Robin des mers
Didier Lévy
Pierre Vaquez
Sarbacane, 40 pages
dès 4 ans
Format à l'italienne pour cette histoire se déroulant sous la mer. Lors
d'une promenade, le requin Olo tombe sur l'épave d'un paquebot. Débordante
d'outils, la salle des machines comble de joie le bricoleur. Dès le lendemain, il
devient Doc Olo, réparateur en tous genres. Des pinces de crabes bloquées aux pieuvres emmêlées... Il travaille aussi à domicile en cas de besoin. Ce
sont ces déplacements qui lui font découvrir les gigantesques filets
dérivants des chalutiers. "Olo prend un malin plaisir à cisailler leurs mailles, libérant à chaque
fois des milliers de poissons." On imagine la fureur des chats pêcheurs qui mettent sa tête à prix et
finissent par le capturer. Comme si Olo allait se laisser faire!
La "manière noire", technique de gravure en taille-douce sied parfaitement à
ces scènes dans les profondeurs marines où évoluent des dizaines de poissons
splendidement représentés et des machines à la Jules Verne. Un album qui
marie humour, surpêche et écologie dans un récit plein de péripéties prenantes.
Doc Olo et les filets... (c) Sarbacane. |
Victime de lui-même
La soupe Lepron
Giovanna Zoboli
Mariachiara Di Giorgio
traduit de l’italien
Les fourmis rouges, 48 pages
dès 5 ans
Quel bonheur de découvrir ces images à l'ancienne d'un lièvre célébrant une campagne merveilleuse en préparant chaque année en famille une soupe de légumes! Et quels légumes! Ils sont merveilleusement représentés, à la fois scientifiquement précis et charmants, tout comme les innombrables membres de la famille de Monsieur Lepron qui s'en occupent. Et quelle soupe! Peut-être bien la meilleure du monde. Une soupe qui résiste à toutes les imitations.
Quelle surprise alors quand l'album aux illustrations toujours douces et classiques nous montre l'usine de soupe Lepron. Finie la bucolique campagne. On est dans le commerce et le marketing maîtrisés. Au point que tout le monde dans le monde veut de la soupe Lepron, l'originale ou ses variantes. Monsieur Lepron assure. Jusqu'au jour où il n'assure plus. Trop de soucis, trop de réclamations. Surtout trop peu de satisfactions. Le maître des soupes prendra alors une grave décision, sourd aux pressions extérieures mais en accord avec lui-même. Enfin apaisé, il pourra refaire sa divine soupe, pour ses proches, une fois par an.
Il me semble que c'est le premier album de fiction pour enfants qui aborde de manière aussi franche, même si elle est imagée, les questions du capitalisme, de la mondialisation, de la simplicité et du bonheur. Une réussite tant dans le texte qui se déroule parfaitement dans une agréable mise en pages que dans les images aussi expressives que détaillées.
Chaque année, Monsieur Lepron prépare une soupe. (c) Les fourmis rouges. |
Vite, vite, vite
Clémence Sabbagh
Magali Le Huche
Les fourmis rouges, 32 pages
pour tous, dès 4 ans
Attention, album hilarant! On suit Gervaise, poulette overbookée dans ses mille activités quotidiennes. Que ce soit au travail ou en vacances, la poulette court tout le temps. Un texte dynamique, plein d'allusions aux gallinacées en diverses postures, et des illustrations pétulantes en rendent divinement compte. On rigole vraiment devant ce poulailler affairé.
La course effrénée de Gervaise s'arrête quand un ouragan fait s'envoler son camp de vacances de poulettes. Sur la plage, elle rencontre trois minuscules bestioles locales. Alfred, Bernard et Anémone vont lui faire découvrir le plaisir de la lenteur, la beauté de la nature, diverses façons d'oublier le temps, de savourer l'instant. Gervaise rentrera chez elle, différente, changée, ralentie, à l'écoute d'elle-même. Un album contemporain qui épingle joyeusement les adultes mais pourrait certainement se doter d'un second tome similaire, pointant les agendas des enfants d'aujourd'hui.
Même en vacances, Gervaise s'agite. (c) Les fourmis rouges. |
Retourner le temps
Henning Wagenbreth
traduit de l'allemand par Clément Benech
Les Grandes Personnes, 40 pages
pour tous, dès 8 ans
L'approche de ce livre aux illustrations éclatantes n'est pas facile. Comme il présente un univers à l'envers, les titres sont à l'envers aussi. Il faut s'y habituer pour parvenir à les déchiffrer. Mais cela fait partie du jeu. Les textes par contre sont écrits à l'endroit et en rimes de surcroît! Au début, on rigole à l'idée de déclencher son réveil pour s'endormir, de se lever épuisé le soir, de déposer les viennoiseries à la boulangerie... Dans cette logique, les bûcherons façonnent les arbres, les archéologues enterrent des vestiges et les animaux reprennent vie après être passés à la boucherie!
Mais d'autres chapitres qui reflètent l'état actuel de notre monde font moins rire, tant on a alors envie de remonter le temps. Les illustrations puissantes d'Henning Wagenbreth sont accompagnées de textes plutôt tragi-comiques que comiques. Elles nous imposent de nous réveiller, avec ou sans réveil, et de considérer ce que nous faisons de notre planète et de ses habitants. Un album qui pique.
La "vie quotidienne" à l'envers. (c) Les Grandes Personnes. |
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