'y octroie l'être humain. Une observation fine de la nature, une admiration sans borne pour la lumière, un goût pour le quotidien et une réelle aptitude à la poésie.
Ce magnifique travail se trouve à juste titre récompensé.

Dans "La terre tourne" (Le Sorbier, 1997), Anne Brouillard écrit:
"La terre tourne, tranquillement. Les bébés qui grandissaient bien au chaud dans le ventre de leur mère sont nés. Ils claquent les portes, écoutent le vent d'hiver. Ils vont et viennent de par le monde, attendent la lune la nuit au bord d'un lac, écoutent la mer, la musique derrière la porte, l'autobus qui ralentit, le craquement d'une branche, le son d'une cloche.
Pendant ce temps, d'autres bébés grandissent bien au chaud dans le ventre de leur mère, et la terre tourne encore."

Le dernier album pour enfants en date d'Anne  est le délicieux "Petit somme" (Seuil Jeunesse, 2014), à lire ici.
L'année précédente, l'adepte des déplacements en train avait publié l'épatant "Voyage d'hiver" (Esperluète éditions, 2013), à lire ici.




Fameuse bibliographie! 
Morceaux choisis.

De l'autre côté du lac
Anne Brouillard
Le Sorbier, 2011

Dans ce bel album à l'italienne, on entre par les yeux. Une première double page présente le décor: une maison rouge au bord d'un lac que longe un chemin très arboré. On remarque les nichoirs sur les bouleaux, la brouette, le tonneau d’eau de pluie. Puis, quatre vignettes juxtaposées présentent l'intérieur de la maison: entrée, séjour, salle à manger, cuisine. Partout, des signes de vie: des pantoufles, un livre, une coupe de fruits, une bouilloire, une bouteille d'eau. Quelle douce ambiance, joliment habitée!

Vivent là Tante Nadège, Lucie et deux chats parlants, Alpha et Toka. Pour le moment, on mange devant le lac. Ensuite, ce sera pique-nique en face, de l'autre côté de l'eau, là où brille quelque chose de bleu. Entre les deux, il y aura la préparation du menu, la promenade, la construction d'un pont en remplacement du précédent et la surprise que ménage l'arrivée au but.

Une ambiance charmante et délicieuse dans cet album qui célèbre l'affection, l'amitié et les petites choses de la vie! L'histoire avance à pas menus, autant dans le texte que dans les images. Le décor joue un rôle aussi important que les personnages et on se laisse happer par cette paix aventureuse et joyeuse, cette harmonie entre les humains, les animaux et la nature, que vient toujours pimenter un brin de fantaisie.

Le rêve du poisson
Anne Brouillard
Sarbacane, 40 pages, 2009

Une belle atmosphère fantastique dans cet album où Colin libère le rêve d'un poisson après avoir verni un caillou ramassé en compagnie de sa sœur. Les magnifiques peintures font monter la tension, grandir l'inquiétude quand le gamin se retrouve seul dans la maison familiale, changée en monde sous-marin.


La terre tourne
Anne Brouillard
Le Sorbier, 32 pages
2009 (réédition)

Réédition d'un album de  1997, révélant déjà des couleurs lumineuses serties de noir, des animaux, dans une mise en pages mariant grandes images et petites vignettes. L'auteure-illustratrice raconte avec une infinie douceur ce qui se passe sur terre pendant que des bébés grandissent dans le ventre de leur mère, aussi bien du côté du ciel que de celui des humains. A chacun de laisser résonner en lui textes et illustrations.

Trois chats
Anne Brouillard
Le Sorbier, 32 pages, 2008

Réimpression du premier album, muet, d'Anne Brouillard, paru en 1990.
La couverture présente trois chats, noirs et blancs, perchés sur une branche. Derrière eux, du bleu, vif, illuminé de quelques traits blancs. Ciel, eau? On découvre bien vite que les trois matous lorgnent trois superbes poissons rouges. Le cadre est établi, les acteurs présentés.

Que se passe-t-il quand trois chats rencontrent trois poissons? Surtout si les derniers narguent les premiers? Pas difficile à deviner... De fait, le lecteur plonge dans les illustrations, à la suite des félins qui se jettent à l'eau. Éclaboussures et feu d'artifice de vagues colorées garantis. Mais l'album ne s'arrête pas à un plaisir esthétique. L'humour y a également sa place: une fois les chats dans l'eau, ce sont les poissons qui se perchent sur la branche! Où sont partis les chats? Peut-être regagnent-ils la terre ferme à la recherche de leur arbre de guet? Le scénario en boucle permet toutes les fantaisies de l'imagination.


