Bertrand Puard. |
Un roman ado joliment écrit, vraiment haletant avec toutefois une réflexion sur l'humain? J'ai ce qu'il faut, la trilogie "L'archipel" de Bertrand Puard auteur de la célèbre série "Les effacés". Le tome 1, "Latitude" (Casterman, 288 pages), est sorti, le deuxième terminé et annoncé pour août et le troisième prévu pour janvier 2019. L'Archipel est le nom du lieu, sur une île de l'Antarctique, où se cachent du monde des puissants et où sont enfermés des adolescents, coupables de crimes terribles.
Pas vraiment un lieu de villégiature que cette prison en terres glacées. C'est pourtant là qu'est coincé Yann Rodin, 16 ans. Il n'a rien fait de répréhensible mais, sosie parfait de Sacha Pavlovitch, 16 ans également, trafiquant d'armes recherché qui a déjà beaucoup de sang sur les mains, il a été échangé avec lui.
Comment Yann s'est-il retrouvé là? Parce qu'il est la victime d'un nouveau business très lucratif, l'échange d'identités. Vous posez quelques millions sur la table, pas compliqué puisque vous êtes riche grâce à vos trafics interdits, et une organisation s'occupe de vous trouver un sosie, et de le faire tomber à votre place. ADN? Tous les problèmes éventuels sont envisagés et réglés de main de maître. Pendant que votre sosie va croupir à l'ombre, sans vraiment comprendre ce qui lui arrive, vous endossez sa place au soleil. Vous vous glissez dans sa peau grâce à un recueil de notes à son sujet que vous avez soigneusement étudié.
C'est ce qui se passe avec Yann et Sacha dont on découvre les parcours respectifs dans ce chouette roman bien ficelé. Leurs deux voix se font entendre en parallèle, sous la forme du journal que Yann tient dans sa prison et par le récit de Sacha de ce qui l'a mené à agir de la sorte.
Evidemment, ce n'est que la base du livre. Il faut en découvrir les différents épisodes dans les pages, se frotter aux différents personnages, dont la policière portugaise, dont le prêtre qui s'occupe de Yann, dont sa petite amie, dont un journaliste très curieux, dont la chercheuse envoyée à l'Archipel étudier la sismographie du lieu, dont ce curieux éditeur obèse. Sans oublier Yann et Sacha qui paraissaient si opposés au départ et se trouvent des points communs, dont une sonate pour piano et une jeune fille dont ils sont tous les deux amoureux.
Maître en rebondissements, Bertrand Puard s'intéresse aussi à l'aspect humain de ses personnages. Sacha est-il aussi mauvais qu'il ne le paraît? Ne serait-il pas aussi doté de compassion? Et Yann, que lui est-il arrivé pour qu'il se retrouve seul à seize ans? Voilà un tome 1 qui donne furieusement envie de lire les suivants. Le 2 , nous assure l'auteur, de passage à Bruxelles, explorera notamment davantage la figure de Nouria. Le tome 3 reviendra sur l'Archipel. A partir de 13 ans.
Quatre questions à Bertrand Puard
Quel a été le point de départ de ce roman?
Le sosie n'est qu'une petite part de l'intrigue. Je n'avais pas envie de traiter l'histoire d'un coupable en prison qui cherche à s'évader. Par contre, je veux montrer que l'argent peut tout. C'est à peine de l'anticipation. Aujourd'hui, on peut acheter une nationalité. Va-t-on commercialiser les sosies? "L'Archipel" est le résultat de ce commerce d'îles organisé par des agences immobilières, notamment au Canada. La terre est rachetée au pays pour devenir une enclave neutre, l'entre soi de gens très riches.Comment sont nés Yann et Sacha?
On croit que Sacha et Yann sont extrêmement opposés. L'un est le fils d'un riche trafiquant d'armes; à 16 ans, il a déjà du sang sur les mains. L'autre est privé de famille et a trouvé refuge dans un monastère. Ils ont une révolte sous-jacente commune. Une sonate les relie sans qu'ils le sachent. L'un l'a composée, l'autre la joue. Entre eux, il y a le personnage central de Nouria, dont ils sont tous les deux amoureux. Je voulais qu'il y ait des ados et un antagonisme entre eux deux. Que le "mauvais" tente de racheter sa faute. Sacha est un parfait salaud au début. Il change au contact de Nouria et du prêtre du monastère. J'aime mener le lecteur en bateau mais aussi lui donner des indices de ce qui va arriver après.
Dans la vraie vie, le prêtre n'existe pas mais bien le monastère. C'est le monastère Sainte-Marie à Porquerolles, anciennement fort de la Repentance. Je voulais trouver le pendant de l'île glacée où se trouve la prison dans une île chaude de la France.Pourquoi écrire une trilogie?
Une trilogie permet de ne pas écrire le même roman à chaque tome, les choses étant installées au début. Par exemple, il n'y aura pas de sosie dans le tome 2. Auteur, j'ai besoin de savoir ce qui va se goupiller au tome 3 mais en gardant la latitude de changer. Une trilogie est un travail au long cours. J'aime bien le côté roman à épisodes. Un de mes grands maîtres est Dumas. Ce n'est pas une insulte que d'être feuilletoniste. Les ados se plaisent dans la série. Je suis dans la logique de la série littéraire, comme au XIXe siècle.
Finir un roman a un côté extraordinaire. Vos idées sont désormais sous forme transmissible. Mais à la joie succède le baby-blues. Moins dans le cadre d'une trilogie, car en finissant le tome 2, il y a encore le tome 3. J'éprouve un plaisir fou à écrire. C'est toujours comme si j’étais un auteur non publié. J'essaie de faire de mieux en mieux à chaque nouveau roman.Vous avez aussi d'autres publics de lecteurs.
Oui, je n'écris pas que pour les ados. J'ai commencé au Masque par des polars, "Musique de nuit", "Alice au pays des cauchemars", et des romans historiques comme "Le secret des Sept Sages" chez Flammarion ou "Requiem pour Cézanne" chez Belfond. J'ai toujours cherché à faire éditer mes livres. J'ai aussi fait deux séries pour ados chez Hachette, "Les effacés" (6 tomes) et la "Trilogie bleu-blanc-sang". Sortira bientôt une série pour les 10-12 ans qui raconte l'enfance des grands écrivains français. Les deux premiers sont Dumas et Zola, le projet étant que l'écriture colle à ce que ces écrivains vont devenir, de cape et d'épée pour le premier, l'exploration de Paris pour le second.
Pour lire le début de "L'Archipel", c'est ici.
Bertrand Puard sera à la Foire du livre de Bruxelles les jeudi 22 et vendredi 23 février.
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