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mardi 14 juin 2016

Une amitié au début cahotant chez Max Velthuijs

J'écoute Manu Larcenet qui vient d'illustrer en bande dessinée le deuxième tome du "Rapport de Brodeck" de Philippe Claudel (Dargaud). Il explique que pour lui le thème du livre est l'étranger qui arrive et est repoussé parce qu'il est étranger.

Cela me fait irrésistiblement penser à ce magnifique album pour enfants, "Petit-Bond et l'étranger" de Max Velthuijs (l'école des loisirs, Pastel, 1993, lutin poche, 2002). Vite, vite, un tour sur l'internet. Ce bijou est-il toujours disponible? En grand format, non. En poche alors? Non plus. Dommage. Il vous reste à fouiller vos bibliothèques, vous y rendre ou tenter de le dénicher en brocante. Ou foncer sur les autres albums de Max Velthuijs (1923-2005) qui traduisent tous une fantastique humanité à hauteur d'enfant.

Petit-Bond et l'étranger. (c) Pastel.
Dès 1993 et "Petit-Bond et l'étranger", le créateur Hollandais montrait prodigieusement grâce à sa grenouille verte combien la peur des différences entraîne le rejet. Un racisme ordinaire car l'amitié est plus facile quand l'autre nous ressemble. Si l'autre vient d'ailleurs, le rejet dans lequel on se replie traduit surtout la peur. Rumeurs et réputations... De quoi transformer en ennemi redoutable le premier étranger pacifique venu.

Petit-Bond et l'étranger. (c) Pastel
L'album commence dans la révolution: un Rat établit son campement aux abords du village! Le trio habituel (Petit-Bond la grenouille, Cochonnet et Blanche la Cane) tient un sujet de conversation. Et de ragots! Le Rat est taxé de "sale rat puant", de "voleur", de "paresseux". Sur base de quoi? Petit-Bond veut en avoir le cœur net. Il aborde le Rat, lui parle et l'écoute. Ses amis sont consternés et ne comprennent pas que la grenouille apprécie la nouvelle tête. Ils parviendront cependant à dépasser leurs préjugés et auront un nouvel ami. Le grand mérite de cet album aux illustrations chaudes, dépouillées et expressives (elles éclairent le texte où s'enchaînent les scènes de refus de l'étranger) est de présenter, sans les juger, les points de vue de chacun des protagonistes. De démonter les mécanismes de ce racisme qui, si l'on n'y prend garde, se décline facilement au quotidien. Un album de paix et de tolérance pour tous à partir de 4 ans.

Deux autres albums de l'époque, non moralisateurs, sur des amitiés aux débuts cahotants, sont toujours disponibles en format de poche.

"L'intrus" de Claude Boujon (1930-1995), l'école des loisirs, 1993 lutin poche, 1995. Les Ratinos vivaient tranquilles chez eux jusqu'au jour où un gros éléphant les prit en amitié. L'obstiné pachyderme ne se laissait toutefois pas impressionner par les rebuffades ou les rouspétances des rongeurs. Oui, une seule de ses gorgées vidait le point d'eau, oui, un de ses pipis déclenchait une inondation! Mais l'éléphant voulait ses nouveaux amis. L'histoire des Ratinos finira par prouver qu'on a toujours besoin d'un plus gros que soi. Un album tonique, au graphisme enlevé dont l'humour renforce le propos.



"Amos et Boris" de William Steig (1907-2003), traduit de l'anglais par Catherine Deloraine, Flammarion, 1973, Gallimard Jeunesse, 1993, Folio Benjamin, 2002. Un des chefs-d'œuvres de l'auteur américain. Amos est un souriceau passionné par la mer. A tel point qu'il construit un bateau et s'y embarque. Tout va parfaitement bien pour lui jusqu'au jour où il glisse du pont et se retrouve à l'eau. A quinze cents kilomètres de la moindre côte! Après des heures et des heures passées dans la mer, le souriceau est résigné à mourir lorsque surgit une baleine. C'est Boris qui lui sauve la vie. Si opposés qu'ils soient, les deux mammifères vont néanmoins apprendre à se connaître, et à s'apprécier. De conversations en disputes, ils deviendront profondément amis. Ils feront un bout de chemin ensemble jusqu'à ce que le destin les sépare: un souriceau vit sur la terre et une baleine dans la mer. Quelques années plus tard, Amos sauvera Boris de la mort. Après cette rencontre inespérée, les deux amis se sépareront à nouveau, riches de leur amitié. Ce superbe récit, simple, drôle et profond, est subtilement mis en images par des aquarelles aux couleurs douces. Un classique incontournable!






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