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vendredi 22 juillet 2022

Et le sombre natif de Sousse s'éveilla

LU & approuvé

Un petit garçon en tenue de cow-boy pose en couverture du livre "Le fils de la maîtresse" (Arléa, collection "La rencontre", 187 pages). Une photo d'époque, comme on dit. 1955. Ce gamin de six ans qui tient son revolver de la main gauche - à moins que la photo ait été inversée pour les besoins de la mise en page -, c'est Serge Toubiana, un Monsieur cinéma français. L'auteur de nombreux livres sur le septième art a aussi été critique et patron des "Cahiers du Cinéma". Il a dirigé la Cinémathèque française et préside aujourd'hui Unifrance, l'organisme chargé de la promotion et de l'exportation du cinéma français dans le monde.

Ici, il change de focale et se raconte depuis l'enfance. Une enfance heureuse en Tunisie, à Sousse précisément, où une petite communauté juive de  quatre mille personnes environ vivait sereinement. J'avoue que j'ai commencé le livre parce qu'il évoquait la Tunisie d'hier, celle des années 50. Et les pages de Serge Toubiana correspondent exactement à ce que j'en sais. Le mode de vie, le sandwich national souvent dénommé casse-croûte, le marché, les bains de mer... tout y apparaît avec justesse. Et joie.

Ce qui débutait comme un livre des souvenirs de l'enfance évolue logiquement vers un portrait de la mère, la maîtresse d'école du titre, et un du père, horloger de son état. Les courts chapitres racontent la vie un peu décalée des trois puis quatre enfants Toubiana dans une famille française qui s'affiche communiste. On suit tout cela dans la prose fort agréable de l'auteur qui pointe comment le cinéma entre très tôt dans sa vie, bien avant le départ définitif vers la France. Le narrateur balaie alors plus rapidement son existence, aimantée par le cinéma, mettant de plus en plus en lumière l'attention et l'amour de sa mère pour lui. Lui, un fils dont le caractère sombre s'éveille, qui fonce dans ses passions, dans ses amours, quitte à négliger celle qui l'a le plus soutenu, mais a agi dans l'ombre. Le livre de souvenirs devient un livre du repentir, celui du fils qui réalise trop tard ses erreurs mais comprend combien il est le fils de sa mère par le souci de transmettre qu'ils ont partagé dans leurs métiers respectifs, et en finale un livre de l'apaisement. "Nous vivons tous avec nos morts. Nous ne voulons pas rompre le lien."

Vibrant, plein d'amour et d'anecdotes, honnête aussi, "Le fils de la maîtresse" se lit avec bonheur qu'on aime la Tunisie ou le cinéma car il dit surtout une vie, avec ses joies, ses chagrins, ses interrogations et les surprises du destin.

"Le fils de la maîtresse" a reçu le prix Marcel Pagnol 2022, distinguant depuis 2000 un roman français venant s'inscrire dans la lignée de la "littérature des origines", celle qui évoque les découvertes et les émotions de la jeunesse. sur le thème du souvenir d'enfance.



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