Matthieu Ricard et son premier livre pour enfants. |
On connaît bien Matthieu Ricard, moine bouddhiste tibétain et proche du Dalaï Lama, moins l'écrivain et psychothérapeute américain Jason Gruhl. Ensemble, ils publient "Nos amis les animaux", un album jeunesse en grand format carré agréablement illustré par la Britannique Becca Hall (traduit de l'anglais par Marie-Anne de Béru, Allary Editions, 32 pages). Un livre précieux qui incite les enfants à traiter les animaux avec compassion en leur montrant clairement la situation actuelle.
"Nous partageons notre maison, la Terre, avec des créatures de toutes les tailles et de toutes les formes", plaide Matthieu Ricard. "Nous semblons très différents, mais nous avons beaucoup de points communs avec les animaux. Ils sont nos amis."
Un plaidoyer entendu. (c) Allary Editions. |
L'ouvrage illustré entend sensibiliser les enfants à la protection de la Terre, notre maison commune. Pour cela, il explique simplement ce qui se passe: comme les humains, les animaux sont très différents les uns des autres. On découvre les capacités des uns et des autres, leurs goûts et leurs besoins, parfois opposés, et aussi les menaces ou les mauvais traitements exercés sur les animaux. Très réussies, les illustrations de Becca Hall rappellent le style de l'Américain d'origine néerlandaise Peter Spier (1927-2017), grand observateur du monde lui aussi. Ses groupes d'humains et d'animaux en début de livre sont des merveilles à détailler longuement.
Dessin choc. (c) Allary Editions. |
"Nos amis les animaux" s'achève sur des conseils pour mieux vivre ensemble. Une double page mêlant les humains et les animaux croisés précédemment célèbre l'amitié et se complète de faits et de chiffres sur l'écologie, le végétarisme et le bien-être animal.
Sept questions à Matthieu Ricard
On présente cet album comme votre première intervention en littérature de jeunesse. Comment y êtes-vous venu?
Ecrire pour les enfants est le défi ultime, car il faut être parfaitement vrai et trouver plus que jamais les mots justes. Cela faisait un certain temps que j'envisageais de le faire mais l'occasion ne s'était pas présentée avant.
Pourquoi, vous qui êtes francophone, avoir publié le livre d'abord en anglais, l'an dernier?
L'éditeur américain de "Plaidoyer pour les animaux" (essai, Allary Editions, 2014, 350 pages) m'a proposé de travailler avec un scénariste et une illustratrice pour extraire le message principal du livre et le transmettre de manière simple et inspirante pour les enfants. Il a simplement fallu ensuite le temps de le produire pour la version française. En ce qui me concerne, je suis bilingue et ce n'est pas le premier livre que je fais en anglais ("Shabkar", autobiographie d'un yogi tibétain, par exemple, ou encore "Cerveau et méditation" avec Wolf Singer initialement paru en anglais au M.I.T. Press ("Beyond the Self").
Comment s'est passé le travail d'écriture avec Jason Gruhl et avec l'illustratrice Becca Hall, peu présente dans l'édition?
J'ai travaillé en étroite collaboration avec Jason Gruhl. Ensuite, nous avons passé en revue un certain nombre d'illustratrices et illustrateurs, et avons aimé les dessins de Becca Hall. Elle a fait un premier essai, qu'elle a peu à peu adapté à nos suggestions. L'ensemble a donc été un travail très coopératif et agréable.
Qui a choisi les thèmes et les a mis en mots?
Les thèmes sont en général ceux de "Plaidoyer pour les animaux". Nous avons finalement retenu, toujours dans un processus collaboratif, ceux qui étaient les plus pertinents pour les enfants. Jason a fait une première rédaction des phrases et je lui ai fait part de mes suggestions.
Vous abordez une thématique connue en littérature de jeunesse, une terre pour tous, des besoins communs, mais vous y ajoutez des sujets plus rares, les dangers qui nous menacent, dont un quasiment casse-gueule, celui de l'abattage des animaux pour en faire des hamburgers. Le sujet est-il passé facilement chez votre éditeur et dans le public?
La réalité est ce qu'elle est. Or, une enquête réalisée à Chicago a montré que plus de la moitié des enfants vivant dans cette ville répondaient lorsqu'on leur demandait d'où venait la viande qui était dans leur assiette:
— Du supermarché
— Et avant cela?
— De l'usine.
Les enfants sont souvent choqués lorsqu'on leur apprend que leur viande vient bien d'animaux qui étaient sur pattes quelques jours avant et nombre d'entre eux veulent spontanément arrêter de manger de la viande. Ils ont le droit de savoir.
Cette question n'est "casse-gueule" que pour ceux qui affectent de détourner le regard — "loin des yeux, loin du cœur".
Le titre original "Our animals neighbors" donne une notion de voisinage, moins le titre français "Nos amis les animaux".
Personnellement, j'aimais bien la notion que de co-citoyens sur la planète, mais c'est un peu abstrait pour un titre et pour des enfants. Le titre français évoque la phrase de George Bernard Shaw: "Les animaux sont mes amis et je ne mange pas mes amis."
Vous terminez par une page d'informations sur les conséquences d'un partage entre humains et d'un meilleur respect des animaux, un appel ou un espoir?
Il ne faut pas sous-estimer les enfants. Voyez Greta Thunberg. Enfant, j'ai décidé moi-même de ne pas chasser et j'ai arrêté la pêche à treize ans, en m'imaginant à la place du poisson. Encore une fois, nous ne devons par reporter sur les enfants la duplicité des adultes. Les choses sont ce qu'elles sont: nous tuons tous les deux mois plus de 100 milliards d'animaux terrestres et marins, le même nombre que celui des homo sapiens qui ont vécu sur Terre depuis que notre espèce est apparue. Il y a là un problème éthique majeur qui, je l'espère, sera comblé par les jeunes générations.
Nageurs en piscine qui rient, nageurs en piscine qui pleurent. (c) Allary Editions. |
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