La vieille dame
et les souris
Anne Brouillard
Seuil Jeunesse
2007

La famille foulque
Anne Brouillard
Seuil Jeunesse
2007


Deux très beaux albums sans texte, tremplins pour lire les images. Deux grands formats délicieux où Anne Brouillard, alors bruxelloise, laisse voguer son imagination, sa fantaisie, son humour et sa tendresse. Au lecteur de lire les images pour composer ses histoires, sur fond de décor belge.

Intrigant début dans "La vieille dame et les souris": une rue, un terrain vague, trois souris à l'air décidé. Elles se glissent dans le soupirail d'une maison, grimpent un escalier, se faufilent sous une porte, retrouvent des copines avec qui elles font bombance. Pas de présence humaine avant que n'arrive une vieille dame au regard vif. Elle semble beaucoup apprécier de jouer, sans l'avouer, à cache-cache avec ses visiteuses. Cette complicité se poursuit de pièce en pièce, même durant le bain de la vieille dame.

Anne Brouillard compose d'admirables images qui surprennent parfois au premier regard par l'angle choisi, un incitant supplémentaire pour savourer les détails multiples.

Dans "La famille foulque", l'auteure-illustratrice fait un parallèle réussi entre deux "heureux événements" en préparation, l'un à l'étang, l'autre dans une maison.

Le pêcheur et l'oie
Anne Brouillard
Seuil Jeunesse, 32 pages
2006

Le voyageur
et les oiseaux
Anne Brouillard
Seuil Jeunesse, 32 pages
2006


Quand Anne Brouillard se montre l'amie des oiseaux des villes dans deux formidables albums sans texte. "Je ne pensais pas "livre" au départ", me disait-elle au moment de leur sortie. "Je regardais et je dessinais des oiseaux. J'habite entre les étangs d'Ixelles et le bois de la Cambre. J'ai beau vivre en ville, je me sens proche de la nature. J'observe beaucoup les animaux dans la ville. L'oie de l'album, je l'ai vraiment vue au bord des étangs d'Ixelles. C'était un dimanche. Elle semblait passionnée par ce que faisaient les pêcheurs. Le livre est parti de là. Après, je suis retournée observer ses attitudes et ses comportements."

L'autre livre vient d'une autre expérience: "Les oiseaux, je les ai vraiment vus à la gare de Lyon, à Paris. Ce sont des moineaux, des friquets et des domestiques: ils pillent le pain des tables. Mais les verrières de l'album sont plutôt celles de la gare de l'Est ou de la gare du Nord, tout comme les sièges."

Pourquoi des livres sans texte? "Je pense que cela s'y prête. Les images racontent mieux que les mots. Pour y arriver, j'ai dû affiner mon chemin de fer initial. J'avais d'abord fait deux grandes images, l'oie et le pêcheur. Mais je n'avais pas de réaction du public. J'ai alors opté pour un découpage où l'oie arrive. Comme au cinéma. A défaut d'en faire, je fais des livres qui font penser au cinéma. C'était déjà le cas avec "Trois chats", mon premier album."

Demain les fleurs
Thierry Lenain
Anne Brouillard
Nathan, 2000

L'album poétique "Demain les fleurs", première collaboration entre l'écrivain français Thierry Lenain et notre Anne Brouillard, offre une réflexion juste sur le temps qui passe. Le narrateur, un gamin, vient vivre chez son grand-père, en pleine campagne. C'est l'hiver, froid et blanc dehors, chaud à l'intérieur avec des tas de livres à lire. Petit-fils et aïeul tissent leur complicité que balisent trois mots répétés par Grand-Père: "Demain les fleurs".

Les jours passent, l'hiver avance, le bonhomme de neige fond. Les livres lus s'empilent dans la maison, loin des étagères dénudées. Il n'y reste qu'un mystérieux livre noir, provoquant le mutisme du vieil homme. En mars, le narrateur commence à s'inquiéter: Grand-Père a perdu sa sérénité, le printemps n'a pas l'air d'être au rendez-vous, les voisins ont disparu. L'enfant a peur, de plus en plus peur. L'inéluctable serait-il là? L'homme âgé le refuse et sacrifie ses précieux livres. L'offrande plut-elle aux dieux? En tout cas, les arbres refleurissent!

Anne Brouillard a mis tout son talent de peintre au service de cette histoire de vie et d'espoir. Ses pinceaux sculptent les espaces, façonnent les expressions. Ses couleurs suivent les atmosphères: froides à l'extérieur, chaudes près du feu, lumineuses avec le retour du printemps. Quelle sensualité, renvoyant chacun à sa destinée! 

