Une scène d'"Ernest et Célestine et nous" dans "Patchwork". (c) Éditions Daniel Maghen. |
Quelle belle fin d'année pour les enfants! Et pour leurs parents! Et pour toute personne qui s'intéresse à l'œuvre de Gabrielle Vincent, le pseudonyme qu'avait choisi l'artiste peintre Monique Martin pour s'aventurer en littérature de jeunesse. D'abord plusieurs de ses albums pour enfants sont réédités chez Casterman, comme d'habitude pourrait-on dire tant on salue le travail de mémoire continu de l'éditeur. En album simple ou en recueil. Ensuite, un autre titre chéri revient chez Grasset Jeunesse.
Et enfin, merveille des merveilles, paraît le beau livre bien épais
"Patchwork" signé
Gabrielle Vincent
(textes de Fanny Husson-Ollagnier, conception et réalisation Emmanuel Leroy
& Vincent Odin, Éditions Daniel Maghen, 304 pages) dont le sous-titre,
"Une biographie en images de la créatrice d'Ernest et Célestine", se montre particulièrement approprié. C'est en effet par ses images et ses
dessins légendés de sa belle écriture ronde que l'artiste s'est toujours
racontée. Cette autobiographie de grand format et au beau papier crème en
témoigne. Une mine de beauté et de sincérité.
L'ouvrage commence par une évocation de la personne qu'était la discrète
Monique Martin. Un puzzle composé au départ de témoignages de plusieurs de ses proches
et de notes extraites de ses carnets. Il se structure ensuite en plusieurs
chapitres brièvement introduits: L'Atelier, Les Gens, Bruxelles, Les Voyages,
Les Animaux et Ernest et Célestine, cette dernière partie étant la plus
fournie avec 130 pages. Imaginez, 130 pages de planches originales en couleur
ou à l'encre sépia issues des 26 albums que compte la série. C'est un
ravissement de vagabonder dans tant de beauté, tant de sensibilité. Ernest et
Célestine sont si délicatement humains. Voir leurs attitudes, leur
complicité, leur amour se décliner en de si belles pages qui laissent les traits respirer est un enchantement. Croquis au crayon et commentaires de l'auteur sur son travail ou ses
personnages font percevoir l'artiste inquiète qu'elle a été et comment elle a
transcendé ces craintes en des scènes de paix et de joie. Elle mariait bic, crayon, fusain, aquarelle et tout ce qui lui semblait idéal pour parvenir à représenter ce qu'elle avait en tête. A ce propos, l'index en fin d'ouvrage donne l'origine et la technique utilisée pour chacune des illustrations.
Certaines images paraîtront peut-être un peu étranges à qui connaît bien les livres de Gabrielle Vincent ou qui a visité ses expositions. Rappelons que deux ventes de ses dessins ont été organisées récemment par la galerie Daniel Maghen à Paris et qu'il était aussi possible de les voir en ligne. C'est tout simplement parce qu'elles figurent à bords perdus dans certaines pages. Leur recadrage peut étonner quand on isole une page mais il passe mieux quand on feuillette le livre. Et il faut bien avouer que la plupart des dessins apparaissent dans leur forme originelle. Pour le reste, il convient de saluer la mise en page qui entraîne le lecteur dans ce vibrant parcours en déclinant thèmes, genres et couleurs en une belle harmonie qui rend grâce au talent de l'artiste.
Double page de la partie Voyages de "Patchwork", extraite de "Au désert". (c) Éditions Daniel Maghen. |
Les chapitres précédents évoquent des aspects moins connus de l'art de Monique Martin.
Les scènes d'atelier sont splendides et loin d'être académiques. Les portraits
d'hommes, de femmes et d'enfants transpirent d'humanité, qu'ils soient au
fusain, à l'encre ou à l'aquarelle. Les vues bruxelloises nous promènent en
divers lieux de la capitale belge et bien entendu au Palais de justice où elle
allait souvent écouter les procès. Ses voyages au Maroc, en Tunisie et en Égypte montrent une autre facette de son talent: croqueuse d'instants
divinement aquarellés, qu'ils saisissent les hommes du désert ou des paysages de
ville, de désert ou de mer. Quant à la partie sur les animaux, elle oscille
entre le cirque et le merveilleux album qu'est "Un chien" (1982).
Il s'agit en effet d'un somptueux patchwork que ce beau livre composé
à partir de quelques-uns des 10.000 dessins que Gabrielle Vincent a laissés, sans oublier ses
peintures, ses carnets de travail et certaines de ses correspondances. Combien
de lettres n'a-t-elle pas écrites? Allusion à la couverture cousue dans Ernest
et Célestine, "Patchwork" est un formidable travail qui a su choisir de ne
pas faire écrire un expert mais de laisser l'artiste se raconter à
nous par ses illustrations et ses mots.
