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dimanche 20 juin 2021

20 juin, journée mondiale des réfugiés



Bonne nouvelle, l'album pour enfants "L'Odyssée d'Amina" de Marie Wabbes (Des pages et des notes, lire ici) est toujours disponible et bénéficie d'un lancement vidéo à voir ci-dessus ou ici.


Qu'est-ce qu'un réfugié? En général, les réfugiés sont des personnes fuyant la guerre ou qui ont connu diverses guerres et révolutions dans leur pays. Ils peuvent aussi fuir des persécutions, des catastrophes naturelles, ou autres. Selon le HCR (Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés), plus de 82 millions de personnes sont aujourd'hui déplacées de force dans le monde, soit deux fois plus qu'il y a dix ans. Parmi elles, des réfugiés, des demandeurs d'asile et des déracinés internes.

Mais si on s'en réfère aux actualités récentes, un réfugié est surtout quelqu'un qui se noie en Méditerranée, parfois dans la Manche. Parce qu'il n'a pas eu le choix d'un autre chemin. Parce que personne n'est venu à son secours. Ou pour éviter d'être ramené dans la Libye qu'il fuit, facile à comprendre. En 2020, les autorités libyennes ont intercepté 11.891 migrants au large de leur pays. Parfois grâce à des informations de l'agence européenne Frontex dont ce n'est pas le rôle. L'OIM (Organisation internationale pour les migrations) estime que 17.000 personnes sont mortes en Méditerranée depuis 2014. Mais la réalité est bien pire. Et il est à noter que la plupart des migrants qui meurent chaque année, perdent la vie aux portes de l'Europe.

Pour aborder la question des réfugiés, cinq livres, deux bandes dessinées et un premier roman pour adultes, un album pour enfants et un roman pour ados (d'autres titres pour toutes les tranches d'âge ici).

 
Mona rencontre Monika par hasard. (c) Casterman


Dans l'épaisse bande dessinée "Chez toi" (Casterman, 208 pages), Sandrine Martin nous emmène dans un camp de réfugiés à Athènes il y a cinq ans. On y fait la connaissance de Mona, une réfugiée syrienne originaire de Homs qui vit là, sous tente, avec son compagnon. Puis de Monika, une Grecque qui est sage-femme auprès des réfugiés. Elle vit à Athènes avec son mari au chômage et leur petite fille de trois ans. Elles se croisent au centre de santé de Médecins du monde à Athènes. La seconde est là quand la première  apprend qu'elle est enceinte. Entre ces deux femmes surgit une sympathie immédiate et réciproque.

Ce récit graphique majoritairement en bleu, éclairé de dégradés de rouge et de blanc, nous fait suivre ces deux jeunes femmes, insatisfaites chacune de leur existence. On les comprend sans les juger, sans les jauger, comme le fait l'auteure-illustratrice dont le récit s'inspire d'une étude anthropologique sur les relations entre les femmes enceintes migrantes et le personnel médical et d'une enquête sur une femme en particulier.

Sandrine Martin nous partage l'amitié qui a éclos entre ces deux femmes de deux mondes qui se sont rencontrées par hasard. Qui se sont trouvées. Qui ont pu partager leurs aspirations, s'écouter, se comprendre, se soutenir. Superbement illustré, écrit avec tact, "Chez toi" est un récit graphique bouleversant, sincère, empathique, qui oblige à réfléchir sur le sort imposé aux réfugiés bien sûr mais aussi à d'autres thèmes de société.

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Jour 5, un mort à bord; jour 6, la presse. (c) Encre de nuit.


L'Algérien résidant en Tunisie (attesté dans son album sur le bled, lire ici) Salim Zerrouki utilise un ton tout à fait différent, le sien, l'humour noir, la dérision, le cynisme, pour dénoncer dans "Comment réussir sa migration clandestine" (Editions Lalla Hadria/Encre de nuit, 92 pages) ce que l'Europe veut à tout prix ignorer. "La plupart de ces histoires qui vont vous paraître affreusement cruelles, absurdes et impossibles, sont tirées de faits réels", avertit le dessinateur de presse en ouverture du livre (QR code de lien aux articles en fin d'ouvrage). On va effectivement s'en prendre plein la gueule. De ce que l'Europe ne veut pas voir.
"Cet album engagé m'a pris 2 ans de travail", explique Salim Zerrouki sur sa page FB, "son élaboration n'a pas été de tout repos, j'ai même déprimé tout au long du processus de création vu la gravité du sujet, mais j'ai tenu bon et j'ai réussi à le finir. Je vous présente 2 ans de labeur en couleur et en douleur, ceux qui sont habitués à rire en lisant mes bd, cette fois-ci, je vous préviens vous allez rire jaune voire pas du tout."
L'album se présente comme un guide pratique: apprendre à boire de l'eau salée, rencontrer un passeur, payer, attendre, partir de nuit sur la mer. Là, les choses se compliquent: le moteur meurt, puis le premier gars, puis d'autres, après dix jours de dérive, la barque touche terre. Une autre traversée nous est présentée, en zodiac cette fois, comme un feuilleton télévisé avec épreuves à la clé. Autres sujets: le vol d'organes, la "délocalisation" de migrants par des obus militaires, les abus sexuels, les tabassages... 

