Sylvain Prudhomme. (c) Francesca Mantovani/Gallimard. |
J'attendais le verdict de l'Académie Goncourt qui décernait ce mardi 4 mai plusieurs prix Goncourt de printemps, dont celui de la nouvelle, car mon préféré, Sylvain Prudhomme, y figurait pour son dernier recueil en date, "Les orages" (L'Arbalète/Gallimard, 174 pages). Il ne l'a pas eu. Loin de moi l'idée de critiquer le choix des académiciens, n'ayant pas lu les autres titres retenus (lire ci-dessous). Par contre, ce recueil publié en début d'année m'a provoqué un enchantement continu et tenace. Tant par les sujets que par les mots choisis pour les raconter.
Quelle merveille d'écrivain que Sylvain Prudhomme, récompensé à juste titre par le prix Femina 2019 pour son roman "Par les routes" (L'Arbalète, Gallimard, lire ici), qui vient de sortir en poche (Folio).
Appartenant au genre du recueil de nouvelles, "Les orages" porte très judicieusement le mot d'"histoires" qui apparaît sous le titre. On pourrait aussi dire "éclats de vie" car ces treize textes sont autant de bijoux ciselés, donnant magnifiquement vie à leurs personnages. Pas un mot de trop mais des phrases souvent longues, tellement bien balancées, d'un art littéraire total et d'une expressivité telle qu'on se coule dans chacun de ces récits. L'émotion du cœur et l'émotion littéraire s'y rejoignent. Treize moments de bouleversement ou de retour à la lumière. Les textes disent "je" ou pas, sont parfois très courts, se passent ici ou en Afrique, terre chère à l'auteur.
Ainsi s'ouvre la première "histoire", intitulée "Souvenir de la lumière":
"C'est le 20 septembre 2013 qu'il fut donné à Ehlmann de vivre la scène qu'il me raconta la seule fois où je le vis, et dont il m'affirma d'emblée qu'elle avait changé sa vie - qu'elle allait la changer à jamais désormais, c'était du moins le serment qu'il se faisait à lui-même, qu'il venait de se faire, puisqu'elle s'était déroulée quelques jours à peine avant notre rencontre."
On entre ensuite dans la toute petite chambre des urgences pédiatriques, la 817, où Ehlmann et A., sa compagne, ont veillé leur enfant alors nourrisson pendant deux semaines. L'infirmière qui était présente et se rappelle de cette famille, la douleur d'un enfant, la présence de ses parents et leurs émotions, tout cela et la manière dont le narrateur a fait la connaissance d'Ehlmann, Sylvain Prudhomme nous le confie. Et il nous bouleverse.
Il y a aussi le grand-père qui ne veut pas admettre qu'il vieillit et que son petit-fils tente de protéger comme il le peut contre son inconscience. Les voisins qui exultent quand ils font l'amour à la grande inquiétude d'autres habitants du lieu. L'équipée au cimetière d'un quadragénaire et de ses parents, renversant le cours habituel des générations. Awa qui épluche des crevettes pour sa patronne en rêvant d'ouvrir son salon de beauté... Toutes ces "histoires" délicatement racontées, célèbrent l'humain, saisissent ses failles et ses façons de les combler. Qu'il est dur de refermer ces "Orages"!
Pour feuilleter en ligne le début du recueil "Les orages", c'est ici.
Palmarès de printemps
Les Académiciens Goncourt, réunis ce mardi 4 mai par visioconférence, annoncent les lauréates et lauréats des Goncourt de printemps 2021.
Goncourt du premier roman
Emilienne Malfatto, "Que sur toi se lamente le Tigre" (Elyzad)
préférée àAbigail Assor, "Aussi riche que le roi" (Gallimard)Olivier Hercend, "Zita" (Albin Michel)Dimitri Rouchon-Borie, "Le Démon de la colline aux loups" (Le Tripode, lire ici)
Goncourt de la nouvelle
Shmuel T. Meyer, "Et la guerre est finie" (Metropolis)
Shmuel T. Meyer, "Et la guerre est finie" (Metropolis)
préféré àSylvain Prudhomme, "Les orages" (L'arbalète Gallimard)Cyril Roger-Lacan, "Derniers jours" (Grasset)David Thomas, "Seul entouré de chiens qui mordent" (L'Olivier)
Goncourt de la biographie Edmonde Charles-Roux
Pauline Dreyfus, "Paul Morand" (Gallimard)
Pauline Dreyfus, "Paul Morand" (Gallimard)
préférée àMarianne Alphant, "César et toi" (P.O.L)José Alvarez, "Helmut & June, portraits croisés" (Grasset)Olivier Mony, "Louis Jouvet "(Folio inédit)Thomas Sertillanges, "Edmond Rostand, les couleurs du panache" (Atlantica)
Goncourt de la poésie Robert Sabatier
Le grand poète Jacques Roubaud, mathématicien, écrivain, essayiste, membre de l'OULIPO, qui aime à se définir comme un "compositeur de mathématiques et de poésie" est couronné pour l'ensemble de son œuvre (publiée chez de nombreux éditeurs).
Le grand poète Jacques Roubaud, mathématicien, écrivain, essayiste, membre de l'OULIPO, qui aime à se définir comme un "compositeur de mathématiques et de poésie" est couronné pour l'ensemble de son œuvre (publiée chez de nombreux éditeurs).
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