Paroles de la mer
Jean-Pierre Kerloc'h
Anne Brouillard
Albin Michel, 64 pages
2000

Un moyen format, tout en hauteur. Sur les doubles pages, presque carrées, des gouaches d'Anne Brouillard. Fortes, splendides, un rien mystérieuses. Phare, estacade, voilier et paquebot, plage, flaque, rivage sont autant de paysages iodés où se cognent couleurs vives et sourdes, où s'aventure ça et là la lumière. Une atmosphère parfaite pour goûter le sel des mots de mer accueillis dans les images, phrases, paragraphes ou textes. Les extraits sont choisis chez Renaud, Valéry, Lautréamont, Tabarly et une dizaine d'autres. La particularité de ces "Paroles de la mer" est qu'elles font entendre deux voix: celle des terriens restés sur le rivage et qui fantasment à propos de la grande bleue et celle de ceux qui sont vraiment partis sur les flots, par choix ou par nécessité.

Petites histoires étranges
Anne Brouillard
Syros Jeunesse, 1999

Pas d'autre texte que les titres des histoires mais une succession d'images qui parlent d'elles-mêmes et entraînent le lecteur dans leur étrangeté. "Temps de chien" raconte un déluge qui fait passer six chiens de l'autre côté de la planète. "Lunes" est plus mystérieux avec des croissants jaunes accrochés à un arbre. A chacun de poser ses mots sur ces peintures énigmatiques. En même temps sont rééditées "Petites histoires simples".

Le bain de la cantatrice
Anne Brouillard
Le Sorbier, 32 pages, 1999

Anne Brouillard est aussi à l'aise dans les grands que les petits formats. "Le bain de la cantatrice" appartient à la seconde catégorie. C'est un livre-opéra, le texte-mélodie apparaît dans une portée musicale, une immense farce où l'imagination s'en donne à cœur joie. Robinet à sec, une cantatrice va chatouiller les nuages avec des sons pour trouver l'eau nécessaire à son bain. Les images, de vrais tableaux, emportent le lecteur dans une folle farandole. Un déluge parodique le ramène à la cantatrice en mal d'ablutions. Et à une chute exquise.

Mystère
Anne Brouillard
L'école des loisirs/Pastel
1998

Enigmatique promenade en forêt sous un beau soleil d'hiver que cet album. Des traces se dessinent devant la maison bâtie entre les bouleaux. Kÿt, l'héroïne, les suit. Sans hésiter. Curieuse. Attirée par une force invisible.

Une aventure forte attend la petite fille blonde, apparemment seule mais surveillée, protégée même, par un chat mystérieux et bienfaisant. Les somptueuses images de neige, les ambiances de nuit donnent sans doute une impression de froid, amplifiée par l'atmosphère énigmatique qui se dégage de l'excursion nocturne.

Mais les frissons s'arrêtent vite tant il se dégage de chaleur de ces pages si pleines de couleurs, d'atmosphères diverses, de tranquillité retrouvée. "Mes livres", m'expliquait alors Anne Brouillard, "ne sont pas construits à partir d'idées abstraites, mais d'impressions visuelles. Les "histoires" partent d'une image ou d'une succession d'images, parfois d'émotions ou de sensations, que j'essaie de concrétiser."

Effectivement, dans ce grand format tout est à voir, tout est à ressentir. Un texte minimal, juste de quoi rassurer le lecteur ou ses parents, et surtout de magnifiques illustrations, vastes peintures sur doubles pages, véritable invitation à une fantastique promenade.

Le pays du rêve
Anne Brouillard
Casterman/Les albums Duculot
1996

Il aura fallu attendre trois ans pour qu'Anne Brouillard, une des meilleures illustratrices de notre pays, retrouve un éditeur belge. Elle avait débuté avec le superbe "Trois chats", publié à l'automne 1990 grâce à Marie David, responsable à l'époque du secteur jeunesse des Editions Dessain-De Boeck (la branche disparut lors des tourmentes éditoriales de juin 1993 quand Duculot fut vendu et partagé entre Casterman et De Boeck). Elle fut ensuite accueillie par plusieurs éditeurs français, le Sorbier, Epigones et Syros.

