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mardi 4 mai 2021

Découvrir Taiwan par ses écrivains actuels

Taipei.

Aujourd'hui, on part à l'île de Taiwan, qui portait précédemment le nom de Formose, à cause de marins portugais qui l'avaient repérée au XVIe siècle et dénommée "Ilha Formosa", soit "belle île" en portugais. Sans pour autant la coloniser.

Notre moyen de transport en ces temps où les voyages sont toujours incertains? Le fort bon recueil de nouvelles "Formosana" dues à neuf auteurs, trois femmes et six hommes, et quasiment autant de traducteurs (lire plus bas), le huitième à paraître dans la collection "Taiwan Fiction" de L'Asiathèque. Créée en 2015, cette collection présente des œuvres littéraires d'auteurs taïwanais contemporains qui abordent avec une écriture originale les questions cruciales de notre temps. Et "Formosana" répond parfaitement au contrat fixé.

L'Asiathèque, quant à elle, fut d'abord une librairie, fondée en 1973 par Alain et Christiane Thiollier. Quasi tout de suite s'y est développé un département d'édition, aujourd'hui assumé par Philippe Thiollier, le fils des fondateurs. Maison d'édition indépendante, L'Asiathèque est basée sur les deux piliers "Littérature et connaissance" et "Langues". Elle part de l'idée que l'apprentissage des langues du monde va de pair avec la connaissance des cultures et la découverte des littératures contemporaines du monde, pas seulement celles de l'Asie. 

"Formosana" est un tapis rouge idéal pour aborder de façon littéraire ce pays dont la voix se fait maintenant régulièrement entendre dans le brouhaha du monde. Pas de panique si on ne connaît rien à Taiwan. La préface de Stéphane Corcuff nous donne quelques clés: "La littérature comme outil d'analyse politique". Elle est suivie d'une "chronologie de Taiwan" par Gwennaël Gaffric, bien précieuse pour apprécier les différentes nouvelles. Si les neuf textes de l'anthologie ont tous été écrits après 1987, ils abordent tous des facettes de l'histoire et de la société taiwanaise, offrant au lecteur un éventail de genres littéraires en un seul recueil. D'autant que les nombreuses notes des traducteurs lui expliquent ce à côté de quoi il pourrait passer.

Les neuf nouvelles

"C'est la faute de la statue" de Walis Nokan (H), traduit par Coraline Jortay. Une entrée en matière fulgurante avec ces deux enfants autochtones Atayal qui n'ont pas salué la statue de Chiang Kai-shek à leur école primaire et sont dénoncés par un agent d'entretien déloyal et en mal de reconnaissance.

"Libellule rouge" de Lay Chih-ying (F), traduit par Damien Ligot. Autre secousse littéraire avec cet  étudiant en médecine qui dissèque le cadavre de son cousin et s'adresse à lui tout du long de la séance en lui expliquant ce qu'il fait avec son scalpel et tout ce que ces gestes lui rappellent.

"Fleurs dans la fumée" de Yang Chao (H), traduit par Stéphane Corcuff. La rencontre de deux chagrins dus à l'Histoire et de deux générations, celle d'un Continental qui a perdu son épouse dans les émeutes de 1947 et d'une jeune Taïwanaise dont le père a disparu lors de la Terreur blanche et qui ne peut faire autre chose que résister au pouvoir autoritaire.

"Mon frère le déserteur" de Wuhe (H), traduit par Emmanuelle Péchenart. Une très très très longue nouvelle, un peu trop longue, que ce jeune homme qui évoque les désertions répétées de son conscrit de frère.

"1987, une fiction" de Lai Hsiang-yin (H), traduit par Matthieu Kolatte. Très beau texte mêlant la mort d'une élève, la participation d'une étudiante à un camp littéraire, un enseignant hors pair et un libraire activiste.

"Les Titi" de Chen Yu-hsuan (F), traduit par Emmanuelle Péchenart. La réalité des ouvrières dans les usines textiles, que certaines acceptent et d'autres pas.

"La nuit du repli" de Chou Fen-ling (F), traduit par Lucie Modde. Les générations se suivent à Taiwan et ne se comprennent pas nécessairement.

"Un cabiaï" de Huang Chong-kai (H), traduit par Lucie Modde. Voler un cabiaï, le plus grand rongeur au monde, aussi appelé cochon d'eau, au zoo n'est pas de tout repos. Sauf quand la Chine et Taiwan sont en guerre, occasionnant une panique dont le narrateur a profité pour commettre son larcin. Un animal qu'il élève en s'interrogeant sur la manière dont Taiwan risque de disparaître.

"L'homme aux yeux à facettes" de Wu Ming-yi (H), traduit par Gwennaël Gaffric. Nouvelle portant le même titre qu'un roman de l'auteur paru chez Stock, elle a certes des liens avec l'autre texte mais se lit indépendamment aussi. Passionné par les papillons au point d'y consacrer une thèse de doctorat, le narrateur fait la rencontre, dans un parc naturel, d'un jeune homme qui lui parle de voir le monde comme le fait un papillon!

Postface: "Démocratie made in Formose" par Gwennaël Gaffric.



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