(c) Encre de nuit.
Si le projet tunisien fait sourire par sa cohérence et son pragmatisme, l'horreur revient vite: traite des migrants-esclaves, racket des familles par les passeurs libyens, visites des officiels européens et leurs suppléments de choix, le tout entrecoupé de planches explicatives, "comment se sauver en cas de noyade", "le kit pour survivre" (comprenant un nuancier de couleurs de peau) et la pire, la dernière, "Comment éviter de tomber enceinte lors de viols répétitifs"!

Ces neuf histoires indépendantes sont autant de claques pour inciter les Européens à prendre enfin leurs responsabilités. Une BD aussi terrible que nécessaire. Pas un mot de trop. Des faits. Plus besoin de plaidoyer. Les récits sobrement mis en images se suffisent.


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En bande du roman, le tableau de Miquel Barceló,
très influencé par les naufrages de barques de migrants.

Pour son premier roman, Stéphanie Coste qui a vécu en Afrique jusqu'à son adolescence, a choisi un sujet risqué, rarement traité depuis que la fiction s'intéresse aux réfugiés, le trafic et le rançonnage d'êtres humains dans le cadre de la migration. Dans "Le passeur" (Gallimard, 129 pages), elle donne la parole à Seymoun, un des plus gros passeurs de la côte libyenne. Un salaud absolu, comme tous ceux de son espèce, un bourreau qui monnaie l'espoir, un homme, encore jeune, qui ne montre aucune humanité. Ni avec ceux à qui il promet le passage moyennant finance, ni avec ceux qui travaillent avec lui, ni avec ses rivaux locaux.

On voit évoluer Seymoun, bourreau sans scrupule, quasi suicidaire dans ses excès d'alcool et de drogue, et on en est glacé. On le sera encore plus lorsque le passeur sera rattrapé par les démons et les fantômes de son passé. L'occasion pour la primo-romancière de rappeler que le présent est le fruit de ce qui s'est déroulé hier. Avec des phrases brutes, une intrigue imparable, elle élabore une fresque historique de ce continent dans laquelle se dessine une terrible histoire personnelle. Un itinéraire qui n'excuse rien mais permet d'encore mieux prendre la mesure de la folie des uns et des autres et reflète l'humanité dans ce qu'elle a de plus de noir et de plus pur. Un premier roman haletant qui met un grand coup au plexus.

Pour feuilleter en ligne le début du "Passeur", c'est ici.

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La réponse à la question du titre. (c) Alice Jeunesse.


Pour les enfants, dès qu'ils sont en âge de s'interroger, l'album "C'est quoi un réfugié?" d'Elise Gravel (Alice Jeunesse, 40 pages) pose les questions de base et y répond de façon claire et accessible. Après avoir expliqué les raisons de la migration, la Montréalaise dépeint le parcours compliqué des  réfugiés et les obstacles auxquels ils se heurtent. "Tout ce que les réfugiés veulent, c'est trouver un endroit où ils pourront avoir une vie normale et des activités normales", explique le texte à hauteur d'enfant, toujours bien soutenu par des illustrations simples et expressives. L'ouvrage se clôt sur les mini-portraits de sept réfugiés célèbres.

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Du côté des ados, un roman, finalement décevant comme plusieurs autres qui ont voulu traiter le sujet des réfugiés. Dans "Délit de solidarité", Myren Duval met en scène Lou et sa bande, en fin de collège. Ils s'amusent, se disputent, étudient. Leur train-train est battu en brèche lorsqu'ils découvrent dans une grotte près de chez eux trois migrants syriens, une jeune fille et ses deux oncles. Entre Farah et Lou, c'est le coup de foudre amical immédiat. 

Ok, mais que d'invraisemblances dans ce roman! La bande de Lou, des collégiens, qui semble tout ignorer de la situation des réfugiés alors que l'histoire se veut contemporaine. Le voyage des Syriens, tellement court et facile qu'il ressemble à une excursion. L'utilisation du "délit de solidarité" comme élément de l'intrigue alors que même en France, il n'existe plus. Bref, le livre aurait pu être touchant par le lien immédiat entre les deux adolescentes mais il s'égare dans un récit d'aventures où les événements prennent la place de l'humanité.

Pour lire en ligne le début de "Délit de solidarité", c'est ici.





  

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