"Le pays du rêve" est un superbe grand format où alternent de pleines pages en couleurs et des vignettes en noir et blanc, disposées comme une pellicule de film. Ce procédé astucieux, doublé de phrases sobres, alimente la narration. L'héroïne, Eloise, voit souvent les mêmes endroits dans ses rêves, un univers attachant qui se dessine dans les magnifiques pages en couleurs. Les impressions qu'elle en garde éveillée sont si fortes qu'elle se persuade de l'existence de ces lieux. Et part à leur recherche dans la réalité. Une réalité qui lui donne parfois raison. Cette exploration onirique est traitée dans de somptueuses peintures, bien dans la ligne à laquelle Anne Brouillard nous a habitués. Pour la première fois, elle se lance dans l'écriture, une narration sobre, ornée de mots bizarres, venus en droite ligne du pays du rêve : Esiole, everud syapel... Voilà une découverte poétique et passionnante de deux mondes parallèles, aux intersections multiples.

Promenade au bord de l'eau
Anne Brouillard
Le Sorbier, 1996

Une envoûtante série d'images à l'italienne. Sans texte, elles racontent le voyage d'une petite boîte rouge: du ruisseau à la rivière, de la rivière à l'océan. L'illustratrice s'y affirme déjà comme un peintre maîtrisant son art.


Il va neiger
Anne Brouillard
Syros, 1995

Un grand format magnifiquement illustré où il ne se passe quasiment rien, si ce n'est qu'il va neiger. Le texte est bref mais suffisant pour susciter la rêverie et de superbes gouaches, lumineuses et mates composent des instantanés de qualité. Tant à l'intérieur qu'à l'extérieur de la maison bien chauffée, naissent des émotions, suscitées par la vision de la nature et des humains. Des images fortes qui révèlent un vrai talent d'artiste.


Petites histoires
Anne Brouillard
Dessain/Le Sorbier, 1993

Les trois histoires muettes que nous conte Anne Brouillard se déroulent dans des images aux tons vifs. "Des hauts et des bas" présente des pingouins (animal fétiche de l'auteur) qui jouent avec une luge dans un paysage enneigé. La couleur du ciel change, annonçant les flocons: jeux graphiques à la portée des plus petits, histoire simple, proche d'eux, sans mièvrerie. Dans "Un temps de chien", on découvre six chiens noirs équipés de parapluies rouges. Il pleut, ils les ouvrent. Mais l'eau monte, et les pépins deviennent embarcations jusqu'à un ultime retournement de situation. Avec "Vert de peur", on suit la séance de balançoire de deux canaris jaunes, resplendissants dans leur jardin vert. Le jeu se poursuit dans un arbre où l'un des oiseaux vire soudainement au vert... Qui montre le bout de ses moustaches? Trois courtes histoires, pleines d'imagination et d'humour. L'auteur s'amuse et les enfants aussi.


Le sourire du loup
Anne Brouillard
Epigones, 1992

Sans texte, l'album nous présente d'abord une montagne derrière des sapins. Un effet de zoom donne plus de détails sur les arbres entre lesquels apparaît un loup, aussi noir que sont blanches ses dents qui se détachent sur le rouge de sa langue. Un nouveau zoom sur la gueule de l'animal entraîne le lecteur dans un jeu sur les couleurs et les formes. Variations graphiques qui nous ramènent au début du livre en une boucle sans fin. Un album en gris, noir, blanc et rouge qui ne cache pas que, malgré son aspect terrible, le loup sourit. Les enfants aussi. Quant aux parents, c'est à voir! Un album qui fut récompensé à la Foire de Bologne.



Les lauréats précédents du Grand prix triennal
2012 Benoît Jacques
2009 Rascal
2006 Kitty Crowther



Les autres prix littéraires de la Fédération Wallonie-Bruxelles remis ce mardi 21 avril 2015

Prix Paroles urbaines
Sanzio (section rap)
Simon Raket (section slam)
Grande Vacance et The Bridge (section Spoken Words)

Prix du rayonnement des lettres belges à l'étranger
Le projet DramEducation à Poznam porté par Jan Nowak et Iris Munos


Prix de la Première œuvre

Gérard Mans, "Poche de noir" (Bruxelles, Maelström, 2014).

Prix triennal d'écriture dramatique
Martine Wijckaert, "Trilogie de l’Enfer" (Paris, L'une et l’autre, 2011).

Prix quinquennal de Littérature - Couronnement de carrière

Jean Louvet et Jean-Marie Piemme, à titre exceptionnel, "pour mettre en évidence la filiation entre ces deux auteurs, qui se sont signalés non seulement par la qualité de leur écriture mais aussi par des pratiques théâtrales collégiales novatrices."