Études de femmes et vue de l'atelier dans "Patchwork". (c) Éditions Daniel Maghen. |
Rééditions 2024
Gabrielle Vincent
Grasset Jeunesse, 32 pages
Grasset Jeunesse, 32 pages
Quelle belle idée de rééditer dans un format cartonné toilé cette fois, avec
une image de couverture plus dynamique, un conte de Noël publié pour la
première fois par l'éditeur en 1994. L'histoire n'a pas pris une ride. La
touchante rencontre un 24 décembre de la jeune Magali et du Père
Noël. Un tout petit Père Noël qui est descendu du ciel en parachute, les mains vides. La
fillette qu'il croise par hasard n'en croit pas ses oreilles. Elle décide
de lui venir en aide. N'écoutant que son grand cœur, elle court vers sa
maison, fonce dans sa chambre et revient à l'homme en rouge avec sa poupée en
cadeau. De quoi meubler la solitude du visiteur. Tendresse, humour et
sensibilité sourdent de cet album magnifique.
1994. |
Le sapin de Noël
Gabrielle Vincent
Casterman, 40 pages
Publié en 1995, cet album qui paraît dans une nouvelle édition cartonnée
posait déjà la question des habitudes de Noël. Couper un sapin pour le décorer
chez soi? Peut-être pas si on suit l'idée de Célestine qui a repéré, dans le
grand parc enneigé, un petit sapin solitaire un peu tordu, et qui souhaite
passer son réveillon avec Ernest, dehors, dans la neige, près de ce petit
sapin.
"Le sapin de Noël". (c) Casterman. |
Les plus belles histoires
Gabrielle Vincent
Casterman, 144 pages
Une nouvelle édition cartonnée d'un recueil conçu en 2019. On y trouve cinq
histoires fondamentales du gros ours et de la petite souris, le B A BA
d'Ernest et Célestine.
- Ernest et Célestine ont perdu Siméon, la première (1981)
- Ernest et Célestine - La cabane (1999)
- Ernest et Célestine au musée (1985)
- Ernest et Célestine - Un caprice de Célestine (1999)
- Ernest et Célestine musiciens des rues (1981)
Bienvenue les enfants!
Gabrielle Vincent
Casterman, 40 pages
La réédition sous un autre titre de
"Ernest et Célestine... et nous", paru en
1990, le seul titre où le duo est confronté à de vrais enfants. Un album que
Gabrielle Vincent a imaginé à la suite d'une correspondance qu'elle a
entretenue avec les enfants d'un ami. Les lettres y ont toute leur place!
Célestine a déjà reçu trois missives d'Antoine et elle voudrait le voir comme
lui voudrait la voir. Le hic, c'est Ernest qui n'invite que ses amis et ne
sort guère. Il en faut plus pour décourager la petite souris qui saisit papier
et crayon pour envoyer un courrier à Antoine. L'histoire se développe de façon
inattendue entre les rebuffades de l'ours et les surprises qu'amène Antoine, qui
n'est pas seul dans sa fratrie.
"Bienvenue les enfants!". (c) Casterman. |
Plus tôt dans l'année avaient reparu en grand format cartonné
"La chambre de Joséphine", "La naissance de Célestine", "La tante
d'Amérique" et "Le labyrinthe" de
Gabrielle Vincent,
toujours chez Casterman, éditeur que l'on bénit pour cela.
Créations 2024
Notre enthousiasme n'est pas le même pour ces albums qui charcutent l'œuvre originale. A-t-elle besoin d'être réinterprétée? Non, bien entendu. Les albums, que ce soient ceux d'Ernest et Célestine ou les autres se suffisent à eux-mêmes. Ils enchantent et élèvent leurs lecteurs.
Notre enthousiasme n'est pas le même pour ces albums qui charcutent l'œuvre originale. A-t-elle besoin d'être réinterprétée? Non, bien entendu. Les albums, que ce soient ceux d'Ernest et Célestine ou les autres se suffisent à eux-mêmes. Ils enchantent et élèvent leurs lecteurs.
Quel est l'intérêt d'un livre comme "Ernest et Célestine - L'album photo des jours heureux" (Casterman, 40 pages) où Fanny Husson-Ollagnier écrit un texte sur des images de Gabrielle Vincent, utilisées comme autant de photos? Où est la sincérité des histoires originales, qui disaient les jours heureux mais aussi les difficultés, qui disaient la vie tout simplement.
Pire encore est
"Le calendrier de l'Avent - Ernest et Célestine"
(texte de Fanny Husson-Ollagnier d'après l'univers de Gabrielle Vincent,
Casterman). Un grand format cartonné en diptyque où 24 petits livres souples
de 24 pages illustrées en quadri sont glissés dans des pochettes. Une histoire
par jour pour attendre Noël.
L'idée était bonne. Sauf que les mini-histoires sont terriblement fabriquées,
à mille lieues du ton de
Gabrielle Vincent même
si elles utilisent les éléments scénaristiques de ses albums. Au mieux, elles
peuvent servir à un quiz pour qui connaît bien l'œuvre. Il faudrait identifier
les albums qui ont servi à composer ces histoires sans saveur, émotion ou
sentiment.
Beau travail! Je m’y retrouve tout à fait
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