Nombre total de pages vues

samedi 6 février 2021

Amina, Nasser, Halima, Amel et Assaâd

Amina est sauvée et réconfortée par Alexi et Héléni.
(c) Des pages et des notes.

Comment évoquer les réfugiés, toujours largement présents dans les actualités, avec les enfants? Des livres continuent à paraître, touchants et terriblement humains. En voici trois, deux albums et un récit. Les bénéfices des ventes de deux d'entre eux iront à des associations d'aide aux réfugiés.


L'odyssée d'Amina
Marie Wabbes
Des pages et des notes
32 pages, 10 euros
vendu au profit d'Amnesty International
et de l'ONG grecque The Smile of the Child, créée en 1996
infos et commandes ici ou 0477/999277
version numérique ici 
à partir de 4 ans


Parce que les Grecs font plus que leur part dans la crise des réfugiés qui laisse l'Europe plutôt indifférente, Marie Wabbes a voulu rendre hommage à ces hommes et ces femmes qui laissent parler leur cœur et accueillent ceux qui arrivent, souvent à bout et épuisés, sur leurs côtes. L'histoire d'Amina prolonge et approfondit l'album "L'enfant qui venait de la mer" (Grandir) qui avait paru en 2007. Il y a près de quinze ans! Et rien n'est résolu. Bien au contraire.

Sur doubles pages, les aquarelles toutes simples de l'auteure-illustratrice belge (plus de 200 livres à son actif, lire ici) disent un épisode de vie touchant. Joliment cadrées, réalistes, explicites, elles font avancer le récit, lui donnent de la profondeur, de l'humain. Le lendemain d'une tempête, un couple grec âgé découvre une forme sur le rivage en face de sa maison. C'est une petite fille, trempée, frigorifiée, légèrement blessée. Alexi la ramasse, la prend dans ses bras, la ramène. Héléni la baigne, la soigne, la réconforte. Le lendemain, Amina a un peu récupéré. Elle mange, sort au jardin, se souvient qu'elle est tombée d'un bateau.

Le dessin original de l'arrivée d'Amina à l'école.
(c) Des pages et des notes.

C'est à l'école qu'un miracle va se réaliser. Cette île grecque accueille de nombreux étrangers. Les enfants qui parlent arabe font raconter son histoire à Amina. Et le lien se fait avec le couple arrivé pendant la tempête et pleurant sa disparition de la petite fille. Une grande fête réunit tous les protagonistes de cette belle histoire de retrouvailles inespérées. Mais "L'odyssée d'Amina" s'achève sur une série de questions: que deviendront ces réfugiés? seront-ils accueillis en Europe? renvoyés dans leur pays en guerre? et Amina? pourra-t-elle retourner à l'école? Des questions jusqu'à présent sans réponse.

**
*


L'exposition des réfugiés à la Biennale des Illustrateurs de Moulins en 2019.


Mon nom est Nasser
Nicole Maymat
La petite tortue
58 pages, 12 euros
vendu au profit du Réseau Education sans frontières (RESF) de l'Allier
infos et commandes ici
à partir de 8 ans


A la Biennale des Illustrateurs qui s'est tenue à Moulins en 2019 (lire ici) a été montée une exposition d'un genre particulier, celle des dessins et des poèmes de réfugiés qui avaient abouti là, dans l'Allier. A la manœuvre, Colette Jeandot-Mourlon, une des "Malcoiffées" qui organisent la magnifique biennale. Elle avait rencontré Nasser, un jeune Syrien en chaise roulante, à l'hôpital de Moulins où elle séjournait. Entre les deux, le courant est passé. Mais le courant passait toujours avec Colette. Passait, car Colette a perdu son combat contre la maladie fin mars 2020. Elle avait néanmoins pu monter cette incroyable exposition, les "Ecrimages", où des réfugiés se racontaient à travers dessins et textes, tous ceux-ci faisant l'objet de petits livres grâce à la complicité des Imprimeries réunies. "L'humaine et douce aventure des Ecrimages", en disait Colette.
Un travail magnifique, terriblement émouvant, qui perdure grâce au livre que Nicole Maymat, autre "Malcoiffée", consacre à Nasser, le "petit ange" de Colette Jeandot-Mourlon. "Mon nom est Nasser" consigne l'itinéraire d'un jeune Syrien, touché à seize ans d'une balle dans la colonne vertébrale et arrivé en Europe, porté par son frère. Un récit mais un récit littéraire qui ouvre les yeux sur un de ces destins qui aurait pu rester enfoui car les réfugiés n'aiment pas raconter leurs malheurs. Il nous faut toutefois savoir ce qui se passe dans notre monde, parfois à notre porte.

