Annie Goetzinger. |
Triste nouvelle que l'annonce du décès, à 66 ans, d'Annie Goetzinger, pionnière de la bande dessinée féminine dans les années 1970. Ce sont les éditions Dargaud qui ont annoncé, ce 20 décembre sur Twitter, sa disparition: "C'est avec une profonde tristesse que nous apprenons la disparition d'une très grande dame de la bande dessinée, Annie Goetzinger. Toutes nos pensées vont à sa famille et à ses proches. Au revoir Annie..." Crabe de m.
Annie Goetzinger, j'avais eu le plaisir de la rencontrer lors d'un débat que j'avais animé à Saint-Etienne à l'automne 2013. A ses côtés sur le plateau se trouvait Régine Deforges, disparue en avril 2014. Bizarre impression pour moi aujourd'hui que ces deux dames, si présentes et si belles dans leurs paroles, ne soient si vite plus là.
Annie Goetzinger était présente à ce salon littéraire parce que venait de sortir son excellent roman graphique "Jeune fille en Dior" (Dargaud). Pour lire ce que j'avais écrit alors, c'est ici.
Je garde de cette rencontre fugace un excellent souvenir, celui d'une femme attentive et charmante, qui disait ce qu'elle pensait tout en douceur, et qui m'envoyait des sourires encourageants durant cette rencontre.
Via les Editions Dargaud,
l'hommage de son ami Pierre Christin
"Annie a été l'une des toutes premières femmes à entrer dans le milieu, jusqu'alors presque exclusivement masculin, de la BD. Elle l'a fait avec ce mélange de détermination et de légèreté qui était sa marque, et elle y a été immédiatement acceptée.
Annie a été l'une des toutes premières femmes – et d'ailleurs aussi des hommes - à rompre avec la narration et la mise en page classiques de la série, pour brosser des portraits de femmes construisant leur avenir comme elle construisait le sien, avec talent et exigence.
Elle a été l'une des toutes premières femmes à aborder le reportage en format roman graphique, dans son livre sur le tango sous la dictature des généraux en Argentine, où son espagnol parfait et son élégance non moins parfaite ont su forcer toutes les réticences.
Elle a été l'une des toutes premières à glisser dans ses histoires parisiennes de nombreux éléments autobiographiques, bien avant que l'on parle d’auto fiction et, comme toujours, elle l'a fait avec discrétion, tout en restant fidèle à ses origines et à ses convictions.
Tout cela suffirait largement à faire d'elle la "grande dame de la bande dessinée", ainsi qu'on l'a souvent qualifiée. Mais il y avait bien d'autres choses en elle. Et notamment une langue bien pendue capable de renvoyer les fâcheux à leur lourdeur congénitale d’un gnong dans les gencives pas du tout grande dame.
Il y avait aussi un courage physique et moral qui lui a permis d’affronter d'innombrables épreuves personnelles. Mais plus encore une capacité de compassion qui lui a permis d’aider beaucoup de gens, proches ou lointains, à affronter leurs propres épreuves. Le kitsch ne lui faisait pas peur. Mais la bonté non plus. A vrai dire, elle n'avait peur de rien.
J'ai eu l'immense chance de pouvoir exprimer grâce à elle toute une part féminine d'ordinaire quasi interdite aux garçons, surtout en BD. J'ai eu surtout l'immense plaisir de vivre en sa compagnie nos plus belles années de création.
Celles qui ont fait d'elle l'une des toutes premières justement. C'est-à-dire l'apanage d'un style à nul autre pareil. Avec seulement quelques centimètres carrés d'un dessin, même inconnu de lui, tout amateur dira "Ça, c'est du Annie Goetzinger".
Car c'était cela, Annie: le style. En tout."
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