Sous la douce plume de Nicole Maymat, Nasser nous confie son itinéraire par bribes. Comme reviennent les souvenirs, l'un amenant l'autre. On découvre la vie du gamin en Syrie, avant le drame, sa famille, sa passion pour les chevaux, et puis la guerre, les opérations, le long séjour en Jordanie, l'arrivée en France, les rencontres à l'hôpital, l'atelier artistique.. Celui où lui et d'autres réfugiés ont été  invités à s'exprimer, à créer, et à penser à l'avenir. Un avenir qui semble se concrétiser pour Nasser et plusieurs de ses compagnons qu'on rencontre au fil des pages. Récit bouleversant que "Mon nom est Nasser" qui rend aussi superbement hommage à la formidablement belle personne qu'était Colette Jeandot-Mourlon.




La partie de l'exposition consacrée à Nasser.


**
*

Le petit monsieur au marché. (c) Glénat Jeunesse.


Le petit monsieur
Orianne Lallemand
Anne-Isabelle Le Touzé
Glénat Jeunesse
32 pages
feuilletage en ligne ici
à partir de 4 ans


Le petit monsieur pourrait être n'importe qui. Il vit dans une grande et belle maison près de la mer. Une existence pépère, bien rangée entre train électrique, promenades sur la plage et repas face au coucher de soleil. Même un peu trop rangée à son goût. Le jour où le maire organise une réunion à propos des réfugiés qui viennent d'arriver, le petit Monsieur s'y rend. Son bon cœur est plus grand que ses craintes. Il propose d'accueillir une famille chez lui. Halima, Amel et leur petit Assaâd s'installent dans une chambre de la grande et belle maison. Aussitôt, les doutes et les angoisses reprennent le petit Monsieur: et si..? et si..? et si..?

L'hôte a toutefois l'intelligence de comprendre que sa peur est sans doute moindre que celle de ceux qu'il héberge. Petit à petit, ils s'apprivoisent, apprennent à se connaître. A s'aider et à s'apprécier. Même à partager leurs plats préférés et à apprendre la langue de l'autre. L'horizon du petit monsieur s'est élargi, son cœur aussi. Une amitié réciproque est née.

Réunion à la mairie. (c) Glénat Jeunesse.


L'album est sympathique par le message d'ouverture et d'entraide qu'il véhicule, sans masquer pour autant les craintes et les aprioris du petit monsieur. Le choix de ne représenter que le héros sous des traits humains, tous les autres personnages, locaux comme réfugiés, étant représentés comme des animaux, des oiseaux pour les réfugiés, plein d'autres espèces, vache, lion, panda, poule, girafe, cheval, cochon, poule etc. pour les autres habitants du coin, m'a interpellée. 

Réponse de l'éditrice et des deux autrices: 
"Pour les albums "La petite dame" [NDLR: titre précédent sur la vieillesse et la solitude] comme pour "Le petit monsieur", nous avons choisi avec Orianne et Anne-Isabelle de représenter le personnage principal seul comme humain car c'est un sujet sociétal (autre que la solitude et la vieillesse pour celui-ci puisqu'il s'agit des migrants, d'entraide et de la peur de l'autre) et que nous souhaitions mettre l'accent sur deux choses:  sur le personnage principal avec ses interrogations personnelles au milieu de la société (représenté par l'humain, donc) et présenter tous les autres comme "les autres", donc des animaux (que ce soient les gens du village, du marché ou les migrants). Les animaux nous permettent aussi d'adoucir un peu l’image, et de toucher un lectorat plus jeune. Et nous ne souhaitions pas catégoriser les migrants par une illustration – si on avait choisi de les représenter en tant qu'humains - qui aurait arrêté leur couleur de peau, leurs vêtements, et aurait réduit les migrants de notre histoire à ceux provenant d'un pays en particulier. Nous avons donc décidé de représenter la famille de migrants de notre histoire par des oiseaux en faisant un clin d'œil aux oiseaux migrateurs. J'ajoute pour la petite histoire que leurs vêtements s’égaient au fur et à mesure de leur intégration."

**
*


D'autres titres en littérature de jeunesse sur les réfugiés ici.





1 commentaire: